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de quelle manière la Cour Imperiale, l'Empire & la République des Provinces Unies regardent cette Triple Alliance, par raport à leurs intérêts particuliers; votre curiofité va plus loin, vous voulez favoir, fi la Couronne de Suède peut trouver fon compte à y acceder, comme la France & l'Angleterre l'en follicitent fi vivement, & c'eft là-deffus que vous me demandez mes fentimens d'une maniére fi obligeante; mais, Monfieur, me croyez-vous en état de vous fatisfaire pleinement là-deffus? l'avantage d'avoir été employé autrefois dans les affaires me donneroiti affez de lumiere pour pénétrer les fecrets & les deffeins d'un Confeil auffi fage & auffi éclairé que celui de la Suède ? Non, Monfieur, je connois trop mon infuffifance & ma vûë bornée ; & malgré l'habitude où je fuis depuis long-tems, de ne vous rien refufer, je l'aurois fait cette fois, fi on ne venoit de me communiquer la Copie d'un Mémoire que Mr. Pointz, Miniftre de Sa Majefté Britannique à la Cour de Suède, y a préfenté le 4. du mois paffé, pour porter cette Couronne à acceder au Traité d'Herrenhaufen.

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Ces fortes de Pièces partant ordinairement de mains de Maitre, les habiles Miniftres y détaillent toujours tout leur favoir faire, & déployent tout ce que l'art de perfuader a de plus fait. Et effectivement, après la lecture de ce Mémoire, il m'a paru moins difficile de juger du parti que la Suède pourroit prendre, en examinant, fi les raifons & argumens qu'on y allegue font folides & convaincantes. 'ai tâché de le faire avec l'impartialité que

vous me connoiffez, dans ces Remarques dont j'ai crû devoir accompagner le Mémoire en question.

Le Miniftre Anglois commence fon Mémoire par une proteftation, que le Roi fon Maître a toujours été attentif à conferver le repos du Nord, & à affurer le bonheur de la Suede.

Il eft conftant, que la Nation Angloife a un veritable interêt de veiller à la confervation du repos dans le Nord. Elle l'a fait autrefois avec une impartialité & un défintereffement exemplaires; les Traitez de Pinnenberg, de Travendahl, & l'attention qu'elle eut à affoupir le different qui étoit né à l'occafion de l'Evêque de Lubeck, fourniffent des exemples édifians du foin avec lequel les Monarques qui occupoient alors le Trône Britannique, obfervoient les regles de l'équité, à quel point ils avoient égard aux droits inconteftables des Parties, avec quelle exactitude ils remplifloient leurs engagemens, & combien ils étoient jaloux de la confervation des Traitez folemnels. Mais c'est une autre question, fi le Roi d'apréfent, & fon Ministere font d'humeur à fuivre ces maxines & ces fentimens de la Nation. Il ne fera peut-être pas difficile de la décider, fi l'on veut faire at tention à la conduite paffée de ce Prince.

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La Suede n'a pas encore oublié, qu'en qualité d'Electeur de Bronswick & Lunebourg, il fe mêla de la derniere Guerre, & augmen ta le nombre des ennemis déclarés du feu Roi Charles XII. uniquement pour avoir part à fes dépouilles, & qu'il fit même fervir à ces fins les flottes & les trefors de la Nation

qui

qui felon la teneur du Traité d'Alliance ne devoient être employés que pour la défense de la Suede.

,, Après un tel début, le Miniftre Anglois , déclare que le Roi fon Maître a bien vou , lu communiquer à la Suede le Traité d'Alliance conclu l'année paffée ; & l'inviter à y acceder, de la maniere la plus cordiale, dans la vûë d'affurer le bonheur de cé ,, Royaume, contre quelques entreprises, dont le Roi d'Angleterre l'a crû & le croit encore menacé.

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Elle

Mais quelles font ces entreprises? La Suede, qui doit être Juge competant de fa fituation, n'en connoît, ni n'en craint aucune. vit dans une profonde paix, qu'elle a acheté trop cherement, pour ne pas croire l'avidité de fes voifins entierement affouvie. Elle a conclu une étroite alliance défenfive avec la Ruffie, elle en a une avec l'Angleterre depuis P'année 1720. tous fes Confeils n'ayant d'ailleurs pour but, que la confervation d'une tranquillité qui lui eft fi néceffaire. Elle ne fait pas d'avoir donné le moindre prétexte à qui que ce foit de l'inquieter. Outre cela l'Acceffion qu'on lui propofe, feroit-elle capable de la garantir contre quelques dangers, en cas qu'il y en eût à craindre? La Suede envifage avec juftice cette alliance, comme une affaire qui ne la regarde en rien. Cela eft manifefte, fi l'on fait attention à la raifon principale qui l'a produite.

