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nouveau moyen d'outrager et de réduire au silence ceux qu'on désigne sous cette dernière dénomination. Je ne connais point ici ni minorité, ni majorité. La majorité est celle des bons citoyens; la majorité n'est point permanente, parce qu'elle n'appartient à aucun parti; elle se renouvelle à chaque délibération libre, parce qu'elle appartient à la cause publique et à l'éternelle raison; et quand l'Assemblée reconnaît une erreur, comme il arrive quelquefois, la minorité devient alors la majorité. La volonté générale ne se forme point dans les conciliabules ténébreux, ni autour des tables ministérielles. La minorité a partout un droit éternel, c'est celui de faire entendre la voix de la vérité ou de ce qu'elle regarde comme tel. La vertu fut toujours en minorité sur la terre. Sans cela, la terre serait-elle peuplée de tyrans et d'esclaves? Hampden et Sidney étaient de la minorité, car ils expirèrent sur un échafaud : les Critias, les Anitus, les César, les Clodius, étaient de la majorité; mais Socrate était de la minorité, car il avala la ciguë; Caton êtait de la minorité, car il déchira ses entrailles. Je connais ici beaucoup d'hommes qui serviront, s'il le faut, la liberté à la mode de Sidney et d'Hampden; et n'y en eut-il que cinquante, cette seule pensée doit faire frémir tous ces lâches intrigants qui veulent égarer la majorité. En attendant cette époque, je demande au moins la priorité pour le tyran. Unissons-nous pour sauver la patrie, et que cette délibération prenne enfin un caractère plus digne de nous et de la cause que nous défendons. Bannissons du moins tous ces déplorables incidents qui la déshonorent; ne mettons pas à nous persécuter plus de temps qu'il n'en faut pour juger Louis. » Robespierre termine son discours en demandant que la Convention déclare Louis coupable et digne de mort.

ANNÉE 1793.

Séance du 6 janvier 1. - L'ordre du jour appelle la discussion sur la proposition de supprimer la permanence des sections de Paris. Barère, président, ayant mis aux voix si le ministre de l'intérieur serait entendu avant Robespierre, celui-ci s'écrie : « La liberté des opinions n'existe-t-elle donc que pour les calomniateurs et les ministres factieux ? »> Une partie entière de l'Assemblée se soulève contre l'orateur, et demande qu'il soit censuré. — On réclame d'un autre côté avec chaleur que Robespierre soit entendu. - Cet état d'agitation dure pendant plusieurs instants. « J'ai le droit de parler... Sans doute, je n'ai point comme tant d'ɔutres un cœur vénal... (Violents murmures). Les cris des intrigants ne m'imposeront pas... (Le trouble s'accroit). »>- Les apostrophes les plus vives sont échangées entre les divers

(1) Dans cette séance du 6 janvier fut lue à l'Assemblée un adresse du conseil général du département du Finistère demandant l'expulsion de Robespierre.

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Représentants, nous voulons la république une et indivisible; nous voulons la liberté et l'égalité et le bonheur du peuple... Nous voulons l'ordre et la paix : nous voulons une représentation nationale permanente; mais nous la voulons pure, nous la voulons libre, puissante, respectée, grande comme la nation dont elle est l'interprète capable surtout de s'élever au-dessus de tous les despotismes, et de faire taire les clameurs insolentes et séditieuses de ce ramas de factieux stipendiés par un parti secret, et peut-être par des despotes étrangers, pour troubler l'ordre de vos séances. Ce n'est pas assez, représentants, de contenir et de réprimer ces vils mercenaires, vos plus grands ennemis sont dans votre sein. Les Marat, les Robespierre, les Danton, les Chabot, les Bazire, les Merlin et leurs complices, voilà les ancarchistes, voilà les vrais contre-révolutionnaires... » - A peu de temps de là, la société populaire d'Amiens envoya à la Convention une adresse conçue dans le même sens.

côtés de l'Assemblée. Les tribunes se lèvent, et mêlent leurs clameurs à celles de l'Assemblée. Le président se couvre. La parole est enfin assurée à Robespierre, qui réclame la permanence des sections. « Dans ce moment-ci, dit-il, les sections, le peuple entier qui ne peut point appartenir à une faction, quelque puissante qu'elle soit, peut seule garantir la tranquillité publique, et assurer le triomphe définitif de la Révolution. »>

Séance du 16 janvier. - Vote motivé de Robespierre dans l'appel nominal sur la peine à infliger à Louis XVI.

Séance du 17 janvier. — Il s'oppose à ce que l'on entende les défenseurs : « Les principes mêmes qui ont dicté votre jugement, vous défendent d'entendre les défenseurs de Louis; vous ouvririez la porte à la réclamation d'une nouvelle procédure, vous ne devez permettre d'élever aucune question nouvelle. » Les défenseurs sont néanmoins entendus, et ils lisent une déclaration du roi qui déclare interjeter appel à la nation elle-même du jugement de ses représentants. Robespierre demande alors que la Convention déclare « que le prétendu appel qui vient de lui être signifié doit être rejeté comme contraire aux principes de l'autorité publique, aux droits de la nation, à l'autorité des représentants, et que l'on interdise à qui que ce soit d'y donner aucune suite, à peine d'être poursuivi comme perturbateur du repos public.

