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surer qu'elle ne cachait pas quelque dépôt d'armes ou de projectiles. Pendant les saturnales qui se célébrèrent sur les décombres de la Bastille, ces pieuses vierges furent souvent troublées dans leurs saintes pratiques par de pareilles visites; mais elles ne quittèrent leur chère retraite que lorsque deux ans après l'anarchie vint les en arracher.

Les prêtres de la Mission revinrent aussi habiter leurs cellules dévastées. Peu de temps après la révolution les en expulsa pour toujours; aujourd'hui ils sont remplacés par des femmes condamnées pour leurs crimes : c'est dans l'ordre. La religion peuple des monastères, la licence remplit les prisons.

Ce n'était pas seulement à Paris que se passaient de pareilles scènes. La discorde agitait ses torches sur toute la France, et vingt-cinq millions d'habitants étaient dans les convulsions ou de la fureur, ou du désespoir, ou de l'effroi; des troupes de brigands ivres de désordres, armés de toutes sortes d'instruments, promenaient librement dans les campagnes leur fureur en délire; les monastères, les abbayes et les châteaux croulaient sous leurs coups; les religieux et les propriétaires étaient souvent ensevelis sous les ruines de leurs demeures ; l'incendie consumait ce que la hache et le marteau n'avaient pu détruire. Les paisibles habitants passaient les jours à trembler et les nuits à veiller à leur sûreté.

Les détails les plus désolants arrivaient de toutes les parties du royaume aux représentants de la nation (1). Mais, dominée par les ennemis de la religion, l'assemblée nationale attribuait ces bruits à la mauvaise foi, à la per

(1) Monit. univ., 1789, séance du 3 août, au soir, et passim.“

fidie, à la timidité, à des imaginations exaltées; sous prétexte qu'ils étaient faux ou exagérés, elle refusait de s'en occuper, ou bien elle ne prenait que des mesures impuissantes et inutiles quand elle ne pouvait plus paraître en douter. Au lieu de forcer le peuple à respecter ses devoirs, l'assemblée nationale lui créait des droits.

Les lois de la nation avaient jusqu'alors reposé sur la religion, et le bonheur public n'avait été troublé que lorsque l'esprit d'irreligion ou de révolte avait entrepris d'ébranler ces fondements de notre législation. La philosophie, aidée du jansénisme et du calvinisme, travaillait depuis plus d'un demi-siècle à cette œuvre de destruction; le jour qu'elle eut des complices assez nombreux et assez puissants pour donner ses lois, elle les imposa à la nation plongée dans les maux de l'anarchie. Souveraine au sein de l'assemblée constituante, elle renversa de fond en comble l'antique édifice de nos lois, pour élever à la place le monument d'un orgueil insensé. Des lois destinées à régler les rapports des individus réunis en société supposent à chacun des droits et des devoirs; ces droits et ces devoirs, c'est Dieu qui les donne ou les impose à l'homme, c'est la religion qui les lui apprend et les lui explique; les lois qui pourvoient à l'ordre extérieur des sociétés, qui favorisent et assurent l'exercice de ces droits et de ces devoirs, doivent donc être basées sur les vérités éternelles qu'enseigne la religion, et conformes aux préceptes qui la constituent. C'est alors seulement que les lois portent dans leurs principes l'obligation, pour la conscience humaine, de les observer. Hors de là, les lois ne sont que l'expression de la volonté de l'homme, qui, pouvant être injuste, n'oblige que lorsqu'elle ne contredit pas la volonté suprême. La philosophie ne voulait pas de

droits qui entraînaient des devoirs; elle rompit avec Dieu, créa les droits de l'homme, et fonda sur ces principes la nouvelle constitution qu'elle allait donner à la France. Il n'est donc pas surprenant que les ennemis de la religion, qui dominaient dans l'assemblée constituante, se soient proposé dans leurs travaux la ruine de l'Eglise catholique, dont le but essentiel est de lier l'homme à son Dieu. Mais les dispositions de tout ce qu'il y avait de plus probe et de plus sage dans l'assemblée et dans la nation les forcèrent à des précautions, à des lenteurs que la passion ne leur permit pas toujours de calculer.

CHAPITRE SECOND.

