Page images
PDF
EPUB

cès on indiqua, il n'y a pas fi long-temps, la plante & la graine de Nummaria ou Nummularia, monnoiere, comme un remede für contre les teignes; je l'effayai bientôt après, mais fans en remarquer aucun effet; il fe peut au refte que je ne l'aie pas employée dans le temps & fuivant la maniere de l'auteur. On confeille contre les charanfons le thlafpi, l'hieble, & autres plantes d'une odeur forte; on a prétendu que l'odeur du foin nouveau, fur-tout quand il fait fa fueur, pourroit les expulfer. Je ne voudrois pas nier qu'elle ne pût opérer un bon effet; mais ce moyen ne mo femble guere praticable; je crois avoir éprouvé qu'une autre odeur peut produire le même effet ; mais l'expérience n'a pû être réitérée, je n'ai pu être préfent tout le temps qui s'eft employé à la faire; peut-être auffi feroit-elle du mal au Grain; n'étant pas fûr de fon utilité, je ne veux pas même l'indiquer içi. On a effayé la fumée du foufre, qui en effet les fait périr; mais on trouve qu'elle décolore le Grain, lui donne certaine odeur qui en empêche la vente, & que la pâte faite d'un tel Grain ne leve pas facilement. M. du Hamel a luimême effayé d'enfermer des charanfons dans une caiffe enduite d'efprit de thérébentine; cette odeur fi pénétrante ne les détruifit pas. Il a eu auffi la curiofité de faire brûler dans une étuve, où l'on avoit mis du bled charanfonné, du charbon de forge; la vapeur qui s'en exhale feroit capable de faire mourir, & même en affez peu de temps, un homme robufte; elle n'eut cependant pas prise fur les charanfons. Je ne crois pas devoir rapporter tous les moyens dont on confeille l'ufage pour faire périr cette malheureufe engeance; mais je ne dois pas oublier une chofe qu'on trouve dans les Mémoires de la fociété écon. de Berne, que pour faire périr ou écarter les charanfons, il faut avoir la précaution, en engrangeant les gerbes, de les pofer debout ou fur la maffe, de répandre fur les épis de chaque couche de gerbe du fel pilé & féché, quatre livres fur 100 gerbes, d'en mettre auffi fur le bled battu & vanné en le ferrant dans le grenier. La dofe doit être de 4 liv. fur un fac. On remarque que ce Grain femé germe avec une vigueur extraor dinaire, & que la paille ainfi falée devient plus appétiffante pour les beftiaux. M. du Hamel penfe que l'étuve eft le meilleur moyen de détruire ces infectes pernicieux; que les teignes ne réfiftent pas à un médiocre degré de chaleur; que le charanfon a la vie fans comparaifon plus dure, & qu'il faut échauffer l'étuve jufqu'à ce que la liqueur du thermometre monte à plufieurs degrés plus haut qu'elle n'eft à celui qui fuffit pour détruire les teignes; le même moyen a réuffi pour faire périr la chenille d'Angoumois. Ce ne feroit pourtant pas affez d'en avoir purgé les greniers une fois, il peut en revenir d'ailleurs, & ce feroit à recommencer. Pour en empêcher le retour, le même M. du Hamel a imaginé des greniers qui, dans un efpace plus petit, peuvent contenir la même quantité de Grain qu'on peut placer dans les greniers ordinaires les plus valtes, parce qu'on peut donner au bled beaucoup plus de profondeur fans craindre qu'il fermente & qu'il fe corrompe : il faut feulement qu'il repofe fur une voute ou fur un

Tome XX

V v v

plancher fi bien foutenu qu'il ne cede pas au poids dont on le chargera, & que l'air qu'on y introduira puiffe le pénétrer du bas au haut. Il appelle ces petits bâtimens greniers de confervation, & ceux où l'on renferme le Grain en fortant de le vanner & de le battre, greniers de dépôt.

tas,

Quand on confidere que dans un grenier ordinaire, on ne peut donner au froment guere plus de 18 pouces de profondeur; que tout autour du il faut laiffer un trottoir d'une certaine largeur, foit pour pouvoir en faire le tour commodément lorfque le befoin le demandera, foit parce que c'eft le long des murailles & dans l'endroit où elles joignent le plancher, que les fouris font leur trou, & où il tombe le plus d'ordure de l'étage fupérieur; fi on ajoute à cela que le froment forme néceflairement un talut qui diminue encore l'efpace qui devroit contenir du Grain; on ne doit pas trouver étrange qu'un grenier de confervation qui n'auroit que 12 pieds de côté fur 6 de profondeur, n'en contienne guere moins qu'un grenier ordinaire qui auroit 40 pieds de long fur 20 de largeur.

