Page images
PDF
EPUB

Aucune objection de notre part. On va du Havre à NewYork en quatorze jours.

La Gazette de France, qui s'est empressée de venir au secours de l'Union monarchique, nous donne des armes pour la combattre.

Ce sont d'abord ces belles paroles de Pie IX qu'elle cite : « Je ne connais rien de plus révolutionnaire que les abus; » ce sont eux qui détruisent les sociétés. »

Ces paroles sont l'éclatante confirmation des nôtres, sur l'abus des choses opposé à la nature des choses invoquée par l'Union monarchique.

C'est ensuite cette profonde pensée de Montesquieu également citée par la Gazette de France:

« Si le hasard d'une bataille, c'est à dire une cause parti» culière, a ruiné un État, il y a une cause générale qui >> faisait que cet État devait périr par une bataille. »

Cette pensée n'est pas seulement vraie appliquée aux batailles et aux États; elle est également vraie appliquée aux révolutions et aux souverains; on peut dire également :

Si le hasard d'une révolution, c'est à dire une cause particulière a renversé un trône, changé une dynastie, modifié une forme de gouvernement, il y a une cause générale qui faisait que cette dynastie ou cette forme de gouvernement devait périr par une révolution.

Restera à chercher la cause générale!

Comparer, comme le fait la Gazette de France, et comme l'avait fait avant elle l'Union monarchique, les révolutions, ces grandes batailles de l'abus des choses contre la nature des choses, aux crimes et délits punis par la loi, c'est trahir une indigence d'arguments peu propre à donner une haute opinion de la grandeur de la cause dont on a entrepris la défense.

Contre le meurtre et le vol, il y a des lois partout où il y a une société organisée; mais contre les abus du pouvoir, contre ses excès, qu'y a-t-il ? - Il y a la responsabilité ministérielle dans les gouvernements représentatifs; mais si l'on veut que cette garantie soit efficace, c'est à dire si l'on

veut qu'elle couvre l'inviolabilité royale au moment du danger, il faut que cette responsabilité ait été sérieuse, il ne faut pas qu'elle ait été illusoire.

En 1830, nous le reconnaissons et nous l'avons toujours reconnu, les ministres signataires des ordonnances du 25 juillet eussent dû seuls en porter la responsabilité; mais si cette responsabilité ne s'est pas arrêtée à eux et s'est élevée plus haut que leurs têtes, qu'est-ce que cela prouve? Cela prouve-t-il contre nous que les principes, ceux-là mêmes qui paraissent les moins attaquables, doivent inspirer une confiance absolue?

Aussi qu'enseignons-nous?

Nous enseignons aux gouvernements qu'ils ne sont institués ni dans l'intérêt exclusif d'une famille ni dans l'inté– rêt exclusif d'une classe, mais dans l'intérêt de tous, intérêt qu'ils ne sauraient oublier ou méconnaître sans danger.

Telle est notre manière d'être monarchiques et conservateurs. Nous croyons que ce n'est pas la moins bonne.

Les révolutions ne sont pas beaucoup à craindre là où le peuple a plus à y perdre qu'à y gagner; mais il en serait autrement là où il aurait plus à y gagner qu'à y perdre. Aimer le peuple,

L'éclairer!

Hors de ces deux conditions, désormais, en France, que tout gouvernement en soit bien convaincu,

Ni grandeur,

Ni durée !

1847.

M. GUIZOT ET M. DUCHATEL.

31 juillet 1847.

Quelque peu de compte que MM. Guizot et Duchâtel nous aient tenu de tout le temps que nous avions passé sous les drapeaux de la majorité; des blessures que nous avions reçues en luttant avec elle contre la coalition pour défendre ces deux grands principes de tout gouvernement représentatif : F'inviolabilité royale et la responsabilité ministérielle; des services que nous avions rendus à la cause de l'ordre et de la paix, notamment en 1840, cette ingratitude ne nous fera pas tomber dans l'injustice. Se donner un tort est la pire manière de se venger d'un tort dont on a à se plaindre, car c'est le compenser, sinon l'effacer.

Nous rendrons donc toute justice au talent de M. Guizot et de M. Duchatel. Il n'est pas un talent de tribune que nous admirions plus sincèrement, plus profondément que celui de M. Guizot. Sur les ailes de sa parole, il est rare que la discussion n'atteigne pas tout de suite à une grande hauteur. M. Duchâtel ne s'aventure jamais à làcher le sol; son babileté, au contraire, consiste à choisir toujours l'endroit le plus ferme pour s'y poser et s'y retrancher sûrement, Il ne défend pas autour de lui une grande étendue de terrain, mais celle qu'il couvre il la couvre bien. Il est à M. Guizot ce que le renard est à l'aigle. Il se défie des tempêtes, et la profondeur d'un terrier lui paraît préférable à la hauteur d'une aire. C'est de la prudence plutôt que de la modestie.

« PreviousContinue »