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GRENADE, (La) ifle de l'Amérique Septentrionale dans la mer du Nord, & l'une des Antilles.

LA

A longueur de cette ifle du nord au fud, eft de dix lieues; fa plus grande largeur de fept, & fa circonférence d'environ vingt-deux. Elle eft très-fertile en fucre, qui eft beaucoup plus blanc que dans les autres ifles; en café, tabac, indigo, coton, riz, gingembre, miel, manioc. L'air y eft très-fain, & elle eft bien peuplée. Ses plaines font coupées par quelques montagnes peu élevées & par un nombre prodigieux de ruiffeaux affez confidérables. Elle a fous le vent un port fi vafte que foixante vaiffeaux de guerre y feroient au large, & fi fûr qu'ils pourroient fe dispenser de jeter l'ancre.

Quoique les Francois, inftruits de la fertilité de la Grenade, euffent formé dès l'an 1638, le projet de s'y établir, ils ne l'exécuterent cependant qu'en 1651 En y arrivant, ils donnerent quelques haches, quelques couteaux, un baril d'eau de vie au chef des fauvages; & croyant à ce prix avoir acheté l'ifle, ils trancherent du fouverain; bientôt ils agirent en tyrans. Les Caraïbes ne pouvant les combattre, à force ouverte, prirent le parti que la foibleffe inspire toujours contre l'oppreffion, de maffacrer tous ceux qu'ils trouvoient à l'écart & fans défenfe. Les troupes qu'on envoya pour foutenir la colonie au berceau, ne virent rien de plus fûr, de plus expéditif que de détruire tous les naturels du pays. Le refte des malheureux qu'ils avoient exterminés; fe refugia fur une roche efcarpée; aimant mieux fe précipiter tous vivans de ce fommet, que de tomber entre les mains d'un implacable ennemi. Les François nommerent légèrement ce roc, le morne des fauteurs, nom qu'il conferve encore.

Un gouverneur avide, violent, inflexible, les paya juftement de tant de cruautés. La plupart des colons revoltés de fa tyrannie, fe refugierent à la Martinique qui en eft éloignée de 7 lieues; & ceux qui étoient reftés fous fon obéiffance, le condamnerent au dernier fupplice. La plupart des juges du crime & des témoins du fupplice, craignant fans doute que la cour de France ne ratifiât pas un jugement fi extraordinaire, & réduit à des formalités inouïes, quoique dictées par le bon fens, difparurent de la Grenade, & il n'y demeura que ceux qui par leur obfcurité devoient fe dérober à la perquifition des loix. La colonie fe vit alors réduite à la culture de trois fucreries, & de cinquante-deux indigoteries; & fuivant le dénombrement de 1700, il n'y avoit dans l'ifle que 251 blancs, 53 fauvages ou mulâtres libres, & 525 efclaves. Les animaux utiles fe réduifoient à 64 chevaux, & 569 bêtes à cornes.

Mais peu

peu les chofes changerent de face; l'on vit bientôt la Grenade fe peupler; les reffources, les travaux, la culture & les différentes Tome XX. Gggg

productions augmenter; tellement qu'en 1748. feize mille efclaves tirerent de fon fol & du fang de leurs veines, près de quatre millions pesant de café, & douze millions de fucre terré. Ces deux cultures pouvoient encore être augmentées d'un tiers, & la valeur en auroit été portée avec le temps & le travail qui dompte le temps, à treize millions de livres tournois. Les fievres opiniâtres & les hydropifies qui depuis trente ans confumoient les hommes à proportion qu'ils abattoient des bois, auroient ceffé fans doute avec les défrichemens, où le colon trouvoit la mort en y cherchant la vie. Mais la France fembloit avoir perdu fes espérances avec fes biens, & la Grenade avec toutes fes richeffes étoit paffée entre les mains des Anglois. Ils poffédoient paifiblement cette conquête depuis 1763. Elle vient de leur être enlevée par ces mêmes François qui avoient été forcés de la leur céder.

