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Si l'article 14 de la Charte de 1815 avait été plus clair; s'il n'avait pas donné lieu à deux interprétations contraires, l'une et l'autre cependant consciencieuses, il est raisonnable de penser que la révolution de 1830 n'eût pas armé la royauté contre la nation, et le peuple contre le roi.

Quand nous voyons le pouvoir retomber ainsi dans les mêmes fautes, s'exposer aux mêmes catastrophes, s'aveugler par les mêmes présomptions, s'égarer par les mêmes méfiances, s'abuser par les mêmes illusions, comment ne serions-nous pas découragés, comment ne serions-nous pas inquiets?

1847.

L'AMBITION DE M. ÉMILE DE GIRARDIN.

I.

14 mai 1847.

Un journal, la Réforme, se fait l'écho d'un bruit semé, nous le savons, dans les couloirs de la Chambre, sinon par des ministres eux-mêmes, du moins par les députés d'ordonnance attachés à leur personne et chargés de transmettre le mot d'ordre. C'est, dit-il, parce qu'on a refusé à M. Émile de Girardin la direction générale des postes, qu'il avait demandée, que la Presse fait de l'opposition au cabinet. Le fait est faux. M. de Girardin n'a pas demandé la direction générale des postes et on ne la lui a pas refusée. Si le fait était vrai, M. de Girardin pourrait l'avouer hautement, car cela prouverait seulement qu'il fait passer l'application de ses idées avant le calcul de ses intérêts. Que vaut la direction générale des postes? 20,000 francs de traitement; or, c'est moins, infiniment moins, que ce que la Presse donne à son rédacteur en chef.

M. de Girardin, d'ailleurs, n'est pas entièrement dénué de sagacité; il sait qu'en ce temps, l'importance réelle des hommes se tire moins des fonctions qu'ils remplissent, que de la valeur qu'ils ont, de la position qu'ils occupent ou de

l'influence qu'ils exercent. Preuve : c'est qu'il est dans le cabinet, même fortifié tel qu'il vient de l'être, plus d'un ministre dont l'opinion est loin de peser le même poids que celle du rédacteur en chef du Journal des Débats.

Assez donc sur ce propos, qui ne peut nuire qu'à ceux des ministres qui l'ont fait répandre, car lorsqu'il s'agit de s'assurer le concours d'hommes laborieux, fermes, capables, le cabinet n'en compte pas autour de lui un si grand nombre qu'il ait le droit de se montrer très difficile.

Si la Presse a cessé de prêter au ministère le concours conditionnel qu'elle lui a donné jusqu'au 26 mars 1847, c'est uniquement parce qu'elle ne pouvait plus honorablement le lui continuer après le dédaigneux congé signifié, dans cette séance du 26 mars, du haut de la tribune, par M. Guizot, à tout député conservateur ayant eu le tort de prendre au sérieux le mot de « progrès» prononcé à Lizieux avec tant de solennité, et de croire que la « grande » politique » ne devait pas borner ses œuvres à la présentation des trois lois sur les douanes, le régime cellulaire et la liberté de l'enseignement promise depuis dix-sept ans, trois lois dont pas une seule ne sera promulguée cette année! Certes on n'accusera pas la Presse d'un excès d'impatience; elle a attendu sept années, la fin de deux législatures et le commencement d'une troisième.

II.

22 juin 1849.

Voici en quels termes nous interpelle l'Assemblée nationale:

« Nous le demandons à M. de Girardin; après sa profession de foi d'aujourd'hui, oserait-il se charger du porte» feuille de la guerre ou des affaires étrangères ? »

La question est précise; la réponse ne le sera pas moins. Non, certes, si nous avions à choisir entre le portefeuille de la guerre ou le portefeuille des affaires étrangères, nous ne nous chargerions pas plus de l'un que de l'autre.

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