Page images
PDF
EPUB

facrifié jufques ici tout ce qui a été dans fon pouvoir de facrifier; d'ailleurs, l'Imperatrice eft d'un fexe qui affecte rarement ou jamais le nom éclattant de Conquerant. Mais pofons le cas, que contre les intérêts, contre fes inclinations, & contre l'amour qu'Elle porte à fon Gendre, l'Imperatrice de la Ruffie eût de mauvais deffeins contre la Suede, n'auroit-Elle pas accepté les propofitions que Mr. de Weftphalen, Miniftre de Dannemarc lui a faites de la part de fon Maître dans une Conference formelle, de s'allier étroitement avec Elle, & de contribuer à faire avoir au Duc la Succeffion de la Couronne de Suede. pourvû qu'Elle veuille à fon tour lui garantir la poffeffion du Duché de Schlefvic. Se feroit-Elle employée, comme Elle a fait à porter le Roi de Pruffe de donner fatisfaction fur ce qui s'étoit paffé à Berlin, à légard du Comte Poffe, pendant que les Garants du Traité de Paix entre la Suede & la Ruffie, les Rois de France & d'Angleterre ne fe font pas donné le moindre mouvement pour terminer ce different? pour jouer à jeu fûr, le bon fens ne lui auroit-il pas dicté de profiter de toutes les mauvaifes difpofitions qu'Elle auroit pu remarquer auprès d'autres Puiffances, pour fe lier étroitement avec Elles contre la Suede ? N'auroit-elle pas moins rifqué, en faisant de concert avec d'autres & en bonne compagnie, ce qu'on fuppofe fans fondement, qu'Elle veut faire feule à préfent.

[ocr errors]

Il eft donc évident, que l'Efcadre Angloife n'est pas venue dans la Mer Baltique pour garantir la Suede de quelques dangers

M 5

puif

[ocr errors]

puifque ces dangers font chimeriques & fuppofés malicieufement par les amis équivoques de cette Couronne & par les ennemis de la Ruffie; par confequent la Suede ne doit en aucun lieu tenir compte au ,, Roi d'Angleterre de fes offres généreux, de fes grandes & onereufes dépenfes, de ,, fes fruits anticipés de l'Acceffion.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

La Proteftation que le Miniftre ajoute, n'eft pas moins étrange que tout le refte de fon Mémoire. Il fe promet, dit-il, de ,, l'équité de Sa Majefté Suedoife, que fi par éloignement de la Flotte Britannique "" & faute des mefures prifes à tems il arrivoit quelque malheur à la Suede, ,, l'on ne voudra pas, comme quelques uns ,, ont fait injuftement en d'autres conjonctu,, res, l'imputer au défaut d'ordres néceffai,, res pour l'Amiral, ni au manque de fon inclination pour exécuter fes ordres avec fidelité & exactitude.

Il auroit certainement agi plus prudemment en ne relevant pas des faits paffés, peu propres à faire honneur, & en renouvellant la mémoire des grands & mémorables Exploits de la Flotte Brirannique pendant les années 1719. & 1720. La Suede n'a pas befoin d'examiner fi c'étoit faute d'ordres ou faute de boune volonté de la part de l'Amiral de ce. tems là, que les grandes & onereufes dépenfes que l'Angleterre fit alors pour équiper fes Flottes, lui devinrent inutiles pour fa défense & pour fa confervation. La déclaration de Mr. Finch, dont il eft fait mention plus haut, & ces mêmes conjonctures dont le Miniftre parle, fuffifent pour la convaincre, & toute

la

[ocr errors]

la convaincre & toute la Terre, que les For-
ces Navales de la Grande Bretagne, toutes
grandes qu'elles puiffent être, font incapables
de prevenir les fuites fâcheufes auxquelles la
Suède feroit expofée, fi de gayeté de cœur
par les effets d'une amitié fans exemple, &
par une complaifance blâmable & impruden-'
te, elle vouloit bien rompre avec la Ruffie.
Il fe peut auffi que le Roi d'Angleterre fe
foucie fort peu de ces fuites, pourvû qu'il
obtienne fon but, de brouiller la Suède avec
l'Empereur & avec la Ruffie, & de rendre
ainfi la Poffeffion des Duchez de Brehmen &
de Vehrden plus affurée.