Pour conftruire ces caiffes on n'eft pas lié à de certaines dimenfions, ni aftreint à certaine figure; on doit régler les unes fur la quantité de bled qu'on veut y renfermer, & l'autre fur l'emplacement qu'on veut lui donner ce qui eft abfolument néceffaire, c'eft que le bâtiment foit folide & qu'il puiffe foutenir fans céder, le poids du Grain qu'on y logera; que le plancher fur lequel on le pofera foit élevé de terre, pour qu'il foit plus exempt d'humidité; que le bois dont on le fait foit très-dur, afin que les fouris ne puiffent le creufer; qu'il foit fort fec, crainte qu'en fe féchant il ne fe refferre; mais le plus néceffaire eft que toutes les pieces en foient jointes très-exactement, tout comme s'il étoit deftiné à renfermer quelque liqueur; c'eft par l'exactitude des joints qu'il deviendra inacceffible aux plus petits infectes, ce qui étoit une des principales vues de l'illuftre inventeur.

Il en avoit encore une autre, c'eft de pouvoir éventer le froment quand on voudroit, & il croit le renouvellement de l'air fort nécessaire à la confervation du Grain. Un tas de froment eft bien éloigné d'être une masse folide; les Grains qui le compofent, laiffert entr'eux des interftices affez confidérables, qui font remplis d'air. Il s'eft donné la peine de supputer la proportion qu'il y a entre le plein & le vuide; il a trouvé que c'étoit à peu près celle de 11 à 3, & le célébre M. Hales juge que le vuide _eft environ la 7. partie du tout. Cet air, au jugement de M. du Hamel, a befoin d'être renouvellé de temps en temps, fans quoi il pourroit lui nuire: dans cette vue il adapte à fes caiffes un double fond, un auffi folide que le refte, fermant exactement par-tout, un fecond à jour compofé de tringles épaiffes de deux pouces ou plus, qui fe croifent les unes les autres & forment une espece de treillis, fur lequel on étend un drap de crin. Entre les deux fonds eft un efpace vuide, dans lequel on puiffe introduire le tuyau d'un foufflet placé en-dehors de la caiffe, à une distance convenable; on fait jouer le foufflet, il porte une grande quantité d'air dans

l'espace vuide entre les deux fonds inférieurs; cet air fe fait jour par le treillis entre les Grains de bled. Au fond fupérieur on laiffe quelques ouvertures qu'on couvre d'un linge, pour s'affurer fi l'air qu'on introduit entre les deux fonds pénetre par-tout; non-feulement il enfle le linge, mais fi on l'ôre il fouleve les Grains de bled à une hauteur confidérable. On fait durer l'opération autant qu'on le veut; quand elle eft finie il faut refermer très-exactement toutes ces ouvertures pour barrer l'entrée du grenier aux infectes dommageables. On comprend bien que plus le grenier eft grand & plus d'air il faut y introduire, que les foufflets doivent être grands à proportion, & qu'il faut d'autant plus de force pour les faire agir.

On peut les faire jouer par différens moyens, ou à force de bras, ce qui feroit bien ennuyeux, ou à l'aide de quelque machine, comme pourroit être une roue dans laquelle on enfermeroit un chien, comme pour faire agir un tourne-broche; on difpoferoit ces foufflets de façon que l'on pourroit les faire mouvoir en y attelant un âne ou quelqu'autre bête de Tomme, ou par des ailes femblables à celles d'un moulin à vent; ou enfin, fi l'on eft à portée d'une eau courante, par des roues femblables à celles des moulins à eau.

