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de sorte qu'on a vu quelquefois les neutres dans la nécessité d'armer pour s'y soustraire, et contraints de faire la guerre pour rester en paix.

Beaucoup de traités publics ont été conclus, dont les clauses ont pour but d'assurer la liberté du commerce et de la navigation des neutres, et de fixer l'étendue des droits accidentels que peuvent acquérir à l'encontre de cette navigation les puissances belligérantes. Si, malgré la multiplicité de ces conventions publiques, le droit international positif n'a pas encore acquis le caractère de précision et d'unité si désirable en une matière si hautement importante, il a sanctionné du moins, sur les points capitaux, des règles positives conformes aux principes énoncés ci-dessus.

Ce sont ces règles principales que nous allons tàcher d'exposer dans les chapitres suivants.

CHAPITRE CINQUIÈME.

Rapport, quant au droit de capture, entre le navire et sa cargaison.

SOMMAIRE.

-

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Le pa

Le pavil

Collision entre le droit de capture de la propriété privée ennemie sur mer, et le droit de libre commerce des neutres. villon ennemi rend-il ennemie la cargaison neutre? lon ami couvre-t-il la cargaison ennemie ?-Résolution négative de la première question d'après les principes abstraits. — Opinions de divers publicistes. Difficulté de concilier les principes dans la résolution de la deuxième question.-En tout cas la confiscation de la cargaison ennemie ne doit pas entrainer celle du navire neutre qui la porte.

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Règles du Consulat de la mer.-Dispositions des anciennes ordonnances françaises.-Règlement de Louis XVI, du 26 juillet 1778, adoptant les deux maximes : « navire libre, marchandises libres; navire ennemi, marchandises ennemies. » — Discussions diplomatiques au milieu du XVIIIe siècle, entre les gouvernements de Prusse et d'Angleterre, au sujet du commerce des neutres. Principes opposés proclamés par ces deux gouvernements. Traités publics conclus au XVIIe siècle et depuis la paix d'Utrecht jusqu'en 1780, qui se prononcent pour ou contre les deux maximes ci-dessus.-Première neutralité armée.-Adhésion des puissances, hors l'Angleterre, aux principes proclamés par la Russie. Conduite de la Grande-Bretagne à l'égard du commerce des neutres, pendant la guerre de la révolution française.-Mesures ordonnées à titre de représailles par la Convention nationale. Ordres du Conseil anglais et instructions des lords de l'amiraute aux commandants des navires de guerre et aux corsaires an

glais.-Réponse du Danemarck à la notification de ces ordres du conseil.-Loi rendue en France sous le directoire, déclarant de bonne prise les navires neutres chargés d'effets ennemis. — Discussions et hostilités entre les Etats-Unis et la France, terminées par le traité négocié à Morte-Fontaine. - Retour fait par la France sous le consulat, à l'exécution du règlement du 26 juillet 1778 et aux principes de la neutralité armée.-Arrêté des Consuls portant création du conseil des prises.

Sa

Quadruple alliance du nord ou deuxième neutralité armée. dissolution par l'Angleterre. Convention maritime du 17 juin 1801, établissant que le pavillon ne couvre pas la marchandise. -La Russie, en 1807, proclame de nouveau les principes de la neutralité armée.

Stipulations des traités publics conclus depuis 1815, en faveur du principe qui lie le sort de la cargaison au sort du navire.-Les maximes : «< navire libre, marchandises libres », et « navire ennemi, marchandises ennemies, »adoptées par la France et par les EtatsUnis. Ces deux principes ne sont applicables qu'à l'égard des puissances qui les reconnaissent également.-Conclusion.

EXAMEN DE CETTE MATIÈRE D'APRÈS LES PRINCIPES ABSTRAITS.

En comparant ensemble les deux principes fondamentaux dont l'un établit comme légitime la capture de la propriété ennemie sur mer, et dont l'autre sanctionne la liberté de commerce entre les neutres, et entre les neutres et les belligérants, on voit de suite qu'il existe entre ces deux principes une collision inévitable.

Car si, en vertu du dernier, les neutres jouissent véritablement de la faculté de commercer libre

ment, ils peuvent effectuer, de port en port, le transport de toutes marchandises.

Ce transport par la voie de mer, peut avoir lieu de trois manières différentes :

1o Les neutres peuvent charger, sur leurs navires, leurs propres marchandises;

2o Ils peuvent charger ces mêmes marchandises sur des navires appartenant aux belligérants;

3o Ils peuvent enfin prendre à bord de leurs propres navires des marchandises qui soient la propriété des belligérants.

Le premier cas est simple et n'a pas besoin d'examen, en exceptant toutefois les marchandises dites contrebande de guerre, dont il sera parlé plus loin. Mais les deux derniers ne sont pas sans difficultés.

En effet si l'un des belligérants s'est emparé d'un navire ennemi dont la cargaison soit neutre, son droit de capture peut-il s'étendre sur cette cargaison qui est propriété amie?

Et si ce belligérant rencontre un navire ami dont la cargaison soit propriété ennemie, comment agirat-il pour concilier les deux principes ci-dessus? En suivant le premier il peut s'emparer de la cargaison; mais en agissant ainsi il enfreint le deuxième qui veut la liberté du commerce des neutres avec les belligérants.

Ces questions importantes, sur lesquelles on n'est maiheureusement pas d'accord, sont formulées communément de la manière suivante :

Le pavillon ennemi rend-il ennemie la cargaison neutre?

Le pavillon ami couvre-t-il la cargaison ennemie? Il nous semble d'abord que, rigoureusement parlant, le navire belligérant ne communique pas un caractère hostile aux marchandises neutres qui sont à son bord. Dès qu'il est démontré que ces marchandises sont réellement propriété des neutres, on ne peut plus dire qu'elles sont censées appartenir aux ennemis. C'est l'opinion de Grotius, qui s'exprime ainsi qu'il suit : « Lors donc qu'on dit, que les choses trouvées dans les vaisseaux de l'ennemi être

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<< sont censées lui appartenir, cela ne doit pas

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regardé comme une loi constante et invariable « du droit des gens; mais comme une maxime, « dont le sens se réduit à ceci, qu'on présume or«< dinairement, en ce cas là, que tout est à un même « maître présomption néanmoins, qui peut être « détruite par de fortes preuves du contraire. C'est « ainsi que je trouve qu'il fut jugé dans ma patrie, « dès l'an 1338, par la cour souveraine, assemblée « alors en grand nombre ; et la chose a passé en loi depuis, en conséquence de cet arrêt (1). »

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Lors donc qu'en capturant un navire ennemi on capture en même temps sa cargaison neutre, on

(1) GROTIUS, Droit de la Guerre et de la Paix, liv. 3, ch. 6, § 6, r° 1.

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