Page images
PDF
EPUB

ner dans le piége, il tâche de nous amorcer par les douceurs de la paix, dont il dit que nous ne pourrons jamais mieux affurer la durée, qu'en accedant audit Traité, &c.

Mais que ce fondement eft peu folide. S'il ne s'agifloit fimplement que de conferver nôtre repos & nôtre tranquillité, nous n'aurions abfolument befoin d'aucune alliance étrange

re.

Non certes, car qui nous attaqueroit? Le Dannemarc, qui ne choifit què le moment dans lequel nous fommes accablés d'ailleurs, ne voudroit jamais nous infulter, tout affoiblis que nous foyons, & tandis que nous n'aurons que lui à combattre. 11 fe compte bien heureux de jouir des avantages qu'il a emporté fur nous, il ne s'expofera point à les perdre en courant légerement à de nouveaux. Nous avons encore moins à craindre de la Ruffie; l'intérêt perfonnel de l'Imperatrice, les foins qu'en bonne Mere elle doit prendre de fa Famille, & les partis qu'on balance dans 1es Confeils, par ce qu'ils peuvent influer fur Son Alteffe Royale, nous font des garants fûrs, que loin de vouloir former des deffeins fur nous, Elle peut regarder nos intérêts comme les fiens, & doit contribuer de plus d'une manière à notre confervation & agrandiffement.

Je fais que le parti contraire fait courir des bruits trés-differents, mais ce font des fantômes imaginés pour couvrir leur jeu, & pour nous aveugler auffi-bien que la Nation Angloife: Car quoi qu'elle fafle valoir ce dernier envoi d'une Efcadre dans la Mer Baltique, comme néceffaire pour nous fauver de je ne fais quelle invafion chimerique, néan

moins des gens défiutéreffez comprennent très ailément que cette Efcadre n'a été envoyée que pour le fervice de Dannemarc, contre qui feul ils favent que la Ruffie eft en droit de prendre les armes.

Tout cela prouve mathematiquement, que nous n'avons befoin d'aucune Alliance étrangere, pour la confervation de la Paix, & qu'aucun de nos Voifius ne peut trouver le moindre intérêt de la troubler. Mais paffons pour un moment, que nous foyons dans cette néceffité; quel effet pourrions-nous efperer de notre Acceffion au Traité d'Hanovre ?

Ne voyons-nous pas ces Alliiés, qui prônent tant leur amour pour la tranquillité de l'Europe, prendre tous les jours des mefures qui reffemblent à des actes d'hoftilités, & qui vont directement à fa destruction?

Que peut-on faire de plus dans une Guerre ouverte, que d'envoyer, comme l'Angleterre a fait, des Efcadres dans la Mer Baltique, & la Mediterranée, avec des Déclarations orgueilleufes & infultantes? & fuivant toutes les apparences, les infultés & les infultans n'ont pas l'air d'en demeurer là.

[ocr errors]

Leurs conteftations fur Gibraltar, fur le Port-Mahon la Compagnie d'Oftende, & d'autres Griefs qui les animent en fecret, paroiffent ne pouvoir jamais fe vuider que par la voie des armes.

Je conviens avec les bons Anglois, que ces démarches font très-oppofées à l'intérêt de leur Royaume & de leur Commerce; mais le Roi & le Ministére y trouvent les; leurs : l'un y eft porté par ceux de fes Etats en Al

le

lemagne, & l'autre par un principe politique de le conferver en place; & tous les deux par les befoins qu'ils ont d'un prétexte, pour lever de groiles impotitions capables de les mettre en état de faire prolonger un Parlement qui leur eft dévoue, & qui devroit bientôt finir, ou bien de gagner celui qui fuccédera.

Voilà les veritables vues de la Cour d'Angleterre connues de tous ceux qui ne font pas ingénieux à fe tromper, ou à en impofer à d'autres.

Les indices évidens d'une telle manoeuvre, ne font pas les feuls qui doivent nous raire rejetter ces propofitions artificieufes ; des principes d'une prudence plus fimple, nous y engagent encore plus fortement.