GREP A.

GREPA fut un de ces monftres dont on n'écrit l'histoire que pour frapper d'horreur ceux qui pourroient leur reffembler. Il étoit fils de Wetsmar, P'un des régens du royaume de Danemarc, pendant la minorité de Frothon III, né avec des paffions vives, ne craignant ni le frein des loix, ni le poignard du remord, il eut tous les vices, & les eut impunément. Après avoir infulté, féduit, ou violé les plus belles femmes de la cour, il ofa prétendre à la main de la belle Hunnara, fœur du roi; il crut lui infpirer de l'amour, & ne lui infpira que de l'horreur : la princesse, pour échapper aux pourfuites odieufes de ce courtifan, conjura le roi de lui donner un époux digne d'elle; il y confentit. Grepa en fut informé. Il invita à un feftin fplendide, tous ceux qui par leur haute naiffance, leurs exploits, leurs vertus pouvoient efpérer de fixer les regards de la princeffe. Au milieu du repas il les fit égorger, coupa leurs têtes, & les fit planter toutes fanglantes à la porte d'une efpece de fortereffe où Hunnara s'étoit retirée, pour fe défendre contre fes audacieufes entreprises. Car dans ces temps de défordre & d'ignorance, foit qu'il n'y eut point de loix, foit qu'elles fuffent fans vigueur, la pudeur n'avoit d'autre afile que des châteaux flanqués de tours, entourés de foffés, & dont les avenues étoient gardées par des foldats. C'eft dans ces efpeces de cachots que les grands étoient obligés d'enfevelir leurs filles, jufqu'à ce qu'un époux intéreffé à défendre leur vertu vint les tirer de la folitude où elles gémiffoient.

Cependant Grepa & les autres courtifans vendoient publiquement les audiences du jeune roi, & exigeoient des fommes énormes de tous les riches qui vouloient marier leurs filles. Enfin Eric-le-Sage parut à la cour de Danemarc, & s'empara par degrés de la confiance du prince. Grepa eur l'art de le peindre aux yeux de Frothon comme un ennemi fecret de

l'Etat & du roi; il confeilla à ce prince de le faire affaffiner, & lui offrit
de porter les premiers coups. Frothon rejeta ce confeil; mais il n'eut
pas le courage de punir le fcélérat qui l'avoit méprifé affez pour le croire
femblable à lui-même. Eric à fon tour accufa Grepa d'entrenir un com-
merce criminel avec la reine. Le favori offit de fe juftifier par le duel.
Cet ufage exécrable régnoit alors. L'Athlete, le plus robufte
le plus
adroit gladiateur, étoit le plus jufte des hommes. Mais Grepa fut le plus
foible; il reçut de la main d'Eric un châtiment trop léger pour fes cri-
mes. Et le fort des armes s'accora du moins cette fois avec l'équité.

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GROENLAND, Pays foumis à la domination du Roi de
Danemarc.

