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voyer en Suisse, pour une seule fois seulement, une quantité de 20 milliers pesant de coton en laine des colonies françaises d'Amérique, à la charge de donner leur soumission de rapporter le produit dudit coton en fil, qui soit au moins du no 50, et de payer 30 livres par quintal pour droit de sortie, et pareille somme de 30 livres par quintal pour droit de rentrée. »

(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte ce projet de décret.)

M. Jouffret, au nom du comité des décrets, rend compte que le décret concernant les sieurs Parent et Senneville, adopté dans la séance du 8 juillet dernier (1), aurait dù être précédé du décret d'urgence; il propose de réparer cette omission en adoptant le projet de décret suivant :

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de surveillance; considérant que l'abus qui se fait journellement de la liberté de la presse ne saurait être trop tôt réprimé, décrète qu'il y a urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que le pouvoir exécutif est expressément chargé de faire poursuivre le sieur Parent, abbé, auteur de différents libelles, ainsi que le sieur Senneville, libraire et distributeur desdits libelles, et d'informer l'Assemblée nationale, de huitaine en huitaine, des mesures qui auront été prises à cet égard.

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(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)

M. Jouffret, au nom du comité des décrets, rend compte que le décret, adopté dans la séance du 8 juillet dernier (2), qui charge le pouvoir exécutif de donner des ordres pour faire dissiper le rassemblement qui assiège le château de Bannes, aurait dû être précédé du décret d'urgence; il propose de réparer cette omission en adoptant le projet de décret suivant :

«L'Assemblée nationale, instruite par différentes pièces que le sieur du Saillant, déjà décrété d'accusation, vient d'assiéger, à la tête de 2,000 rebelles, le château de Bannes, et fait publier une proclamation infâme, décrète qu'il y a urgence.

L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, charge le pouvoir exécutif de donner les ordres les plus prompts pour qu'il soit porté, sur les lieux du rassemblement, des forces nécessaires pour le dissiper.

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(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)

M. Jouffret, au nom du comité des décrets, rend compte que le décret, adopté dans la séance du 3 février dernier (3) qui accorde un secrétairecommis aux grands procurateurs de la nation, aurait dù être précédé du décret d'urgence; il propose de réparer cette omission en adoptant le projet de décret suivant :

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L'Assemblée nationale, sur la proposition d'un membre; considérant que les grands procurateurs de la nation sont chargés d'une correspondance très fatigante et de beaucoup de travaux, voulant promptement leur en faciliter l'exercice, décrète qu'il y a urgence.

(1) Voy. ci-dessus, séance du dimanche 8 juillet 1792, page 243, l'adoption de ce projet de decret.

(2) Voy. ci-dessus, seance du dimanche 8 juillet 1792, page 249, l'adoption de ce projet de decret.

(3) Voy. Archives parlementaires, 15° serie, t. XXXVIII, séance du 3 fevrier 1792, page 105, le decret rendu sur la proposition de M. Mouysset.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété qu'il y a urgence, décrète que MM. les grands procurateurs de la nation auront un secrétairecommis, aux appointements de 150 livres par mois. >>

(L'Assemblee décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)

M. Haussmann, au nom des comités de commerce, de l'extraordinaire des finances et militaire réunis, fait un rapport et présente un projet de décret relatif à l'approvisionnement de la ville de Metz; il s'exprime ainsi :

Messieurs, le procureur de la ville de Metz est venu vous dire que cette ville n'avait que pour vingt-quatre jours de subsistances (1) et cependant qu'il y avait dans les magasins de cette ville tous les grains nécessaires pour soutenir un siège aussi long qu'il serait possible de le tenir, et cela, pour telle quantité d'hommes que le pouvoir exécutif y ferait mettre en garnison; mais il paraît que la sollicitude de la municipalité de Metz s'est particulièrement étendue sur cette classe de la ville qui est hors d'état de pouvoir faire des approvisionnements pour leur compte, et la ville de Metz a désiré de se procurer les moyens de former elle-même des approvisionnements, afin de pouvoir venir au secours de cette classe d'hommes, si la ville était assiégée. La municipalité de Metz n'ayant pas par elle-même les moyens nécessaires pour faire les approvisionnements, elle a demandé que l'Assemblée nationale lui fit délivrer une somme de 600,000 livres, mais vos comités ont pensé que, suivant les usages ordinaires, les citoyens aisés de la ville de Metz pouvaient d'eux-mêmes se procurer les subsistances nécessaires, et que l'Assemblée devait procurer seulement à la ville de Metz les moyens d'acheter les grains nécessaires pour les habitants qui n'ont pas moyen de faire des approvisionnements. En conséquence, vos comités me chargent de vous présenter le projet de décret suivant :

M. Haussmann présente un projet de décret tendant à autoriser la ville de Metz à emprunter 300,000 livres.

M. Carnot-Feuleins, le jeune, combat le projet du comité. Il pense que les besoins de la ville ne sont pas tels qu'on les a annoncés et propose la question préalable.