M. du Hamel juge cette opération très-utile, & que feule elle feroit capable de conferver en bon état & de deffécher fuffifamment du bled médiocrement bien conditionné, fi elle eft fouvent réitérée, de chaffer les infe&tes dommageables au Grain, par l'inquiétude que leur donne ce mouvement extraordinaire dans l'air mêlé parmi le Grain, & la fraîcheur qu'il produit dans tout le tas que le grenier de conservation renferme.

Un meunier, à qui je voyois livrer du froment rempli de charansons, & à qui je demandai s'il ne craignoit point de mener dans fa maison, où il y avoit continuellement du Grain, cette malheureufe engeance, me répondit, qu'ils n'y prenoient jamais pied, que foit le bruit, foit l'ébranlement qu'éprouve le moulin, foit la fraicheur que l'eau y caufe, expulfoit tellement ces infectes ruineux, qu'on n'y en voyoit jamais aucun.

Voilà un détail abrégé des regles que M. du Hamel prefcrit pour la confervation des Grains, les plus néceffaires à la vie de l'homme; il y a mêlé quelques digreffions, qui interrompent la fuite des précautions qu'il recommande, & qui empêchent de fe les rappeller aifément. Il a cru devoir les préfenter dans un ordre convenable à la fin de fon ouvrage, &fans aucune interruption. Donnons auffi un abrégé de ce dernier chapitre. Quand le grenier eft neuf, on doit s'affurer fi les murs en font fuffifamment fecs. S'ils étoient humides, le froment qui les toucheroit fe corromproit immanquablement; par cette raifon plufieurs perfonnes préféreront les greniers de bois à ceux de maçonnerie, qui ne fechent jamais que lentement.

A mesure qu'on apportera le froment dans les greniers de dépôt, foit qu'il vienne des granges ou du marché, le confervateur le fera paffer par les différens cribles, obfervant de répéter les opérations. Si le froment

V v v z

étoit niellé, ou charbonné, ou chargé d'infectes, le confervateur féparera le beau & gros froment du petit, pour étuver à part ces différens Grains, & le nettoyement devra être fait avec d'autant plus de foin, qu'il n'y aura plus à y revenir quand une fois le froment aura été dépofé dans les greniers de confervation.

Lorfque le froment fera bien nettoyé, il le faut paffer à l'étuve: pour cet effet, 10. on le jette à la pêle dans les trémies : 2. quand l'étuve fera chargée, on defcendra le thermometre par l'ouverture qui eft au milieu de la voûte: 3°. il fermera cette ouverture auffi-bien que celle des trémies, & il ouvrira le regiftre qui eft au tuyau de la cheminée : 4o. il allumera le poële & y fera grand feu: 5°. au bout de deux ou trois heures, il tirera le thermometre, pour connoître la chaleur de fon étuve: 6°. quand le thermometre marquera entre 40 & 50 degrés, il fermera les ouvertures du poële & en partie de la cheminée, pour entretenir pendant six heures le feu à un tel point que la liqueur du thermometre fe maintienne entre 40 & 50 degrés : 7°. alors il fermera très-exactement toutes les ouvertures du poële, & quand il ne verra plus fortir de la fumée de la cheminée, il fermera entiérement le regiftre; il laiffera l'étuve ainfi fermée pendant feize heures; après ce temps-là il ouvrira les trois ouvertures de la voûte, pour laiffer les vapeurs humides fe diffiper. Le froment ayant ainfi refté trente ou trente-fix heures dans l'étuve, on pourra le tirer pour le remonter dans le grenier de dépôt.

Ce qu'on vient de dire ne doit être regardé que comme une hypothese, car il eft évident que les Grains fort humides, doivent refter plus longtemps à l'étuve que les autres, & que les premieres étuves exigent plus de feu & de temps, que celles qu'on fait lorfque le poële & l'étuve font fort échauffés. Ainfi le mieux fera de s'affurer du parfait defféchement du Froment en caffant quelque Grain fous la dent; s'il rompt net comme un Grain de riz, il eft parfaitement fec; mais il ne faut faire cette épreuve que fur des Grains qu'on aura tirés de l'étuve pour les laiffer refroidir; car jufqu'au parfait refroidiffement, ils continuent à perdre de leur humidité. Quand le froment étuvé fera remonté dans le grenier de dépôt, on le paffera encore une fois au crible à vent, pour le refroidir & emporter une pouffiere que la chaleur de l'étuve aura détachée du froment; alors il ne fera plus queftion que de le jeter dans les greniers de confervation, jufqu'à ce qu'ils foient pleins jufqu'aux folives.

