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et nous ne pouvons pas croire encore qu'un si grand nombre de religieux respectables, qui n'envient d'autre liberté que celle de rester dant leur état, rétractent au fond du cœur le vœu de leur profession.

« Ce vœu reste toujours le même, tel qu'il fut prononcé dans la solennité de leur profession, sous l'autorité des lois de l'Église et de l'État.

« Le vœu de religion est une promesse faite à Dieu de passer sa vie dans la pratique des conseils évangéliques, selon une règle approuvée par l'Église.

<< Celui qui viole sa promesse commet un parjure. La religion lui rappelle un souvenir qui le condamne, le souvenir des obligations qu'il a contractées; elle n'a pas besoin de force coactive pour exercer sa censure; elle n'en a que plus de pouvoir sur la conscience quand elle agit par la persuasion: la persuasion ne laisse point de milieu entre l'obéissance ou les remords.

« Les engagements monastiques subsistèrent longtemps en France sans emprunter l'autorité des lois; et dans ces temps où la loi civile ne veillait point à la porte des monastères, les canons des conciles marquaient aux religieux les limites qu'ils ne devaient pas franchir.

« Quand la puissance temporelle confirma les instituts monastiques, le vœu solennel eut des effets civils ajoutés à ceux de la profession religieuse; ce sont ces effets civils que la loi civile pouvait abolir. L'Église aurait senti la perte de ces établissements, dont elle avait consacré dans tous les temps la pieuse institution; mais elle n'aurait pas à gémir sur la proscription de ses propres conseils, qui sont ceux de Jésus-Christ dans l'ordre de la perfection évangélique. La loi civile peut révoquer les obligations qu'elle impose, et refuser sa sanction aux vœux qui ne sont point encore prononcés; mais elle ne peut pas méconnaître des vœux monastiques solennels qu'elle même a sanctionnés. Elle ne peut pas détruire des barrières qu'elle n'a point élevées, celles de la conscience; elle ne peut ni ne veut anéantir la foi du serment.

<< Rien n'est plus sacré dans toutes les nations que la foi du

serment.

« Les citoyens sont appelés d'un bout de la France à l'autre à prêter le serment civique; et ce n'est pas en autorisant les religieux à faire un parjure qu'on pourrait faire sentir aux citoyens la nécessité d'accomplir un serment.

« On se demande avec étonnement en quoi consiste la sup

pression de l'institut religieux dans les maisons subsistantes et conservées.

«Est-ce que les vœux solennels n'ont pas été prononcés ?

« Est-ce que les vœux n'ont pas été reconnus, autorisés et sanctionnés par les lois de l'Église et de l'État ?

« Est-ce que ceux qui les ont faits ne sont plus dans l'obligation de les remplir?

« Est-ce la nullité des vœux qu'on prononce; et s'il n'y a point de nullité, comment pourrait - on annuler une profession qui n'existe que par la validité des vœux ? Ce serait l'annuler que de ne pas la reconnaître, puisque c'est par le simple défaut de cette reconnaissance qu'on supprime les ordres et les congrégations. Comment pourrait-on penser que la profession religieuse n'existe plus quand les vœux ont été prononcés et quand l'État les a reconnus ?

« Quel est le religieux pénétré des sentiments de la religion qui puisse quitter sa maison, son habit et sa règle sans la dispense des supérieurs que l'Église lui a donnés ?

« Comment peut on supprimer les chapitres réguliers, et les abbayes et prieurés en règles, aussi longtemps que doit être observée la loi de la conventualité ?

« On supprime les monastères de l'un et de l'autre sexe.

<< Croit-on que, dispersées par leur propre choix dans un monde qui leur est étranger, des religieuses, vouées par tous leurs sentiments à leur profession, renonceront d'elles-mêmes à la pratique des devoirs de leur vie entière; elles n'ont point appris à violer leur règle et leur clôture; elles ont concentré leurs regards et leurs pensées dans l'enceinte des lieux saints qu'elles ont choisis pour leur demeure. On parle trop souvent des malheureuses victimes d'une vocation prématurée et d'un vœu téméraire on en parle pour accuser leur état, et non pour plaindre leur destinée. Nous pouvons assurer, par une expérience suivie, qu'il en est bien peu qui n'éprouvent pas le désir et même le besoin de vivre dans leur état; aucune tentation n'a pu les séduire, et les espérances nouvelles ne les ont point troublées. C'est une suite non interrompue d'exercices de piété, qui renouvelle une première impression toujours semblable; c'est la religion qui remplit leur solitude et conserve ou ramène la paix dans leur société. On ne pourrait pas les arracher à leur cellule, à leur église, à leur maison, sans leur faire éprouver le tourment le plus sensible. On sait quels sont les soins assidus de celles qui se desti

nent soit à des œuvres de charité, soit à l'éducation publique. On sait combien leur piété constante, leur attention concentrée dans leurs occupations, leur douce activité, leur sensibilité pleine d'intelligence, les rendent propres à soulager les besoins de l'humanité souffrante: elles peuvent mieux former, dans l'âge le plus tendre, par l'éloignement du monde et par l'habitude des règles, les vertus uniformes et paisibles qui doivent prévenir les dangers dans l'âge de la séduction; et leur institution, précieuse à la patrie, donne aux familles des épouses vertueuses et des mères respectées.

« Il faut le dire, malgré les opinions qui règnent dans la capitale: l'état religieux de l'un et de l'autre sexe a conservé l'affection du peuple dans les lieux où les communautés sont riches, nombreuses et régulières; cette affection du peuple est sa reconnaissance. Il n'est pas douteux que les maisons religieuses répandent autour d'elles l'aumône, le travail et l'aisance. Il n'y a point d'établissements qui servent davantage à retenir la richesse dans les lieux mêmes, à la faire circuler dans toutes les classes, à distribuer les secours en proportion des besoins. Combien on pourrait rendre utiles dans leur retraite des hommes laborieux et charitables, que leur profession avait affranchis des soins importuns de la vie! La religion perfectionne les inclinations vertueuses; et c'est en offrant ses saints asiles aux citoyens de toutes les classes, selon leur esprit et leur caractère, qu'elle semblait avoir préparé pour l'État les écoles toujours renaissantes des lettres, des sciences et des mœurs.

FIN DES PIÈCES JUSTIFICATIVES.

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