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d'une appréciation si difficile? Comment établir quelque chose de fixe et de régulier en présence de faits imprévus qui viennent tout modifier.-Lagelée des choux en Vendée, l'inondation des prairies qui bordent nos rivières, les commandes d'achats suspendues, peuvent à un moment donné et qui ne dure pas, amener une grande variation dans les cours.

Au milieu de ces difficultés, la logique nous conduit à rendre aux bouchers et aux consommateurs leur liberté entière et à laisser à la concurrence le soin d'équilibrer les prix dans une proportion équitable.

Dijon vient en exemple au fait que nous annonçons, La liberté de la boucherie qui y a été proclamée en 1842 n'a produit aucun des bons effets qu'on en attendait; le prix de la viande s'y est maintenu sans amélioration dans sa qualité, et les bénéfices qu'on avait rêvés pour la classe indigente ont été le partage des bouchers affranchis. Sans doute, on pourrait parer aux craintes d'une coalition et gèner singulièrement le monopole, en diminuant le droit d'entrée des viandes dépecées, mais le commerce a des allures et des voies frayées dont on le fait difficilement sortir, et d'ailleurs, les bouchers de la ville pourraient aussi bien exploiter ce moyen que ceux de la banlieue et de la campagne.

Un seul moyen radical existe, qui servirait de sauvegarde à la liberté et aux intérêts de tous, ce serait l'association des consommateurs opposée à la coalition des bouchers, établie dans un but de justice, d'économie et d'hygiène, les bénéfices ne seraient qu'accessoires pour elle; et alors en remplissant ce triple but, elle rendrait à une ville l'immense service d'introduire la moralité et la régularité dans toutes les transactions de la boucherie. En vue de cette concurrence légale et loyale, le boucher ne pourrait pas en établir d'autre. Il n'aurait recours qu'à son intelligence et à son exactitude, jointes à des bénéfices raisonnables pour augmenter et conserver ses pratiques. Des établissements de ce genre fonctionnent dans quelques villes en Europe, et notamment à Turin. D'excellents résultats en sont la suite, mais le dévouement n'est pas assez le fait de notre société actuelle, pour espérer que ces

innovations si désirables aient un prompt et rapide succès. Nous vivons tellement sous l'empire des faits accomplis, que nous refusons instinctivement toute espèce d'améliorations, et que nous avons un faible pour la taxe de la viande, sans nous apercevoir même que la viande de cochon n'a jamais été taxée à Angers.

Nous vous proposons donc, Messieurs, malgré que la logique et nos désirs nous attirent vers la liberté du commerce, une simple modification dans les habitudes actuelles, modification qui, en consacrant le principe de la taxe, est cependant de nature à détruire une partie de ses inconvénients et à satisfaire également les bouchers et les consommateurs.

La taxe scindée est, comme nous l'avons dit, d'une très difficile application, mais les difficultés disparaîtraient, si l'on combinait le système de la taxe avec la liberté.

Nous vous proposons de ne pas taxer le veau ni le mouton, en taxant la viande de bœuf et de vache, d'après trois qualités.

Le mouton est ici une viande de luxe; il n'est pas d'un usage très répandu, puisqu'il n'entre dans la consommation totale de la viande de boucherie, que pour un sixième, et dans celle de la viande en général, que pour un septième.

Le veau entre dans la consommation pour un quart environ; mais outre que son prix moyen n'est jamais très cher et dépasse rarement en moyenne 80 c.: dans les mois de mars, d'avril et mai, il ne vaut que 65 c. Cette espèce de viande se consomme forcément en partie dans la localité. Le marché en sera donc toujours parfaitement approvisionné, et les bouchers ne pourront jamais maintenir son prix à un taux élevé; - l'introduction de la viande dépecée ferait là une sérieuse concurrence à le boucherie. J'admets donc encore, qu'on n'établira point de taxe sur cette espèce de viande, dont l'indigent pourra, du reste, très facilement se passer, si je tarife la troisième qualité du bœuf à 60 c., comme je vais l'expliquer tout à l'heure, liberté donc encore pour cette espèce de viande. Reste la viande de bœuf et de vache.

D'après le système de la taxe unique qui régit en ce

moment-ci la boucherie d'Angers, nous pensons que les bénéfices de la boucherie, sur une taxe de 90 c., sont trop élevés et pourraient être ramenés à un taux plus bas, en fixant la taxe à 85 c. le kilo. Mais cette observation disparaît dans l'application d'une taxe triple que nous proposons; seulement tous nos calculs et toutes nos observations ayant été faits dans l'hypothèse d'une taxe unique, dont la boucherie de Grenoble nous a fourni les éléments, nous allons raisonner dans l'hypothèse de cette taxe unique, et nous passerons, par un calcul très simple, d'un système à l'autre.

