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vérant dans les mêmes sentiments et dans les mêmes principes de charité, malgré toute la difficulté des circonstances où nous nous trouvons, nous avons donné les ordres nécessaires pour que les nouveaux réfugiés fussent accueillis et entretenus non seulement à Rome, mais encore dans les provinces de nos états.

C'est dans cette vue que nous avons fait adresser, le 10 du mois d'octobre dernier, une circulaire à nos vénérables frères les archevêques et évêques des pays soumis à notre domination, pour les engager à participer, eux et leur clergé, ainsi que les pieuses communautés de leurs diocèses, à cette œuvre de miséricorde. et à seconder nos vœux paternels. Bientôt non seulement nos vénérables frères et le clergé tant régulier que séculier de leurs diocèses, mais grand nombre de laïques de toute condition, s'empressant, par une émulation digne de tous les éloges, de suivre notre exemple, le nombre des nouveaux hôtes accueillis par nous depuis l'invasion de la Savoie et du comté de Nice, s'est augmenté au point de s'élever jusqu'à plus de deux mille.

« Nous savons que beaucoup d'autres ecclésiastiques français, grâce à la protection que leur accorde notre très cher fils en Jésus-Christ François, élu empereur des Romains, se sont rendus en Allemagne, où ils n'ont pas eu besoin de nos exhortations pour trouver les secours et les soulagements que réclame leur position. Car nous n'ignorons pas, vénérables frères et chers fils, combien votre piété et votre charité surpassent la gloire de vos ancêtres, si célèbres dans nos plus anciennes annales par leur humanité et par l'empressement et la générosité avec laquelle ils s'acquittaient envers les étrangers des devoirs sacrés de l'hospitalité.

« Nous en avons de nouveaux témoignages dans la lettre que nos respectables confrères MM. l'archevêque de Paris, les évêques de Comminges, de Nimes, de SaintMalo, de Tréguier, de Lisieux nous ont écrite, en date du premier de ce mois, lettre dans laquelle ils nous parlent avec autant d'éloge que de reconnaissance de l'accueil charitable et empressé qu'ils ont éprouvé à Constance, et comme eux d'autres ecclésiastiques près de cette ville dans les deux abbayes de Pétershausen et d'Orentzlingen. Par le même courrier, ils nous demandaient d'employer nos bons offices auprès des prélats, évêques, abbés et chapitres de l'empire, et nos recommandations en faveur des prêtres français expatriés, qui ont tant souffert pour la défense de la foi et de l'unité catholique. C'est pour satisfaire à ce vœu si légitime de leur part que nous vous adressons cette circulaire, plutôt pour rendre hommage au zèle avec lequel vous avez déjà prévenu nos demandes, que pour appuyer par de nouvelles sollicitations la cause de ces dignes athlètes de Jésus-Christ, toujours assez puissamment recommandés par le caractère des intérêts qu'ils ont soutenus héroïquement et par l'éclat de leurs vertus.

« Nous déposons ici le sentiment consolateur qui se mêle aux souffrances pénibles qui nous accablent de toutes parts, sentiment que nous inspire la ferme confiance où nous sommes intimement que vous aurez toujours devant les yeux, nos vénérables collègues dans l'épiscopat, cette excellente maxime de l'apôtre : Oportet episcopum esse hospitalem: maxime si fort recommandée par les saints Pères et par les conciles même. « La maison de l'évêque, dit S. Jérôme, doit être un asile ouvert ⚫ à tout le monde; le laïque qui reçoit un, deux ou quel

«ques étrangers, plus ou moins, remplit le devoir de « l'hospitalité; l'évêque pèche contre l'humanité s'il ne << reçoit pas tous ceux qui se présentent. » Ce sont les propres termes du sixième concile de Paris.

« Nous sommes également animé de l'espérance que vous aussi, nos chers fils, abbés et abbesses, vous aurez sans cesse présent à l'esprit et que vous justifierez par vos œuvres ce précepte que S. Bénoît donne aux religieux que l'abbé ait toujours quelques étrangers à sa table, et l'abbesse, à l'entrée du monastère, comme le veut un concile d'Aix-la-Chapelle.

