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Lettre du Marquis de la Paz à Mr. Stanhope.

MONSIEUR,

LE

que Votre Excellence a donnée à Sa Majetté, pour garder le Duc de Kipperda dans fa Maison: mais, comme toutes les précautions que Votre Excellence pouroit prendre ne feroient peut-être pas fuffifantes pour prévenir les folies & le desordre qu'il est capable de commettre, Sa Majesté, pour plus grande fureté, a refolu de faire poster quelques Soldats dans le voisinage & les avenues de la Maison de Votre Excellence, afin qu'ils veillent à empêcher toutes les irregularitez que ce Duc pouroit entreprendre à l'insçû de Votre Excellence. Il n'entre dans cette affai. re aucune méfiance de la part de Sa Majesté, pour ce qui regarde Votre Excellence; mais c'est seulement pour prendre de plus grandes précautions pour sa fureté. C'est ce que Sa Majesté m'a ordonné de faire savoir à Votre Excellence, afin que vous ne doutiez en aucune maniere de sa confiance Royale..

Je fuis, &c.

JEAN BAPTISTE DE ORANDAYN.

Du Palais le 17. Mai 1726.

Mr. Stanhope se scandalisa fort de l'envoy de ces gardes, & prit des mesures avec les

* Dans une Audience qu'il eut le 16.

autres

autres Ministres pour les franchises, ce qui n'aboutit à rien. Le lendemain il reçut la Lettre ci-jointe.

Lettre du Marquis de la Paz à Mr. Stanhope.

L

MONSIEUR,

E Roi mon Maitre étant informé par ce que le Duc de Ripperda lui-même a témoigné tant de bouche que par écrit, que le seul motif qu'il a eu de fe retirer dans la Maison de Votre Excellence, étoit d'y chercher un azile contre les insultes qu'il aprehendoit de la part du Peuple de Madrid, car il ne pouvoit craindre aucun mal de la part de Sa Majesté, qui l'avoit éloigné de ses piez Royaux avec tant de distinction & de pitié: Sa Majesté, pour mettre fin au scandale que cause la retraite du Duc dans la Maison de Votre Excellence, a resolu de prendre des mesures pour sa sureté, & de le délivrer de tout foupçon & de toute aprehenfion. Dans cette intention Sa Majesté m'ordonne de dire à Votre Excellence, qu'il lui sera très agréable que le Duc se retire de la Maison de Votre Excellence, & que vous vous serviez des moyens & des précautions que Sa Majesté offre pour fon entiere sureté, contre toutes les entreprises de la part du Peuple; puisque ces moyens font ceffer tous les motifs que le Duc a eus pour reclamer l'immunité de la Maison de Votre Excellence: Et Sa Majefté se prome & espere de la prudence & de la

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reflexion de Votre Excellence, que vous l'y ditpoterez inceffamment.

Je fuis, &c.

JEAN BAPTISTE DE ORANDAYN.

Du Palais le 18. Mai 1726.

Mr. Stanhope fit réponse au Marquis de la Paz qu'il n'avoit pu rien gagner sur le Duc de Ripperda, & qu'il ne pouvoit employer que les raisons les plus fortes pour le pertuader; pendant ce tems-là le Conseil suprême fut affemblé, & l'on y prit des resolutions contre le Duc, comme on verra ci-après. Le 21. le Marquis écrivit encore à Mr. Stanhope ce qui fuit.

:

Lettre du Marquis de la Paz à Mr. Stanhope.

L

MONSIEUR,

E Roi mon Maitre connoit l'intelligence de Votre Excellence, & confidere qu'El le est trop bien informée des circonstances du cas present du Duc de Ripperda, pour douter qu'elle puiffe ignorer les confequences préjudiciables qui refulteroient contre son Autorité Royale sur ses Miniftres, fi l'on confen toit à la témerité du Duc, & fi Sa Majesté vouloit écouter les propositions qu'il voudroit faire; parcequ'il se trouve, comme il le croit, entierement en sureté par l'Immunité de la Maison de Votre Excellence. Quel exemple scandaleux ne feroit ce pas que celui qui autoriferoit tout Ministre de Sa Majesté

& de tout autre Souverain, à manquer à fon devoir, dans l'esperance de pouvoir ensuite se retirer dans la Maison d'un Miniftre Public, & de se soustraire à la Jurisdiction de son Souverain, même dans sa propre Cour? Certe reflexion, de même que d'autres quine font pas d'un moindre poids, peuvent porter Votre Excellence à solliciter de nouveau le Duc de Ripperda, & à lui persuader de se retirer de la Maison de Votre Excellence, en se servant seulement de la précaution que Sa Majesté a offerte pour sa sureté contre les insultes du Peuple de Madrid, comme j'ai eu l'honneur d'en informer Votre Excellence, dans ma Lettre du 18. de ce mois, par ordre de Sa Majesté, qui me commande de déclarer de nouveau à Votre Excellence la fatisfaction particuliere avec laquelle Sa Majefté louera Votre Excellence, si elle veut s'apliquer à mettre le Duc à la raison, & lui perfuader d'admettre & d'employer, sans restriction, les precautions que Sa Majesté veut prendre pour sa sureté, dès qu'il voudra quiter la Maison de Votre Excellence. Sa Majesté se promet, par la confiance qu'Elle a dans la prudence de Votre Excellence, que vous ferez cette demarche avec toute l'activité convenable, afin qu'elle soit une preuve de la fincerité avec laquelle Votre Excellence aspire à être délivrée de cet embaras, qui ne peut que lui caufer beaucoup d'incommodité. Je suis, &c.

JEAN BAPTISTE DE ORANDAYN

Du Palais le 21. Mai 1726.

Es

Le

Le 25. à 6. heures du matin le Duc de Ripperda fut enlevé de vive force de l'Hôtel de Mr. Stanhope & conduit à Segovie. L'Ambassadeur, après avoir expedié un Exprès à Londres, & envoyé la Lettre suivante au Marquis de la Paz, pour l'informer des raisons de sa retraite, partit pour la Campagne.

J

MONSIEUR,

'Ai reçu ce matin la Lettre que vous m'écrivîtes hier, pour me faire part de la relolution de Sa Majesté Catholique, de faire enlever par force Mr. le Duc de Ripperda de l'Azile qu'il avoit pris dans ma Maison; mais comme l'execution de cette resolution a été faite en même tems que vous me l'avez fait savoir, il feroit inutile d'y répondre, si ce n'étoit pour renouveller la Protestation que j'ai déja faite contre une violence fi contraire au Droit des Gens, & aux Immunitez & Azile de la Maison d'un Ambassadeur: dont je vais rendre compte fur le champ au Roi mon Maitre, afin que S. M. étant pleinement informée de toute cette Affaire, Elle puisse prendre les mesures qu'Elle jugera convenir à fon honneur & à celui de la Nation Britannique; & en attendant des ordres pour ma conduite, j'espere que Sa Majesté Catholique ne trouvera pas mauvais que je m'absente de fa Cour. J'ai l'honneur d'étre très parfaitement, &c.

A Madrid ce 25. Mai 1726.

W. STANHOPE.

La

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