rent un nouvel éclat fous la conduite d'Italus, fils d'un pere, qui avoit trahi fa patrie pour fe vendre aux Romains. Elevé lui-même à la cour des empereurs & comblé de leurs bienfaits, il ne vit en eux que les tyrans de fon pays. Appellé par les Cherufques, il effaça bientôt la tache de fon origine; mais il ne combattit que pour faire triompher des ingrats, qui le dépouillerent du commandement & l'obligerent de fe réfugier chez les Lombards. Après la mort de Galba, l'empire parut pencher vers fa ruine. Civilis, Batave d'origine, faifit cette occafion pour tenter d'affranchir sa patrie. Ce digne Germain, pour mieux colorer fes deffeins, affecta d'être le partifan de Vefpafien, & fous ce prétexte, il convoqua les principaux chefs de fa nation dans un bois facre. Son éloquence naturelle les entraina dans la rebellion il fe forma une confédération de différens peuples, qui d'une voix unanime, le proclamerent chef de toute la Germanie, en l'élevant fur le bouclier militaire. Le maffacre général des marchands Romains, fut le prélude d'une guerre opiniâtre. Les deux premieres batailles que Civilis livra, furent deux victoires qui lui firent des alliés, de tous ceux qui retenus par une prudence timide, n'avoient encore ofé fe déclarer. Fier de fes fuccès, il publie qu'il ne combat, ni pour Vitellius, ni pour Vefpafien; mais pour faire rentrer fon pays dans le privilege de fon ancienne indépendance. Tandis qu'il triomphe fur le Rhin, les Sarmates tiennent affiégées, les légions de Méfie & de Pannonie. Ce fut alors que pour la premiere fois, on vit des Romains quitter en corps leur drapeau, pour fe ranger fous les enfeignes du Barbare. Labeon, pour arrêter ce torrent, lui oppose une armée de Nerviens, de Tongres & de Betufiens. Civilis, ne vit que fes freres dans ces lâches Germains, armés contre lui; & quand il pouvoit les punir, il fe préfenta à eux, fur le pont de la Mofelle: dès qu'il les apperçut, il jeta fes armes dans le fleuve, & leur dit à haute voix, » Germains, c'eft pour la cause commune, c'eft pour vous que je > combats, fi vous ne daignez point me reconnoître pour votre général » permettez-moi de marcher fous vos enfeignes comme fimple foldat : ces paroles prononcées avec une mâle affurance, produifirent leur effet. Ces peuples abandonnerent les Romains & embrafferent la cause commune. Telle étoit l'intrépidité qu'il avoit infpirée à tous les Germains que Valentin, un de fes lieutenans, tombé au pouvoir des Romains, fut condamné à perdre la tête. Dans le temps qu'on lui lifoit fon arrêt, il apprend que fon pays venoit d'être fubjugué. Auffitôt il s'écrie, puifque mes concitoyens font efclaves, il n'y en a aucun qui ne doive envier mon fort, & auffitôt il pria de hâter fon fupplice. Les Romains défefpérant de terminer la guerre par les armes, entamerent une négociation : & la paix fut conclue à des conditions honorables pour les Germains. Les Bataves ne furent point traités en rebelles. Les Romains les regarderent comme des alliés utiles. Les autres peuples furent remis en poffeffion de leurs terres. Sous le regne du dernier des douze Céfars, les Daces foutenus des Marcomans, se répandirent dans les plus belles provinces de l'empire. Ce fut dans cette guerre que les tyrans des nations devinrent eux-mêmes tributaires, en le foumettant à payer une fomme annuelle à des barbares, qui menaçoient de réduire en cendres le Capitole. Trajan gagna les Germains par fes bienfaits, & ce fut d'eux qu'il fe fervit pour affranchir l'empire d'un tribut déshonorant, & pour réduire la Dacie en province Romaine. Quand les Germains n'eurent plus d'ennemis étrangers, ils tournerent leurs armes contre eux-mêmes, & pendant quarante ans, les cités furent déchirées par des guerres domeftiques; mais enfin, revenus de cette ivreffe impie, ils fe réunirent & formerent