Page images
PDF
EPUB

414

rein occupée par des rochers, des précipices, des forêts inacceffibles, des bruyeres stériles & des glaces perpétuelles, perdue pour la jouiffance de l'homme, pour la culture & la population; les inondations fréquentes caufées par des fontes de neiges fubites, ou par les pluies toujours plus abondantes dans les montagnes, & dont les flots font auffi-tôt raffemblés dans des vallons refferrés entre des monts d'une élévation exceffive, & le plus fouvent coupés prefque verticalement; les évalanches ou éboulemens de terres & de rochers; les variations brufques dans la température de l'air, & les grêles que le voifinage des glaciers rend plus fréquentes.

Les documens historiques du pays de Glaris ne remontent pas au-delà de l'époque, où fes habitans étoient fujets de l'abbaye des religieufes de Sekinguen en Suabe, & ils le furent dans le droit le plus étendu d'une fervitude perfonnelle & réelle; un petit nombre de familles excepté, qui, jouiffant d'une condition libre, étoient regardées comme la nobleffe du pays. La juftice civile étoit adminiftrée par des juges nommés par l'abbeffe; fon chatelain y préfidoit; elle avoit fes officiers pour l'économie & la recette. Le peuple ou la communauté avoit fes affemblées, ses chefs, fa bourfe publique, & le privilege, que les emplois dépendans de la feigneurie ne pouvoient être remplis que par des citoyens du pays. Le plus fouvent dans ces temps de vaffalité le fort des fujets étoit moins dur fous le gouvernement eccléfiaftique; ils obtenoient plus aifément des

immunités.

Les offices dépendans de l'abbeffe de Sekinguen étant devenus des efpeces de fiefs, les comtes de Habfbourg & les princes d'Autriche, les empereurs Rodolphe I & Albert I, les acquirent fucceffivement, les réunirent avec la garde-noble & avec la jurifdiction criminelle, qui ne devoit relever que de l'empire directement. Toutes ces aliénations, contraires même aux droitures du pays, tenoient au grand projet de former dans l'Helvétie un patrimoine à un des ducs, fils d'Albert. L'exemple & les fuccès des premiers cantons Suiffes, ligués pour défendre leurs privileges contre cette ufurpation ambitieufe, ne fervit qu'à rendre les ducs plus attentifs à affermir leur autorité fur les nouveaux fujets, qui n'avoient pas la force de réfifter féparément. Le peuple de Glaris eut la mortification de voir fes ufages, fes immunités & les formes de fa police intérieure fucceffivement changées ou abolies. Ses maîtres jugeant de fes difpofitions en oppreffeurs, mettoient en temps de guerre des troupes en quartier dans le pays, pour en impofer aux habitans. Bientôt les confédérés, triomphans de leurs agreffeurs, furent en état de brifer les fers de leurs voifins. Le peuple de Schweiz entra en 1351 à main armée dans le pays de Glaris, y rétablit l'ancienne forme de l'adminiftration publique & les droits du peuple, & fe fit de ces voifins affranchis des alliés reconnoiffans & utiles. Cette premiere alliance des Glaronois avec les cantons renfermoit des conditions inégales; ils ne pouvoient ni s'allier, ni entrer en guerre, fans l'aveu des

[ocr errors][ocr errors]

confédérés. Par les fervices rendus à la ligue, ils mériterent qu'en 1450, cette inégalité fût enlevée; pour en effacer même la trace & pour donner à la prérogative nouvelle une force rétroactive, le fecond traité fut mis fous la date du premier.

Le peuple de Glaris commençoit à jouir de fa liberté fous la protection de fes alliés, lorsqu'en 1388, la nobleffe du parti Autrichien, alors en guerre avec les cantons, fit une irruption dans le pays, avec des forces qui devoient paroître fuffifantes pour l'opprimer fans retour. Les ennemis après avoir, avec l'aide des habitans de Wefen, furpris cette petite ville, fituée à l'extrémité inférieure du lac de Wallenftat, & maffacré la garnifon, forcerent les lignes qui défendoient l'entrée du pays, & fe répandirent comme un torrent dans tout le vallon, pour en faire le pillage. Cependant 350 hommes de Glaris, & une trentaine de leurs voifins de Schwitz, foutinrent dans un pofte avantageux, plufieurs attaques réitérées; après un combat de cinq heures, ils mirent les affaillans en déroute & en firent un grand carnage dans la pourfuite. L'anniverfaire de cette victoire fe célébre encore aujourd'hui le 8 du mois d'Avril; il paroît affez dur qu'au bout de quatre fiecles on oblige des députés de Wefen d'être préfens à cette folemnité, pour entendre répéter le reproche public de la trahison, dont leurs ancêtres s'étoient rendus coupables.

Depuis cette époque le canton de Glaris s'eft racheté des diverfes fujétions & redevances envers l'abbaye de Sekinguen. Glaris eft le dernier en rang des huit anciens cantons Suiffes, qui pendant environ cent trente ans formoient feuls le corps Helvétique. La part qu'il eut aux expéditions militaires, & aux conquêtes de fes confédérés, lui a valů le même droit dans la régence des petits gouvernemens fujets ou des bailliages communs. Voyez l'article SUISSE. Avec cela cette république a d'autres fujets pour fon propre compte; elle poffede feule le comté de Werdenberg, & en commun avec le canton de Schwitz, le petit pays d'Uznach & Gafter; tous ces bailliages font fitués à l'orient & au midi du Tokenbourg.

