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très-ancien & qui fubfifte encore, une certaine Farenté d'adoption étoit établie entre ces Grands du Royaume & le Souverain, de maniere que la réverfion de leurs biens Saliques appartenoit au Roi par la mort des derniers héritiers mâles, ou par l'effet d'un jugement prononcé contre les poffeffeurs de ces biens qui s'étoient rendus coupables du crime de lèfe-Majefté. C'est encore par une fuite très-naturelle de ces principes que les caufes des Pairs étoient portées devant le Souverain, feul juge compétent de leurs actions, & qui avoit un véritable intérêt de les foutenir, de les défendre & de les protéger. Mais s'agiffoit il de les condamner à une peine capitale, ou de procéder à la confifcation de leurs terres, alors le Roi devoit appeler tous les Pairs, & leur fuffrage pouvoit balancer fon avis. Telles font les règles primitives qu'a refpecté la nation Françoise. Ce n'a été que peu-à-peu que les malheurs des tems ou des motifs d'un plus grand bien y ont apporté des changemens confidérables.

Les Francs, qui étoient à la fuite de Clovis, & qui furent baptifés avec lui, confoliderent l'alliancé qui fut formée dans cet heureux jour entre

le Roi & tous les Ordres de l'Etat. Malgré cette nouvelle union des différentes claffes des fujets entr'elles, il n'y eut pas une moins grande diftinction à faire entre les Pairs & les autres Seigneurs. Les premiers referent les vaffaux de la Couronne. Ceux-ci étoient vaffaux du Roi ou des Pairs. On remarque cette différence trèsréelle dans les termes de proceres Regni, & d'optimates, qui expriment un rang fupérieur à la qualité de domeftici ou commenfaux que portoient les grands Seigneurs, très-inférieurs cependant en dignité & en puiffance aux Pairs du Royaume.

Alors il n'y avoit que les Francs feuls qui, dans l'Empire, fuffent hommes libres. Les autres fujets étoient ou attachés à la glèbe, ou ils vivoient foumis aux loix d'une dure fervitude, à raifon des fonds & autres biens qu'ils poffédoient à titre onéreux. Cette derniere condition de la majeure partie du peuple auroit été invariable, & les chaînes de l'esclavage n'auroient point été brifées, fi les Pairies, dont nous venons de parler, n'euffent été fucceffivement réunies au domaine de la Couronne. C'est donc au courage, l'habileté & à la bienfaisance de ses Princes, que

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le corps de la nation doit cette forte d'égalité originelle qui tourne toute entiere à fon avantage. La puiffance Royale, éclairée par la juftice, a fait difparoître les prétentions de la tyrannie, & c'eft fous le règne de Louis XVI que les François, remplis de zèle & d'amour fon autorité, reconnoîtront que la volonté d'un Roi fage eft la fource féconde du bien général des peuples.

SII.

pour

A la mort de Clovis, le Royaume fut partagé également entre fes quatre fils, æquá lance, difent les Ecrivains, & more Francorum. Théodoric, ou Thierri I, eut la ville de Metz & le territoire qui s'étend jufqu'au fleuve du Rhin. Clodomir eut Orléans fous fa domination qui alloit jufqu'aux Pyrénées & aux bords de la Garonne. Paris, qui étoit le centre du Royaume de Clovis, entre la Meufe, l'Oife, la Marne & la Seine, fut le partage de Childebert. Clotaire fut fouverain de Soiffons & de tout le pays qui eft compris entre l'Oife & la Hollande. S. Remi, affifté des Evêques des Gaules, de Germanie & de Neuftrie, fit la cérémonie du Sacre & du Couronne

ment de ces quatre Princes. Voici les termes que ce Prélat emploie dans fon teftament à cette occafion: Genus illud Regium per benedictionem meam toties Domino confecratum, & ailleurs, unà cum fratribus meis, qui font les Pairs Eccléfiaftiques, & Coepifcopis omnibus Germania, Gallia atque Neuftriæ. C'est une chofe connue que chacun de ces nouveaux Monarques choifit dans fes états des Pairs Laïques, tant pour affister à ses confeils, que pour exercer les grands offices de fon palais.

Ce fut conformément aux loix reçues dans la nation, que l'on divifa de la forte le Royaume en quatre parties. La premiere de ces loix ordonnoit une égalité de partage entre les freres. La feconde concernoit la confédération qui devoit néceffairement fubfifter entr'eux, à cause de la représentation masculine à l'infini. C'est en fuivant l'efprit de cette derniere loi, que l'on peut croire que l'aîné des quatre Princes, qui occupoit le fiége principal de l'Empire François, conservoit une forte de puiffance fur les freres. Cela même paroît affez clairement par l'acte d'envoi en poffeffion, où l'on commet des officiers auxquels, eft-il dit

l'adminiftration du Royaume ef

confiée : Quorum moderatione Regnum adminif trabatur *.

On obfervera que, dans les affemblées folemnelles des quatre Rois, on réduifoit au nombre de douze, conformément à la loi, les Pairs des quatre Royaumes. Dans ces actes publics de la confédération, tous les intérêts communs étoient difcutés & réglés. Cet usage, fi utile aux Souverains & à leurs peuples, fut en vigueur jufqu'à ce que l'esprit de difcorde eût divifé ces quatre Princes, & les eût armés, ainfi que leurs fucceffeurs, les uns contre les autres; malheur épouvantable qui se renouvela sans cesse jusqu'à l'entiere extinction de leur race.

Si les Pairs avoient féance dans ces célèbres affemblées, ce n'étoit point précisément en vertu du titre de leurs Pairies. D'ailleurs, comme c'eft une maxime très-ancienne en France, que les Rois ont le pouvoir de créer des Pairs à leur volonté, il est vraisemblable que c'étoit cette même volonté des Rois qui affignoit le rang qu'ils devoient occuper dans ces fortes de congrès.

* Vita Dagoberti Regis, & le manufcrit de Saint Eucher de Trèves,

cité par Miraumont,

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