cette fameufe ligue, qui ébranla l'empire jufque dans fes fondemens. Ce fut ce qui donna naiffance à cet effaim de barbares, qui changea la face du monde, en lui donnant de nouveaux oppreffeurs qui fe rendirent malheureusement célébres fous le nom de Quades, de Vandales, de Sueves, de Goths, la plupart de ces peuples font tombés dans un oubli dont il eft difficile de les tirer. On ne peut déterminer quel en étoit le nombre & même le nom particulier de chacun: ces auteurs contemporains défignent quelquefois la même tribu par différentes dénominations. Les Francs font nommés indiftin&tement Sicambres ou Saliens, &c. Ainfi comme on n'a point de guides fideles, on eft fans ceffe en danger de s'égarer. Je ne ferai mention que des principales tribus. Les Cattes qui n'ont point tranfmis leur nom à leurs defcendans, étoient les peuples les plus puiffans de la Germanie; leur territoire s'étendoit depuis la rive droite du Rhin, jufqu'à la forêt d'Hircine d'Orient en Occident & depuis les fources du Mein, jusqu'au pays des Cherufques du Midi au Septentrion. Tacite nous apprend que les armées nombreufes qu'ils mettoient fur pied, contenoient autant de cavalerie que d'infanterie : c'étoit de tous les Germains le peuple le plus refpecté par fon amour pour la juftice. Ils ne favoient ni faire, ni fouffrir de violence, & quoiqu'ils euffent toujours les armes à la main, ils ne s'en fervoient que pour entretenir la paix & non pour la troubler. Leurs habitations fur des lieux élevés étoient faines, parce qu'elles n'étoient point marécageufes. C'étoit une chaîne de collines qui s'abaiffoit infenfiblement à mesure qu'on avançoit vers le centre du pays. La conftance des Cattes à pourfuivre leurs deffeins, en affuroit le fuccès. Leur difcernement brilloit dans le choix de leurs généraux, qui juftifioient toujours qu'ils étoient dignes de commander. Le foldat docile & obéiffant ne défertoit jamais le drapeau : il étoit fon propre législateur & fe prescrivoit lui-même une difcipline févere, que le général le mieux obéi, n'eut jamais ofé lui impofer. L'infanterie formée fur le modele de la légion Romaine, étoit péfamment armée. Chaque fantaffin portoit des provifions pour plufieurs jours, avec tous les outils néceffaires pour faire des retranchemens. Leurs guerres n'étoient point des " incurfions paffageres, mais des opérations combinées & réfléchies. Ils n'entreprenoient rien fans avoir difcuté les moyens & les obftacles. Ils ne mettoient point leur confiance dans leur nombre; mais c'étoit fur la capacité du général & la valeur du foldat qu'ils fondoient l'efpoir de la victoire. Fermes & inébranlables dans leur pofte, leurs corps étoient des remparts qu'on pouvoit détruire plutôt que de les faire mouvoir. Leur intrépidité tranquille n'affrontoit jamais des périls fans fruit. Habiles à profiter de l'occafion, ils favoient encore la faire naître. Lorfque les jeunes gens entroient dans l'âge de puberté, ils s'engageoient par ferment à laiffer croître leurs cheveux & leur barbe jufqu'à ce qu'ils euffent exterminé un ennemi; c'étoit fur le cadavre de celui qui étoit tombé fous leurs coups qu'ils jetoient ces viles dépouilles. Plufieurs, par un faste de vertu, fe paroient de chaînes, & fe regardoient comme des efclaves, parce que la liberté dont ils jouiffoient, n'étoit point encore l'ouvrage de leur valeur. Quelques-uns plus outrés, ne fe bornoient pas à tuer un feul ennemi; & quand ils avoient fatisfait à ce premier devoir, ils faifoient vœu d'en immoler un fecond. L'on en voyoit qui vieillissoient chargés de fers, quoiqu'ils euffent tués plufieurs ennemis. C'étoit parmi ces patriotes fanatiques qu'on choififfoit les braves, qui formoient le front des batailles. La terre leur fembloit être le commun domaine des hommes: prodigues de tout ce qu'ils poffédoient, ils s'approprioient