Dès l'année 1523 la religion réformée s'introduifit dans le pays de Glaris. La guerre de religion entre les cantons Suiffes en 1531, dont l'iffue fut fatale au parti des réformés, empêcha, peut-être, que la réformation ne devînt générale dans ce pays. On fixa par divers traités fubféquens, les droits des deux églifes & l'ordre de chaque culte. Les deux partis ne fe féparerent & ne fe cantonnerent pas comme dans le pays. d'Apenzell; mais la part de chaque parti dans le gouvernement, & les offices publics a été déterminée.

Ce gouvernement eft démocratique ou populaire. Tout citoyen d'une des quinze communes ou divifions du pays, ayant atteint l'âge de 16 ans, a droit d'affifter à l'affemblée du peuple, qui hors les cas extraordinaires ne fe tient qu'une fois l'année au mois de Mai, dans le chef lieu de Glaris, fur une place ouverte. C'est à cette convocation générale, appellée

Landfgemeind, qu'eft réservé tout acte de fouveraineté; de fanctionner les loix nouvelles, d'impofer des contributions, de faire des alliances, de traiter de la guerre ou de la paix. L'exercice du pouvoir exécutif, de la jurifdiction civile & criminelle, de l'économie publique & de la police eft confié au Landrath ou confeil du pays. Ce corps eft compofé de quarante-huit confeillers de la religion réformée & de quinze confeillers catholiques, choifis les uns & les autres dans les différentes divifions du pays, dans une proportion déterminée par la loi. Les chefs de ce confeil font le landamman, le ftatthalter ou lieutenant, & le tréforier. Ces charges alternent, fuivant un tableau fixe, entre les deux religions; le landamman nommé par les réformés eft en charge pendant trois années confécutives; enfuite les catholiques en nomment un pour deux ans. Le parti qui n'a point de landamman en charge, pourvoit pendant ce temps à Poffice de lieutenant. Les réformés jouiffent exclufivement du gouvernement du comté de Werdenberg, & les catholiques de celui du Gafter & d'Uznach; a religion dominante chez ces fujets communs a décidé de cet arrangement. Les réformés d'une part & les catholiques de l'autre, ont leurs affemblées particulieres ou landfgemeind, pour l'élection de leurs magiftrats; celles-ci fe tiennent huit jours avant l'affemblée générale de tout le peuple.

On évalue toute la population de ce petit Etat à 15,000 ames. Aujour d'hui les catholiques ne font plus qu'environ la huitieme partie; on eftimoit leur nombre vers l'année 1623, au tiers environ de la population générale; alors des épidémies avoient réduit à 3000 les hommes capables de porter les armes. Depuis le commencement du XVIII fiecle les réformés fe font accrus de 2900 hommes à 3800, & le nombre des catholiques a diminué.

Il faut attribuer cet accroiffement des réformés au fuccès de leur induftrie. Outre l'èxportation des productions naturelles du pays, des beftiaux, des chevaux, du beurre & des fromages, des cuirs & de quelques articles indiqués plus haut, on a introduit dans le pays la filature du coton, la fabrication de quelques petites étoffes, draps & rubans. En échange les habitans font obligés de tirer des autres parties de la Suiffe ou de l'Italie, de l'Alface & de la Suabe, les grains, les vins, le fel & la plupart des objets de commodité ou de luxe, en prenant ce dernier mot dans un fens relatif plutôt qu'abfolu. Glaris entretient des compagnies dans divers fervices étrangers; ces liaifons, qui ne font profitables qu'aux officiers qui commandent ces troupes, feroient trop onéreufes à un petit Etat, fans la facilité de tirer des recrues des bailliages communs entre les cantons.

Si le pays de Glaris a fourni des hommes qui fe font diftingués dans les armes, on n'exigera pas qu'il produife des noms également illuftres dans la république des lettres. Il fuffit d'obferver que l'efprit de la réformation y a introduit la liberté de s'inftruire, le goût de quelques connoiffances;

&

[ocr errors][ocr errors][ocr errors]

417

& qu'on a formé à Glaris une petite collection de livres pour l'ufage public. La nature n'a refufé aucun talent aux habitans des Alpes, mais faute de moyens pour les cultiver dans leur patrie, il faut fouvent qu'ils cherchent dans l'étranger l'occafion de les développer. Dans un article hiftorique, nous ne devons point paffer fous filence la mémoire d'un des principaux hiftoriens de la Suiffe. Egide Tfchoudi, iffu d'une des plus anciennes familles nobles de Glaris, qui fubfifte encore aujourd'hui, & qui jouit du privilege de joindre le nom de la patrie à fon nom propre, vécut au temps de la réformation, fans fe détacher de la doctrine de fes peres. Il remplit les premieres charges du gouvernement, & profita de l'accès que fes emplois ou la confidération perfonnelle lui donnoient dans diverfes archives, pour raffembler une collection précieuse d'actes publics, liés par des extraits des relations manufcrites des divers faits. Son travail par la fimplicité du plan, la fidélité de l'expofition, peut fervir de modele à ceux qui s'occupent de mieux développer les parties encore incomplétes de l'hiftoire.