Nous proposons d'allouer aux bouchers un bénéfice de 20 pour cent sur chaque animal abattu, après avoir déduit l'achat, la conduite, les droits d'octroi et d'abattoir. Cette proposition devra être l'objet d'une discussion approfondie entre le syndicat de la boucherie et l'Administration. Mais comme cette allocation exige la connaissance exacte de la mercuriale sur les marchés d'approvisionnement des villes de Cholet, Chemillé et Angers, il devient indispensable que l'Administration entre dans une nouvelle voie, en chargeant son inspecteur de la boucherie de suivre les marchés ci-dessus indiqués, et de connaître le prix de tous les bestiaux qui lui paraîtront propres à la boucherie d'Angers, et que lui désignera suffisamment la grande habitude d'inspection qu'il a acquise; indépendamment de ce fait qui servira de base, de pierre angulaire à la taxe, l'Administration d'Angers avisera, avec les villes de Cholet et de Chemillé, à la nomination, si cet usage n'existe déjà, de prudhommes qui devront faire, à chaque marché, un rapport sur le cours. Ces prudhommes seront mis en garde contre l'opinion généralement accréditée de la viande nette égalant la moitié de l'animal, base qui n'est pas exacte, puisque la viande nette dépasse d'autant plus la moitié du poids, que l'animal est plus gros et plus gras. Ce premier point établi, c'est-à-dire la connaissance exacte de la mercuriale fixée, le chiffre de 45 francs de bénéfice, par exemple, que je propose pour les bœufs de 600 kil., et de 30 francs pour les vaches de 460 kilo., poids moyen des animaux abattus dans le cours de 1849, fixé par l'administration et le syndicat, au XXII ANNÉE. 2e de la 2e Série.

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moyen du tableau no 1 appuyé sur les expériences consignées aux tableaux nos 6, 7 et 8, on se rendra un compte parfaitement exact des bénéfices.

Les expériences sont basées sur ce principe:

Un bœuf abattu et dépecé, doit toujours être reconstitué dans son poids debout, en pesant avec soin toutes les parties qui le composent.

On doit tenir compte au boucher de l'évaporation de la viande et de sa déperdition par suite des pesées au débit. Le chiffre de 5 pour cent déduit sur la viande nette, me paraît remplir cette condition. On lui tiendra également compte d'une réduction de 10 pour cent sur le suif, par suite du séchage.

La viande nette se compose : des deux quartiers, des deux épaules, du couart ou queue, de la viande des joues; de la langue, des rognons et des faux-filets.

La viande de banc comprend la peau, les boyaux, les poumons, le foie, le cœur, les quatre pieds et la tête dépouillée de ses joues. Tous ces déchets, moins la peau, sont livrés aux tripiers pour l'année 1849, au prix de 4 fr. par animal. Si l'on ajoute, à ces poids différents, celui du suif, de la peau verte, du sang et des excréments, l'animal devra être reconstitué. L'expérience nous l'a prouvé; vingt-quatre heures après, il n'en serait plus de même: là, vient cette réduction de 5 pour cent qu'on doit naturellement faire aux bouchers, et qui me peraît suffisante.

Du moment où les prix normaux du gain pour le bœuf et la vache types, cesseront d'être atteints par suite du changement dans la mercuriale, il y aura lieu à une nouvelle taxe.

Afin d'éviter des changements trop répétés, l'augmentation ou la diminution serait de 05 c. par kilogramme, sur la viande de première et deuxième qualités. Le prix de la troisième restant invariable.

Les classes pauvres ont été assez longtemps victimes de la taxe qui nous régit, pour qu'elles trouvent une compensation dans la taxe nouvelle.

J'ai la conviction que toutes les mesures proposées, bien exécutées, remédieront à tous les inconvénients signalés par une taxe unique, que le régime de la liberté illimitée,

n'est pas encore applicable, qu'il faut une période de transition, en attendant le moment où ce régime pourra être adopté.

Si l'Administration admet le mode que nous proposons, l'inspecteur de l'abattoir devra être tenu de mentionner pour chaque animal, sur le registre d'inspection, sa valeur vénale, après l'avoir fait peser avec soin; cette évaluation devant être aussi un des éléments de la taxe.

Il est possible de partager l'animal en trois ou quatre parties correspondantes aux trois qualités de viande, de manière à ce que le consommateur puisse reconnaître les qualités.

Du reste, un règlement de police devra intervenir pour que les trois qualités de viande portant étiquette soient toujours séparées dans l'étal, et qu'il ne puisse pas y avoir d'erreur possible.

L'énumération des divers morceaux pour chaque qualité, ferait également partie du règlement constamment affiché au lieu le plus apparent de l'étal, et rien n'empêcherait les morceaux d'être numérotés comme à Paris.

PIÈCES JUSTIFICATIVES.- N° 1.

ÉVALUATION DES BÉNÉFICES DES BOUCHERS D'ANGERS DANS L'ANNÉE 1849,

Bauf de 600 kilo., cours moyen 260 fr. 2o bonne qualité.

D'après la mercuriale qui fixe la viande sur pied à 80 c., ce prix ne devrait être que de 240 fr., car le boucher n'établit son calcul que sur 300 kilo. de viande nette.

Le boucher doit se contenter d'un bénéfice de 20 pour 0/0 dans son industrie. Le bénéfice d'un bœuf de 260 fr. doit donc être de 52 fr.

Le bénéfice sur une vache de 460 k., estimée 180 fr., doit être de 36 fr.

Le bénéfice sur un veau de 65 . (de 40 pour cent), estimé 25 fr., doit être de 10 fr.

Le bénéfice sur un mouton de 35 k. néant.

Bénéfice réel du bœuf de 600 k. pendant l'année 1849.

On ne compte la viande qu'à 90 c., quoiqu'elle ait valu 95 c. pendant sept mois. Mais le suif et la graisse avaient une

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