..

On n'ignore pas que c'est la Paix faite entre l'Empereur & l'Espagne, à l'infçû & fans l'intervention du Roi d'Angleterre, & le mauvais fuccès de la derniere Négociation à Peterf

bourg,

bourg, qui a fait éclorre le Traité en queftion, Mais les Puiflances du Nord n'ont aucun intérêt à cette Paix, & au dépit qu'elle a caufé; il leur importe peu, fi c'eft fous la Médiation de l'Angleterre ou non, que l'Espagne s'eft réconciliée avec l'Empereur, ni la chofe même, ni la maniere dont on l'a menagée, ne peuvent lui donner le moindre ombrage.

Paffons à la fuite du Mémoire. Vous vous attendez fans doute, Monfieur, à voir le Miniftre Anglois étaler des raifons qui puiffent perfuader que la Suede ait quelque intérêt à accepter la propofition qu'on lui fait; mais il faut qu'il n'en ait pas eu, puifqu'il n'en allegue point. Au lieu de cela, il fe donne beaucoup de peine à expofer celles que l'Angleterre a de rechercher la Suede fi foigneufement: Perfonne ne doute qu'elle n'en ait, & fon empreffement feul en fait juger.

L'unique chofe qu'il dit, & qui approche tant foit peu d'un argument perfuafif, confifte à proner de nouveau, l'intérêt que le Roi fon Maître prend au bonheur d'une Nation toujours alliée étroitement avec l'Angleterre.

On avoue de grand cœur en Suede, & je l'ai déja remarqué que l'Angleterre a eu autrefois l'attention dont le Miniftre fait un me. rite à 1on Maître; mais c'étoit dans un tems où les vûës du Souverain & de fon Ministère, n'étoient ni differentes, ni contraires à celles de la Nation, Peut-on dire quelle l'ait à prefent, & qu'elle s'intéreffe fincerement au bonheur de la Suede, lorfqu'elle prétend que cette Couronne entre par pure amitié, & contre fes veritables intérêts dans des affaires qui ne la regardent ni de près, ni de loin; &

qu'elle

qu'elle prenne des engagemens capables de lui attirer toutes fortes d'embarras.

Cependant le Miniftre Anglois fe plaint amiablement de ce que la conduite de la Suéde n'a pas encore répondu aux efpérances de fon Maître Mais pourroit-il le faire avec justice, à moins qu'il ne croie, qu'elle foit obligée d'entrer aveuglément dans tous les engagemens que Sa Majefté Britannique trouve bon de lui propofer, fans aucun égard à ce qui lui convient, ou ne lui convient pas. Elle n'entreprend pas de décider, fi le Traité en queftion peut offenfer quelqu'un avec raifon ou non; il lui fuffit que d'autres Puiffances, dont elle a grand intérêt de conferver l'amitié, y trouvent à redire, & en prennent ombrage. Elle cherche uniquement la Paix, comme je l'ai dit. Pour la conferver, elle évite foigneufement d'époufer les querelles d'autrui. Elle a outre cela la fatisfaction d'être alliée à l'Angleterre, & ne comprend pas à quoi il ferviroit de faire alliance fur alliance: feroit-ce qu'on eût l'intention en Angleterre de déroger par une feconde, aux obligations de la premiere, ou fe reprocheroit-on tacitement d'avoir mal obfervé celle de 1720. Sa Majefté Britannique s'y eft engagé par le XVI. Article, de ne pas feulement continuer en faveur de la Suede les fecours qu'Elle y promet, jufques à ce qu'on ait mis le Commerce de la Mer Baltique fur le même pied où il étoit avant la Guerre, mais encore de porter fes Amis & Alliés, à contribuer par des Subfides & des Troupes auxilaires à réprimer & à dompter le Czar; ( ad coercendum Czarum Ruffie, comme les termes

Traité le portent.) La Ceffion des Du

chés

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