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les feigneurs féodaux pouvoient être maintenus à titre de prefcription dans l'ufage de payer la Dixme à une quotité moindre que le furplus des habitans, même pour leurs biens roturiers. On ne conteftoit pas ce privilége des feigneurs pour les biens nobles; & il eft d'un ufage prefque général, en Provence & dans plufieurs autres pays de droit écrit, de payer la Dixme à une quotité moindre pour les biens nobles que pour les biens roturiers.. Mais la queftion de la prefcriptibilité de la quotité pour les biens roturiers poffédés par les feigneurs fit beaucoup de difficultés.

Cette question s'étoit élevée entre le baron de Cipières, cofeigneur du lieu de la Garde, & le fieur Defparra, décimateur univerfel de ce lieu. Les juges de Toulon avoient jugé pour la néga-, tive. Le baron de Cipières interjeta appel de leur jugement, & demanda, comme il l'avoit fait en première inftance, à être reçu à prouver que, puis plus de 40 ans, lui & fes auteurs avoient payé la Dixme des biens roturiers à la quote de vingt-trois & demi, quoiqu'elle fût payée par les habitans au dixSept & demi.

de

Le 10 mars 1703, MM. de la grand'chambre furent partis en opinion; le 20 du même mois la tournelle fut encore partagée en vidant le partage. de la grand'chambre; & le 28, ce nouveau partage porté à la chambre des enquêtes, fut vidé fuivant l'avis du compartiteur. Le baron de Cipières) fut admis à la preuve qu'il avoit offerte.

Deux autres arrêts des 26 juin 1668 & 12 mai 1672, avoient jugé la même chofe, & l'on trouve un arrêt femblable, rendu au parlement de Touloufe entre le clergé & les feigneurs féodataires en 1616.Mais cet arrêt condamna en même temps, Tome VIII,

B

par provifion, les feigneurs à payer la Dixme de leurs biens roturiers comme le furplus des habitans. Il paroît même que ce jugement provifoire eft paffé en définitive, puifque le fieur de Glandevez, l'un des cofeigneurs du lieu de Puimichel, ayant refufé de payer au fieur d'Ayminy, archidiacre de Riez & prieur de Puimichel, la Dixme de fon bien roturier au quatorzain, il y fut condamné avec dépens, par arrêt du mois de février 1692, nonobftant la poffeffion de 40 ans dont il se défendoit. (lbid. §. 3.)

Page 465, ligne 18, fupprimez les mots il eft moralement certain, & tout ce qui fuit jusqu'à la ligne 27 inclufivement, & fubftituez-y ce que vous allez lire:

La Dixme est une portion des biens de la terre que les lois eccléfiaftiques & civiles ont affectée à l'entretien des miniftres des autels. A ne confulter que cette notion, il femble que ce tribut devroit fe lever fur tous les fruits.

Cependant il faut convenir qu'il en eft de ce droit comme de tous les autres : il est sujet à l'empire de l'usage & à la loi de la prescription; en forte qu'il y a certains fruits qui payent la Dixme, tandis que d'autres en font affranchis. Et de là la diftinction des Dixmes en Dixmes folites & Dixmes infolites.

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Mais dans ce cas, ce n'eft point au décimateur à prouver que telle espèce de Dixme eft folite. La loi forme en fa faveur un titre général qui le difpenfe de la preuve. Le décimable, au contraire prétendant que telle Dixme eft infolite, argumente d'une exception. C'eft donc à lui à prouver cette exception, & à établir la poffeffion quarantenaire où il eft de cultiver cette espèce

de fruits, fans en avoir jamais payé la Dixme. Cette conféquence, vraie dans le point de droit général, n'eft pas contrariée; elle eft même affermie par les lois particulières aux Pays-Bas.

L'objection fondée fur ce que le placard de 1520 défend d'exiger la Dixme des fruits, autres que ceux dont les décimateurs étoient en poffeffion depuis plus de quarante ans, cette objection disparoît lorfqu'on examine les difpofitions de la loi qui en est le principe, & du placard de 1523.

Avant 1520, les décimateurs prétendoient exiger la Dixme de toutes fortes de fruits fans avoir égard à la poffeffion où pouvoient être les décimables de ne la pas payer depuis plus de

40 ans.

