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contre elle, si son enfance n'était dirigée par des maîtres pleins de vertu, de sagesse, de vigilance et si, durant tout le cours de sa vie, il ne fesait lui-même, sous la protection et avec les grâces de son DIEU, des efforts puissans et continuels? Hélas! M. T. C. F., malgré les principes de l'éducation la plus saine et la plus vertueuse, malgré les promesses les plus magnifiques de la religion, et les menaces les plus terribles, les écarts de la jeunesse ne sont encore que trop fréquens, trop multipliés; dans quelles erreurs, dans quels excès, abandonnée à elle-même, ne se précipiterait-elle donc pas ? C'est un torrent qui se déborde malgré les digues puissantes qu'on lui avait opposées ; que serait-ce done si nul obstacle ne suspendait ses flots, et ne rompait ses efforts?

IV. L'auteur d'Émile, qui ne reconnaît aucune religion, indique néanmoins, sans y penser, la voie qui conduit infailliblement à la vraie religion. Nous, dit-il, qui ne vou lons rien donner à l'autorité; nous qui ne voulons rien enseigner à notre Émile qu'il ne pût comprendre de lui-même par tout pays, dans quelle religion l'élèverons-nous?

à quelle secte aggrégerons-nous l'élève de la nature? Nous ne l'aggrégerons, ni à celle-ci, ni à celle-là ; nous le mettrons en état de choisir celle où le meilleur usage de la raison doit le conduire. Plût à Dieu, M. T. C. F., que cet objet eût été bien rempli ! Si l'auteur eût réellement mis son élève en état de choisir, entre toutes les religions, celle où le meilleur usage de la raison doit conduire, il l'eût immanquablement préparé aux leçons du christianisme. Car, M. T. C. F., la lumière naturelle conduit à la lumière évangélique ; et le culte chrétien est essentiellement un culte raisonnable ( d ). En effet, si le meilleur usage de notre raison ne devait pas nous conduire à la révélation chrétienne, notre foi serait vainé, nos espérances seraient chimériques. Mais comment ce meilleur usage de la raison nous conduit-il au bien inestimable de la foi, et de-là au terme précieux du salut? C'est à la raison elle-même que nous en appelons. Dès qu'on reconnaît un Dieu, il ne s'agit plus que de savoir s'il a daigné parler aux hommes, autrement que

(d) Rationabile obsequium vestrum. Rom., c.`

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par les impressions de la nature. Il faut donc examiner si les faits qui constatent la révélation, ne sont pas supérieurs à tous les efforts de la chicane la plus artificieuse. Cent fois l'incrédulité a tâché de détruire ces faits, ou au-moins d'en affaiblir les preuves; et cent fois sa critique a été convaincue d'impuissance. DIEU, par la révélation, s'est rendu témoignage à lui-même, et ce témoignage est évidemment très digne de foi (e). Que reste-t-il donc à l'homme qui fait le meilleur usage de sa raison sinon d'acquiescer à ce témoignage ? C'est votre grâce, ô mon DIEU! qui consomme cette œuvre de luinière; c'est elle qui détermine la volonté, qui forme l'ame chrétienne; mais le développement des preuves, et la force des motifs, ont préalablement occupé, épuré la raison ; et c'est dans ce travail, aussi noble qu'indispensable que consiste ce meilleur usage de la raison, dont l'auteur d'Émile entreprend de parler sans en avoir une notion fixe et véritable.

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V. Pour trouver la jeunesse plus docile

(e) Testimonia tua credibilia facta sunt nimis.

aux leçons qu'il lui prépare, cet auteur veut qu'elle soit dénuée de tout principe de religion. Et voilà pourquoi, selon lui, connaître le bien et le mal, sentir la raison des devoirs de l'homme, n'est pas l'affaire d'un enfant... J'aimerais autant, ajoute-t-il, exiger qu'un enfant eût cinq pieds de haut, que du jugement à dix ans.

VI. Sans doute, M. T. C. F., que le jugement humain a ses progrès, et ne se forme que par degrés. Mais s'ensuit-il donc qu'à l'âge de dix ans un enfant ne connaisse point la différence du bien et du mal, qu'il confonde la sagesse avec la folie, la bonté ave la barbarie, la vertu avec le vice? Quoi! à cet âge il ne sentira pas qu'obéir à son père est un bien, que lui désobéir est un mal. Le prétendre, M. T. C. F., c'est calomnier la nature humaine, en lui attribuant une stupidité qu'elle n'a point.

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VII. Tout enfant qui croit en DIEU, dit << encore cet auteur, est idolâtre ou anthropomorphite »>. Mais s'il est idolâtre, il croit donc plusieurs Dieux ; il attribue donc la nature divine à des simulacres insensibles. S'il n'est qu'anthropomorphite, en recon

naissant le vrai Dieu, il lui donne un corps. Or, on ne peut supposer ni l'un ni l'autre dans un enfant qui a reçu une éducation chrétienne. Que si l'éducation a été vicieuse à cet égard, il est souverainement injuste d'imputer à la religion ce qui n'est que la faute de ceux qui l'enseignent mal. Au surplus, l'âge de dix ans n'est point l'âge d'un philosophe : un enfant, quoique bien instruit, peut s'expliquer mal; mais en lui inculquant que la Divinité n'est rien de ce qui tombe > ou de ce qui peut tomber sous les sens; que c'est une intelligence infinie , qui, douée d'une puissance suprême, exécute tout ce qui lui plaît, on lui donne de DIEU une notion assortie à la portée de son jugement. Il n'est pas douteux qu'un athée, par ses sophismes, viendra facilement à bout de troubler les idées de ce jeune croyant : mais toute l'adresse du sophiste ne fera certainement pas que cet enfant, lorsqu'il croit en DIEU, soit idolâtre ou anthropomorphite; c'est-à-dire, qu'il ne croie que l'existence d'une chimère.

VIII. L'auteur va plus loin, M. T. C. F., il n'accorde pas même à un jeune homme de quinze ans, la capacité de croire en DIEV.

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