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pour ceux de l'Église entière, pour mon honneur et pour ma conscience, vous déclarer que je m'oppose, autant qu'il est en moi, à toute délibération qui pourrait être prise conformément à ce projet, ainsi qu'à toute exécution qu'on pourrait donner au décret qui interviendrait ; et eussé-je mille glaives suspendus sur ma tête, je suis si convaincu du mal que je prévois, que je ne cesserai de dire: JE M'OPPOSE.

« J'ai l'honneur de vous déclarer en conséquence que je n'entends prendre aucune part à cette délibération.» (1)

Tout le côté droit se leva encore pour adhérer à la déclaration du saint prélat, et il se renferma dans un silence qui continua cette protestation sublime pendant le cours des délibérations de la gauche sur la spoliation du clergé et des églises (2). Il ne le rompit que lorsque la faction eut décrété « que l'administration des biens ecclésiastiques serait confiée aux assemblées de département et de district, ou à leurs directoires... ; que le traitement de tous les ecclésiastiques serait payé en argent; que toutes les dîmes cesseraient d'être perçues ; que dans l'état des dépenses publiques de chaque année il serait porté une somme suffisante pour fournir aux frais du culte de la religion catholique et à l'entretien des ministres des autels, au soulagement des pauvres et aux pensions des ecclésiastiques, tant séculiers que réguliers, de l'un et de l'autre sexe; que l'on exceptait provisoirement des dispositions du 1er article l'ordre de Malte, les fabriques, les hôpitaux, les maisons de charité, les colléges et maisons d'institution et de retraite, administrées par

(1) Journal ecclés., 1790, avril, p. 461.

(2) Séance du 14 avril.

des ecclésiastiques ou des corps séculiers, ainsi que les maisons des religieuses occupées à l'instruction publique ou au soulagement des malades; que les assemblées des districts ou leur directoire feraient faire, sans frais et sans droits de contrôle, un inventaire du mobilier, des titres et papiers dépendants de tous les bénéfices, corps, maisons et communautés de l'un et de l'autre sexe, compris au 1er article, qui n'auraient pas été inventoriées par les municipalités, sauf auxdites assemblées à commettre les municipalités pour les aider dans ce travail. » (1)

CHAPITRE QUATRIÈME.

Les membres de la droite protestent en masse contre les opérations de l'assemblée qui, dans plusieurs provinces, rallument l'audace des ennemis de l'Église, soulèvent l'indignation des catholiques et amènent entre les uns et les autres de terribles collisions.

Forcés de se taire dans l'assemblée, les députés de la droite en appelèrent à la France. En sortant de la salle où la faction leur avait fait une si lâche violence, ils se réunirent dans l'église des religieux de l'ordre de SaintFrançois, sous la présidence du cardinal de La Rochefoucauld, pour concerter ensemble le manifeste qu'ils devaient adresser à la nation. La calomnie s'agitait autour de l'enceinte qui les abritait, et criait que les aristocrates tramaient un complot, un projet de contre-révolution. Ces clameurs évoquèrent de nouveaux périls qui auraient

(1) Séances du 14 au 20 avril.

déconcerté des courages moins fermes ou des convic tions moins profondes. Ces prétendus conjurés, mettant dans toutes les mains la trame de leur complot, publièrent le 14 un manifeste admirable de dignité, de calme et de foi (1). Ils y exposaient simplement, sans aucune expression amère, sans aucune plainte, les débats auxquels avait donné lieu la proposition de déclarer la religion catholique religion nationale; l'obligation pour l'assemblée de l'adopter; ce qu'ils avaient fait pour s'ac quitter de ce devoir sacré.

Ce noble et généreux manifeste était couvert de plus de trois cents signatures, parmi lesquelles on remarque les noms les plus honorables et les plus chers à la France: tels sont, par exemple, outre ceux des illustres prélats qui siégeaient à l'assemblée, les noms des d'Argenteuil, des d'Alençon, des Juigné, des Vogüé, des Foucauld-Lardimalie, des Cauzans, des Cazalès, des Montcalm-Gozon, des Crussol, des Guilhermy, des Villeneuve-Bargemont, des Vaudreuil, des Buttafuoco, des Mortemart, des Lévis, des Rochebrune, des Lusignan, des Clermont-Lodève, des La Galissonnière, des Beauharnais, et de cent autres non moins honorables.

