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supposant l'arrêté de l'agent du Directoire légal, il en avait été fait une fausse application. Il termine en disant :

« La restitution du produit légal de cette vente est un acte de justice rigoureuse, et c'est à quoi je conclus. >>

Le CONSEIL fait pleine et entière mainlevée du navire danois l'UlrikCock, mouillé au port de Cayenne, le 13 vendémiaire an VI.

Le gouvernement, maître absolu du mode d'exercer le droit de guerre, est maître par cela même de décider que tel navire, bien que dans des conditions apparentes qui le désignent comme ennemi, est cependant réellement un navire ami, en raison du but ami de son expédition, et que la capture qui en a été faite doit être annulée.

C'est ce qu'a jugé le Conseil des prises, dans l'espèce suivante, où il s'agissait de protéger l'apport de vivres à l'une de nos colonies.

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Un navire qui, dans toute autre circonstance, serait de bonne prise, doit être laissé en liberté quand il apporte des vivres dans un port français où règne la disette.

L'ACTIVE Contre LA MARIA.

Voici quelles ont été, dans cette affaire, les conclusions du commissaire du gouvernement :

Si je ne consultais que les principes de la matière, je trouverais d'abord que le capitaine du navire est Anglais, et n'ayant été naturalisé Danois qu'en 1799, c'est-à-dire bien postérieurement à la déclaration de guerre, le navire devrait être déclaré de bonne prise, d'après l'article 9 du règlement de 1778, et d'après l'article 7 du même règlement, puisque, d'après cet article, la vente d'un navire de fabrique ennemie doit avoir précédé les hostilités.

Mais je ne crois pas que dans l'hypothèse de la cause, il faille regarder à la qualité des personnes ni à la construction du bâtiment. C'est, selon moi, à la nature de l'action, je veux dire à l'objet du voyage, parce que c'est vraiment cette action qui détermine le caractère de l'homme, c'est-à-dire s'il est ami ou ennemi.

« Quoique nous soyons en guerre avec l'Angleterre, il n'en est pas moins certain que tous les Anglais ne sont pas nos ennemis et que tous les amis de la liberté le sont des Français.

« Il n'y a réellement d'ennemis que ceux qui nous nuisent ou veulent nous nuire. Ceux qui nous servent, de quelque nation qu'ils soient, n’en sont pas moins nos amis. C'est donc, non à leur nationalité, mais à leurs actions, qu'il faut regarder, pour être juste, parce que c'est le devoir de

tous.

« Or, il est de fait constaté par un relevé des rapports du commandant de place, du 4 vendémiaire an VIII, que la Maria était, lors de la capture, sous la batterie basse du fort Fleur-d'Epée,

Le navire était donc destiné pour l'île la Guadeloupe, puisqu'il entrait dans le port de la Liberté.

«Il est constaté par un certificat de l'ordonnateur de marine, du 7 vendémiaire an VII, légalisé par le citoyen Desfourneaux, agent du directoire exécutif, que M. Bautzen avait, dans un précédent voyage, offert à l'administration de la marine une fourniture de farine, et que la conclusion de ce marché en fut renvoyée à l'époque de l'expédition.

« Le chargement des farines était donc destiné pour la colonie.

« Ainsi l'homme et le navire, de quelque nation et de quelque construction qu'ils soient, qui portent des secours à des Français dans leur détresse, ne peuvent être considérés comme des ennemis, mais seulement comme des hommes, comme les amis de l'humanité, qui ont droit, non-seulement à la reconnaissance des secourus, mais encore à celle du gouvernement.

« Les Français ont, dans tous les temps, pratiqué ces grands principes. Je n'en citerai qu'un seul exemple, pour ne pas prolonger cette discussion. Des navires anglais étaient arrivés au Havre, chargés de vins, à une époque postérieure à la déclaration de guerre. Par la crainte des corsaires, ces navires n'osaient remettre à la voile; étayés de l'administrateur de la marine, ils demandèrent au Conseil exécutif et obtinrent de lui un sauf-conduit nécessaire à leur navigation, par arrêté du 13 février 1793.

« Le Conseil exécutif ne jugea donc point la nationalité, mais l'action de ces Anglais, puisqu'il leur accorda la même faveur qu'aux Français. « D'après un tel exemple, je me crois autorisé à conclure à la nullité de la prise, comme faite en violation du territoire, et à la restitution du navire et de la cargaison, ou du légitime prix et valeur d'iceux. »

Le Conseil, conformément à ces conclusions, a déclaré nulle la prise du navire danois la Maria.

L'exercice du droit de prise en temps de guerre fait le sujet de la plus grande partie de cet ouvrage. Pour ne pas scinder ce qui est relatif à la guerre, nous parlerons tout de suite de la piraterie, de la traite et des représailles.

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Loi du 10 avril 1825.-ART. 1er. Navires naviguant sans papiers de bord ou avec double commission.

ART. 2. Participation des Français à la piraterie. - De la piraterie exercée contre des Français par des étrangers. — Du double pavillon.

ART. 3. Du Français qui, sans autorisation de l'Empereur, prend commission d'un souverain étranger.- Du Français, autorisé à prendre une commission étrangère, qui combat contre la France.

ART. 4. Du cas où l'équipage d'un navire s'en empare. d'un navire à des pirates ou à des ennemis.

