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contient deux fois plus d'acide sulfurique que d'acide phosphorique. Quoique l'acide phosphorique puisse être considéré comme le plus important des éléments inorganiques, cependant il y en a d'autres, également, qui sont très essentiels, comme les alcalis: potasse, soude et chaux. Mais ils abondent dans la plupart des terrains, parce qu'ils dérivent naturellement de la désagrégation des roches. On les obtient également, en grande quantité, en brûlant les végétaux dans l'opération connue sous le nom d'écobuage, et aussi, quoique en moindre quantité, du fumier et des autres engrais. Il est rare qu'il soit très dispendieux de se les procurer. Toutefois, un des principaux objets de l'analyse des terrains, est de reconnaître quels sont ceux de ces alcalis qui abondent ou qui manquent dans un sol donné, afin de pouvoir lui fournir celui dont il a besoin.

Bien que nous soyons complètement disposé à admettre le puissant et utile secours que la science chimique est capable de rendre aux opérations agricoles, nous n'allons pas jusqu'à prétendre que tout agricultenr doit être un habile chimiste pour diriger fructueusement les travaux agraires. L'habileté, en chaque métier ou profession, ne s'acquiert que par un long et continuel exercice, une pénible attention, beaucoup d'étude et de travail. Aussi en chimie, pour devenir un analyste expert, il faut plusieurs années d'une application infatigable. Le minutieux examen d'un terrain ou d'un engrais exige, outre beaucoup d'habileté, l'usage et la pratique d'appareils divers et d'instruments délicats. En général donc, les agriculteurs ne peuvent être capables d'analyser, eux-mêmes, leurs terrains et leurs engrais; mais ils doivent être capables de comprendre de quelle utilité il est, pour eux, d'appeler la science à faire ces analyses et de se laisser guider par ses conseils. Ainsi donc, des notions générales et précises de chimie, sont d'une très grande importance pour l'agriculteur, parce qu'elles le mettent à portée de connaître et d'apprécier les travaux des chimistes, et d'évaluer, avec soin, leurs relations directes avec les opérations agricoles.

Les principes, qui regardent l'application des engrais,

peuvent être invoqués comme un des plus puissants arguments pour prouver les utiles directions que la chimie est capable de donner à l'agriculture. Il s'agit, en effet, ici, d'un objet qui, à raison de la dépense d'argent qu'il entraîne, est de première considération pour le cultivateur. Aussi, la théorie des engrais est-elle devenue un sujet tout particulier des études agricoles, depuis que l'introduction, sur une très grande échelle, du guano et des autres engrais concentrés, a produit une si remarquable révolution dans les systèmes de cultures, sous le rapport de l'application au sol des substances fertilisantes.

Plaçons d'abord, ici, quelques observations préliminaires concernant les principes qui règlent la pratique de l'art d'engraisser la terre.

En premier lieu, nous ferons remarquer que l'engrais le plus important qu'ait eu à sa disposition, depuis des siècles, la majorité des cultivateurs, celui qui a toujours été regardé comme le seul moyen d'entretenir la fertilité des terres, est le fumier d'étable. On aura beau introduire de nouveaux engrais, on ne parviendra jamais à faire abandonner l'usage de cet agent matériel que recommande son antiquité, une longue habitude, et enfin cette supériorité, qu'il a réellement sur les autres engrais, de contenir tous les éléments constituants des plantes. Cependant, malgré cet avantage, il a deux défauts essentiels, son volume et sa pauvreté, ou pour mieux dire, sa pauvreté en comparaison de son volume. La quantité, qu'il en faut pour engraisser un hectare de terrain, est si grande, que les frais de son transport égalent son prix d'achat. Le fumier d'étable, en effet, ne possède qu'en faible quantité les composés les plus importants, les phosphates et l'ammoniaque, et, au contraire, il renferme en trop grande proportion les composés charbonneux et siliceux, et de l'eau par dessus tout. Il est indispensable que la totalité de la paille soit rendue à la terre, mais en le faisant, on perd une partie du rendement du sol cultivé. Comment remédier à cet inconvénient? Il y a deux moyens: ou rendre l'engrais, lui-même, de plus grande valeur intrinsèque, ou de donner soit à l'engrais, soit à la terre, de

temps à autre, les substances qui n'y sont pas, ou n'y sont qu'en trop faible quantité. L'emploi des gâteaux de marc de colza ou de lin, pratiqué en plusieurs lieux, est un des plus puissants moyens d'enrichir le fumier; en effet, douze charretées d'excréments de bestiaux, nourris avec ces tourteaux, égalent vingt-quatre charretées de fumier commun d'étables. Cela est dû à ce que la graine de lin contient, outre une grande proportion d'huile et d'albumine, une très notable quantité de phosphate de chaux, qui, n'étant point réclamé par la nourriture de l'animal, est presque entièrement restitué par les engrais et sous une forme qui se prête facilement à son assimilation par les plantes. Les avantages que la graine de lin, donnée en nourriture aux bestiaux, fait acquérir aux déjections animales, mettent en évidence les défauts que nous avons signalés dans le fumier ordinaire. Du reste, que nous enrichissions le fumier avec les excréments d'animaux nourris avec des tourteaux, soit que nous mêlions directement les tourteaux avec l'engrais concentré, nous obtiendrons le même résultat. Les moyens différent seulement dans la pratique, selon les convenances.