Ce qui fuit dans le Mémoire montre affez,"
que bongré malgré il faut que la Suède ac-
cede, le Miniftre preffe Sa Majesté Suedoife*
de lui accorder une réponse finale, puif-
que la faifon & les conjonctures rendent im-
portant à Sa Majesté Britannique & à fes Al-
liez, de favoir au plutôt à quoi l'on s'en doit
tenir. Cela veut dire en bon François, que
le Roi d'Angleterre craint, que la faifon a-
vancée ne lui ôte les moyens de fe fervir de
fa Flotte pour contraindre la Suède à l'Ac-
ceffion. La Nation d'ailleurs pourroit mur-
murer, fi elle la voyoit s'en retourner comme
elle eft venue, & l'Alliance de Hanovre per-
dra beaucoup de fon prix, en cas que, malgré
les efforts qu'on s'eft donné, la Suède n'y ac-
cedât pas. Tout cela rend-allez vraisemblable
ce que le Miniftre dit de l'extrême envie qu'a
le Roi fon Maitre de s'unir étroitement avec
la Suede, mais il auroit de la peine à perfua-
der, que ce foit le repos du Nord pour la li-
bre Navigation de la Baltique, pour le bien

de

[ocr errors][ocr errors][merged small]

de la caufe Proteftante, & pour l'avantage reciproque des deux Royaumes.

La Suède croit qu'elle eft auffi étroitement unie avec l'Angleterre qu'on le puiffe demander, à moins qu'on ne veuille abolir le Traité de 1720. qui a été véritablement conclu pour le repos du Nord, au lieu que celui d'Hanovre ne tend qu'à troubler celui de toute l'Europe. Elle ne comprend pas l'arrivée de l'Efcadre Angloife, ni comment la cause Proteftante pourroit fouffrir de ce que la Suède n'accede pas audit Traité. Pour ce qui regarde l'avantage dont il est parlé, on convient que le Roi d'Angleterre en trouveroit beaucoup, s'il pouvoit faire entrer la Suède dans fes vûës. Mais le Miniftre Anglois at-il dit dans fon Mémoire la moindre chofe qui puiffe perfuader qu'il eft reciproque, & que la Suède y trouve fon intérêt? Au contraire il demande au Roi de Suède qu'il accede par un fimple principe d'amitié.

Cependant malgré tout ce qu'on a dit cideffus, le Miniftre Anglois s'apuye toujours fur les dangers aparens, qui menacent ces biens inestimables. Il a raifon de les apeller aparens, puifqu'ils n'ont aucune autre réalité que celle d'avoir été forgez dans le Cabinet du Roi de la Grande Bretagne. Et c'est làdeffus que le Miniftre Anglois fonde le reproche qu'il fait à Sa Majesté Suedoife, de manquer de prévoyance, & de n'avoir pas voulu prendre ces fauffes aparences pour des réalitez, & les liaisons néceffaires pour s'y opofer. Il en apelle même à Dieu & au monde impartial, fi en ce cas-là le Roi fon Maitre, au lieu d'aller au devant des fouhaits, & de la

requifition de la Suede, fe contente pour l'avenir de remplir fes engagemens envers cette Couronne, dans les propofitions & dans les tems marquez par les Traitez.

Selon toutes les aparences la Suède ne voudra jamais demander autre chofe à l'Angleterre, elle auroit même lieu de fouhaiter, que cette Couronne eut toujours rempli les Conditions des Traitez conclus avec elle dans les propofitions & dans les tems y préfcrits. Si elle l'avoit fait à l'gard de l'Alliance de 1700. la Suède ne fe feroit pas trouvée dans l'état où on l'a vu reduite en 1719. pour n'en alleguer qu'un feul exemple parmi un grand nombre, on fe fouvient fort bien en Suède, que lorfque pendant la dernière guerre le Miniftre de cette Couronne fe plaignit au Miniftre Anglois, qu'on permettoit aux Sujets de la Grande Bretagne, de fournir à la Ruffie, alors ennemie déclarée de la Suède, toute farte de Munitions de guerre, & même des Vaiffeaux de Ligne tout équipez & armez contre la teneur précife dudit Traité, qu'il eut la Réponse, qu'on en étoit fort fåché, mais qu'il n'y avoit point d'Acte de Parlement qui les en pût empêcher, une réponse femblable peut encore être apliquée à d'au

tres cas.

Il menace après que le Roi fon Maitre fera obligé à prendre fes mesures ailleurs, ces mefures font un peu équivoques. S'il entend par là des mefures qui tendent à affermir le repos du Nord, la libre Navigation de la Mer Baltique, le bien de la Caufe Proteftante & l'avantage reciproque des deux Royaumes, il ne pourroit arriver rien de plus agréable à la

Suè

« PreviousContinue »