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ments. On a conseillé, entr'autres, d'arroser le tas de fumier avec l'acide sulfurique étendu, ou avec une dissolution de sulfate de fer. Mais si on fait attention au prix relativement élevé de cet acide, puisqu'il est de dix livres par tonne (1) et même plus, il restera très douteux que le bénéfice qui résulterait de son emploi sur les fumiers, compensât la dépense. Il y a quelques années, M. le professeur Henslaw fit des expériences d'où il conclut que l'emploi du gypse ou plâtre était avantageux pour l'usage en question. Quant à moi, je ne dirai pas que le résultat fut absolument avantageux : Il reste toujours à éclaircir la question économique qui, ici encore, ne paraît pas résolue. Le procédé suivi fut de répandre le plâtre réduit en poudre fine, par couches successives alternant avec les couches de fumier. On supposait que l'acide sulfurique qui forme presque la moitié du plâtre, abandonnerait la chaux, s'unirait à l'ammoniaque pour laquelle il a une grande affinité et la fixerait sous la forme de sulfate qui a plus de stabilité. On oubliait toutefois une condition essentielle; à savoir qu'il est nécessaire, pour opérer cette réaction, que le sulfate de chaux soit à l'état de dissolution. Or, ce sel exige cinquante fois son poids d'eau pour se dissoudre; il est évident que le plâtre employé en couches ne pourrait en trouver une aussi grande quantité dans le tas de fumier, et par conséquent, il n'y en aurait que très peu de dissous (2).

Il faut considérer que le sulfate de chaux, au prix de deux livres la tonne, est cinq fois meilleur marché que l'huile de vitriol dont il est un composé, et que son acide

(1) La tonne dont il s'agit contient vingt quintaux chacun de quatre quarts de 28 livres anglaises: cela fait 112 livres de quintal et 2240 livres la tonne, ou un peu plus 1000 kilogrammes.

La livre sterling vaut 20 shellings ou sous sterlings, qui équivalent chacun à 1 fr. 25 c.

(2) Il résulte des expériences directes de M. Mêne que le plâtre mélé à toutes les substances ammoniacales, à l'état humide, se transforme en sulfate d'ammoniaque, et que l'ammoniaque se trouve ainsi fixée. C'est à cette transformation qu'il attribue tous les bons effets du plâtre en agriculture. Il suffit donc d'arroser de temps en temps, le mélange de plâtre et de fumier pour retenir l'ammoniaque. (Voir les comptes-rendus de l'Académie des Sciences, 9 décembre 1850).

sulfurique, en ne tenant pas compte de la chaux qui reste, est encore deux fois et demie meilleur marché que l'acide libre. Il y a donc économie dans son emploi. Mais il serait fort pénible et fort dispendieux de dissoudre, d'une seule fois, le gypse dans une quantité d'eau suffisante, et de se servir de cette dissolution pour arroser de temps en temps le tas. Je suggérerais, comme plus économique, de faire pratiquer un puits ou une simple fosse très profonde au centre du tas de fumier, et d'une capacité à contenir l'eau nécessaire à ces arrosages. On tiendra cette fosse saturée de plâtre, et au moyen d'une pompe aspirante, on fera remonter la dissolution et on la répandra sur le fumier.

Plusieurs procédés divers ont été proposés dans le but de conserver le fumier et de retenir les gaz. Quand on le laisse longtemps mûrir ou se consommer, il est certainement très désirable d'empêcher qu'il se décompose. Or, rien ne contribue plus à le décomposer que l'oxygène de l'air et l'humidité. D'où il suit, que le comprimer le plus possible, pour le préserver du contract de l'air, est d'un excellent effet; ce que l'on peut faire, soit en le laissant fouler aux pieds des bestiaux, soit d'une autre manière. Il n'y a pas de meilleur fumier que celui qui a été bien piétiné par les animaux : le poids de la bête le condense à mesure qu'il se produit, et en même temps il se trouve garanti contre l'action de l'eau pendant plusieurs mois. Très peu d'ammoniaque s'évapore dans ces circonstances. C'est certainement un système vicieux d'être continuellement à retourner le fumier que l'on expose ainsi à un contact plus multiplié avec l'air. A l'avenir, on remuera moins le fumier que par le passé, parce qu'il sera moins recherché pour la fumure des turneps, les engrais concentrés étant bien plus profitables. Si ce dépôt de fumier est situé favorablement, il sera bien de continuer à le laisser mûrir autant qu'il est besoin, en le faisant fouler par les bêtes et le protégeant contre la pluie, Si on fabrique un engrais loin de la ferme, on devra chercher à le comprimer autant que possible, en faisant passer les charrettes par dessus, et immédiatement après, le couvrant de terre. Il est bien, également, de le recouvrir entière

XXII ANNÉE.

2e de la 2e Série.

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ment d'une couche de plâtre que les eaux de pluie dissoudront, et qui feront ainsi obstacle à l'évaporation de l'ammoniaque.

