Page images
PDF
EPUB

La Cour a enfuite publié le Manifefe fuivant pour juftifier fa conduite dans les Cours de l'Europe.

Lettre du Marquis de la Paz au Marquis Pozzo Bueno, Ambassadeur à Londres, du du 25. Mai 1726.

A Confiance qu'a euë le Roi en la perfonne du Duc de Ripperda, les Honneurs dont il l'a comblé, & les Emplois auxquels il a plû à Sa Majesté de l'élever, font con→ nus de toute la terre ; & perfonne n'ignore la benignité que Sa Majefté pratiqua à fon égard, lors qu'ayant refolu de le décharger de fes Emplois, Elle ne laila pas de lui affigner pour fon Entretien une Penfion de 3000, Piftoles, en attendant que S. M. l'employât convenablement à fon fervice.

Cependant par un excès de temerité fans exemple, le Duc de Ripperda, après avoir accepté par écrit ladite Penfion, & rendu graces à Sa Majesté de la faveur fpeciale dont Elle l'honoroit, en termes très éloignez des fentimens qu'il avoit aparemment déja conçus, avant que le terme de 24. heures fut expiré, fe tranfporta à l'Hôtel de l'mbafladeur d'Angleterre, dans le Caroffe de celui de Hollane, qui l'accompagna jufques-là, & dont les Equipages, pendant cette nuit, tranfporterent comme furtivement les Effets les plus precieux de ce Duc à l'Hôtel où il s'étoit refugié. C'eft de ce lieu, qu'il m'écrivit, afin que j'informarle Sa Majellé qu'il avoit choifi

cet

cet Azile contre la Populace de Madrid, dont il avoit lieu d'apprehender les infultes.

Je fçai que ces faits font devenus fi publics, qu'il eft inutile d'en faire à Votre Excellence un détail plus au long, & plus circonstancié; mais je ne puis me difpenfer de vous appren◄ dre plus amplement ce qui s'eft paffé en particulier, & quelles en ont été les fuites, afin que lors que cet Evenement fe divulguera dans le monde, vous foyez en état de donner fur ce fujet les éclairciffemens néceffaires, comme étant exactement informé des mûres réflexions, des juftes confiderations, & des preffans motifs qui ont induit & obligé S. M. à prendre la réfolution de faire fortir le Duc de Riperda de l'Hôtel de l'Ambassadeur d'Angleterre le 25. du courant au matin.

Après que ce Duc eut donné connoiffance de fa retraite, & que l'Ambassadeur, qui en avoit fait autant, eut engagé fa parole à S. M. de lui répondre de la perfonne du Duc de Riperda, dans une Audience qu'il obtint auffitôt qu'il l'eut demandée; le Roi, pour plus grande précaution, & pour empêcher d'autant plus l'évafion de ce Duc, voulut provifionnellement que les avenuës de l'Hôtel du fufdit Ambaffadeur fuffent occupées modeftement par quelques Soldats de fes Gardes à pié, qui fe contenterent de fe pofter aux environs; & en même tems, S. M. eut l'attention de faire favoir à ce Miniftre, que quelque affurée qu'Elle fut de fa parole, dont Elle ne fe défioit nulle ment, Elle avoit crû devoir prendre cette précaution, de crainte que celles qu'il pourroit prendre de fon côté, ne fuffent pas fuffifantes contre les tentatives que le Duc de

[ocr errors]

Ri

Riperda pourroit faire pour s'évader.

Après cela, le Roi ordonna qu'on employât toute forte d'honnêtetez & de bons offices, pour engager amiablement cet Ambaffadeur à porter le Duc de Riperda à accepter les offres que S. M. lui faifoit, de le mettre à couvert des infultes de la Populace; faifant entendre à cet Ambaffadeur que S. M. défiroit que le Duc fortit de fon Hôtel à quoi le Miniftre Britannique repartit, qu'ayant fondé, fuivant les intentions de S. M., le Duc de Riperda, il en avoit eu pour réponse, qu'effectivement il avoit d'abord écrit à S. M. les raifons de fa retraite telles qu'on les a rapportées; mais que voyant prefentement le Roi irrité par la démarche inconfiderée qu'il venoit de faire, & ayant tout lieu de craindre fon indignation, il fe trouvoit réduit à ne point accepter les of de S. M., & à fe tenir dans l'Azile qu'il avoit choifi pour la fûreté de fa perfonne.

