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d'enthousiasme accueillent cette lecture. Plusieurs membres proposent qu'on envoie à Louis XVI une députation pour le remercier d'avoir, en quelque sorte, appris à l'univers, son attachement à la constitution. Robespierre, « toujours sévère comme les principes et la raison, » dit un journal du temps (Le Point du Jour), s'efforça de calmer cette effervescence, et dit qu'il fallait, non remercier, mais féliciter le roi du parfait accord de ses sentiments avec ceux de la nation. L'Assemblée chargea une députation d'aller immédiatement porter au roi ses félicitations, dans les termes mêmes proposés par Robespierre. La majorité du côté droit, déconcertée, refusa de prendre part à la délibération.

Séance du 27 avril.

gardes nationales.

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Séance du 9 mai. Le comité de constitution voulait restreindre le droit de pétition aux seuls citoyens actifs, et que ce droit fût purement individuel, et ne pût-être exercé collectivement par nulle corporation, nulle société, nulle commune. Robespierre s'éleva vivement contre ces restrictions: « Le droit de pétition est le droit imprescriptible de tout homme en société. Les Français en jouissaient avant que vous fussiez assemblés; les despotes les plus absolus n'ont jamais osé contester formellement ce droit à ce qu'ils appelaient leurs sujets. Plusieurs se sont fait une gloire d'être accessibles et de rendre justice à tous. C'est ainsi que Frédéric Il écoutait les plaintes de tous les citoyens. Et vous, législateurs d'un peuple libre, vous ne voudrez pas que des Français vous adressent des observations, des demandes, des prières, comme vous voudrez les appeler! Non, ce n'est point pour exciter les citoyens à la révolte que je parle à cette tribune, c'est pour défendre les droits des citoyens; et si quelqu'un voulait m'accuser, je voudrais qu'il mit toutes ses actions en parallèle. Je défends les droits les plus sacrés de mes commettans; car mes commettans sont tous Français, et je ne ferai sous ce rapport aucune distinction entre

eux : je défendrai surtout les plus pauvres. Plus un homme est faible et malheureux, plus il a besoin du droit de pétition; et c'est parce qu'il est faible et malheureux que vous le lui ôteriez! Dieu accueille les demandes non-seulement des plus malheureux des hommes, mais des plus coupables. Or, il n'y a de lois sages et justes que celles qui dérivent des lois simples de la nature. Si vos sentiments n'étaient point conformes à ces lois, vous ne seriez plus les législateurs, vous seriez plutôt les oppresseurs des peuples. Je crois donc qu'à titre de législateurs et de représentants de la nation, vous êtes incompétents pour ôter à une partie des citoyens les droits imprescriptibles qu'ils tiennent de la nature. »

Les autres restrictions que le comité voudrait apporter au droit de pétition ne sont pas davantage motivées : « Il suffit qu'une société ait une existence légitime pour qu'elle ait le droit de pétition; car si elle a le droit d'exister reconnu par la loi, elle a le droit d'agir comme une collection d'êtres raisonnables, qui peuvent publier leur opinion commune et manifester leur vou.» « Je le demande à tout homme de bonne foi qui veut sincèrement le bien, mais qui ne cache pas sous un langage spécieux le dessein de dominer la liberté, disait en terminant Robespierre, je demande si ce n'est pas chercher à troubler l'ordre public par des lois oppressives, et porter le coup le plus funeste à la liberté. »> Robespierre monta de nouveau à la tribune dans la séance du lendemain pour combattre l'interdiction proposée par le comité contre les citoyens non actifs : « Il est évident que le droit de pétition n'est autre chose que le droit d'émettre son vou; que ce n'est donc pas un droit politique, mais le droit de tout être pensant. Bien loin d'être, comme on vous l'a dit, l'exercice de la souveraineté, de devoir être exclusivement attribué à tous les citoyens actifs, le droit de pétition au contraire suppose l'absence de l'activité, l'infériorité, la dépendance. Celui qui a l'autorité en main ordonne; celui qui est dans l'inactivité, dans la dé

pendance, adresse des voeux. La pétition n'est donc point l'exercice d'un droit politique, c'est l'acte de tout homme qui a des besoins. (Les tribunes applaudissent.) « On vit dans cette discussion, chose assez rare pour être signalée, l'abbé Maury, soutenir l'opinion de Robespierre.