Les observations que nous avons faites sur ce fumier, sont propres à nous éclairer et à nous diriger dans l'application des engrais plus concentrés. Il arrive souvent qu'on obtient une meilleure récolte par l'emploi d'une quantité donnée d'engrais concentré, que par l'application d'une quantité de fumier contenant cependant tous les éléments renfermés dans le premier, et plusieurs même en beaucoup plus grande proportion. La cause de cette anomalie tient à ce que, dans l'engrais concentré, les éléments étaient à un état où ils sont plus promptement assimilables par les plantes, et encore à la propriété, que cet engrais a communiquée aux plantes, d'extraire progressivement et plus promptement de l'atmosphère une plus grande quantité de leur nourriture. Voilà la raison pour laquelle ces engrais sont efficaces, quand ils sont donnés aux plantes racines, qui étant pourvues de grandes feuilles, présentent une surface étendue à l'atmosphère, et peuvent en extraire la plus grande portion de leurs aliments. En général, tout engrais qui pousse ces plantes à se développer avec plus de rapidité, leur donne la faculté d'absorber, dans l'air, une plus grande quantité de nourriture. C'est de cette source, en effet, que dérive la majeure partie du carbone qui constitue la portion la plus considérable de leur masse, et c'est par celle voie, également, qu'elles reçoivent une grande partie de leur azote. Quant aux éléments terreux ou aux principes constituants inorganiques, les plantes ne peuvent les puiser que dans le sol ou les engrais; aussi, ces derniers éléments doivent ils être considérés comme la partie des engrais la plus importante. C'est pourquoi, dans la culture des plantes racines, en particulier, si nous donnons au sol un supplément abondant de ces éléments terreux, nous obtiendrons une bonne récolte, mais si nous ne le faisons pas, le déficit sera inévitable quelqu'abondants que puissent être les éléments organiques.

La grande économie qu'il y a à employer les engrais concentrés, de préférence au fumier d'étable, dans la

culture des plantes-racines, ne peut plus étre sujet à discussion, mais doit être adınise comme un fait irrécusable. Toutefois, il y des propriétaires, particulièrement dans l'Angleterre méridionale, qui, pour la culture des turneps ou raves de Suède, se contentent facilement d'un engrais médiocre. Mais si la dépense de vingt sous sterling par acre, au-delà de celle qu'on fait habituellement, produit une récolte qui surpasse, de cinq à six tonnes, la récolte ordinaire, qui pourrait en mettre en doute l'utilité? Que l'on puisse compter sur un tel succès, je pense que tout agriculteur qui en a fait l'expérience peut l'affirmer. Que l'on considère, en outre, que la production de ce surcroît de la récolte ne cause aucune autre augmentation de dépense pour la main-d'œuvre et la culture que la dépense elle-même de l'engrais. Le propriétaire ne peut mieux employer son argent qu'à obtenir d'abondantes et lourdes récoltes de plantes-racines et de tubercules, et bien que nous soyons loin de déprécier la pratique de se servir du blé et des graines de lin pour l'alimentation des bestiaux, cependant nous faisons remarquer qu'on absorbe ainsi une portion du capital qui pourrait être bien plus utilement employé à se procurer des engrais concentrés.

L'auteur s'occupe ensuite du Guano, de ses qualités et de ses différentes espèces. Il donne les caractères extérieurs pour reconnaître leur provenance et l'analyse chimique de plusieurs. Ce qui fait la richesse de cet engrais, ce qui le rend vraiment précieux et supérieur à tous les autres engrais concentrés, c'est qu'il renferme en très grandes proportions les phosphates et les sels ammoniacaux qui sont, au jugement des hommes de la théorie et de la pratique, les éléments inorganiques et les éléments organiques qu'il importe le plus de rendre, par des engrais, au sol cultivé, parce que c'est de phosphore et d'azote, surtout, que l'enlèvement des récoltes appauvrit la terre. Toutefois il y a encore un choix à faire des diverses espèces de guano suivant la culture, leur état de division n'étant pas le même, ni la proportion relative des phosphates et des sels ammoniacaux. On a remarqué aussi quelquefois que le guano brûlait la semence quand

'il était trop riche en sels ammoniacaux. Pour éviter cet effet, quand on donne au sol cet engrais puissant, il faut en répandre une partie à la main comme on fait pour le grain et le jeter mêlé à un terreau très fin, ou mieux encore à une égale quantité de charbon animal, lequel, outre l'avantage de garantir la semence contre l'action trop vive du guano, lui fournit en même temps les éléments dont ce dernier est pauvre.

Le guano du Pérou, le plus fin et le plus riche en azote, le plus convenable pour le blé par conséquent, contient jusqu'à 50 pour cent de matières animales azotées et 38 pour cent de phosphates, parmi lesquels il y a encore des phosphates ammoniacaux, c'est-à-dire de l'azote,

Le guano de la baie de Saldanha renferme seulement 19 pour cent de matière organique azotée et de matière saline combustible, et 61 pour cent de phosphate de chaux, c'est-à-dire de terre d'os presque pure.

On voit par là combien peuvent différer dans leur composition, les différentes espèces de guano.

Onattribue aux engrais concentrés qui, comme l'azotate de soude, le sulfate d'ammoniaque, etc. consistent seulement pour la majeure partie en deux ingrédients, le grand désavantage, quand on les emploie à la place des autres engrais, d'agir par leur action stimulante sur la plante, de façon à épuiser le sol des autres éléments et particulièrement de ceux d'espèce inorganique. Ce reproche ne peut guère être fait aux engrais inorganiques, bien qu'ils puissent ne contenir que très peu de matériaux, parce qu'il y a d'autres sources qui peuvent fournir les éléments organiques. Quant aux azotates et aux sulfates, on les mettra à l'abri de cette objection, en ne les répandant sur les sols ensemencés, que comme une addition aux autres engrais.

Il se présente naturellement à l'esprit du lecteur, cette considération, que s'il ne convient pas d'employer les engrais concentrés, en même temps que le fumier, on doit du moins les faire alterner. De cette manière, la paille pourrie, qui forme la nourriture de la paille ellemême, sera distribuée également au sol. Dans les champs éloignés de l'habitation, ou qui sont situés sur les côteaux,

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