Un membre réfute les observations sur lesquelles M. Carnot avait motivé la question préalable et appuie le projet du comité.

M. Tarbé. Je demande que l'Assemblée adopte cette rédaction que je propose:

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Art. 1er. La trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre de l'intérieur, jusqu'à la concurrence de 300,000 livres qui seront des tinées à subvenir aux besoins de subsistances que pourrait éprouver la ville de Metz, en cas de siège.

Art. 2. Sur la délibération du conseil général de la commune de Metz, visée par le directoire de district, et approuvée par le directoire de département, la municipalité de Metz sera autorisée à acheter des grains, jusqu'à la concurrence de ladite somme, dont les fonds lui seront fournis par la trésorerie nationale, sur l'ordonnance du ministre de l'intérieur.

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Art. 3. Il sera tenu un compte exact du montant des approvisionnements et de leur distribution, et le produit en sera versé successivement dans la caisse du receveur du district de Metz.

« Art. 4. La différence entre l'achat et le produit, s'il en existe, sera répartie au marc la livre des contributions foncière et mobilière de la ville de Metz, pour rentrer successivement dans la caisse de l'extraordinaire.

Plusieurs membres : La priorité pour la rédaction de M. Tarbé.

(L'Assemblée accorde la priorité à la rédaction de M. Tarbé.)

Plusieurs membres : Aux voix l'urgence! (L'Assemblée décrète l'urgence.)

M. Tarbé donne lecture de l'article 1er de son projet; il est ainsi conçu :

«La trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre de l'intérieur, jusqu'à la concurrence de 300,000 livres, qui seront destinées à subvenir aux besoins de subsistances que pourrait éprouver la ville de Metz, en cas de siège.

M. Brunck. Je demande, par amendement, qu'après le mot « Metz », on ajoute « et autres villes des départements frontières ».

:

Plusieurs membres La question préalable! (L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement.)

(Il s'élève quelques débats sur la quotité de la somme à accorder à la ville de Metz.)

(L'Assemblée rejette les divers amendements, puis adopte l'article 1r de M. Tarbé.)

M. Tarbé donne lecture de l'article 2 de son projet, qui est adopté sans discussion, puis de l'article 3 ainsi conçu :

« Il sera tenu un compte exact du montant des approvisionnements et de leur distribution et le produit en sera versé successivement dans la caisse du receveur du district de Metz. »

Un membre: Je demande, par amendement, que l'on accorde à la ville de Metz jusqu'au 1er janvier prochain pour rembourser.

M. Tarbé. J'adopte.

(L'Assemblée adopte l'amendement, puis l'article 3.)

M. Tarbé donne lecture de l'article 4 de son projet qui est adopté sans discussion.

Suit le texte définitif du décret rendu :

L'Assemblée nationale voulant pourvoir, sans délai, aux besoins de subsistances dont est menacéé la ville de Metz, décrète qu'il y a urgence. « L'Assemblée nationale, après avoir décréte l'urgence, décrète définitivement ce qui suit :

Art. 1er.

« La trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre de l'intérieur, jusqu'à la concurrence de 300,000 livres, qui seront destinées à subvenir aux besoins de subsistances que pourra éprouver la ville de Metz.

Art. 2.

Sur la délibération du conseil général de la commune, visée par le directoire du district de Metz, et approuvée par le directoire du département de la Moselle, la municipalité de Metz sera autorisée à acheter des grains jusqu'à la concurrence de ladite somme de 300,000 livres, dont le ministre de l'intérieur lui fera passer successivement les fonds.

Art. 3.

Il sera tenu un compte exact du montant de l'achat et de la vente desdits grains. Le produit des grains sera versé, au fur et à mesure de la vente, dans la caisse du receveur du district de Metz, qui en comptera directement à la trésorerie nationale; et lesdits approvisionnements de grains devront être vendus entièrement, et leur produit total versé dans ladite caisse du receveur du district, avant le 1er janvier prochain. Art. 4.

« La différence entre l'achat et le produit, s'il en existe, sera répartie au marc la livre des contributions foncière et mobilière de la ville de Metz, de l'année 1793, pour rentrer à la trẻsorerie nationale, avec le principal desdites contributions.

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M. le Président. L'ordre du jour appelle la discussion du rapport de la commission extraordinaire des Douze sur la pétition du général La Fayette (1).