fans remords les richeffes d'autrui. Religieux obfervateurs des droits facrés de l'hofpitalité, ils l'exigeoient dans tous les lieux où ils fe trouvoient, sans fe croire obligés à la reconnoiffance. Leur histoire militaire eft renfermée dans celle de Germanie. Les Bructeres fe font immortalifés par leur haine contre les Romains, & par leur conftance généreuse à défendre leur liberté. Il eft impoffible de déterminer les limites de leur pays, parce que ces peuples errans & vagabonds adoptoient pour patrie la contrée où ils trouvoient des fubfiftances. Leurs bourgades n'étoient qu'un affemblage informe de cabanes de bois ou d'argile. Quelques-uns plus groffiers, dédaignoient ces cabanes comme des monumens de luxe, & au lieu de maifons, ils vivoient difperfés dans les forêts où ils fe creufoient des antres comme des bêtes fauvages. Ils refterent conftamment attachés à leurs ufages. Leurs mœurs n'éprouverent aucune révolution. Ces hommes, peu différens de la brute, furent les principaux inftrumens des victoires d'Arminius, de Civilis, & des autres héros Germaniques. Ils montrerent qu'une valeur ftupide qui ignore le danger, l'affronte avec plus d'audace qu'un courage éclairé. Les Cauches, peuples de Germanie, ne nous font connus que par le tableau que Pline nous en a laiffé. L'océan, dit-il, fubmerge leurs habitations deux fois en vingt-quatre heures. Elles reftent un temps égal découvertes & cachées fous les eaux, de forte que cette alternative fait douter fi ce pays appartient à la terre ou à la mer. Le peuple, dévoré de befoins, habite les terreins élevés, où l'expérience lui a appris que l'eau ne monta jamais. Lorfque les marées font hautes, leurs cabanes reffemblent à des vaiffeaux à la voile, & lorfqu'elles font baffes, on croit voir des navires échoués fur le rivage. La terre avare, ne produit ni arbres ni buiffons. Et comme il n'y a point de gibier, on n'y connoît point l'exercice de la chaffe. La boue, qui leur fert de bois, eft féchée au vent, parce que le foleil leur refufe fes rayons. Chaque cabane a fa citerne, qui feule fournit de l'eau douce. Il n'y croît que de mauvaises herbes, qui n'ont point la qualité d'engraiffer les pâturages. Ce font avec ces herbes & les joncs des marais qu'ils font des filets pour la pêche. Le poiffon eft l'aliment ordinaire dans un pays qui ne produit ni grains, ni légumes, fruit. La liberté dont on y jouit, dédommage des richeffes qu'on n'a pas. Un peuple auffi indigent, n'a pu tenter l'ambition & l'avarice des conquérans. Les Cauches, défendus par leur pauvreté, furent quelquefois vaincus par les Romains & jamais affervis. ni Les Pictes, peuples de Germanie, furent obligés d'abandonner leur pays, où leur exceffive population ne leur permettoit plus de trouver des fubfiftances proportionnées à leurs befoins: ils équiperent une puiffante flotte, & débarquerent fur les ifles Hébrides habitées par des Ecoffois. Les anciens habitans, trop foibles pour réfifter à cette race de géans, expoferent que la ftérilité de leur fol ne leur fourniffoit point affez de fubfiftance à eux-mêmes, & pour donner plus de poids à leurs juftes représentations, ils offrirent leur fecours à leurs hôtes incommodes pour les aider à chercher des établissemens dans la partie feptentrionale d'Albion qui, malgré fa fécondité, manquoit d'habitans. Les Pictes fuivirent ce confeil, & ne trouverent point d'obftacles dans l'exécution; mais comme ils n'avoient point de femmes pour fe perpétuer, ils en demanderent aux Ecoffois, qui leur en fournirent à condition qu'elles feroient préférées dans la fucceffion au trône. Cette alliance rendit leurs intérêts communs, & ayant réuni leurs forces, ils chafferent de l'ifle les anciens habitans depuis la mer du nord jufqu'à la Thine. Les deux nations refterent quelque temps confondues; mais enfin la