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une espece d'opprobre à l'exercice des arts méchaniques qu'ils regardoient comme une fuite de l'efclavage, & que les peuples policés méprifent davantage à mesure qu'ils font plus utiles. La plupart étoient charpentiers ou forgerons : ils fe répandoient dans les Gaules, où ils fubfiftoient du produit de leur travail. Cet aviliffement, loin de flétrir leur courage, & d'étouffer leurs inclinations belliqueufes, les endurciffoit contre les intempéries des faifons; ils étoient divifés en tribus, dont chacune avoit fon chef qui, quoiqu'indépendant des autres nations, n'étoit que l'exécuteur des ordres de fa tribu. Cette dignité n'étoit point héréditaire, & même elle étoit amovible; & lorfque ce chef abufoit de fon pouvoir, il étoit condamné à rentrer dans l'ordre de fimple citoyen.

Les Germains, connus fous le nom de Saxons, occupoient tout le pays depuis l'Ems jufqu'à l'Eiden. Quelques-uns prétendent qu'ils s'étendoient jufqu'au nord de ce dernier fleuve, qui fert aujourd'hui de bornes à l'empire Germanique; ils confinoient du côté de l'orient aux Thuringiens, mais l'on ne peut déterminer les bornes qui féparoient ces deux peuples. Ils étoient encore maîtres de plufieurs ifles fituées à l'embouchure de l'Elbe dans l'océan feptentrional. C'étoit dans les mouillages de ces ifles que ce peuple de pirates fe raffembloit pour aller exercer fes brigandages fur les côtes des Gaules. La conftruction de leurs vaiffeaux facilitoit les moyens de les transporter par terre, d'un lieu dans un autre fur des chariots. La quille, & toute la partie qui plongeoit dans l'eau, étoient d'un bois fort léger, & la partie qui furnageoit, n'étoit qu'un tiffu d'ofier couvert de cuir. Ainfi, lorfqu'on croyoit leur flotte fubmergée, on la voyoit reparoître fur les côtes, dont on la préfumoit éloignée. Les Gaules furent fans ceffe infeftées de leurs pirateries. Ils remontoient les fleuves jufqu'à plus de quarante lieues de leur embouchure. Tandis que leurs armées de terre affiégeoient les places & pilloient les provinces, l'Océan, dit Sidonius, n'offroit ni d'écueils, ni de tempêtes qui puffent rebuter leur intrépidité. Familiarisés avec cet élément, leurs rameurs étoient fi confommés dans la navigation, que le plus ignorant étoit en état de commander un vaiffeau. Ce qui n'étoit que périlleux, ne leur paroiffoit que difficile, & plus la mer étoit orageufe, plus ils fe félicitoient d'avoir un temps qui entretenoit la fécurité du pays où ils méditoient de faire une defcente. Les ravages qu'ils commirent pendant le cinquieme fiecle dans les Gaules, fut un exemple que les Normands fuivirent dans le neuvieme. Quelques écrivains confondent ces deux peuples, & fous le regne des premiers empereurs, ils envoyerent une colonie dans la feconde Lyonnoife, où ils fe firent connoître fous le nom de Saxons Beffins, parce que Bayeux étoit la capitale du pays où ils avoient leurs habitations.

Les Saxons avoient des rois, ou plutôt des chefs particuliers, qui n'exécutoient que ce qui étoit décidé par la nation. Ils favoient obéir, mais ils auroient puni le tyran qui eut ofé les traiter en efclaves. Les tribus

Tome XX.

Fff

indépendantes formoient une république fédérative, toujours prête à s'armer contre l'oppreffeur commun. Leur tempérament vigoureux les familiarifoit avec les périls de la guerre, & c'étoit de tous les barbares les feuls pour qui les expéditions militaires n'étoient que des jeux & des amufemens. Dès les temps les plus reculés, ils eurent des guerres fanglantes à foutenir contre les Danois, qui les affujettirent à payer un tribut annuel. Mais trop fiers pour être long-temps efclaves, ils reprirent les armes, & après bien des combats, on en vint à la négociation. Les députés Danois furent invités à un feftin par Stuerling, général des Saxons; & au milieu du feftin la falle fut réduite en cendres. Stuerling, fatisfait d'avoir vengé fon pays, fe jeta lui-même au milieu des flammes, pour ne pas furvivre à la honte d'avoir employé la trahison pour affranchir fa patrie. La plupart des Germains n'avoient qu'un ordre de citoyens. Chez les Saxons l'ordre de la nobleffe engloutiffoit tous les privileges. Le refte de la nation, quoique exclus des dignités, n'avoit aucune tache de l'efclavage. Ils perfévérerent avec opiniâtreté dans les erreurs du paganisme; & dans leurs fuperftitions barbares, ils immoloient une partie de leurs prifonniers dans l'efpoir d'obtenir du ciel de nouvelles victoires. Charlemagne, qui fubjugua leur pays, éprouva qu'il étoit plus facile de les vaincre que de les éclairer. La loi évangélique eut befoin du fecours du temps pour adoucir leur férocité naturelle, dont il ne refte aucune trace dans leurs defcendans humains & polis.