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De la livraison

ART. 5 à 9. Peines contre les infracteurs de la loi. Code de commerce. ART. 216. Responsabilité des armateurs d'un navire employé à la piraterie.

Les bâtiments pirates sont de bonne prise. Dans quels cas un navire peut-il être considéré comme pirate? C'est ce que détermine la loi du 10 avril 1825, qui rentre, par conséquent, dans notre sujet, et dont nous commenterons les dispositions.

Loi du 10 avril 1825.ART. 1r. Seront poursuivis et jugés comme pirates: 1° tout individu faisant partie de l'équipage d'un navire ou bâtiment de mer quelconque, armé et naviguant sans être ou avoir été muni, pour le voyage, de passeport, rôle d'équipage, commissions ou autres actes constatant la légitimité de l'expédition; 2° tout commandant d'un navire ou bàtiment de mer armé et porteur de commissions délivrées par deux ou plusieurs puissances ou Etats différents.

Le § 1er de notre article est ainsi commenté par M. le ba ron Portal, ancien ministre de la marine, rapporteur de la loi à la Chambre des pairs:

« Le premier paragraphe du premier article exprime un fait qui a toujours été considéré comme un fait de piraterie.

T. I.

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<«< Toutes les lois anciennes sont d'accord sur ce point.

« Néanmoins, nous avons cru juste et nécessaire d'ajouter, après le mot naviguant, les mots : sans être, ou sans avoir été muni, pour le voyage, des actes qui devaient constater la légitimité de son expédition.

« Le premier doute qui s'est présenté était de savoir si le fait, tel qu'il est exprimé, était ou n'était pas susceptible d'explications ou d'excuses devant les tribunaux.

« Nous avons reconnu que si des explications et des excuses ne pouvaient être admises, la loi serait trop sévère, trop violente, et quelquefois pourrait être fort injuste. Que si, au contraire, des explications et des excuses devaient être admises, ainsi que cela ne saurait être contesté, il était naturel et sage que la loi nouvelle en exprimât les conditions, ou du moins en indiquât les moyens.

<«< Le manque de papiers est une présomption de piraterie, qui doit donner lieu à l'arrestation et au jugement du navire; mais ce n'est qu'une présomption, car les papiers peuvent avoir été perdus, car ils peuvent avoir été enlevés de vive force; et, si les pirates se multipliaient, ce dernier cas surtout pourrait se produire fort souvent. D'ailleurs, il faut reconnaître que, lorsque l'ordonnance de 1681 fut rédi– gée, les pirates avaient les habitudes et presque le caractère des anciens flibustiers. Se mettre en mer, mépriser toutes les règles, attaquer tous les pavillons, vaincre ou périr, voilà quelles étaient leurs doctrines et leurs moeurs.

« Les pirates modernes sont beaucoup plus avisés. Ils ont peut-être moins de courage, mais ils prennent certainement plus de précautions. Ce n'est plus la fureur de combattre qui les anime, c'est la fureur de s'enrichir. Et si un pirate s'expédiait aujourd'hui sans papiers, ce qui n'est pas probable, de quelque lieu qu'il vînt, son premier soin serait de prendre les papiers du premier bâtiment de commerce qui lui ressemblerait par le tonnage, et dont il lui serait facile d'imiter l'installation.

« Ainsi le pirate serait en règle, et le bâtiment de commerce serait compromis, car les bâtiments de commerce

sont quelquefois autorisés à avoir de l'artillerie à bord, à naviguer armés, à cause de certains parages plus fréquentés par les pirates, ou habités par des peuplades dangereuses.

« Le second paragraphe de l'article premier exprime aussi un fait et des circonstances qui caractérisent la piraterie.

• Point de difficulté, par conséquent, sur le fond.

« Quant à la rédaction, la Commission aurait désiré que les mots : ou lettres de marque, suivissent le mot : commissions; mais ce dernier mot est le mot générique, et il ne saurait être entendu différemment par les tribunaux, surtout au moyen de cette explication, que, par le mot commissions, nous entendons parler à la fois des commissions de guerre, des commissions de guerre et marchandises, et de lettres de marque, qui sont les trois espèces de commissions ou lettres connues à la mer.

"

« Une autre observation a été faite, et il ne serait pas possible, ce me semble, d'y pourvoir, et de rendre son insertion inutile dans l'article, par une simple explication dans le rapport. Cette observation a pour objet d'ajouter après le mot Puissances, les mots : ou Etats. Les mots : puissances maritimes, pourraient paraître restrictifs, ou du moins pas aussi génériques que les mots : Etats maritimes. Les défenseurs s'en empareraient, et peut-être que les juges hésiteraient, surtout depuis la règle, établie en matière criminelle, de ne pas procéder par analogie, et de n'appliquer des peines, et surtout des peines aussi fortes, que lorsque les cas ont été prévus d'une manière directe et positive. »> Le savant rapporteur explique ensuite le sens légal du mot commission, dans le § 2 de l'art. 4.

Quelques personnes, dit-il, ont paru confondre les papiers qui sont à bord des bâtiments de commerce, avec les commissions, les commissions de guerre, qui peuvent se trouver à bord de toute sorte de bâtiments armés. De courtes explications suffiront pour dissiper cette erreur.

« Les papiers qui sont à bord d'un bâtiment de commerce se composent :

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