Impôts, droits & revenus du canton de Glaris.

TOUTES

OUTES les fois que les dépenfes de la bourse commune excedent la recette, on a recours, dans le canton de Glaris, à une impofition dont le montant eft déterminé entre les habitans des deux religions, & dont les deux tiers portent fur les fonds, & l'autre tiers fur les perfonnes.

Le montant de ces taxes a été, jufqu'en 1730, d'un florin par mille livres de bien fonds, & d'un demi-florin par tête; mais elles ont été depuis réduites à moitié.

Lorfqu'il eft question de renouveller les rôles de ces taxes, on examine s'il eft furvenu de l'augmentation ou de la diminution dans la fortune des particuliers, & les taxes font réglées en conféquence des éclairciffemens qu'on s'eft procurés.

Lorfqu'il s'agit d'un habitant qui n'a point encore été impofé, les confeillers qui font chargés de faire la taxe, font tenus, par ferment, de donner un avis équitable, & qui tende plutôt à faire imposer à une fomme plus foible que trop forte; & fi celui qui a été taxé fe trouve furchargé, il peut porter fes plaintes, & lorfqu'elles fe trouvent fondées, la taxe eft diminuée.

L'impôt par tête doit être payé par tous les citoyens âgés de feize ans & au-delà, même par les pauvres.

Les valets, les ouvriers, les étrangers & les eccléfiaftiques, font feuls exempts de cette taxe ou capitation.

Les droits de péage font d'un produit fi médiocre, qu'on les abandonne aux péagers.

Tous les revenus du canton de Glaris font levés & perçus par fix commis qui en remettent le montant au tréforier & au banneret, qui en rendent compte annuellement à la république.

Tome XX.

Ggg

[ocr errors]

GLATZ, Comté d'Allemagne.

LE

E comté de Glatz eft fitué entre la Bohême, la Siléfie & la Moravie, & il est entouré de tous côtés par de hautes montagnes, qui font partie des Sudettes, de forte qu'on ne peut y entrer que par des gorges impraticables & femés de rochers efcarpés. Sa longueur eft de huit lieues géographiques fur cinq de largeur. Sous le regne du comte Christophe de Hardeck, la mefure militaire fut fixée dans ce comté à 15,860 aunes du pays pour chaque mille.

?

Cette province eft parfemée de montagnes, qui, avec fes vallées, forêts, prairies, champs, ruiffeaux, villes & villages forment le coup d'œil le plus agréable & le plus varié. Elle produit dans les bonnes années tout le bled néceffaire à fes habitans & même au-delà: puifque affez fouvent ils peuvent en exporter ailleurs. Dans les années de difette elle eft ravitaillée par fes voifins. Elle donne toutes fortes de légumes & de fruits, fans ceux qu'elle reçoit de la Siléfie, de la Bohême & de la Moravie. Le pâturage y eft bon, & la tenue des beftiaux eft d'un rapport confidérable. De vaftes forêts fourniffent du bois en quantité; le gibier de toute espece y eft abondant, ainfi que le poiffon, qui y eft exquis, fur-tout la truite. Les carrieres fourniffent non-feulement des meules & de groffes pierres de taille mais encore un marbre d'une affez bonne qualité; on y trouve auffi des cornalines, des topafes & du jafpe; on exploite à Schlegel des charbons de terre. Il y a une mine de cuivre près de Hausdorf; celles d'argent, qu'on cultivoit autrefois à Wilhelmsthal ou Neuftædtel & à Merzberg, font délaiffées. Parmi les fontaines minérales on diftingue furtout celles de Kodowa, de Reinerz & d'Altwilmsdorf; les eaux thermales de Landeck ne font pas moins célébres. La Neyffe prend fa fource dans la feigneurie de Mittelwald à Tanndorf, au-deffous de Schneeberg, elle paffe devant Habelfchwerdt & Glatz, & de ce comté elle entre dans la principauté de Munfterberg en Siléfie. Elle reçoit prefque tous les petits fleuves de ce pays. A un demi-mille, de la fource de la Neyffe, fur la frontiere de la Moravie, on trouve celle de la Morel ou Morawa qui eft la principale riviere de ce marquifat. L'Erlitz prend fa fource près de Reinerz, & entre en Bohême, après avoir formé pendant l'efpace de quelques milles la lifiere entre le pays de Glatz & ce royaume. Auffi en 1586 a-telle été déclarée riviere frontiere entre ce comté & la Bohême.

Il y a, dans ce comté, neuf villes & plus de cent villages; ces derniers font grands & bien peuplés. Les habitans parlent la langue Allemande; ils fe nourriffent principalement de la culture des terres, de la tenue des beftiaux, de la filature & du commerce de toiles. On compte parmi la nobleffe, poffeffionnée dans cette province, cinq familles de

« PreviousContinue »