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Séance du 18 janvier. — Il repousse pareillement tout sursis.

Séance du 21 janvier Le jour même où Louis XVI fut exécuté, un ancien garde du corps, pour venger la royauté, frappa à mort Michel Lepelletier, un des membres de la Convention dont les opinions républicaines étaient le plus caractérisées. Robespierre, à la Convention, appuie la motion de Barrère d'accorder à Lepelletier les honneurs du Panthéon. Mais il repousse la proposition de Barère qui voulait que l'on punît de mort quiconque aurait caché l'assas

sin Paris ou favorisé sa fuite : « J'attaque le fonds même de la proposition: elle est contraire à tous les principes. Quoi ! au moment où vous allez effacer de votre Code pénal la peine de mort, vous la décréteriez pour un cas particulier! Les principes d'éternelle justice s'y opposent. Pourquoi d'ailleurs sortir de la loi pour venger un représentant du peuple? Vous ne le feriez pas pour un simple citoyen; et cependant l'assassinat d'un citoyen est égal, aux yeux de la loi, à l'assassinat d'un fonctionnaire public. »

Séance du 25 février. - Robespierre se plaint de l'insuffisance de la loi sur les émigrés. Il est nécessaire, dit-il, de revoir cette loi, d'en retrancher toutes les exceptions. De plus, il faut y ajouter des mesures pénales contre les directoires qui conniveraient avec les émigrés, avec les prêtres.

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Séance du 5 mars. Discussion sur la loi des émigrés. Robespierre s'oppose à l'exception que l'on proposait pour les enfants au-dessous de seize ans : « Il est étonnant, dit-il, que lorsque les patriotes se sont indignés de ce que la loi n'était pas assez sévère, on la recommence pour faire des exceptions de cette espèce. Je partage aussi ce sentiment d'humanité qui vous anime. Mais rappeler les fils des émigrés, c'est rappeler les héritiers de leurs crimes, qui ne cesseront de déchirer la patrie jusqu'à ce qu'ils aient vengé leurs pères. Rappeler les fils des émigrés, c'est inoculer dans les veines de la République naissante le poison de l'incivisme. >>

Séance du 8 mars. Il dit que les échecs subis en Belgique ne doivent pas décourager la République : « Pour un peuple libre et naissant à la liberté, le moment d'un échec est celui qui présage un triomphe éclatant, et les avantages passagers des satellites du despotisme sont les avant-coureurs de la destruction des tyrans... Nous avons éprouvé un échec malheureux. Mais à peine est-il capable de retarder d'un instant la prospérité publique qui croîtra avec nos

victoires, la liberté et l'égalité que nous porterons aux peuples étrangers... La Convention nationale peut hâter cette heureuse révolution. Il lui suffit de dégager le peuple des entraves dont il est environné, de s'élever elle-même à la hauteur du caractère divin dont elle est revêtue; car c'est bien une mission divine que celle de créer la liberté, de diriger son impulsion toute puissante vers la chute de la tyrannie et la prospérité des peuples. Il lui suffira de tenir sans cesse le glaive de la loi levé sur la tête des conspirateurs puissants, des généraux perfides, de fouler aux pieds tout esprit de parti et d'intrigue, et de ne prendre pour guide que les grands principes de la liberté et du bien public, de balayer tous les traîtres, de tendre des mains protectrices aux amis de la liberté, au peuple qui a fait la révolution, et dont la prospérité ne peut être assise que sur les bases de l'égalité.

Séance du 10 mars. — Il appuie l'abolition de la contrainte par corps, réclamée par Danton.

Séance du 10 mars. - A propos des nouvelles des armées, Robespierre insiste sur la nécessité d'instituer un pouvoir plus unitaire et plus actif que celui du conseil exécutif : « On croit avoir tout fait en ordonnant qu'il serait fait un recrutement dans toutes les parties de la République; et moi je pense qu'il faut encore un régulateur fidèle et uniforme de tous les mouvements de la révolution... Il nous faut un gouvernement dont toutes les parties soient rapprochées. Il existe entre la Convention et le conseil exécutif une barrière qu'il faut rompre, parce qu'elle empêche cette unité d'action qui fait la force du gouvernement..... J'ai été amené à développer ces idées, dit-il en terminant, par cette conviction intime que tout le mal vient de ce que nous n'avons pas un gouvernement assez actif. Je conclus à ce que beaucoup de réformes soient faites dans cette partie, parce que c'est la plus grande mesure de salut public que ous puissiez prendre, et que sans elle vous irez toujours

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