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L'homme ne saura donc pas même à cet âge s'il y a un Dieu, ou s'il n'y en a point : toute la nature aura beau annoncer la gloire de son créateur, il n'entendra rien à son langage! Il existera, sans savoir à quoi il doit son existence! Et ce sera la saine raison ellemême qui le plongera dans ces ténèbres ! C'est ainsi, M. T. C. F. , que l'aveugle impiété voudrait pouvoir obsurcir de ses noires vapeurs, le flambeau que la religion présente à tous les âges de la vie humaine. St. Augustin raisonnait bien sur d'autres principes, quand il disait, en parlant des premiè res années de sa jeunesse. « Je tombai dès << ce temps-là, Seigneur, entre les mains de quelques-uns de ceux qui ont soin de vous << invoquer; et je compris par ce qu'ils me <<< disaient de vous et selon les idées que << j'étais capable de m'en former à cet âge-là, « que vous étiez quelque chose de grand, << et qu'encore que vous fussiez invisible, et << hors de la portée de nos sens Vous pou «viez nous exaucer et nous secourir. Aussi «< commençai-je dès mon enfance à vous << prier, et vous regarder commemon recours « et mon appui; et à mesure que ma langue

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« se dénouait, j'employais ses premiers mou« vemens à vous invoquer ». (Lib. 1. Confess. Chap. IX).

IX. Continuons, M. T. C. F., de relever les paradoxes étranges de l'auteur d'Émile. Après avoir réduit les jeunes gens à une ignorance si profonde par rapport aux attributs et aux droits de la Divinité, leur accordera-t-il du-moins l'avantage de se connaître eux-mêmes? Sauront-ils si leur ame est une substance absolument distinguée de la ma-. tière ? ou se regarderont-ils comme des êtres purement matériels et soumis aux seules lois du mécanisme ? L'auteur d'Émile doute qu'à dix-huit ans il soit encore temps que sou élève apprenne s'il a une ame: il pense que, s'il l'apprend plutôt, il court risque de ne le savoir jamais. Ne veut-il pas dumoins que la jeunesse soit susceptible de la connaissance de ses devoirs ? non. A l'en croire, il n'y a que des objets physiques qui puissent intéresser les enfans, sur-tout ceux dont on n'a pas éveillé la vanité, et qu'on n'a pas corrompus d'avance par le poison de l'opinion. Il veut, en conséquence, que tous les soins de la première éducation soient

appliqués à ce qu'il y a dans l'homme de matériel et de terrestre exercez, dit-il, son corps, ses organes, ses sens, ses forces; mais tenez son ame oisive, autant qu'il se pourra. C'est que cette oisiveté lui a paru nécessaire pour disposer l'ame aux erreurs qu'il se proposait de lui inculquer. Mais ne vouloir enseigner la sagesse à l'homme que dans le temps où il sera dominé par la fougue des passions naissantes, n'est-ce pas la lui présenter dans le dessein qu'il la rejette.

X. Qu'une semblable éducation, M. T. C. F., est opposée à celle que prescrivent, de concert, la vraie religion et la saine raison Toutes deux veulent qu'un maître sage et vigilant épie en quelque sorte dans son élève les premières lueurs de l'intelligence, pour l'occuper des attraits de la vérité; les premiers mouvemens du cœur, pour le fixer par les charmes de la vertu. Combien en effet n'est-il pas plus avantageux de prévenir les obstacles, que d'avoir à les surmonter ? Combien n'est-il pas à craindre que, si les impressions du vice précèdent les leçons de la vertu, l'homme parvenu à un certain âge ne manque de courage ou de volonté pour résister

résister au vice? Une heureuse expérience ne prouve-t-elle pas tous les jours, qu'après les déréglemens d'une jeunesse imprudente et cmportée, on revient enfin aux bons principes qu'on a reçus dans l'enfance ?

XI. Au reste, M. T. C. F., ne soyons point surpris que l'auteur d'Émile remette à un temps si reculé la connaissance de l'existence de DIEU : il ne la croit pas nécessaire au salut. Il est clair, dit-il par l'organe d'un personnage chimérique, il est clair que tel homme parvenu jusqu'à la vieillesse, sans croire en DIEU, ne sera pas pour cela privé de sa présence dans l'autre (monde), si son aveuglement n'a point été volontaire, et je dis qu'il ne l'est pas toujours. Remarquez, M. T. C. F., qu'il ne s'agit point ici d'un homme qui serait dépourvu de l'usage de sa raison, mais uniquement de celui dont la raison ne serait point aidée de l'instruction. Or une telle prétention est souverainement absurde, sur-tout dans le systême d'un écrivain qui soutient que la raison est absolument sainc. St. Paul assure qu'entre les philosophes païens, plusieurs sont parvenus, par les seules

forces de la raison, à la connaissance du vrai DIEU. Ce qui peut être connu de DIEU, dit cet apôtre, leur a été manifesté, DIEU le leur ayant fait connaître ; la considération des choses qui ont été faites dès la création du monde leur ayant rendu visible ce qui est invisible en DIEU, sa puissance même éternelle, et sa divinité; ensorte qu'ils sont sans excuse puisqu'ayant connu DIEU, ils ne l'ont point glorifié comme DIEU, et ne lui ont point rendu grâces; mais ils se sont perdus dans la vanité de leur raisonnement, et leur esprit insensé a été obscurci: en se disant sages, ils sont devenus fous (ƒ).

XII. Or, si tel a été le crime de ces hommes, lesquels bien qu'assujétis par les

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(f) Quod notum est DEI manifestum est in illis DEUS enim illis manifestavit. Invisibilia enim ipsius, à creaturâ mundi, per ea quæ facta sunt intellecta, conspiciuntur: sempiterna quoque ejus virtus et divinitas, ita ut sint inexcusabiles; quia quum cognovissent DEUM, non sicut DEUM glorificaverunt, aut gratias egerunt, sed evanuerunt in cogitationibus suis, et obscuratum est insipiens cor eorum: dicentes enim se essa sapientes, stulti facti sunt. Rom., c. 1, v. 19, 22.

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