Reftant neutres nous ne rifquons rien, nous ferons toujours maîtres de profiter des conjonctures préfentes ou à venir, & nous pourrons peut-être efperer l'honneur d'être Médiateurs entre les Puiifances broüillées; mais nous tomberions en mille inconveniens, en nous liant avec l'un ou l'autre Parti, fur tout avec celui d'Hanovre. ;

Dans le dernier cas, fi nous étions obligez d'envoyer du fecours aux Alliés, nous ne pourrions le faire, fans rompre les premiers avec la Ruffie, qui eft du Parti contraire, & avec qui nous avons des engagemens, par rapport au Duché de Schlesvik, oppofés au Traité d'Hanovre.

Alors nous aurions à effuïer le fort des Armes, qui eft journalier, & qui peut-être nous feroit d'autant moins favorables, que la difference de nos fentimens en Suede là-deffus,

diminueroit notre courage, & la vigueur de. nos entreprises.

Le Roi de Pruffe toujours attentif à s'aggrandir, profiteroit peut-être d'une telle occafion, pour fe rendre maître d'une partie de la Livonie, & du peu qui nous refte en Pomeranie; & cela fous prétexte de fecourir fon Alliée l'Imperatrice de Ruffie.

Cette Princeffe feroit alors forcée de le jetter entre les bras de ceux, contre qui Elle auroit eu befoin de notre appui, pour la foutenir dans l'exécution des intentions où elle eft, & où elle a été de remplir nos juftes défirs.

L'Empereur Romain se fauroit alors mauvais gré, de nous voir rangez du côté de fes Ennemis, dans un tems où par principe d'amitié & d'équité, il s'eft attiré une partie de Jeur haine, pour avoir refufé l'inveftiture des acquifitions illégitimement faites, & où il pourroit par hazard trouver occation de réparer ces injuftices.

Outre ces pertes vifibles, nous nous expoferions encore à une dépendance, pour ainsi dire, efclave de ces Puiffances, qui s'obligeroient de nous fournir l'argent néceffaire pour le foutien de nos entreprises, nous ferions obligez de leur obéir, à peu près comme un Soldat, libre avant d'être enrôlé, mais qui ceffe de l'être dès qu'il a pris des arres.

Si nous entrons dans la Galere, on nous fera fans doute ramer à leur gré, fans jamais nous rendre beaucoup plus heureux. Quand me me la fortune nous riroit, ces mêmes Princes proportionneroient toujours nos Victoires & nos Conquêtes à leurs intérèts, & au

fiftème

fiftème convenu entr'eux, de terminer à nos dépens & à ceux de la Ruffie, l'affaire de Schlefvik, qui eft la pomme de difcorde dans le Nord.

- Après tout, eft-il prudent de fe lier trop avec un Prince qui veut accorder les intérèts irréconciliables de fon Royaume, avec ceux de fon Patrimoine, & dont le deftin dépend de plus d'un évenement.

Les contrarietés qui fe trouvent dans les metures qu'il a à prendre & à 'garder, rendent fon alliance dangereufe, difficile, & fujette à des changemens continuels cela eft fi vrai, qu'en Suede on auroit balancé moins, à s'allier avec la France & l'Angleterre, fi la premiere, par un enchaînement d'affaires, dont dans le fond du cœur elle eft peut-être fâchée & défire d'en revenir, n'étoit pour le préfent dans des engagemens trop étroits avec la derniere; ou fi celle-ci n'étoit gouvernée par un Electeur d'Hanovre, qui dirige la plupart de fes Confeils fur le bien de fon Patrimoine, qu'il fait ne pouvoir jamais être enlevé à fes defcendans, à moins de fe rendre réfractaire volontaire & obftiné aux Loix fondamentales de l'Empire.

L'Auteur de la Réponse aura la bonté de remarquer, que pour établir l'inutilité de nôtre Acceffion au Traité d'Hanovre, on n'a pas befoin d'alléguer l'appréhenfion de déplaire à la Ruffie.

.

Bien loin de là, je fuis du fentiment qua nous ferions indignes de la liberté dont nous jouiffons, & que nous démentirions la réputation de bravoure que nos Ancêtres fe font acquife depuis un tems immémorial, fi nous immé Tom. IV.

[ocr errors]

nous

« PreviousContinue »