degrés au-deffus de o, il y perdit un huitieme de fon poids; preuve qu'il s'en évapora quantité d'eau. Examinez un tas de froment peu de jours après qu'on l'a mis en grange, quelque fec qu'il foit, il prendra une moiteur qu'on fentira au toucher: le paylan de nos quartiers appelle cette époque la fueur du bled. Enfin j'ai conftamment vu que le froment battu peu après la moiffon, donnoit, à quantité de paille égale, plus de Grain ou plus de mesures de Grain, que celui qu'on differe de battre jufqu'au commencement de l'hyver. Je n'en ai jamais pris de note qu'une feule fois; 120 gerbes battues immédiatement après la moiffon pour femer, donnerent 128 mefures; le refte qui ne fut battu que pendant le cours de l'hyver, ne rendit qu'une mefure par gerbe; preuve que le Grain s'étoit refferré, & tout d'un temps dépouillé d'une partie de cette humidité malfaifante, qui faifant fermenter le Grain, en occafionne la corruption. De ces expériences, il leur étoit aifé de conclure que le moyen le plus fûr pour la confervation du bled, étoit de le fécher en l'expofant à une chaleur mefurée dont l'expérience leur. découvriroit le degré, Ils l'ont trouvé en effet par des moyens très-ingénieux. Ils ont imaginé des fourneaux de conftruction nouvelle, des cribles plus propres à en écarter la pouffiere & les autres impuretés que ceux qui étoient en ufage, des foufflets pour introduire avec force de l'air frais dans les plus grands tas de Grain, & des greniers capables d'en contenir une plus grande quantité que d'autres fans comparaison plus vaftes, & à l'aide de tous ces moyens réunis, en garantiffant le Grain de corruption, de le garantir auffi du ravage des infectes & de la voracité de ces petits animaux qui dévaftent fi fouvent les grands greniers. en Je prends le froment au fortir de la grange après qu'on l'a bartu & vanné on ne le loge pas dans les greniers avant que d'avoir fubi ces opérations, qu'on ne fait point par-tout de la même maniere plufieurs endoits, on jete au vent le Grain battu avec des pêles, faites exprès pour cet ufage; ailleurs on emploie le van feul; d'autres font fuccéder le van aux pêles, pour achever ce que celles-ci ont commencé. On ne manie point non plus par-tout les vans de la même maniere. Il n'eft pas de notre fujet d'examiner ces différentes méthodes ou de chercher quelle eft la moins coûteufe, la plus facile & la plus efficace; quelle qu'on emploie, elle ne nettoyera jamais le bled parfaitement & dans un degré fuffifant pour pouvoir être confervé avec avantage, fi on ne fait rien de plus. La pouffiere qui y refte attachée, attire & entretient l'humidité; elle la communiqueroit au Grain & nuiroit à la beauté & à la qualité du pain qu'on en feroit. Par cette raison, la nouvelle méthode recommande l'ufage des cribles qui enlevent, du moins en partie, la pouffiere mêlée parmi le Grain, outre que cette opération même en l'aérant contribue quelque peu à le 515 deffécher. I eft plufieurs fortes de cribles, il en eft qui ont la forme de plans inclinés, compofés de fils-de-fer rangés parallelement; ce font les plus communs, chacun les connoît, & il feroit inutile de les décrire : ils expédient plus que tout autre, & fuivant que les fils-de-fer font plus ou moins éloignés les uns des autres, ils diminuent auffi plus ou moins la quantité de Grain que l'on y fait paffer. Ce déchet dégoûte quantité de gens d'une précaution fi néceffaire, & il faut avouer que fi le crible peut aider à rendre le froment, j'ai trouvé que ce qu'il ajoute au prix, ne dédommage pas de la quantité qu'il fait perdre. Cette premiere opération ne fuffit pas toujours; quelquefois la pouffiere eft fimplement mêlée avec le Grain; d'autres fois elle y eft comme