LE

eft

E Groenland n'eft qu'à quarante milles de l'Ifland. Quelques Géographes l'ont regardé jufqu'à préfent comme une grande Ifle; mais d'autres croient avec plus de vraisemblance, qu'il forme une peninfule dont le commencement eft au 59 degré 50 minutes de latitude, & dont la partie méridionale eft connue au delà du 78 degré. La partie orientale s'étend vers le nord, & les navigateurs font parvenus de ce côté-là jufqu'au 82 degré. Celle-là a été abordée pour la premiere fois par Jean Davis en 1585, & c'eft de lui que le bras de mer qui eft entre les terres feptentrionales de P'Amérique & le Groenland, a été nommé le détroit de Davis. On trouve continuellement dans les parties orientale & méridionnale de ces pays des glaçons, qui viennent des montagnes appellées Spitzbergen, & qu'un torrent impétueux jette vers le midi. On en attribue la caufe à deux détroits formés par deux Ifles, qui doivent fe trouver à la pointe méridionale du Groenland, & dont l'un qui eft placé fous le 63 degré de latitude, appellé détroit de Frobisher, & l'autre, qui eft fous le 62, ou fuivant d'autres, fous le 60 ou 61, eft appellé le Barnfund. Mais Jean Egede, qui dans l'intention de faire de nouvelles découvertes, avança en 1723 jufqu'au 60 degré de latitude en tirant vers le fud, n'a rencontré ni ifles ni détroits; de maniere qu'on eft encore dans l'incertitude par rapport à leur existence. Les anciennes relations du Groenland n'en font aucune mention: elles difent feulement, que les premieres colonies du nord ont commencé à occuper la partie orientale du Groenland, fituée vis-à-vis de l'Iflande, & qu'enfuite elles fe font fucceffivement avancées & étendues vers l'intérieur du pays jufqu'à la partie occidentale : qu'elles fe font vraisemblablement arrêtées dans la contrée appellée Baalsrevier (contrée de Baal), où l'on trouve encore beaucoup de terres arables, d'habitations ruinées, & vers le fud des reftes des maisons bâties de pierres. Si jamais le détroit de Frobisher a exifté, il faut de toute néceffité qu'il foit aujourd'hui tellement comblé par

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la glace & la neige, que loin d'offrir un paffage, il ne foit pas même reconnoiffable. Le Bärnfund n'eft également pas, à beaucoup près, auffi avancé dans le pays qu'on nous le préfente fur les cartes: Il eft moins encore vrai qu'il le traverse tout-à-fait. Il a outre cela peu de profondeur, & fera bientôt entiérement couvert d'herbes.

La partie orientale du Groenland, fituée à l'oppofite de l'Iflande, est aujourd'hui prefqu'inacceffible & inconnue, à caufe de la quantité de montagnes de glace d'une hauteur prodigieufe, dont la mer eft couverte dans ces parages. Cependant fi on vouloit s'arrêter & attendre entre l'Iflande & cette partie du Groenland, on pourroit trouver le moment d'y aborder; ce que les Hollandois ont effectivement tenté. Jean Egede croit que la maniere d'y arriver avec le plus de facilité feroit de partir de Staatenhoek ou du promontoire du Prince héréditaire Chriftian, & de naviger dans de petites barques le long de la côte orientale. Le bord occidental du détroit de Davis eft beaucoup plus connu. Il ne paroît pas impoffible d'arriver de la partie occidentale à la partie orientale par deffus les montagnes de glace, en prenant certains arrangemens & en fe mettant en route dans un mois convenable. Les côtes font remplies d'écueils, d'Ifles de différente grandeur, & on rencontre des Golfes grands & profonds, qui forment de bonnes rades & des ports affurés. La terre-ferme eft par-tout couverte de rochers, dont les plus hauts font fans ceffe couverts de glace & de neige, ainfi qu'une bonne partie des vallées. Le climat (du moins là où les colonies danoifes ont pénétré), eft fupportable, mais le temps eft très-inconftant. En été le foleil eft clair & chaud; cette faifon commence vers la fin de Mai & finit à la mi-Septembre : pendant toute fa durée, le temps eft agréabre fur la terre-ferme, parce qu'elle n'eft point fujette aux brouillards. En revanche les Ifles font fans ceffe environnées de brouillards froids & humides, qui empêchent les rayons du foleil de pénétrer, & ne difparoiffent que pendant le mois d'Août. Les pluies ne font ni fréquentes ni copieuses; y tonne rarement, & le tonnerre ne fait entendre qu'un bruit fourd. II faut en excepter le grand orage de 1755. Les ouragans font également rares & de peu de durée : le plus grand vent vient du fud. Les Danois & les Norwégiens trouvent l'hiver modéré fous le 64 degré; ce qui eft en grande partie l'effet de la clarté & de la tranquillité du temps. Mais lorsque le vent eft au Nord-Eft, comme alors il paffe les montagnes de glace, le froid eft au plus haut point; l'air s'épaiffit, & la prodigieufe quantité de particules glacées dont il eft rempli, le rendent rude & tranchant. Il ne tombe pas tant de neige en Groenland qu'en Norwege; elle eft fur-tout peu copieuse dans l'intérieur du pays au bord des fleuves, où elle ne paffe pas ordinairement la hauteur d'une demi-aune. La tranquillité de l'air eft caufe que dans les golfes, & entre les Ifles, la glace prend déjà à la fin du mois d'Août, & que dans les petits golfes elle ne commence à fondre & à être emportée par les vagues que vers la fin du mois de Mai. Depuis