Cette opiniâtreté fi injurieuse à l'Autorité d'un fi grand Monarque, qui n'employoit que des moyens fi doux & fi débonnaires, au lieu du Pouvoir qu'il avoit en main, n'empêcha pas S. M. de faire renouveller les inftances auprès de l'Ambaffadeur, afin qu'il follicitât plus fortement le Duc de fortir de fon Hôtel, & d'accepter fans aucune reftriction les offres de S. M. Elle fit en même tems repréfeuter à cet Ambaffadeur, les conféquences de cette affaire, & le préjudice qu'en recevroit l'Autorité que le Roi doit avoir fur fes Miniftres, s'il louffroit impunément la témerité de celui-ci, en le laiflant plus long-tems dans un lieu où il s'imaginoit qu'il pouvoit être en fûreté, D'ailleurs de quel fcandale ne feroit point un

Ex

Exemple, qui fembleroit autorifer chaque Miniftre de S. M. & de tout autre Souverain, à manquer impunément à fon devoir, dans l'efperance de fe foultraire par une pareille Immunité à la Jurifdiétion de fon Maître, jufques dans fa Cour, & même à fa vûë.

L'Ambaffadeur ayant répondu à ces fecondes inftances, que fes nouvelles follicitations auprès du Duc avoient été auffi inutiles que les premieres, le Duc fe réduifoit à fupplier très-refpectueufement S. M. de permettre qu'il fe tranfportât pour quelques jours dans un Couvent, pour avoir le tems de manifefter l'innocence de fa conduite; ce qui feroit celler le fcandale que pourroit avoir caufé fa retraite dans l'Hôtel d'un Miniftre Etranger.

Cependant, S. M. ne voulant fe fervir de fon Autorité qu'après les plus ferieufes réflexions, fe détermina à confulter fon Confeil' Royal, pour favoir fi les Griefs qu'il avoit contre le Duc, étoient affez bien fondez pour être en Droit de le faire tirer par force de la Maifon d'un Ambaffadeur, fans violer le Droit des Gens, ni les Privileges confentis & accordez réciproquement aux Miniftres repréfentans.

Pour cet effet, tous ceux qui compofent le Confeil Royal de Caftille s'étant extraordinairement assemblez, aprés avoir pefé mûrement le tout, donnerent à S. M. leur Avis, par lequel ils reconnoiffoient le Déli& du Duc pour un crime de Leze- Majefté au premier Chef, y en ayant peu qui l'égalaffent dans les circonftances, & dans les fuites qu'on pouvoit apprehender avec raison. Et comme il eft indubitable que les Criminels de ce genre ne

peuvent

peuvent jouir d'aucun azile, fans excepter même celui des Eglifes, il fe trouveroit par la fuite des tems, que fi l'on laifloit introduire un Ufage fi contraire aux Droits des Gens, ce qui a été établi pour une plus étroite correfpondance entre les Souverains, tourneroit à leur ruïne, & cauferoit leur deftruction; fur tout s'ils permettoient que les Privileges accordez aux Hôtels des Ambaffadeurs, par égard pour les Souverains qu'ils représentent, en faveur des Délics communs, (ce qui pourtant ne fe pratique pas dans toutes les Cours) s'étendiffent jufqu'en faveur des Vaffaux dépofitaires des Forces, des Finances, & des Secrets d'un Etat, lors qu'ils viennent à manquer au devoir de leur Ministere: ce qui feroit l'erreur la plus préjudiciable qui pût entrer dans l'efprit humain, & le plus generalement contraire à toutes les Puiffances de la terre; puifque, fi cette licence avoit lieu, Elles feroient obligées de maintenir, fouffrir & tolerer dans leur propre Cour tous ceux qui machineroient leur perte.

Il est évident que dans le cas dont il s'agit, & dans de fi énormes circonstances, le Roi d'Angleterre ne foutiendra pas fon Ámbafladeur, ne fût-ce que pour le préjudice que produiroit contre lui-même un pareil Exemple, fi les Criminels de cette efpece étoient com> pris parmi ceux qui doivent jouïr du Droit des Gens.

C'eft fur des fondemens auffi clairs, auffi folides, & auffi irréprochables que Sa Majefté, après l'avis unanime des Directeurs de fa Confcience, réfolut que le Duc de Riperda fût tiré de la maifon du fufdit Ambassadeur, pour

être

« PreviousContinue »