Page images
PDF
EPUB

A la nouvelle de sa mort la France respire, le crime perd de son audace, la probité ose se montrer. La religion même commence à reparaître : l'opinion publique si longtemps étouffée bénit le retour de l'humanité; elle invoque même assez haut le culte de la vertu pour se faire respecter des législateurs, qui, malgré eux, s'occupent à la satisfaire. Le Directoire, héritier des passions et des haines antireligieuses de la convention, entreprend par des décrets timidement cruels d'étouffer dans leur premier essor les nobles instincts qui se réveillent dans le peuple français. Aux arrêts de mort il fait succéder des arrêts de déportation, tandis que par ses armées républicaines il exerce sa rage d'impiété au centre même de l'unité catholique. Dans l'espoir d'asservir l'Église dans son chef, il fait traîner le Souverain Pontife en deçà des monts; mais la présence du vicaire de Jésus-Christ ressuscite parmi nous l'antique religion de nos aïeux, et le vénérable Pie VI, doublement grand et par son rang et par ses malheurs aux yeux d'une nation naturellement généreuse, arrive au lieu de son dernier exil à travers des populations prosternées devant lui.

Napoléon, maître absolu d'un pouvoir qu'il avait d'abord partagé avec deux collègues, a compris la France; mais il a trop consulté son ambition : il a fondé son système de puissance sur les besoins des cœurs; et au lieu de servir la religion, il a voulu que la religion servît ses projets; mais la religion est une souveraine et non une esclave; elle donne des préceptes et des ordres, et n'en reçoit pas. On peut mépriser sa puissance et braver ses lois; on n'échappe jamais aux peines qui les sanctionnent. Napoléon l'oublia, et il se perdit : il calcula sur ses propres intérêts les services qu'il lui rendit; il rouvrit les

temples et rappela les ministres du culte, mais il voulut régler leurs devoirs sur ses volontés; il rétablit quelques communautés religieuses, mais il entreprit d'enchaîner l'esprit de l'Évangile; enfin, au lieu de rendre à l'Église ses droits et ses prérogatives, il prétendit lui imposer des lois; et Napoléon, précipité du faîte de sa puissance colossale, fut relégué sur un rocher perdu au milieu des mers.

La religion depuis lors a vu s'agiter autour d'elle bien des vicissitudes: aucune ne lui a apporté la pleine liberté de son action; on lui dispute encore le droit d'enseigner les hommes et de former des chrétiens sur le modèle de son divin chef. L'avenir sera-t-il enfin plus juste pour elle? cet avenir est-il bien éloigné? Nous ne le savons pas; mais ce que nous savons, c'est que l'œuvre de Jésus-Christ s'accomplira malgré les hommes; c'est que tant que brillera sur la terre le feu céleste que cet Homme-Dieu est venu y allumer, il embrasera les cœurs qui s'en approcheront; et ce feu sacré ne s'éteindra qu'avec le monde (1); ce que nous savons encore, c'est que quiconque, faible ou puissant, osera heurter la pierre angulaire sur laquelle est élevé l'édifice de l'Église se brisera contre elle (1). La politique ne se joua jamais impunément de la religion.

(1) Luc., 12-49.

(2) Matt., c. 24, v. 44.

FIN.

PIÈCES JUSTIFICATIVES.

a

PIÈCES JUSTIFICATIVES.

N° 1.

INSTRUCTIONS DONNÉES PAR LA MARQUISE DE POMPADOUR A L'AGENT SECRET QU'ELLE ENVOYA A ROME POUR Y NÉGOCIER FRAUDULEUSEMENT SA RÉCONCILIATION AVEC L'ÉGLISE.

« Au commencement de 1752, déterminée (par des motifs dont il est inutile de rendre compte) à ne conserver pour le roi que des sentiments de la reconnaissance et de l'attachement le plus pur, je le déclarai à sa Majesté en la suppliant de faire consulter les docteurs de Sorbonne, et d'écrire à son confesseur, pour qu'il en consultât d'autres, afin de trouver des moyens de me laisser auprès de sa personne (puisqu'il le désirait) sans être exposée aux soupçons d'une faiblesse que je n'avais plus. Le roi, connaissant mon caractère, sentit qu'il n'y avait pas de retour à espérer de ma part, et se prêta à ce que je désirais. Il fit consulter des docteurs, et écrivit au P. Pérusseau, lequel lui demanda une séparation totale: le roi lui répondit qu'il n'était nullement dans le cas d'y consentir, que ce n'était pas pour lui qu'il désirait un arrangement qui ne laissât point de soupçon au public, mais pour ma propre satisfaction; que j'étais nécessaire au bonheur de sa vie, au bien des affaires, que j'étais la seule qui osât lui dire la vérité, si utile aux rois.

« Le bon père espéra dans ce moment qu'il se rendrait maître de l'esprit du roi, et répéta toujours la même chose. Les docteurs firent des réponses sur lesquelles il aurait été possible de s'arranger si les Jésuites y avaient consenti. Je parlai dans ce temps à des personnes qui désiraient le bien du roi et de la religion; je les assurai que, si le P. Pérusseau n'enchaînait pas le roi par les sacrements, il se livrerait à une façon de vivre dont tout le monde serait fâché. Je ne persuadai pas, et l'on vit en peu de temps que je ne m'étais pas trompée. Les choses en res

« PreviousContinue »