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ne peut les frapper, si elle ne vient d'un pouvoir égal à eux, et il n'y a point de pouvoir de cette nature. Il n'existe qu'un pouvoir supérieur aux représentants de la nation,. c'est la nation elle-même. Si elle pouvait se rassembler en corps, elle serait leur véritable juge... Si vous ne consacrez ces principes, vous rendez le corps législatif dépendant d'un pouvoir inférieur qui, pour le dissoudre, n'aurait qu'à décréter chacun de ses membres. Il peut le réduire à la nullité, et toutes ces idées si vraies, si grandes, d'indépendance et de liberté, ne sont plus que des chimères. Je conclus à ce qu'il soit déclaré qu'aucun représentant de la nation ne peut être poursuivi devant un tribunal, à moins qu'il ne soit intervenu un acte du corps législatif, qui déclare qu'il y a lieu à accusation. »

Séance du 28 Juin. - Robespierre invoque la justice de l'Assemblée en faveur des ecclésiastiques qui ont vieilli dans le ministère et qui, à la suite d'une longue carrière, n'ont recueilli de leurs longs travaux que des infirmités. Ils ont pour eux le titre d'ecclésiastique et quelque chose de plus, l'indigence. En conséquence, il demande qu'il soit pourvu à la subsistance des prêtres âgés de soixante-dix ans, n'ayant ni pensions ni bénéfices.

Séance du 19 Juin. — Il s'élève contre les projets supposés au ministère d'ourdir la guerre, et il s'oppose aux armements demandés à propos de troubles survenus dans la colonie de Tabago.

Séance du 3 juillet. Il s'oppose à la prise en considération de la proposition faite par quelques membres d'armer plusieurs frégates, pour protéger notre commerce et surveiller les intentions de nos voisins, sur le bruit qu'une flotte anglaise avait paru en mer. « On cherche de toutes parts les moyens de vous amener à un parti qui rendrait la guerre nécessaire, par ce qu'il est des gens qui l'envisagent comme le meilleur moyen de s'opposer à une révolution qui les désespère. >>

Séance du 10 juillet.

Il appuie la demande faite par

une députation d'Américains d'assister à la séance. Séance du 28 juillet. - Il accuse les ministres, à l'occasion de la demande faite par l'Autriche pour le passage de ses troupes sur le territoire Français, et il demande qu'il soit fixé un jour pour s'occuper des moyens d'exterminer tous les ennemis de la révolution. Dans la même séance il combat la motion faite par Mirabeau de déclarer Condé traître à la patrie s'il ne désavoue son manifeste : Le prince de Condé était-il donc le seul qui eût donné des preuves d'opposition? Et s'il fallait un exemple exclusif, je le demande à tous les hommes impartiaux, faudrait-il tomber snr un homme qui, attaché par toutes les relations possibles aux abus de tous genres, n'a pas goûté nos principes? » Séance du 9 août. Il s'oppose à la nomination du ministère public par le roi. « L'accusation individuelle est un acte public, tout délit qui attaque la société attaque la nation; c'est donc à la nation à en poursuivre seule la vengeance, où à la poursuivre concurremment avec la partie lésée; le pouvoir exécutif ne peut agir que quand les deux autres pouvoirs ont déterminé son action. Songez d'ailleurs au danger qui n'est pas imaginaire, de confier aux ministres ou à leurs agents une arme terrible qui frapperait sans cesse sur les vrais amis de la liberté. »

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Séance du 19 août. Il demande que les officiers de marine soient punis des mêmes peines que les soldats, et si on juge ces peines trop sévères pour les officiers, qu'on les supprime pour les soldats.

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Séance du 23 août. Il s'oppose à la mise en liberté de l'abbé de Barmond, accusé d'avoir favorisé l'évasion de Bonne-Savardin, agent des princes émigrés. Le discours prononcé à cette occasion par Robespierre, est remarquable, à cause de cette doctrine du salut public dominant tous les sentiments individuels: « Tout le monde sent trop que le salut public est la loi suprême. L'amitié ne consiste pas

à

partager les fautes d'un ami: le sentiment de l'humanité n'est pas relatif à un seul homme. Quand l'utilité générale rend nuisible à la société un service rendu à un individu, ce n'est point un bienfait pour cet individu, c'est une barbarie pour la société entière. J'en veux moins aux hommes qui, par un enthousiasme et une exagération romanesque, justifient leurs attachements à d'anciens principes qu'ils ne peuvent encore abandonner, qu'à ceux qui couvrent des desseins perfides sous les dehors du patriotisme et de la vertu. Examinons quel est le délit dont il s'agit aujourd'hui. Un accusé s'échappe et demande un asile. Sans doute il est innocent de s'être échappé : mais quels sont les devoirs de l'homme auquel il a a recours? Le sentiment de l'humanité lui défend de repousser celui qui s'est jeté dans ses bras et cet homme est plus près du vice que de la vertu, s'il dénonce celui qui est venu chercher un asile dans sa maison. Voyons s'il en est de même quand il s'agit d'un crime de lèse-nation: tout homme qui connaît un crime public, qui recèle son auteur, qui fait tout ce qui dépend de lui pour le soustraire à la vengeance des lois ne remplit pas ses devoirs de citoyen. Il compromet le salut de la patrie. A cette occasion, Robespierre demande l'organisation d'un tribunal national pour juger les crimes de lèse-nation.