Robespierre prit une troisième fois la parole, à propos de l'article du projet, portant que les citoyens ne pourraient demander le rassemblement de la commune ou de leur section qu'avec de certaines formalités et pour objet d'intérêt municipal, déterminé d'une manière précise: « C'est ainsi qu'on parvient à anéantir insensiblement les droits des citoyens, à leur ôter toute influence, à les mettre dans la dépendance de leurs délégués et sous le despotisme des mu- . nicipalités. (On murmure.) Les objections banales qu'on fait contre ces raisonnements sont le désordre et l'anarchie. Eh bien! aurez-vous jamais autre chose que le désordre et l'anarchie si vous établissez les formes despotiques qu'on vous propose! D'un côté, oppression, de l'autre, indignation des citoyens; lutte perpétuelle entre les mandataires et le peuple; voilà ce qui résultera de cet ordre de choses. Lorsqu'au contraire les citoyens ont le droit de faire des représentations, d'éclairer les représentants, alors l'ordre se soutient sur les bases de la justice et de la confiance. »

Séance du 12 mai. - Robespierre réclame l'égalité des droits politiques pour les hommes de couleur. La discussion fut très-vive : elle paraissait se poser entre l'existence des colonies et les principes. « Si vous voulez de la déclaration des droits quant à nous, s'était écrié le créole Moreau de Saint-Méri, il n'y a plus de colonies. » La phrase vulgairement attribuée à Robespierre : « Périssent les colonies plutôt qu'un principe, » n'est pas de lui, mais bien de Duport. Cependant dans son discours à cette occasion on retrouve un mouvement à peu près analogue : « L'intérêt suprême de la nation et des colonies est que vous demeuriez libres, et que vous ne renversiez pas de vos propres mains les bases de

la liberté. Périssent les colonies... (Il s'élève de violents murmures.) s'il doit vous en coûter votre bonheur, votre gloire, votre liberté! Je le répète, périssent les colonies! si les colons veulent, par les menaces, nous forcer à décréter ce qui convient le plus à leurs intérêts. »

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Séances du 16 et du 18 mai. Motion de Robespierre sur la non rééligibilité des membres de l'Assemblée à la prochaine législature, et discours pour la soutenir.

Séance du 27 mai. D'après le projet de loi présenté par les comités sur la convocation de la première législature, les directoires de districts étaient autorisés à déterminer eux mêmes, suivant les circonstances, le lieu où se réuniraient les assemblées électorales. Robespierre combat cette disposition contraire, selon lui, à la liberté électorale, et l'assemblée, tenant compte de ses observations, décide que les assemblées primaires se tiendront au chef-lieu de canton.

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Séance du 31 mai. Un philosophe qui avait pris une part importante au mouvement du XVIIIe siècle, l'auteur de l'Histoire philosophique des deux Indes, l'abbé Raynal, alors âgé de quatre vingts-ans, avait envoyé au président de l'assemblée une lettre qui était une censure amère des travaux de l'Assemblée, une sorte de pamphlet contre la Révolution. Le président donna lecture de cette lettre. Roederer interpella rudement à ce propos le président, l'accusant de s'être moqué de l'Assemblée en lui proposant d'écouter cette lecture. Mais Robespierre émit au contraire l'opinion que l'Assemblée s'était honorée en entendant cette lecture. Jamais elle ne lui avait paru autant au-dessus de ses ennemis qu'au moment où il l'a vue écouter, avec une tranquillité si expressive, la censure la plus véhémente de sa con

duite et [de la révolution qu'elle a faite. Il excuse l'abbé Raynal sur son grand âge; et il est persuadé que cette démarche produira dans le public un effet tout contraire à celui qu'on en attend. Séance du 1er juin. suites réclamées par le ministre Montmorin contre le Moniteur, pour une correspondance d'Allemagne, insérée dans le numéro 151 de ce journal, et dans laquelle on prêtait au roi le projet d'évasion le plus absurde, disait le ministre. La fuite à Varennes eut lieu vingt jours plus tard.

Robespierre s'oppose aux pour

Séance du 9 Juin. - Robespierre soutient l'incompatibilité des fonctions municipales avec les fonctions législatives, par ce motif que le même homme ne peut-être inviolable et responsable à la fois.

Séance du 10 Juin. Il insiste pour le licenciement des officiers de l'armée1: « Au milieu des ruines de toutes les aristocraties, quelle est cette puissance qui seule élève encore un front audacieux et menaçant? Vous avez reconstitué toutes les fonctions publiques suivant les principes de la liberté et de l'égalité, et vous conservez un corps de fonctionnaires publics armés, créé par le despotisme, dont la constitution est fondée sur les maximes les plus extravagantes du despotisme et de l'aristocratie; qui est à la fois l'appui et l'instrument du despotisme, le triomphe de l'aristocratie, le démenti le plus formel de la constitution, et l'insulte la plus révoltante à la dignité du peuple. Sur quel puissant motif est fondé ce hideux contraste de l'ancien régime et du nouveau. Croyez-vous qu'une armée nombreuse et permanente

1. Quelques jours auparavant Robespierre, parlant sur cette question aux Jacobins, avait prononcé cette phrase: « Je le dis avec franchise, peut-être même avec rudesse quiconque ne veut pas, ne conseille pas le licenciement est un traître. » A ces mots, un membre, saisi de transport, interrompit l'orateur et demanda, aux applaudissements de l'assemblée, que ces derniers mots fussent inscrits en gros caractères aux quatre coins de la salle.

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