le mois de Juin jufqu'au mois d'Août, le foleil eft continuellement fur l'horifon, de forte que les habitans n'ont pas de nuit: mais il eft à peine visible en hiver, & le peu de jour que le crépufcule caufe, ne dure tout au plus que quelques heures Pendant ces temps obfcurs & triftes, les habitans fe tiennent dans leurs cabanes. Le flux & reflux de la mer fe fait fentir réguliérement & avec beaucoup de force.

vre,

Suivant les anciennes deferiptions, le Groenland a été autrefois trèsfertile, nourriffoit des vaches & d'autre bétail, & produifoit dans quelques endroits le meilleur froment. Elles ajoutent qu'on a trouvé dans les vallées de très-beaux glands; que la chaffe des rennes étoit belle, & la pêche des poiffons de mer, des chiens marins & des baleines très-confidérable. Tous ces avantages n'exiftent plus. Dans les vallées & dans les fonds le terrein confifte en marais & en terres de tourbe; & on rencontre çà & là, principalement vers le fud, fous le 61 degré, des contrées où il vient de la belle herbe & différentes fortes de bonnes plantes. On trouve le meilleur terroir entre le 60 & le 64 degré. Les choux & les navets viennent bien; ceuxci ont beaucoup de douceur & un bon goût. Vers le fud, au bord d'un golfe; à 60 milles de la Colonie de l'Efpérance, on voit une petite forêt de bouleaux, dont les arbres font élevés de 6 jusqu'à 9 pieds, & font à peu près de la groffeur de la jambe : hors de là on ne rencontre aucun arbre dans toute l'étendue de ce pays. On trouve par-ci par-là des buiffons de geniede grofeilles, de bayes de mirtille & de mûres de ronces. On ne fait pas encore ce que les montagnes renferment dans leur fein. Il exifte plufieurs montagnes d'amiante, d'où l'on tire de l'afbefte. Dans les montagnes ordinaires on trouve de la pierre de taille, qui eft un marbre imparfait, & dont les Groenlandois font des lampes, des chaudieres, & autres chofes femblables. On loue les eaux douces du Groenland, comme trèsbonnes & très-falutaires. Dans les environs où l'on place communément le détroit de Frobisher, eft une fource d'eau minérale, qui, fuivant le rapport des Groenlandois, eft fi chaude en hiver, qu'en y jetant de grands morceaux de glace, ils fondent dans un inftant. L'eau en elle-même doit avoir un goût âpre & une très-forte odeur. On trouve, fur la terre- ferme, des lievres d'une très-petite taille, ayant en été le poil gris, & en hiver entiérement blanc. Il y a auffi une efpece de cerfs que les habitans du Nord appellent Reensdyr (Renne,) mais qui n'ont aucune reffemblance avec les rennes des Lapons. Les renards font blancs, gris & bleuâtres; ils font petits & leur peau eft peu fournie de poil. Il paroît quelquefois des ours blancs fur la terre-ferme; mais les Groenlandois les détruifent bien vite: ils n'ont aucun rapport aux ours qu'on voit dans d'autres pays, mais bien avec les loups qui fe tiennent dans les montagnes appellées Spitzbergen. Le loup de ces contrées approche beaucoup de la figure de l'ours. On ne trouve d'autres animaux domeftiques que des chiens, qui au lieu d'aboyer grondent & hurlent : ils font d'ailleurs poltrons & peu propres

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