Ces peuples donnerent leur nom à deux contrées dont ils firent la conquête l'une s'appelloit le rivage faxònique dans la Grande-Bretagne, & l'autre dans la feconde Lyonnoife. On appelloit Saxons-Beffins les habitans de cette partie de la Normandie dont Bayeux étoit la capitale : nos anciennes hiftoires font fouvent mention de ces Saxons, & plufieurs affurent ou plutôt préfument que Robert-le-Fort d'où defcendent nos rois de la troifieme race, étoit d'origine Saxone; la manie des flatteurs eft de faire venir de bien loin les chefs des maifons dont ils vantent la fplendeur. Eftil plus glorieux d'avoir pour ancêtres des aventuriers, brigands heureux qui ravagerent les provinces, que de defcendre de ces anciens Gaulois qui affiégerent Rome. La Normandie aura toujours droit de fe glorifier d'avoir été le berceau des ancêtres de fes rois.

On ne peut déterminer avec précifion dans quel fiecle les GermainsSaxons s'établirent dans la Grande-Bretagne & dans le Beffin. Il eft à préfumer qu'ils s'y rendirent fort puiffans, puifqu'ils donnerent leur nom au pays qu'ils occuperent. On fait que Probus dans le 3me, fiecle marcha contre plufieurs nations Germaniques, qui avoient envahi les plus belles provinces des Gaules; il fit fur elles un fi grand nombre de prifonniers qu'il s'en trouva furchargé, ne trouvant point à les vendre, au plus modique prix. Ce fut pour s'en débarraffer qu'il enrôla les plus jeunes & les plus vigoureux; les autres furent envoyés dans la Grande-Bretagne où ils

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fonderent de beaux établiffemens. La reconnoiffance en fit de fideles alliés des Romains qui s'en fervirent utilement pour réprimer l'indocilité naturelle des peuples d'Albion. C'eft auffi à cette époque qu'on peut fixer l'arrivée des Germains-Saxons dans le Beffin, puifque dès le cinquieme fiecle, avant l'invasion des Francs, le pays s'appelloit Littus Saxonicum.

GEX, (Pays de) Contrée du gouvernement de Bourgogne.

LE

pays de Gex eft borné au nord par le pays de Vaux & les Suiffes; au fud par le Rhône & la Savoie, à l'eft par le lac de Geneve, & à l'oueft par le Mont-Jura ou de Saint-Claude, & par la Franche-Comté. Il a 6 lieues de longueur prifes depuis le Fort-l'Eclufe jufqu'au village de Croffay; & 3 lieues & demie de largeur, depuis Gex jufqu'à Geneve. Le climat y eft fain & tempéré, & le Mont-Jura ou Grand-Credo, qui en occupe une partie, & qui paroît fi peu fertile, abonde, à fon fommet, en pâturages excellens où l'on nourrit une prodigieufe quantité de vaches. Les bergers qui habitent cette montagne en très-grand nombre, en defcendent tous les ans le rome de Mai. On leur confie jufqu'à 2000 vaches qu'ils menent pâturer dans le haut; & le 10me Octobre fuivant ils les ramenent & les rendent aux propriétaires respectifs, en se faifant payer 10 livres pour l'engrais & les foins donnés à chaque vache, outre 10 autres livres qu'ils payent aux propriétaires de la montagne, & qu'on leur rend. Ces pâtres ou bergers ont à leur profit tout ce que les vaches rendent de lait pendant qu'elles paiffent fous leur direction. Dans le plat-pays on recueille du vin & du bled; mais la derniere de ces denrées eft fi peu abondante, que le peuple eft obligé de fe nourrir de chataignes, 4 mois de l'année. Le commerce de ce district eft peu confidérable: il fe fait principalement avec Geneve, & confifte en fromages & en beurre; il s'y débite auffi quelque peu de vin & de charbon. Indépendamment du Rhône qui côtoye le pays dans toute fa longueur, fans cependant y être navigable nulle part, tant à caufe des rochers qui embarraffent fon lit que parce qu'il fe perd fous terre, au - deffous du Fort- l'Eclufe, & n'en fort que fort join il y a une autre riviere nommée la Verfoye, qui arrofe ce canton & fe jete dans le lac de Geneve, & deux torrens qui fe perdent dans le Rhône.