Séance du 31 août. Il défend la garnison de Nancy. Séance du 5 octobre. Le parlement de Toulouse avait fait une protestation séditieuse contre le décret de l'Assemblée qui supprimait les parlements. « Cet arrêté, dit Robespierre, n'est qu'un acte de délire qui ne peut exciter que le mépris. L'Assemblée peut déclarer aux membres de l'ancien parlement de Toulouse qu'elle leur permet de continuer à être mauvais citoyens. » L'Assemblée ne se montra point aussi tolérante, et elle renvoya les auteurs de la protestation devant la haute cour nationale, sous la prévention de rébellion et de forfaiture.

Séance du 25 octobre. Discours sur l'organisation de la haute cour nationale. Robespierre définit ainsi les crimes de lèse-nation qu'aura à juger le tribunal qu'il s'agit d'instituer. « Les crimes de lèse-nation sont des attentats commis directement contre les droits du corps social. Il en est de deux espèces; ceux qui attaquent son existence physique, et ceux qui cherchent à vicier son existence morale. Ces derniers sont aussi coupables que les premiers. Celui qui attente à la liberté d'une nation, est autant son ennemi que celui qui voudrait la faire périr par le fer. Dans ce cas, ce n'est plus une nation, ce n'est plus un roi; il n'y a que des esclaves et un tyran. Les crimes de lèse-nation sont rares quand la constitution de l'État est affermie parce qu'elle comprime de toutes parts, avec la force générale, les individus qui seraient tentés d'être factieux. Il n'y a alors que les hommes publics armés de grands pouvoirs qui puissent ruiner l'édifice de la liberté publique. C'est donc sur eux qu'il est utile de fixer surtout la défiance du tribunal. » C'est au peuple seul qu'il appartient de nommer les juges chargés de cette mission, et il ne peut être donné au roi aucune influence sur eux.

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Séance du 18 novembre. - L'ordre du jour ramène la discussion sur le tribunal de cassation. Robespierre, voyant l'Assemblée décidée à établir ce tribunal en dehors du corps législatif, demande au moins qu'il soit renouvelé souvent et en entier, pour le préserver autant que possible de l'esprit de corps.

Dans la même séance Robespierre prononce un discours important sur la réunion du Comtat Venaissin à la France. Il s'agissait de statuer sur la demande des Avignonnais qui, ayant brisé d'eux-mêmes l'autorité du saint siége, sollicitaient l'honneur d'entrer dans la grande famille française. Quelques objections étaient faites soit sur le droit de l'Assemblée à prononcer cette réunion, soit sur les conditions auxquelles elle pourrait avoir lieu. Robespierre établit le

droit incontestable des peuples à changer la nature de leur gouvernement: « On a prétendu qu'Avignon ne faisait pas, ne pouvait pas faire un État séparé des autres États du pape. Quoi! deux peuples n'en sont devenus qu'un, ont perdu leur indépendance mutuelle parce qu'ils ont choisi le même individu pour tenir les rênes de leur gouvernement! les habitants d'Angleterre et de Hanovre, pour avoir le même roi, ne sont-ils pas deux peuples distincts? Il semble que les peuples se confondent sous la main d'un même roi comme deux troupeaux sous la direction d'un même pasteur... Non, les peuples sont libres de choisir les mêmes chefs, et de rester indépendants entre eux. Il montre ensuite les raisons économiques et politiques qui doivent faire accueillir cette réunion par la France. Enfin il repousse l'idée d'accorder aucune indemnité au pape :

« Il ne peut en être dû pour la perte d'une usurpation, et pour la cessation d'un long outrage fait au droit des nations et à l'humanité... Une longue puissance injuste exige plutôt une grande restitution qu'une indemnité (On applaudit.) >>

Séance du 14 décembre. Discours sur la suppression des offices ministériels et sur le droit de défense devant les tribunaux. Le comité de constitution avait eu l'idée de fondre ensemble les fonctions jadis attribuées aux procureurs et celles exercées par les avocats, et d'en investir, moyennant certaines conditions de stage, un petit nombre d'individus désignés dans chaque district par trois juges et deux hommes de lois. Robespierre combattit ce projet par un discours où prenant la question de haut, il proclame le droit qu'a tous citoyen de défendre ses intérêts en justice, soit par lui-même, soit par celui à qu'il voudra donner sa confiance. L'assemblée modifia en partie le projet de comité et rendit sur la proposition de Tronchet, un décret qui instituait des avoués auprès des tribunaux pour représenter les parties, et reconnaissait à celles-ci le droit de se défendre

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