L'avantage de l'une des méthodes sur l'autre dépend, en effet, des circonstances: tels sont la nature du domaine qu'on exploite, le système de culture qu'on y suit et la valeur relative de l'huile de lin ou de colza et celle du fumier. Une chose, toutefois, est certaine, c'est que l'une ou l'autre méthode, ou toutes les deux combinées, ce qui peut se faire avec grand avantage, sont de nature à améliorer notablement l'agriculture. Ajoutons, cependant, que si le fumier peut être enrichi en nourrissant les bestiaux avec les tourteaux de marc, et si on obtient ainsi un engrais suffisant pour le froment, il n'en est pas de même quand on l'emploie pour les plantes tuberculeuses et les plantes-racines qui peuvent, au contraire, venir beaucoup mieux par l'addition judicieuse d'autres engrais. Aujourd'hui on ne regarde plus, comme aussi nécessaire, d'employer les tourteaux pour enrichir le fumier, et l'on peut obtenir le même résultat en recourant à d'autres préparations.

Plusieurs agronomes estimés, prétendent que le simple

fumier peut être donné aux récoltes racines et aux tubercules, puisqu'on engraisse très bien la terre qui doit les recevoir en y faisant paître les troupeaux. Ce système, toutefois, a fait place à un autre système, surtout dans les terres légères, lequel consiste à appliquer tout le fumier à la culture des céréales et à donner exclusivement les engrais concentrés aux raves et aux turneps (1). Il faut reconnaître, en effet, qu'on obtient généralement de meilleurs résultats de l'administration de ces engrais à la production des turneps qu'à celle du blé. Il paraît indubitable, que plus de la moitié du fumier que l'on donne aux turneps est perdu pour ces plantes. Puisque le turneps ne tire bénéfice du fumier que par quelques éléments, tels que les phosphates, qui y sont en très faible quantité, il est économique de lui subtituer un autre engrais beaucoup moins volumiueux. On adopte, assez souvent, une modification de ce système on engraisse les turneps à moitié avec le fumier d'étable, et on achève avec une quantité suffisante d'un autre engrais spécial. Ce système est suivi quand on veut retirer du sol, avant maturité, une partie des racines. Il y a lieu de douter, cependant, si cette pratique n'est pas toujours moins bonne que celle qui emploie les engrais concentrés pour préparer entièrement un sol à recevoir des turneps. Mais, du moins, quelle que soit l'opinion que l'on garde sur l'emploi du fumier d'étable, pour ce genre de culture, on doit reconnaître qu'il y aurait de l'avantage à acheter du fumier pour cet objet. Pourtant c'est l'ordinaire pratique de plusieurs propriétaires d'employer leurs chevaux à aller chercher, dans les villes voisines, du fumier de qualité inférieure, lequel, après avoir exigé l'emploi d'une couple de chevaux et d'un charretier pour un jour, est mis en tas et laissé ainsi plusieurs mois pour que la fermentation s'achève. Il est très vrai, que quand on mène une charretée de foin ou de blé à la ville, en ramener une voiture de fumier au lieu de revenir à vide, cela n'augmente pas la dépense. Mais l'habitude est telle, qu'elle ne se limite

(1) Le turneps est une espèce de navet très cultivé en Angleterre pour la nourriture des bestiaux.

pas à ces circonstances; plusieurs propriétaires et fermiers conservent des chevaux, au-delà de leurs besoins, uniquement pour faire de tels transports. Il est facile de calculer exactement la dépense qu'il faut faire pour fumer un arpent de terre, d'après ce système; en admettant qu'il faut six charretées de fumier par acre anglais, au prix de 10 sous sterling chacun, ce serait 3 livres en tout; les frais de transport ne monteraient pas à moins de 3 autres livres ; le mettre en tas et le ramasser, de temps en temps, une fois en tas, exigerait encore bien 1 livre; de sorte que la dépense s'éleverait à environ 7 livres pour fumer un acre de turneps, avec un fumier inférieur, qui ne pourra conséquemment produire les bons effets qu'on aurait obtenus avec le quart de cette même somme, judicieusement employée à acheter un engrais spécial. Bien qu'on ne puisse appliquer le même calcul, s'il s'agit de fumer la terre pour le froment, on reconnaîtra, cependant, qu'il serait avantageux de donner, au champ de froment, la moitié seulement du fumier qu'il demanderait d'après la pratique commune, et de suppléer à ce qui manque, à l'aide du guano ou d'autres engrais concentrés.

Il faut aussi considérer le temps que réclame le transport du fumier, pour engraisser les turneps dans une saison de l'année, où le temps propice pour le travail est précieux, et où on court danger de perdre des journées favorables à l'ensemencement des terres; perte et danger que ferait éviter l'application d'un engrais concentré. Une objection de beaucoup de poids, contre la pratique de conserver le fumier pendant une si longue période que celle qui est nécessaire pour en réunir la quantité suffisante pour engraisser le froment, est le déchet que cette conservation fait éprouver au fumier. Une portion considérable des gaz les plus importants, comme l'acide carbonique et l'ammoniac se volatilisent pendant la fermentation et se répandant dans l'atmosphère, sont perdus pour le sol; d'autre part, plusieurs principes constituants du fumier, les sels solubles sont dissous et entraînés par les eaux pluviales. On a proposé diverses méthodes pour traiter le fumier en vue de ménager et de retenir ces élé

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