jaloufie du commandement les rendit rivales, & pour prévenir l'éclat d'une rupture, ils confentirent à fe féparer. Les Pictes fe fixerent dans les provinces orientales qui les rapprochoient de leur ancienne patrie, & les Ecoffois choifirent la partie occidentale de l'ifle qui étoit la plus voifine des Hébrides; ce fut ainfi que, féparés par la montagne de Grabain, ils conferverent chacun leurs loix, leurs mœurs & leurs ufages. La Germanie avoit une infinité de peuples différens, dont l'hiftoire par ticuliere n'eft ni curieuse ni bien conftatée; tels furent les Cherufques, fi redoutables fous Arminius, les Tongres, les Betafiens, les Nerviens, les Bataves, les Cananifates & les Frifons, qui fignalerent leur valeur fous les ordres de Civilis, & qui tous font célébres par leur haine contre les Romains. Je pafferai fous filence tous ces peuples pour ne faire mention que des Allemands, des Saxons & des Bourguignons, dont la valeur & les vertus fe font perpétuées dans leurs defcendans. Les Allemands, qui, dans leur origine, n'étoient qu'un peuple particulier de la Germanie, donnerent dans la fuite leur nom à toute cette vafte région. C'étoit un affemblage de différentes nations Germaniques, qui conferverent les mœurs & les ufages de leur pays dans tous les lieux où ils se transporterent. Les mots ali & man en langue germanique, fignifient mélange d'hommes. Leur premiere habitation fut au nord du Danube, & à l'orient du pays occupé par les Bourguignons. C'étoit le peuple qui infpiroit le plus d'effroi aux légions Romaines. Et l'on fait avec quelle fierté Ariovifte leur roi ou leur général, fe comporta envers Céfar. Ce fut fur la fin du troisieme fiecle qu'ils commencerent à fe rendre redoutables à l'empire Romain. Un effain de ces barbares traversa le Rhin & s'établit fur la rive gauche du fleuve, où fe trouvant trop refferrés, ils fe déborderent fur le territoire des Helvétiens, d'où ils fe répandirent fous le regne d'Honorius dans les contrées voifines du lac Lecman ou lac de Geneve. C'eft de ce lac que quelques écrivains, trompés par la conformité du mot dérivent le mot Allemand. Ce peuple, opiniâtre dans fes fuperftitions, n'embraffa la loi évangélique qu'après que Clovis & fes fucceffeurs eurent fait la conquête de leur pays qui, malgré leur fiere réfiftance, fut encore plus facile à fubjuguer que leur foi. Les Bourguignons, avant leur invafion dans les Gaules, occupoient le pays qui eft à la droite du Rhin, entre l'embouchure du Necre, & la ville de Bâle cette nation nombreufe & célébre par fon courage, fut la terreur de ses voifins. Orofe, qui leur donne une origine romaine, les fait defcendre des foldats que Drufus & Tibere laifferent en Germanie pour contenir dans l'obéiffance les peuples nouvellement fubjugués. On dérive leur nom du mot bourg, qui, dans leur langue, fignifioit lieu fortifié, parce que tous leurs camps étoient paliffadés. Il eft certain qu'ils fe regardoient comme des rameaux fortis d'une tige romaine, puifqu'étant follicités par l'empereur Valentinien de marcher à fon fecours, ils répondirent qu'il pouvoit d'autant plus compter fur leur fidélité, qu'ils n'avoient pas oublié que leurs ancêtres étoient Romains. Ammien Marcelin affure que quatre vingt mille Bourguignons pafferent le Rhin pour protéger les provinces de l'empire. Ce nombre paroîtra exagéré, fi l'on oublie que les nations Germaniques devenoient plus nombreufes à mesure qu'elles étoient dans la profpérité. Le peuple triomphant, recevoit de prompts accroiffemens par la jonction des autres barbares qui vouloient participer à l'honneur de fes victoires. Mais il ne lui falloit qu'un revers pour fe voir abandonné de fes propres enfans, qui alloient chercher une meilleure fortune chez leurs voifins. Les Bourguignons étoient les feuls barbares qui n'attachoient point une |