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INTRODUCTION HISTORIQUE

CONTENANT

L'INDICATION DES PRINCIPAUX DISCOURS ET DES PRINCIPALES

OPINIONS DE ROBESPIERRE

Maximilien-Marie-Isidore de Robespierre naquit à Arras, le 6 mai 1758. La généalogie de sa famille est assez mal établie son grand-père et son père exerçaient la profession d'avocat au conseil provincial d'Artois. Quelques biographes prétendent que le nom doit s'écrire d'un seul mot: Derobespierre : c'est à la vérité l'orthographe qui se trouve dans l'acte de naissance de Maximilien '.

Quoiqu'il en soit, il adopta lui-même la particule, jusqu'au jour où il l'abandonna tout à fait pour s'appeler simplement: Robespierre.

1. Extrait du registre aux baptêmes, mariages et sépultures de l'église paroissiale de la Magdeleine pour l'année 1758 :

Le six de may mil sept cent cinquante-huit a été baptisé par moi, soussigné, Maximilien, Marie, Isidore, né le même jour sur les deux heures du matin, en légitime mariage de Me Maximilien, Barthélemy, François Derobespierre, avocat au Conseil d'Artois, et de demoiselle Jacqueline Carrault. Le parrain a été Me Maximilien Derobespierre,

Il n'avait pas sept ans lorsqu'il perdit sa mère, et bientôt après son père, qui ayant pris en dégoût les affaires, quitta la France, parcourut successivement l'Angleterre et l'Allemagne, et finit par mourir à Munich, dévoré par le désespoir. Maximilien était l'aîné de deux sœurs et d'un frère. On le mit d'abord au collège d'Arras; puis bientôt, par la protection de M. de Conzié, évêque de la ville, qui était trèsattaché à sa famille, il obtint une bourse au collège Louisle-Grand, à Paris, où il eut pour condisciples Camille Desmoulins et Fréron. Après avoir terminé ses études classiques, il fit son droit, toujours sous le patronage du collége Louis-le-Grand : il travaillait en même temps dans l'étude d'un procureur nommé Nollion, où Brissot était premier clerc. Avant de se séparer de lui, l'administration du collége voulut lui donner une marque publique de distinction, et elle prit, en date du 19 juillet 1781, la décision suivante, que l'on trouve consignée dans le Recueil de toutes les délibérations importantes prises, depuis 1762, par le bureau d'administration du collège Louis-le-Grand et des collèges réunis (Paris, chez Pierre-Guillaume Simon, imprimeur du parlement et du collège Louis-le-Grand. MDCCLXXXI. 1 vol. in-40).

« Sur le compte rendu par M. le principal des talents éminents du sieur de Robespierre, boursier du collége d'Arras, lequel est sur le point de terminer son cours d'étude, de sa bonne conduite pendant douze années et de ses succès dans le cours de ses classes, tant aux distributions

père grand du côté paternel, avocat au Conseil d'Artois, et la marraine demoiselle Marie, Marguerite Cornu, femme de Jacques-François Carrault, mère grande du côté maternel, lesquels ont signé :

DEROBESPIERRE.

DEROBESPIERRE.

G. M. P. LENGlart, curé.

Marie, Marguerite CORNU.

des prix de l'Université qu'aux examens de philosophie et de droit :

» Le bureau a unanimement accordé audit sieur de Robespierre une gratification de la somme de six cents livres, laquelle lui sera payée par M. le grand-maitre des deniers du collège d'Arras, et ladite somme sera allouée à M. le grand-maître dans son compte en rapportant expédition de la présente délibération, et la quittance dudit sieur de Robespierre. »

Ses études terminées, Robespierre revint exercer ses fonctions d'avocat à Arras. Sa sœur Charlotte nous a laissé dans ses Mémoires (publiés en 1835 par Laponneraye) un tableau détaillé du genre de vie qu'il menait dès cette époque : vie réglée, sobre, toute d'études. Carnot était alors en garnison dans cette ville, avec le grade de capitaine du génie. Robespierre plaida pour lui, et il paraît avoir eu avec lui des relations suivies, quoique cela soit contesté par M. Carnot, dans ses Mémoires sur son père 1.

M. de Conzié, évêque d'Arras, fut si charmé des succès du jeune avocat, que, dès sa seconde année d'exercice, il le nomma juge à son tribunal civil et criminel 2. Dans cette position, il eut le courage de repousser, au nom des principes et de la souveraineté du peuple, dont on ne se souciait guère alors, les édits de Lamoignon, auxquels les tribunaux supérieurs n'opposaient que des formes. Cela résulte du moins des explications qu'il donna lui-même dans sa réponse aux discours de Brissot et de Guadet, pro

1. Voir à cet égard l'Histoire de Robespierre, par M. Ernest Hamel. t I. p. 28 et suiv.

2. M. Ernest Hamel a retrouvé et publié le texte même du brevet de nomination de Robespierre, qui est en date du 5 juillet 1783. Nous remarquons dans ce document que le nom est encore orthographié Derobespierre. Est-ce seulement lorsqu'il fût nommé à la Constituante que Robespierre aurait eu l'idée de transformer en particule la première syllabe de son nom?

noncée aux jacobins, le 27 avril 1792. Mais il ne conserva pas longtemps cette judicature. Sa sœur Charlotte rapporte qu'ayant, un jour, été obligé de condamner à la peine de mort un assassin contre lequel s'élevaient les charges les plus accablantes, il fut obsédé comme d'un remords de l'idée d'avoir ainsi disposé de la vie d'un de ses semblables. Il rentra chez lui le désespoir au cœur; et quand sa sœur entreprenait de le consoler, lui rappelant l'énormité du crime du condamné, il répétait toujours : « Sans doute, c'est un scélérat, mais faire mourir un homme! » Dès le lendemain, il envoya à l'évêque sa démission de juge, et rentra au barreau, où il s'était fait une position honorable quand la Révolution vint l'y chercher pour le lancer sur la scène politique.

Robespierre partageait tout son temps entre le barreau et l'Académie d'Arras, dont il était un des membres les plus actifs. On a de lui un Éloge de Gresset 1, et un Éloge du président Dupaty. Il était aussi membre d'une société chantante, connue sous le nom de société des Rosati. Il avait, paraît-il, la versification facile, et, il écrivit tout un poëme sur le Mouchoir du Prédicateur qui souvent remplit en chaire un rôle fort important. On peut citer comme spécimen de son talent poëtique, le madrigal suivant, adressé à une dame d'Arras :

Crois-moi, jeune et belle Ophelie,

Quoi qu'en dise le monde et malgré ton miroir,
Contente d'être belle et de n'en rien savoir,

Garde toujours ta modestie.

1. On remarque dans cet éloge une vive attaque contre les écrivains impies et immoraux, c'est à dire contre Voltaire et son école. Mais au milieu de ces funestes désordres, ajoute l'orateur, c'est un grand spectacle de voir l'un des plus beaux génies dont le siècle s'honore, venger la religion et la vertu par son courage à suivre leurs augustes lois, et les défendre, pour ainsi dire, par l'ascendant de son exemple, contre l'attaque de tant de plumes audacieuses. >>

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