L'empereur condamne cette prétention. Il défend aux décimateurs d'exiger la Dixme des fruits qu'ils n'étoient point dans l'ufage de percevoir depuis plus de quarante ans. C'eft-à-dire, qu'il veut que fi un décimateur a négligé pendant plus de quarante ans de percevoir la dixme d'une cer taine espèce de fruits, il ne foit plus en droit d'obliger les décimables à la payer.

Mais il a fi peu entendu défendre de percevoir la Dixme des fruits dont les décimables n'auroient point acquis l'exemption par une poffeffion quarantenaire, que par le placard de 1723, il renvoie, relativement à la Dixme des fruits nouveaux, au droit écrit; ce qui fuppofe que cette Dixme eft due en elle-même, puifqu'autrement il fe feroit contenté d'en interdire la perception.

En effet, fi, comme le prétendent les partifans de l'opinion contraire, le décimateur ne pouvoit exiger la Dixme d'un fruit nouveau, qu'autant qu'il en auroit acquis la poffeffion quarantenaire,

ils s'enfuivroit néceffairement que la Dixme de tous les fruits nouveaux ne feroit pas due, puifque, lorsqu'un fruit fe cultive pour la première fois, il eft impoffible d'avoir la poffeffion d'en lever la Dixme depuis quarante ans. L'empereur auroit donc défendu purement & fimplement de l'exiger. Cependant il a voulu qu'on se réglât alors par le droit écrit, c'eft-à-dire, que la Dixme fût due toutes les fois que les habitans n'en auroient pas acquis la libération par une poffeffion quarantenaire.

Mais, dit-on, le droit écrit, auquel l'empereur nous renvoye, eft le droit romain.

Point du tout, la loi du code cité par les cultivateurs ne concerne que les oblations faites à l'autel pendant le fervice divin, & le droit romain n'a aucune difpofition relative aux Dixmes, que les. romains ne connoiffoient pas.

Le droit écrit dont parle l'empereur eft donc le droit canonique, c'eft à-dire, le décret de Gratien, la collection des décrétales, & principalement les difpofitions des canons des conciles. On peut auffi donner ce nom aux capitulaires de nos rois, qui ont différentes difpofitions relatives aux Dixmes. Tel eft le feul droit écrit par rapport à cette matière.

Or, fuivant ce droit, toutes les espèces de fruits font fujettes à la Dixme.

Page 466, fupprimez l'alinéa commençant par les mots, Ces décisions, & la première phrase de l'alinéa fuivant, & fubftituez - y ce que vous allez

lire:

Mais ces décifions font contrariées par un trèsgrand nombre d'autres qui forment aujourd'hui une jurisprudence conftante & uniforme.

Tel eft un arrêt du confeil fouverain de Brabant du 28 octobre 1754, rendu en faveur du chapitre de Saint-Pierre d'Anderlechent, contre différens particuliers du même lieu, auxquels la communauté étoit jointe. Cet arrêt admet les habitans à faire preuve fur le fait des pommes de terre ou patates, qu'on en cultivoit depuis quarante ans dans une quantité décimable, fans qu'on en eût payé la Dixme, fauf au chapitre la preuve contraire. Le même arrêt permet au chapitre de percevoir provifionnellement la Dixme dont i s'agifloit, à la charge d'en tenir note pertinente.

De cet arrêt réfultent deux conféquences: l'une que, de droit commun, la Dixme des fruits nou. vellement cultivée eft due; l'autre, que c'eft aux décimables à faire preuve de la poffeffion où ils feroient de ne pas payer telle espèce de Dixme depuis quarante ans.

Le 2 mai 1765, le même tribunal décida de la même manière une autre conteftation qui s'étoit élevée entre l'abbaye de Saint-Adrien de Grammont, & les habitans de la paroiffe de Berghes, relativement à la Dixme des pommes de terre & du colfat. Les habitans furent admis à prouver que depuis quarante ans on avoit cultivé ces deux efpèces de productions dans une quantité décimables, fans en avoir payé la Dixme, sauf aux décimateurs la preuve contraire, & accorda la provifion aux décimateurs, à la charge de tenir note de ce qu'ils percevroient.

Un procès femblable fut encore jugé au même confeil le 30 avril 1770, entre le chapitre métropolitain de Cambrai & les habiatns d'Ophain. Un arrêt interlocutoire avoit admis cette communauté à prouver qu'elle étoit en poffeffion depuis plus de

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