Cependant le refus constant que la faction dominante avait fait de remplir le même devoir, la série de décrets impies qu'elle avait fait porter, ses discours, ses actes attentatoires aux droits et à l'existence de l'Eglise, avaient répandu dans les provinces des craintes que cette déclaration vint confirmer : les ordres monastiques suppri

(1) Cette pièce est un monument qui recommandera toujours les députés qui la firent tant qu'il y aura en France des âmes généreuses et des cœurs religieux. Nous l'insérons parmi les pièces justificatives, n° XIII.

més, les monastères fermés et abandonnés, les religieux dispersés avaient été pour le bon sens des populations des présages certains d'une ruine totale de leur religion; elles avaient compris que bientôt la même haine ferait aux ministres de l'Église, à leurs pasteurs, à leurs évêques, à leurs églises, le sort qu'elle avait fait aux religieux, aux couvents et aux monastères; que puisque les réguliers étaient privés de la liberté de tendre par état à la perfection évangélique, elles pouvaient elles-mêmes être bientôt privées de la liberté de prier le bon Dieu. Ces considérations et d'autres aussi faciles à faire se présentaient naturellement à l'esprit, et portaient dans tous les cœurs une anxiété, hélas! trop bien fondée. La foi se réveillait partout; des contrées entières étaient dan's l'émoi. Dans plusieurs provinces on s'opposait à la vente des biens ecclésiastiques et à l'évacuation des monastères; on empêchait même les prêtres de publier les décrets de l'assemblée. Les évêques et les pasteurs usèrent alors de leur influence salutaire pour éclairer et régler des alarmes qui auraient pu se changer en un terrible désespoir si elles avaient eu un principe moins pur et moins légitime. Ils s'efforcèrent de calmer l'irritation des peuples, et les portèrent à ne soutenir leurs droits et leur religion que par des moyens que la prudence, la justice et la religion ne pussent point désavouer.

Tandis que la piété effrayée redoublait ses pratiques et ses prières, des comités de pétitions s'organisaient légalement sur tous les points. L'histoire n'oubliera jamais la conduite généreuse que tinrent dans ces circonstances les catholiques de Toulouse (1), d'Uzès, d'Alais, d'Alby, de

(1) Voir parmi les pièces justificatives, no XIV, la déclaration des catholiques de Toulouse, véritable modèle en ce genre.

Castres, de Lavaur, de Nîmes, de Montauban, de Dieppe, de l'Alsace, de la Bretagne, de l'Auvergne, du Cambrésis, de la Flandre française, etc. De ces villes ou de ces provinces et d'ailleurs encore arrivaient presque chaque jour à l'assemblée nationale des adresses aussi dignes qu'énergiques, où des milliers de pétitionnaires s'accordaient à demander, 1° que la religion catholique, apostolique et romaine fût déclarée par un décret solennel religion de l'État; 2° la conservation des évêchés de leur ville ou de leur province; 3° qu'il ne fût fait aucune innovation dans la hiérarchie ni dans la discipline de l'Église. (1)

Enfin les pétitionnaires faisaient de la conservation des ordres religieux un objet spécial de leur demande. Ainsi les catholiques d'Alais, « considérant... que les religieux établis dans cette ville offraient aux citoyens l'exemple des vertus qu'ils leur prêchaient; que la confiance générale dont ils jouissaient était la preuve la plus complète de leur utilité, de leurs mérites et de leurs succès; que les pasteurs et les habitants des campagnes éprouvaient tous les jours que rien de ce qui est honnête et utile n'était étranger à leur zèle; que cependant le décret de suppression porté contre eux par l'assemblée nationale privait la ville et le diocèse d'Alais d'une infinité de secours spirituels en tout genre;

<«< Considérant en outre que les maisons des religieux qu'ils avaient le bonheur de posséder, indépendamment du travail, de la prière et de l'éducation publique auxquels elles s'étaient vouées par leur état, étaient des asiles toujours ouverts à la vertu qui s'égare ou à l'innocence qui craint la corruption du siècle;

(1) Voir plusieurs de ces adresses et de ces délibérations dans la Collection ecclésiast. du P. Barruel, t. 14.

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