« Vous tous enfin, membres des chapitres et du clergé de l'illustre Église d'Allemagne, de quelque classe que vous soyez, nous sommes pénétré de l'espérance que vous tiendrez à honneur de trouver l'occasion de suivre l'avertissement que le saint concile de Trente donne à tous ceux qui possèdent des bénéfices ecclésiastiques, séculiers ou réguliers, de s'accoutumer autant que leur revenu le pourra permettre à exercer avec zèle et douceur l'hospitalité si fort recommandée par les saints Pères, se ressouvenant que ceux qui aiment cette vertu reçoivent Jésus-Christ même dans la personne de leurs hôtes. Le même concile ayant chargé les évêques de tenir la main à l'exécution de ce devoir, nous ne doutons pas non plus que vous ne concouriez, vénérables frères, non seulement par vos exemples, mais aussi par vos pressantes exhortations, à procurer à ces respectables infortunés le plus de secours qu'il vous sera possible, jusqu'à ce que le jour de la consolation ait commencé à luire, et que la paix soit venue s'établir au milieu de nous, comme s'exprimait un de nos prédécesseurs, Alexandre III, en recommandant quelques ecclésiasti

ques cruellement persécutés par les ennemis de la foi. « Vous en serez récompensés par les précieux avantages que le Seigneur a promis et qu'il n'a jamais manqué d'accorder à ceux qui se sont distingués par l'exercice de la charité; et nous osons nous flatter avec assurance que cet acte de religion, secondé par les prières publiques, avancera les douceurs consolantes de la paix, après laquelle nous soupirons.

« Recevez, nos vénérables frères et nos chers fils, notre bénédiction apostolique. »

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CHAPITRE QUATRIÈME.

La convention succède à la législative; la France se couvre d'échafauds, sur lesquels les coupables montent à leur tour.

Tandis que, par des prières publiques et des prodiges de charité, le Saint-Père s'efforçait d'apaiser la justice de Dieu, un gouvernement démagogique provoquait sa colère par des prodiges de scélératesse et d'inhumanité: et ce fut à ces tyrans que le Seigneur confia sa vengeance.

La convention venait de succéder à l'assemblée législative (21 septembre 1792). « Elle s'ouvrit sous les sombres auspices de la mort, ayant la guillotine à ses côtés et le tribunal révolutionnaire en perspective.

« La Montagne et la Gironde s'avançaient l'une contre l'autre, comme des armées ennemies sur un champ de bataille, se mesuraient des yeux et se renvoyaient des défis à outrance, tandis que le Marais, ballotté par

les

vents contraires, se portait, ainsi qu'un corps flottant, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, et se laissait aller aux dérivations de sa frayeur.

<< Il semblait qu'un glaive suspendu par quelque fil invisible se promenât sur la tête du président, de chaque orateur, de chaque député. La pâleur était sur les visages. La vengeance bouillonnáit au fond des cœurs. L'imagination se remplissait de cadavres et de funérailles. Un frisson de mort courait dans tous les discours. On ne parlait, à mots entrecoupés et comme involontairement, que de crimes, de conjurations, de trahisons, de complicité, d'échafauds

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« On s'élançait à la tribune, l'œil en feu, le poing fermé, la poitrine haletante pour incriminer ou pour se défendre. On offrait, pour témoignage de son innocence, sa tête. On demandait celle des autres. On n'invoquait pour tous les crimes sans distinction d'autre peine que la peine capitale. Il ne manquait plus dans l'assemblée que le bourreau, qui n'était pas loin.

« La victoire parut un moment se déclarer pour la Gironde. Alors on ne peut se faire une idée de la violence d'injures, de mépris, de gestes, de regards qui assaillirent Marat. On s'écartait de sa personne avec horreur, comme s'il n'y eût eu en lui rien de l'homme, ni la figure, ni la parole, ni même le nom.

« Quand Robespierre montait à la tribune, on proférait les cris: A bas l'ambitieux! à bas le dictateur!..

« Robespierre plia; mais bientôt il se redressa avec audace, et chaque jour il amassait ce nuage gros de foudres et de tempêtes des flancs duquel allaient s'échapper la mort de Louis XVI, le supplice des Girondins, le soulèvement de la Vendée, la loi des suspects, l'érection du tri

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