Si nous fuppofons que les greniers font remplis, avec les précautions que nous venons d'indiquer, le devoir du confervateur fera de veiller à ce que fes moulins foient en bon état, de fe pourvoir de tout ce qui peut être néceffaire pour remplacer les pieces qui viendroient à manquer, de graiffer tous les endroits où il y aura des frottemens; il tiendra tout exactement fermé, & n'ouvrira de trappes & de regiftres que celles qui appartiendront au moulin qu'il éventera actuellement; il doit vifiter les

porte-vents, lorfque les moulins tourneront, pour s'affurer fi l'air ne fe perd pas; & fi cela étoit, il y remédieroit fur le champ avec des pieces. de linge enduits de colle forte, dans laquelle on aura mêlé un peu de chaux vive en poudre.

Il profitera de tous les vents pour faire marcher fes moulins, les vents du nord frais & fecs font préférables aux vents du fud, ordinairement chauds & humides,

Il éventera fucceffivement tous les greniers; & s'il appercevoit que le Grain fût plus humide dans les uns que dans les autres, il les éventeroit plus fréquemment ou plus long-temps.

Quand on vuidera les greniers de confervation, on répandra dans le gre nier de dépôt, ce qu'on en tirera pour le paffer au crible avant de l'envoyer au moulin où au marché. Cette opération eft néceffaire pour nettoyer le froment d'une pouffiere fine, qui fe détache toujours de fon écorce, & pour adoucir le froment qui eft toujours un peu rude à la main après avoir paffé par l'étuve.

J'abrege extrêmement mon auteur: mon but eft fimplement de donner à la généralité des lecteurs, une idée des manœuvres recommandées par Mr. du Hamel, & des machines qu'il a heureusement imaginées pour en faciliter l'exécution: c'eft, je penfe, tout ce que l'on cherchera ici, & c'eft à quoi je me fuis appliqué. Si quelqu'un vouloit faire des établiffemens femblables à ceux qui font décrits dans l'ouvrage de M. du Hamel, il ne doit pas hésiter de fe procurer fon ouvrage, qui pourra lui fuffire, s'il entend la matiere; finon, il doit vifiter, accompagné de quelque ouvrier intelligent, des établiffemens de ce genre, qui foient actuellement faits, Il n'eft point d'occafion où le bled demande plus de précaution, que quand on veut le transporter par mer dans des lieux fort éloignés, ou quand on en reçoit arrivé de loin par la même voie. Il n'eft point de vaiffeau qui ne faffe quelque peu d'eau, & cette eau le remplit de vapeurs humides; elle fe corrompt & répand une odeur infecte, fur-tout dans la cale où l'air ne fe renouvelle pas. C'eft pourtant dans la cale qu'il faut loger le Grain, c'est là auffi où l'on place les vivres, les falaifons, les fromages. De ce mélange s'exhalent des vapeurs qui contribuent à l'altération de l'air renfermé dans la cale, qui le rendent chaud & humide. Il eft impoffible que le froment y refte long-temps, fans contracter une altération confidérable. L'humidité le fait renfler, la chaleur peut le faire germer, la mauvaise odeur fe communique au pain qu'on en fait; c'eft ce qu'une fâcheuse expérience apprend tous les jours, & qui eft plus ou moins fenfible en raifon de la longueur du trajet. Mr. du Hamel voudroit, pour prévenir le mal, qu'on établit dans les cales des petits greniers ou caiffes, faits avec les mêmes précautions que ceux dont a parlé ci-deffus, parlé ci-deffus, & que de plus on eût foin de les brayer & calfater au-dehors, pour empêcher l'humidité d'y pénétrer; qu'on eût foin de deffécher par le moyen de l'étuve, tout le bied

« PreviousContinue »