collée; c'eft le cas du bled carié; la pouffiere qu'on y voit s'attache à une espece de foie ou de poils très-déliés que les Grains ont à un de leurs bouts. Le crible ordinaire y opere peu; le bled paroît noirci avant que d'y être jeté; il en reffort à-peu-près dans le même état. Mais il en eft une autre efpece auffi de fil-de-fer, qui , qui a la forme de cylindre ou de cône tronqué, traversé par un axe folide, auquel eft attachée une manivelle tournée par un bras robufte. La grande agitation qu'on donne au froment, qui y eft renfermé & qu'on y fait entrer par une trémie dont on peut élargir ou rétrécir l'iffue à difcrétion, le choc des Grains qui fe heurtent les uns les autres & frappent avec violence les fils-de-fer qui les contiennent, le mouvement qu'excite dans l'air celui de la machine, tout cela en détache la pouffiere en grande partie, le froment en fort toujours avec un plus bel ail: en réitérant l'opération on en remarquera toujours mieux le bon effet; il faut quelquefois en venir à le laver, tant cette pouffiere eft tenace. On emploie encore une troifieme forte de crible qui renferme une efpece de moulin à vent; il eft formé par des mailles de fil-de-laiton, & placé horizontalement ou à-peu-près; le bled y tombe par une trémie : du premier crible le bled tombe fur un fecond, dont les mailles font plus ferrées : fous les cribles eft une roue avec des ailes fort larges, qu'on fait tourner à l'aide d'une manivelle; les fecouffes qu'elle donne à tout le corps de la machine, favorifent le paffage du froment par le crible, & le mouvement des ailes forme un courant d'air affez fort pour chaffer au loin la balle, les brins de pailles & en général tout corps moins pefant que le bled: ce font là tout autant de meubles néceffaires à un grenier confidérable. Toutes ces différentes manœuvres diminuent confidérablement l'humidité fi fatale au Grain que l'on cherche à conferver, & pourroient peut-être fuffire dans les années où le bled a été parfaitement récolté; dans d'autres temps elles ne fuffiroient pas, elles ne feroient que diminuer le mal ou recuJer un peu l'altération qu'un excès d'humidité produira toujours dans le Grain. On a trouvé que pour le mettre en pleine fureté, il falloit joindre à tous ces moyens le fecours de l'étuve, machine inventée en Italie par M. Intieri, & améliorée en France par l'illuftre M. du Hamel. On a compris en Italie, malgré la chaleur & la féchereffe du climat, qu'il feroit avantageux de deffécher le froment par un degré de chaleur qui pût en bannir l'humidité, mais fans gâter le Grain: ces étuves font de petits bâtimens faits de maçonnerie, furmontés d'une voûte, ou de menuiferie, mais fermés très-exactement par-tout, à la réferve de quelques ouvertures ménagées pour certains ufages, mais qu'on peut fermer quand on veut. On peut les échauffer par le moyen d'un poële comme le pratique M. du Hamel, & l'on peut y brûler du bois. M. Intieri échauffe la fienne avec un vase de tole qu'il remplit de charbon ou de braise de boulanger bien allumée. On peut, en continuant le feu, entretenir cette chaleur auffi long-temps qu'on le veut, l'augmenter ou la diminuer, fi on le trouve à-propos, & en mefurer exactement le degré par le fecours d'un thermometre. donner L'inventeur de cette ingénieufe machine comprit d'abord que pour au Grain une chaleur uniforme, & pour le deffécher plus promptement il falloit qu'il eût le plus de furface qu'il feroit poffible, & que s'il étoit en tas fort profond, fon épaiffeur empêcheroit la chaleur de pénétrer partout, qu'une partie fe rôtiroit pendant que l'intérieur du tas conferveroit toute fon humidité. Pour obvier à cet inconvénient, M. Intieri place fon froment fur des tablettes, qui