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AVERTISSEMENT

SUR CETTE

ÉDITION

Depuis que ce livre a paru, la question qu'il traite a été de nouveau débattue. Une réfutation de notre travail a été publiée à Toulouse par un chanoine honoraire de cette ville, petit-neveu du Capitoul Boyer dont le vote décisif prévalut contre Calas (Histoire du procès de Jean Calas à Toulouse, par M. l'abbé Salvan). En outre, l'ouvrage d'un autre descendant des juges de Toulouse, M. le vicomte de Bastard d'Estang, les Parlements de France, a paru, et comme nous l'avions annoncé, l'auteur se prononce pour la culpabilité de la famille accusée.

Il m'a semblé, sinon très-nécessaire, au moins convenable de répondre à ces nouveaux réquisitoires, qui sont des symptômes remarquables, soit de la persistance des familles parlementaires de Toulouse dans les errements de leurs aïeux, soit de la réaction ultra

montaine à laquelle nous assistons. D'ailleurs, le volume de M. Salvan m'a été utile à double titre, parce qu'il contenait quelques pièces ou lettres du temps que je ne connaissais qu'en partie.

Trois personnes, compétentes à des titres divers, M. Charles Berryat-Saint-Prix, conseiller à la Cour de Paris, M. Maurice Angliviel, neveu de la Beaumelle, possesseur de ses papiers, et M. Moquin-Tandon, de l'Institut, ont bien voulu me donner chacun, par écrit, une série de notes sur la première édition de ce livre.

De nouvelles informations, en grand nombre, m'ont permis aussi d'ouvrir une nouvelle enquête sur ce mémorable procès. Non-seulement plusieurs personnes m'ont fait l'honneur d'enrichir de divers documents isolés mon trésor déjà considérable de pièces authentiques, mais une source très-riche de renseignements originaux m'a été ouverte avec la plus parfaite obligeance. M. Fournier, ministre de France à Stockholm, possédait dans son château de la Touraine, une malle remplie des papiers de Mme Calas, qui avaient appartenu après elle à son dernier descendant en France, Alexandre Duvoisin-Calas. Il s'y trouve treize lettres de Voltaire, inédites en grande partie.

Une gracieuse et active intervention m'ayant mis en relation avec M. Fournier, il a bien voulu autoriser non-seulement de nombreux extraits faits pour moi dans sa collection par des mains amies, mais plus tard la communication de cette riche collection tout entière;

j'écris avec ces nouveaux documents originaux sous mes yeux. J'exprime ici à M. Fournier une très-vive gratitude.

J'ai dû à la même intervention, toujours zélée pour le bien et le vrai, le prêt d'un beau volume in-4o, qui contient la copie admirablement exécutée des principales pièces de la procédure toulousaine, fait sur les originaux et une série de quatorze lettres échangées entre l'intendant Saint-Priest, et son subdélégué à Toulouse, M. Amblard.

Sur la première page de ce recueil on lit ces mots :

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Juin 1861.

Le procureur général de la Cour impériale,

Signé: E. GASTAMBIDE.

« Le présent volume de la procédure Calas a été copié textuellement sur le volume qui se trouve dans la Bibliothèque de la Cour impériale. Il n'existe aujourd'hui que trois exemplaires de cet ouvrage; le premier appartient au parquet de la cour de Toulouse; le deuxième à M. Gastambide, conseiller à la Cour de cassation, ancien procureur général à Toulouse; le troisième à la Société des livres religieux de Toulouse. 25 décembre 1864. »

L'exemplaire qu'on a bien voulu me confier a été offert par M. Courtois de Viçoze à la Bibliothèque de la Société de l'histoire du protestantisme français et, selon l'intention du donataire, remis à M. Fernand Schickler, président de cette Société, après avoir servi à la présente révision de notre ouvrage. Ce précieux recueil reste donc à l'avenir accessible aux personnes studieuses

B

qui voudraient examiner de plus près les dépositions

des témoins1.

Quelques mots encore sur cette étude historique.

On m'a blâmé d'interrompre trop souvent mon récit, même aux moments les plus émouvants, pour relever telle ou telle circonstance significative, discuter une assertion, préciser un détail, ce qui, dit-on, nuit à l'intérêt dramatique du récit. Mais je n'ai nullement cherché à exciter les passions. Après les déclamations brillantes et pathétiques de Voltaire ou des avocats, après les drames de Chénier ou de Ducange, ce qu'il faut au lecteur, ce ne sont ni des phrases, ni des effets de théâtre, mais des faits solidement établis par une critique sans passion et sans distraction, toujours en éveil et toujours impartiale.

Dès le jour où j'ai entrepris cette tâche, j'ai essayé de suppléer par un travail assidu à tout ce qui me manquait en fait de science du droit; aujourd'hui, en publiant cette édition, revue, je crois devoir, non à moimême, mais aux vénérables clients dont je me suis fait l'avocat, de déclarer que ce volume a été examiné, soit publiquement par M. Duverdy, dans la Gazette des Tribunaux, soit par de savants magistrats, tels que M. Berryat-Saint-Prix, à Paris, feu M. Drion, président du tribunal de Schlestadt, auteur d'excellents ouvrages his

1. Disons cependant que la procédure de cassation et ce qui concerne la réhabilitation des condamnés y est réduit à quatre ou cinq pages insignifiantes. Ce sont seulement les deux procès de Toulouse devant les Capitouls et le Parlement, que cette copie reproduit.

toriques, et enfin par mon éminent ami M. Jalabert, doyen de la Faculté de droit de Nancy, qui, en me donnant d'excellents conseils dont je me suis empressé de profiter, ont bien voulu contrôler, au point de vue de la jurisprudence, l'exactitude de mes recherches '.

1. Si ce que j'ai dit ici de Voltaire en 1858 (p. xIII) n'est que juste, on a eu tort de se scandaliser, en 1867, de voir le nom d'un biographe de Calas, parmi ceux des membres de la commission qui érige une statue, par souscription publique, au défenseur de Calas et de tant d'autres innocents injustement persécutés. Si cependant, aux yeux de quelqu'un de mes lecteurs, ma participation à cet acte de gratitude et de justice avait encore besoin d'apologie après tout ce qu'on va lire, je le renverrais à ce que j'en ai dit dans mes Libres Études, p. 356, sous le titre de La Statue de Voltaire.

Rien ne me confirme plus entièrement dans mon opinion sur Voltaire que l'aveugle haine que certaines personnes lui ont vouée. M. Salvan, chanoine de Toulouse, lisant sa lettre pleine d'émotion sur la réhabilitation des Calas, enfin obtenue par lui après trois ans d'incessants efforts, s'oublie jusqu'à le traiter de pantin! (p. 125). Ailleurs il écrit ces lignes calomnieuses : « Voltaire ne reconnaît que deux divinités sur la terre auxquelles il sacrifiait tous les jours : ses talents et son argent. Croyait-il Calas innocent, le croyait-il coupable? On n'en sait vraiment rien ! » (p. 120). Ce n'est ni à Voltaire, ni à l'influence de son nom que peut nuire une si choquante injustice.

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