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La baronnie de Gex relevoit autrefois du comté de Geneve, d'où elle paffa à la maison de Joinville qui la pofféda jufqu'en 1353, que le comte de Savoie s'en faifit, parce que le feigneur refufoit de lui rendre hommage; & elle demeura unie à fon domaine jusqu'en 1536, que la ville de

Berne s'en empara, & ne la rendit qu'en 1567. En 1591, elle tomba au pouvoir de la ville de Geneve qui la pofféda jufqu'en 1601, temps auquel le duc de Savoie la céda à la France avec la Breffe & le Bugey, par la paix de Lyon. Ce pays appartient aujourd'hui à la maison de Condé à qui il a été engagé depuis; & il forme un bailliage principal dépendant de l'élection de Belley & compofé de 25 paroiffes, non compris celles d'Avulles, de Chancy & de Moins, que la république de Geneve prétend être dans fa fouveraineté.

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GL

GLARIS, Canton Suiffe, le huitieme dans l'ordre de la ligue.

CE

E petit pays, qui peut avoir environ huit lieues dans fa longueur du nord au midi, préfente à fon entrée l'ouverture d'un beau vallon, aboutiffant aux rives de la Limmat, qui fort du lac de Wallenflatt, & fe jete dans le lac de Zuric. Ce vallon en s'élevant & fe rétréciffant, eft prolongé vers le midi & partagé en deux branches, qui fe terminent enfin dans les hautes Alpes, au pied des glaciers couverts d'une neige éternelle. Deux torrens, la Lint & la Sernft, parcourent & ravagent fouvent les deux vallées, se réunissent enfuite & se jetent dans la Limmat. Les Alpes qui bordent le pays de Glaris à l'eft, au fud & à l'oueft, marquent en mêmetemps les confins de ce petit Etat, du côté des ligues grifes & des cantons d'Uri & de Schweiz.

Dans la partie inférieure du vallon, les arbres fruitiers réuffiffent trèsbien. Il faut compter pour fort peu de chofe les productions en orges & autres grains. La principale reffource des habitans eft dans le produit des prairies & des pâturages, ou des troupeaux. Ces pâturages dans les hautes Alpes, font d'une qualité fupérieure; les fromages de Glaris ont, par la même raison, une grande réputation. Des plantes médicinales, rares même dans les autres parties de la Suiffe & abondantes dans celle-ci, les Glaronois compofent leur thé de, Suiffe, leurs choix d'herbes vulnéraires, dont ils font un objet de commerce affez étendu. Quant au Schabzieger, efpece de fromage compofé d'herbes & du céré du lait, le principal ingrédient, qui donne fur-tout le parfum à cette compofition, eft le trifolium odorafum, ou maliotum odoratum violacea, qu'on cultive dans les jardins, & qui, par conféquent, n'eft pas une production particuliere à ce pays. Les Alpes de Glaris offrent un vafte champ, non-feulement pour la bo anique, mais pour l'hiftoire-naturelle en général; une prodigieufe variété de plantes peu communes, divers métaux & minéraux, des cryftaux, des fources minérales des pétrifications & de grandes feuilles d'ardoife qui font un objet d'exportation. Cependant la principale richeffe de ces montagnes confifte dans les excellens pâturages qu'elles fourniffent pendant quatre ou cinq mois de l'année. On eftime que dix mille pieces de gros bétail, & quatre mille moutons peuvent être nourris pendant la faifon de l'été fur les Alpes dépendantes de ce canton. A tout prendre, ces productions diverfes des Alpes ne compenfent pas les inconvéniens réfultans des circonftances phyfiques d'un pays froid & montueux; la grande étendue de ter

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