en contiennent trois à quatre pouces d'épaiffeur & M. du Hamel loge le fien dans des tuyaux placés verticalement; on peut les faire de fil-de-fer, mais ils coûtent affez cher, ou d'ofiers, qui foient affez ferrés pour ne pas laiffer fortir le Grain: ces tuyaux font placés à une certaine diftance les uns des autres, afin que l'air échauffé par le feu du poële, puiffe paffer librement la même précaution a été obfervée dans l'étuve de M. Intieri. Ces paffages ménagés à l'air, occupent une partie de l'efpace renfermé entre les parois du petit bâtiment, & en dérobent autant au bled qu'on y renferme; mais il en refte affez pour. loger dans celle de M. Intieri 223 pieds de froment: celle de M. du Hamel fans être plus grande, peut en contenir 372; & c'eft-là fans doute un grand avantage : il auroit été incommode d'être obligé d'entrer dans le corps de l'étuve pour introduire le bled dans les tuyaux ou pour l'arranger fur les tablettes. Mais les inventeurs de la machine ont fu en arranger l'intérieur de façon qu'en verfant le bled dans une trémie par le haut du bâtiment, il va de lui-même fe loger fucceffivement dans les tuyaux ou fur les tablettes qu'il doit occuper. Pour l'en retirer lorfqu'il eft fuffifamment fec, on ouvre une porte à couliffe par laquelle le bled s'écoule de luimême, & tombe par fa propre pefanteur dans des facs préparés pour le recevoir. Chacun voit bien que cette machine doit deffécher le bled qu'on y renferme; & comme on peut l'échauffer plus ou moins, quelle que puiffe être l'humidité du froment qu'on veut y renfermer, on viendra à bout de la diffiper, en donnant à l'étuve un degré de chaleur fuffifant: mais fi l'on peut, par le fecours d'un thermometre, favoir jufqu'à quel point on échauffe l'étuve, (ce n'eft que par l'expérience qu'on peut venir à bout de rencontrer jufte, quand on veut déterminer jufqu'à quel degré), il faut faire monter la liqueur qui y eft renfermée pour deffécher toute forte de Grain autant qu'il eft néceffaire, fans pourtant le deffécher plus qu'il ne faut. Je crois qu'on partira d'un principe bien für, en fuppofant que la chaleur de l'étuve ne nuira point au Grain, fi elle n'excede pas celle que le foleil communique au Grain dans les plus beaux jours d'été; elle fait monter le thermometre au soe degré ou environ; mais fi l'on eft fûr que la chaleur de l'étuve pouffée jufques-là n'endommagera pas le Grain, il n'est pas fûr qu'elle deffeche fuffifamment de bled extraordinairement humide. Sans pouvoir donner des regles bien précises là-deffus, je crois qu'après un petit nombre d'effais faits avec quelqu'attention on viendra à bout d'agir à coup fûr, d'autant plus que ce degré fuffifant n'eft pas un point indivifible. On s'affûrera qu'elle a été fuffifante, à l'œil, au toucher, à l'odeur & en le mettant fous la dent; s'il fe caffe comme le riz, il fera fuffifamment fec; s'il mollit deffous la dent fans fe rompre, on peut en porter un juge `ment contraire. On peut, fans gâter le froment, lui faire éprouver une chaleur beaucoup plus forte. M. du Hamel s'eft convaincu par des expériences réitérées, que du Grain étuvé à 95 & même à 100 degrés du thermometre de M. de Reaumur, n'en étoit point altéré & qu'on pouvoit en faire du bon pain. Le froment en paffant par l'étuve perd une partie de fon poids, en raison du degré d'humidité qu'il avoit. Notre illuftre auteur trouva en 1715 qu'il perdit un huitieme de fon poids; en 1742, il n'en perdit qu'un feizieme : ceci ne fignifie pas au reftè qu'une mefure déterminée de froment étuvé, pese moins, même mefure remplie de froment qui n'aura pas effuyé l'opération; il fe trouve au contraire que le premier pefera plus, fans doute parce que les Grains fe refferrent & qu'il en entre un plus grand nombre dans la mefure: on veut dire qu'une certaine quantité de Grain pesée en bloc avant que d'être étuvée, pefera plus qu'après. J'ajoûterai ici une petite remarque, que ce n'eft pas la feule violence du feu qui procure la deffication; fi on l'entretient plus long-temps fans en augmenter le degré, elle fe fera plus complétement, & après qu'on a ceffé d'entretenir le feu, elle ira en augmentant jufqu'à ce que le bled foit abfolument refroidi. Si ces opérations n'empêchent pas que le bled fur lequel on les a faites, ne foit propre à faire du pain auffi bon, auffi nourriffant & peut-être plus qu'avant de les avoir fouffertes, n'en pourroit-il pas résulter un autre mal qui feroit de perdre la propriété de germer? Cette crainte n'eft peut être pas tout-à-fait deftituée de fondement. On tient communément que le bled vieux n'eft pas propre à être femé. Je crois en effet qu'il l'ett moins que le nouveau : cependant j'ai éprouvé & vu éprouver même en grand, que le bled vieux peut réuffir, fi l'on a eu attention de le conferver en bon état; ce qui n'empêche pas que je ne préféraffe le nouveau quand la chose feroit à ma difcrétion. M. du Hamel n'a pas voulu s'en tenir à des préjugés, il a fait plufieurs effais pour s'éclaircir & pour pouvoir éclairer fes lecteurs. Il mit dans une même étuve à part une petite quantité de froment vieux & nouveau, pour éprouver à quel degré de chaleur l'un & l'autre perdroient la propriété de germer; il en fema, qui avoit éprouvé 12 degrés & de chaleur d'autre qui avoit éprouvé 38 degrés, d'autre qui en avoit éprouvé 51. Dans tous ces cas le nouveau leva, mais le vieux ne parut point. Ceci fe trouve dans le Mémoire lú à l'Académie royale des fciences de Paris, le 13°. Novembre, 2745. • M. du Hamel fit dans la fuite d'autres expériences. En confidérant que la germination des Grains eft probablement l'effet ou la fuite d'une fermentation intérieure, & que cette fermentation pouffée à un certain degré, eft auffi une caufe prochaine de l'altération qu'on craint & dont on cherche à fe garantir; il lui paroiffoit naturel d'en conclure que l'étuve feroit un moyen bien fûr de conferver les fromens, fi elle détruifoit en eux la propriété de germer. Certaines expériences fembloient favorifer cette conféquence. Au bout de trois ans le froment a prefque perdu la propriété de germer, & il eft alors beaucoup plus aifé à conferver que le bled nouveau. Il effaya donc fi l'étuve employée fur du froment nouveau, ne le dépouilleroit point de cette qualité. Il fema, dans cette vue, 16 Grains de froment non étuvés, le 28 de Mars; premier Juin fuivant il n'y en eut que 7 de levés, ce qui montroit que la moitié de ce bled & • même plus, n'étoit pas propre à germer. On mit de ce même froment dans des affiettes, à la moitié de la hauteur de l'étuve, & le thermometre fut fufpendu à cette même hauteur. Quand la liqueur fut montée au 45o. degré, on tira le froment de l'étuve, on en fema 16 Grains le 2e. Avril; le 10. de Juin il s'en trouva y de levés; d'où il fuit que ce degré de chaleur ne fait point de tort aux germes. Le même froment ayant refté 48 heures dans l'étuve, on en fema 16 Grains le 4. Avril, & le 10. Juin on en trouva cinq de levés ; & comme de celui qu'on n'avoit pas étuvé, il n'en étoit levé que 7 fur 16, on peut en conclure que le froment de l'épreuve dont il s'agit, n'avoit pas fouffert une grande altération pour avoir été mis trois fois 24 heures dans l'étuve échauffée à 40 degrés. Le même froment ayant été remis à l'étuve, on augmenta la chaleur jufqu'à 55 degrés; alors on en tira un peu pour en femer 16 Grains ; le 10. Juin, on en trouva 4 de levés; on le laiffa dans l'étuve 3 fois 24 |