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quarante ans de ne point payer la Dixme des pommes de terre & colfats. Comme elle ne put faire cette preuve relativement aux pommes de terre, & qu'elle la fit par rapport aux colfats, elle fut déchargée de la Dixme de ceux-ci, & condamnée à payer celle des pommes de terre.

Il a été rendu au parlement de Flandre plufieurs arrêts conformes à cette jurifprudence.

M. le préfident des Jaunaux en rapporte un dug juillet 1698, en faveur de l'abbaye de Cifoins, contre les bailli & hommes de fief du village. d'Acfq, châtellenie de Lille, par lequel il a été jugé que a les décimateurs ont droit de lever la >> Dixme de colfat qui fe recueilloit dans un village, à moins que les manans ne prouvent d'en avoir prefcrit l'exempion ».

Le même auteur, tom. 3, §. 7, rend compte d'un arrêt de révifion du 10 juin 1701, qui eft fondé fur les mêmes principes, « Il a été tenu

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dit-il, pour maxime certaine, que le placard de » l'empereur Charles V, du 1 octobre 1520, tou>> chant les Dixmes inufitées, qui défend aux dé» cimateurs d'exiger la Dixme d'aucuns grains, » s'ils ne font en poffeffion de la lever paffé qua

rante ans, ne s'entend pas de nouvelles espèces. » de grains qu'on commence à recueillir dans de » certaines provinces où ils étoient inconnus au» paravant, tels que les colfats dans certains quar

tiers, dont les décimateurs, fuivant le droit com»mun, peuvent demander la Dixme, mais feulement » des grains qu'on a coutume de recueillir dans un » lieu passé quarante ans, & dont les décimateurs sont négligé la Dixme fuivant l'interprétation du » même empereur, du 10 mars 1523".

Cette jurifprudence n'avoit jamais varié au par

fement de Flandre, lorfqu'intervinrent en 1758 les deux arrêts dont nous avons parlé plus haut. La queftion s'eft repréfentée depuis dans les circonftances fuivantes.

Page 468, fupprimez les 9 premières lignes, & fubftituez-y ce qui fuit:

Cet arrêt ne peut donc pas être regardé comme décifif fur notre question.

1

En voici un autre qui eft à peu près du même genre.

La communauté de Feteghem étoit appelante: d'une fentence du préfidial de Bailleul du 5 mars 1773, qui, avant faire droit fur la demande en payement de la Dixme des pommes de terre, prétendue par M. l'évêque d'Ypres & l'abbaye de Berg Saint-Winox codécimateurs

avoit

admis les parties à faire preuve respective de leur poffeffion ou non poffeffion. Elle n'épargna rien pour appuyer le fyftême qu'avoient adopté les arrêts des 10 mars & 13 novembre 1758; mais par arrêt du 15 decembre 1777, rendu au rapport de M. de Warenghien de Flory, la fentence fut confir mée purement & fimplement.

Si dans cette espèce, comme dans la précédente, les décimateurs s'étoient rendus appelans de la fentence, en ce qu'elle ne chargeoit pas directement les feuls habitans de la preuve, ils auroient donné lieu au parlement de juger la queftion in terminis; mais elle l'a été depuis par un arrêt du 14 avril 1778, infirmatif d'une fentence du prévôt de Bavay, qui, fur le refus de la communauté de Longueville de payer la Dixme des pommes de terre aux chanoineffes de Maubeuge, avoit ordonné à celles-ci de faire preuve de leur poffeffion.

Nous trouvons la même jurifprudence établie 'dans la province d'Artois, qui a fur cette matière les mêmes lois que la Flandre, le Hainaut, & le Brabant.

Une fentence du confeil d'Artois, du 30 juin 1712, ordonne à des particuliers qui avoient contefté au curé de Saint-Leu la Dixme de fainfoin, de rapporter dans un mois la preuve que, paffé quarante ans, on a dépouillé, dans la paroiffe de Saint-Leu, du fainfoin fec & venu en maturité, fans en avoir été levé ni perçu aucun droit de Dixme; fauf au curé la preuve contraire, finon & ce temps paffé, & fans qu'il foit befoin d'autre jugement, condamne ces particuliers au payement de la Dixme du fainfoin, venu à muriffon en continuer le payement à l'avenir.