L'assemblée nationale, cédant à l'influence du parti anti-catholique, fait décréter, après une longue et vive discussion, l'abolition des dîmes. Avant d'avancer dans cette voie de spoliation, elle fortifie son pouvoir par la terreur; mais la violence qu'elle emploie semble au contraire relever le courage des députés du clergé, parmi lesquels se distingue l'abbé Maury, digne rival de Mirabeau.

Le plan de cette faction était de ruiner l'Eglise pour l'asservir, de l'asservir pour l'avilir, de l'avilir pour la détruire. Elle en confia l'organisation à un comité dit ecclésiastique. Quatre avocats, connus par leur animosité contre le Saint-Siége et contre la hiérarchie de l'Église, furent dans ce comité les principaux agents du parti anti-catholique (1). Pour tromper la France sur leurs in

(1) Martineau, Treilhard, Lanjuinais, Durand de Maillane,

tentions, on leur adjoignit avec l'abbé de Montesquiou, MMɛrs de Mercy, évêque de Luçon; de Bonal, évêque de Clermont, et Du Lau, archevêque d'Arles. Ces deux derniers prélats consentirent à faire partie de ce comité, dans l'espérance d'y paralyser par leurs efforts les tentatives de leurs collègues; mais ils se retirèrent lorsque leur présence dans un comité transformé en club pouvait tromper les fidèles et trahir la religion.

Tandis que dans le comité ecclésiastique les agents du parti organisaient contre l'Église le plan de destruction conçu depuis longtemps, les chefs principaux en préparaient au sein de l'assemblée l'exécution et le succès. En même temps le club du Palais-Royal excitait toutes les mauvaises passions, et les dirigeait au même but. Là des listes de proscription se couvraient des noms de ceux que la faction vouait à ces vengeances; de là partaient ces menaces de mort qui allaient glacer à la tribune les défenseurs de la religion et de la monarchie, ou les ordres sanguinaires qui soulevaient contre eux une populace exaltée.

Armée de ces moyens, la faction commença ses attaques contre l'Église. Dans la séance nocturne du 4 au 5 août elle fit tumultuairement décréter par assis et levé le rachat des dimes, la suppression des annates, ainsi que l'abolition des derniers vestiges de la féodalité. Le clergé avait fait de plus grands sacrifices à la patrie; celui des dimes lui coûta peu, mais il en présageait bien d'autres : les ennemis de l'Église ne tardèrent pas à les demander. Lorsque deux jours après un ecclésiastique voulut rappeler l'attention de l'assemblée sur des arrêtés pris au milieu d'un enthousiasme qui éloignait toute ré-* flexion, Buzot, avocat philosophe d'Evreux, jeta en face

au clergé cette prétention du parti : « les biens ecclésiastiques appartiennent à la nation; » ces paroles furent dès lors le mot d'ordre de ceux qui voulaient l'abolition du clergé séculier et régulier. Les uns voyaient dans cette mesure l'avantage d'assurer et de populariser la révolution, en affranchissant pour quelque temps le peuple de toute imposition; d'autres la considéraient comme un des plus puissants moyens de détruire la religion, en ôtant à ses ministres une existence indépendante; plusieurs convoitaient une proie qu'ils se flattaient d'oblenir à vil prix, et l'on remarqua que ces derniers furent les plus chauds adversaires du clergé, pressés qu'ils étaient de mettre la main dessus.

Cependant la faction avait rappelé Necker aux affaires pour exploiter la faveur dont il jouissait alors auprès du peuple.

Le 7 du mois d'août, le ministre adoré (1) étant venu entretenir l'assemblée de la nécessité d'un emprunt de trente millions pour subvenir aux pressants besoins de la patrie, Buzot le premier s'y opposa: Bouche, Barnave, Mirabeau l'aîné se rangèrent de son côté; et le marquis de La Coste trouva qu'il était plus simple de voler les biens du clergé que de contribuer pour sa part à soulager le pays. S'appuyant sur l'assertion de Buzot, il présenta un projet de décret qui déclarait:

1° Que les biens ecclésiastiques appartenaient à la nation;

2° Que la dime serait supprimée, à compter de l'an 1790.

(1) On sait que Necker fut reçu à Paris, à son retour de Bâle, avec fant d'enthousiasme qu'on mit sur sa porte cette inscription: Au min istre adoré !

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