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ÉTAT DES ORDRES RELIGIEUX EN FRANCE
vers le milieu du dix-huitième siècle.

La religion pénétra dans les Gaules à travers les glaives et les bûchers; victorieuse du paganisme, elle dompta les vainqueurs des Romains, et, de ces bandes guerrières, elle forma la nation française. Dès lors, au milieu d'une société dont elle était la reine, se formèrent sous ses auspices de nombreuses associations, où tous les besoins temporels et moraux trouvaient des asiles et des res

sources.

La France comptait dans toutes ses provinces plusieurs établissements de ce genre, lorsque le génie de la rebellion vint disputer à la pensée catholique l'empire que depuis si longtemps elle exerçait sur l'esprit public. Le protestantisme s'annonça par des cris séditieux, fré

mit dans son impuissance, et lorsque le nombre de ses partisans eut accru son audace, il promena le ravage dans le royaume et planta l'étendard de la révolte sur les ruines des temples et des monastères. Les temps de troubles et de malheurs qu'il avait amenés se dissipèrent enfin; la religion recouvra en partie ses droits; le pouvoir invoqua de nouveau son influence. Le protestantisme fut soumis et écarté; mais il laissa parmi nous des germes de licence et de discorde qui affaiblirent d'abord les croyances religieuses et renversèrent ensuite le trône et l'autel.

En attendant, la religion releva ses temples et ses monastères; elle en bâtit de nouveaux, rendit ses institutions au bonheur des peuples, et créa toutes celles que réclamaient les nouveaux besoins de la société. Les ordres religieux, nés de la pensée même qui fonda la religion, prospérèrent avec elle jusqu'à ce qu'une philosophie mensongère vînt rompre les rapports nécessaires qui lient les hommes à la Divinité.

A cette époque, c'est à dire vers le milieu du dix-huitième siècle, l'Eglise de France voyait fleurir dans son sein les principales de ces créations du génie catholique; et elle pouvait s'applaudir des services que chacune d'elles lui rendait dans sa sphère et dans les limites de ses règles.

Obligé par la nature même de notre travail de parler tour à tour de leur décadence et de leur chute, nous devons d'abord exposer dans un même tableau et l'état de ces divers instituts au temps où l'on entreprit de les détruire, et les notions dont l'oubli nous ramenerait sans cesse sur nos traces; et afin de mettre quelque ordre dans cette nomenclature, nous comprendrons dans

cinq grandes catégories les associations religieuses qui composent l'ensemble de l'état régulier; ce sont :

I. Les ordres monastiques.

II. Les congrégations de chanoines réguliers.

III. Les ordres mendiants.

IV. Les ordres et congrégations de clercs réguliers. V. Les congrégations ou associations hospitalières. Jésus-Christ est venu éclairer les hommes sur les rapports essentiels qui doivent les lier à Dieu et sur la destinée dernière à laquelle il est nécessaire qu'aboutisse toute leur existence : il leur a enseigné l'usage légitime des moyens naturels, et leur a donné des moyens surnaturels d'y tendre et d'y parvenir. Or l'état religieux est la pratique littérale des préceptes et des conseils de l'Homme. Dieu: l'état religieux est donc basé sur des principes divins: il prend sa source dans l'Evangile. Issus d'une origine commune, les ordres réguliers peuvent cependant admettre une immense variété dans l'objet de leur règle, selon les manières diverses dont ils rapportent à Dieu l'existence terrestre de leurs membres respectifs: ainsi, les uns consistent dans la contemplation des vérités éternelles et dans la pratique isolée ou individuelle de le perfection chrétienne; les autres, dans une coopération plus directe à l'intérêt spirituel du prochain. Le premier objet est celui des Moines dont la solitude est le séjour ordinaire.

L'amour de la vertu et le désir de l'exercer envers les hommes et de la propager parmi eux ont enfanté les autres ordres religieux.

1. Ordres Monastiques.

Dès les premiers jours de l'Eglise des chrétiens fervents se retirèrent dans la solitude, pour y pratiquer en paix les conseils de l'Evangile. L'exemple de ces pieux anachorètes augmenta leur nombre, et ils purent alors emprunter à la vie commune des moyens de persévérance qu'ils ne trouvaient pas dans l'isolement. Plus tard, S. Basile traça pour la vie monastique des règles qu'adoptèrent en Orient toutes les communautés religieuses. S. Benoît, devenu à son tour père d'une nombreuse famille spirituelle, composa pour elle ces règles admirables qui, en Occident, enfantèrent tant d'autres institutions monastiques. Lorsqu'après des siècles ces règles semblaient avoir perdu de leur autorité, des hommes de Dieu s'élevaient qui rappelaient à sa sévérité primitive la discipline établie par S. Benoît, et la donnaient à de nouveaux instituts, augmentée de dispositions conformes aux besoins des temps et à l'esprit des fondateurs.

Nous ne mentionnerons ici que les ordres ou les réformes qui possédaient des établissements en France au moment où il y éclata contre tout l'état monastique une conjuration formidable.

1° L'ordre proprement dit de S. Benoît se divisait alors en deux congrégations principales: celle de Saint-Vanne et celle de Saint-Maur.

La congrégation de Saint-Vanne et de Saint-Hydulphe, réforme établie vers l'an 1600 par Didier de La Cour, ne s'étendait que dans les provinces de Lorraine, de Champagne et de Franche-Comté.

La congrégation de Saint-Maur, dont l'existence ne remontait qu'à l'an 1621, était partagée en six provinces, et possédait cent quatre-vingt-douze maisons, éparses dans tout le royaume : cent cinquante-cinq abbayes en commende, trente-quatre prieurés conventuels, neuf colléges (1) et trois autres maisons.

Les Bénédictins, qui ne suivaient aucune de ces réformes, prenaient le nom d'anciens; les uns reconnaissaient pour supérieur de leurs maisons l'évêque du diocèse; les autres formaient la congrégation des Exempts, et se donnaient des supérieurs particuliers.

La congrégation dite des Bénédictins anglais, formée par des religieux de cette nation exilés sur le continent, avait en France trois monastères. (2)

2o Au dixième siècle, Odon, abbé de Cluny, opéra une réforme qui devint un ordre dont son abbaye fut le cheflieu. La régularité de ses membres lui acquit en peu de temps une gloire et une autorité qui éclipsèrent l'ordre même dont il était sorti. Le nouveau code ne rencontra cependant pas les mêmes dispositions dans tous les esprits; les uns acceptèrent la réforme du saint abbé; les autres restèrent attachés aux anciens usages; tous, il est vrai, reconnaissaient l'abbé de Cluny pour supérieur général; mais cette scission déposa dans le sein de l'ordre une semence de division qui devait tôt ou tard porter ses funestes fruits.

(1) Ces colléges étaient Ponlevoy-Tyron, diocèse de Chartres; SaintGermer, diocèse de Beauvais ; Beaumont en Auge; Saint-Valery, diocèse d'Amiens; Ambournay, diocèse de Lyon; Férière, diocèse de Sens; Sorèze, diocèse de Lavaur, et Saintes.

(2) A Paris, à Douay, à Dieulouard, près de Pont-à-Mousson,

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