& à

Cette fentence a été fuivie de quantité d'autres qui ont jugé de même. Mais en 1746 le confeil d'Artois parut vouloir changer fa jurifprudence. I ordonna au décimateur de Dourier de faire preuve que dans les paroiffes voifines où l'on recueilloit du fainfoin en fec, la Dixme de cette efpèce de fruits avoit toujours été en usage, & aux habitans, que cette efpèce de fruits étoit en ufage depuis plus de quarante ans, fans en avoir payé la Dixme.

Ainfi le confeil d'Artois, comme on vient de voir que l'a fait depuis le préfidial de Bailleul impofoit la néceffité de la preuve au décimateur comme au décimable. C'étoit déjà une première atteinte donnée au droit des décimateurs; mais on ne s'en eft point tenu là. Le 10 février 1757, autre fentence qui fait tomber fur le feul décimateur la néceffité de la preuve directe. Il ordonne aux abbé & religieux de Ruiffauville, de prouver

que depuis que le fainfoin & le trèfle fe recueilloient en maturité au terroir de Lifbourg, ils en avoient perçu la Dixme, & que la même Dixme fe percevoit dans les villages circonvoifins, fauf aux habitans de Lifbourg la preuve

contraire.

Il feroit impoffible de rappeler toutes les fentences du confeil d'Artois, qui, depuis cette épo que, ont conftamment prononcé de même; mais il faut rendre compte d'un arrêt qui en a folennellement profcrit la décision.

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En 1771, le nommé Langlet, fermier au village d'Inchy, refusa à l'abbaye d'Anchin laDixme de camomille.

Bientôt après, quatre autres habitans refusèrent auffi celle d'œillette.

En 1773, pareil refus de celle de lin.

L'exemple donné à Inchy devint bientôt contagieux, & dans la même année 1773, la Dixme de lin & celle du colfat furent également contestées dans la paroiffe de Baralle, & celle de lin dans la paroiffe de Buiffy.

Les refus gagnant ainfi de proche en proche, une foule de décimateurs fe trouvèrent fucceffivement inquiétés.

L'abbaye d'Anchin commença par attaquer les refufans.

prou

Ceux-ci ont foutenu que la Dixme qu'on leur demandoit étoit inufitée dans leurs paroiffes, que les religieux d'Anchin étoient hors d'état de ver qu'ils fuffent en poffeffion de la percevoir depuis plus de quarante ans. En conféquence ils ont conclu à ce que les décimateurs fuffent déclarés non recevables dans leurs demandes, ou qu'en tout cas ils en fuffent déboutés avec dépens.

Tel étoit le fyftême des habitans. Voici à quo s'eft réduit celui des religieux d'Anchin.

Les décimateurs, ont-ils dit, font fondés par le 'droit commun des provinces belgiques, à demanmander la Dixme de toutes fortes de fruits, à moins que les décimables ne prouvent en avoir acquis l'exemption par une poffeffion quarantenaire de ne la pas payer. Ce principe eft fondé fur les lois eccléfiaftiques & civiles les plus précises & la conféquence qui en réfulte, c'eft que le poids. de la preuve doit retomber fur les décimables qui doivent établir qu'ils font dans un cas d'exception.

Quand il n'y a pas quarante ans, a-t-on ajouté, qu'une espèce de fruits eft cultivée dans une paroiffe, il feroit abfurde & déraisonnable d'obligerJe décimateur à prouver une poffeffion quarantenaire. Il lui fuffit alors d'établir que cette Dixme fe perçoit dans les villages voifins & dans la province. C'eft la difpofition des placards de 1520 & 1523.

,

Ainfi pour que les décimables puffent fe fouftraire à la Dixme de telle efpèce de fruits, il faudroit qu'ils fuffent en état de prouver que cette production eft connue dans le lieu depuis plus de quarante ans, fans que jamais on en ait perçu la Dixme.

Au lieu de fe foumettre à cette preuve (continuoit l'abbaye d'Anchin), les adverfaires voudroient que ce fût aux décimateurs à prouver qu'ils ont une poffeffion de plus de quarante ans; comme fi ce n'étoit pas à celui qui allègue une exception, à l'établir. Les décimateurs ont en leur faveur le droit commun, ils ont un titre général, ils n'ont donc rien à prouver,

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