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ses deffeins, affura en quelque forte & d'une maniere plus particuliere la Couronne aux fucceffeurs de Clovis. On peut dire que c'eft à par tir de cette époque mémorable, que la Monarchie Françoise a pris une plus ferme confiftance & qu'elle a réuffi à reculer les bornes de fa do mination..

Ce fut en 496, la veille de Noël & la quinzieme année du règne de Clovis, que ce Prince demanda le baptême & la confécration. Alors Saint Remi & la plupart des Evêques du Royaume étoient affemblés à Reims. Ils ne furent pas plutôt informés de la volonté du Roi, dit Grégoire de Tours*, qu'ils firent préparer le baptiftaire & toutes les chofes néceffaires à la Cérémonie. Les rues de la Ville furent tendues de tapifferies peintes ; les Eglifes le-furent de draps blancs; on répandit des parfums en abondance & on alluma une grande quantité de cierges. Clovis, arrivé au Temple, reçut, avec le baptême, l'onction du Sacre. Voici comme Saint Remi s'exprime fur cet article dans son testament rapporté par Flodoard. « J'excepte des excommunica

* Lib. 11.

» tions* (qu'il prononçoit contre les laïques ufurpateurs futurs des biens de fon Eglife) le fang » que j'ai élu aux honneurs de la Majesté Royale » avec mes Freres les Evêques de la Germanie, » de la Gaule & de la Neuftrie, & que j'ai or» donné Roi par l'onction du chrême sacré ».

Hincmar, Archevêque de Reims, fous le règne de Charles-le-Chauve, paroît être le premier Ecrivain qui nous ait appris que la fainte Ampoule, qui contenoit l'huile qui avoit fervi à la confécration de Clovis, avoit été apportée du Ciel par une colombe. Ce fait a été copié enfuite par une multitude d'Auteurs. Saint Remi & le Pere de notre Hiftoire ont omis d'en faire mention.

Dans cette cérémonie & en vertu de fon Sacre, Clovis reçut le ferment de fidélité des Prélats & des Seigneurs de fes Etats. Il combla de bienfaits les principales Eglifes de fes Provinces, & en particulier celle de Reims, qui eft la premiere Pairie Eccléfiaftique. Alors Saint Remi confentit au démembrement de fon Diocèse. On forma celui de Laon **, qui en fut dé

Hift. Rem. Lib. 1. de Sando Remigio, ** Floduard, Chap. 13.

taché, & Genebaud qui en fut fait Evêque, obtint la deuxieme Pairie Epifcopale par l'union faite à fon Siége du Château & du Comté de Laonnois. Châlons-fur-Marne * a été érigé enfuite en Pairie. L'Evêque de Noyon **, Comte Palatin, fut le quatrieme Pair Eccléfiaftique. Comme ces quatre Eglifes confervent encore les armes de France dans leurs écus, il eft manifefte qu'à quelque époque que l'on veuille fixer l'origine: des armoiries, les Seigneuries qui en dépendent font émanées de la Couronne, & qu'elles ont été érigées en Pairies fuivant les principes de la Loi Salique..

Il eft à propos d'obferver qu'il y a eu huit Pairs Laïques fous la premiere & la feconde race de nos Rois. C'est à la fuppreffion de deux Pairies Laïques, comme nous le verrons dans fon lieu, que les Evêques de Langres & de Beauvais doivent leur entrée au nombre des Pairs du Royaume.

C'étoit un ufage chez les Franes d'avoir douze témoins dans toutes leurs actions civiles & cri

* Fulbert, Ep. 18. tertium locum habet.

** Matthieu Paris.

minelles. Ces témoins, qui devoient être des Francs bien Saliques, étoient choifis au nombre de huit du côté paternel, & de quatre du côté maternel. Les quatre Evêques* de la feconde Belgique étoient cenfés, par rapport au Roi, les quatre témoins maternels ou les quatre parens que depuis l'on a nommé Pairs, parce qu'il leur appartenoit de représenter les parens de la mere dans cette alliance fpirituelle. Les huit témoins paternels étoient les huit principaux Seigneurs du Royaume; fçavoir, le Maire du Palais, ou le Dapifer, le Connétable, le Camérier, le Bouteiller, le Référendaire, & trois Comtes, qui Ducem fuper fe non habebant **. Il est très-probable que le Maire du Palais poffédoit le Duché de France, que le Connétable avoit la Normandie, le Camérier, la Bourgogne ; & qu'à mesure que les limites du Royaume furent pouffées plus loin, on donna l'Aquitaine au Bouteiller. Les Comtes se trouverent pareillement au nombre de quatre, qui font les Comtes Foreftiers de Flandres, les Comtes Palatins de Champagne, les Comtes de Toulouse, & enfin les Comtes de Vermandois,

* Form. Vet. V.

** Chronic. Alberici, An. 695.

qui ont été remplacés par les Evêques de Beauvais. On peut, fur ce sujet des douze témoins, confulter le titre 58 des Loix Saliques, les formules de Marculfe, les actes des plaids publics, les ftatuts de plufieurs villes, & la compilation des ufages des fiefs François, faite par les Lombards. Ecoutons Frédégaire, lorfqu'il parle du différend qui, en 625, s'éleva entre Clotaire II & Dagobert fon fils, à qui il avoit cédé le Royaume d'Auftrafie* : Eledis ab his duobus Regibus duodecim Francorum proceribus, ut eorum difceptatione hæc finiatur intentio**

Les prérogatives diftinctives des Pairs étoient de relever immédiatement de la Couronne, à cause de leurs terres; de pouvoir affembler des troupes, déclarer la guerre, faire battre monnoie, & de recommander aux Abbayes dont ils étoient les gardiens. Les Pairs Laïques avoient, au-delà des droits attachés aux pairies eccléfiaftiques, celui de Régale & de la Recommandation aux Evêchés.

Tous les Pairs étoient regardés comme freres du Roi; c'est-à-dire, qu'en vertu d'un usage

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