M. Lacuée, au nom de la commission extraordinaire des Douze, présente un article additionnel au projet de M. Lemontey (2); il s'exprime ainsi :

Messieurs, votre commission extraordinaire des Douze, après avoir examiné la conduite de M. La Fayette, vous a proposé un projet de loi générale relative aux pétitions des généraux et des autres membres de la force armée (3), loi que le silence de celles déjà existantes a rendue nécessaire. Un nouvel examen a fait découvrir un délit purement militaire étranger à ce projet de loi en conséquence, je suis chargé de vous présenter l'article additionnel suivant :

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L'Assemblée nationale, considérant que la loi défend aux armées de délibérer, considérant que des corps de l'armée du Centre ont délibéré pour présenter au général des pétitions qui prouvent que la loi a été violée, charge le pouvoir exécutif de lui rendre compte par écrit, sous huit jours, des peines de discipline qui ont été infligées par le général de cette armée aux chefs de corps qui ont violé la loi ou qui en ont souffert la violation (Murmures), et des moyens pris par le pouvoir exécutif pour rappeler le général à ses devoirs, s'il n'a pas réprimé cette violation. »

(1) Voy. ci-dessus, seance du jeudi 19 juillet 1792, pag 662, le rapport de M. Muraire au sujet de cette pétition.

(2) Voy. ci-dessus, séance du 15 juillet 1792, au matin, page 487, le rapport et le projet de décret de M. Lemontey.

(3) Bibliothèque de la Chambre des députés, Collection des affaires du Temps, tome 158, n° 25.

M. Guadet, au nom de la commission extraordinaire des Douze, fait un rapport (1) sur la conférence de M. le maréchal Luckner avec les membres de cette commission; il s'exprime ainsi :

Messieurs, aussitôt que votre commission extraordinaire fut informée que le maréchal Luckner était à Paris, elle désira avoir une conférence avec lui, et elle la lui fit demander ce désir était bien naturel. Votre commission était alors occupée du mode de recrutement de l'armée, de la formation des nouveaux bataillons de volontaires nationaux et enfin de toutes les mesures propres à assurer le succès de nos armes, et à faire triompher la liberté de la ligue des rois conjurés contre elle il pouvait donc être très utile de consulter sur tous ces points un général dont les talents militaires, l'expérience et le patriotisme font le désespoir de nos ennemis du dedans et du dehors.

Vous avez cru, Messieurs, devoir vous faire rendre compte par votre commission extraordinaire de cette conférence non officielle; et c'est ce compte que je viens vous rendre, non pas tout entier, car il est des détails qui ne nous appartiennent pas, et qui ne pourraient être rendus publics que de l'aveu même du maréchal Luckner, mais en substance, et tel qu'on ne puisse reprocher à votre commission extraordinaire indiscrétion ni réticence.

Le premier objet sur lequel votre commission extraordinaire a cru devoir demander des éclaircissements à M. le maréchal Luckner, c'est l'état des armées et leur déficit.

Plusieurs tableaux ont été mis sous vos yeux; et presque toujours les résultats en ont été différents. M. le maréchal Luckner nous a expliqué la cause de ces éternelles incertitudes. Après nous avoir dit que les trois armées ne présentaient pas plus de 60,000 hommes effectifs, c'està-dire 60,000 hommes au-dessus des garnisons et des camps retranchés, il a ajouté que les commissaires des guerres ne méritaient pas, en général, assez de confiance pour qu'on dut s'arrêter à leurs états aussi, Messieurs, le maréchal Luckner nous parut-il désirer bien ardemment que l'Assemblée adoptât la mesure qui lui avait alors été proposée, d'envoyer des commissaires à l'armée. Vous avez, Messieurs, rejeté depuis cette mesure; et il ne nous appartient pas d'en juger les motifs; mais nous avons cru devoir vous faire connaître le vœu que le maréchal Luckner a manifesté au milieu de nous.

Après nous avoir parlé du déficit des armées, le maréchal Luckner nous a entretenus des moyens qui lui semblaient propres à le remplir. Ces moyens sont ceux que vous avez adoptés : ainsi il est inutile de les retracer ici je dois observer cependant qu'au nombre de ces moyens, le maréchal Luckner plaçait au premier rang celui de faire fournir par chaque municipalité du royaume, 3 hommes armés et équipés; moyen auquel vous avez suppléé, en invitant toutes les municipalités de l'Empire à fournir le nombre de volontaires nationaux dont elles pourront se priver.

Au reste, Messieurs, si le courage, si la constance, si l'amour bien vif de la liberté peuvent tenir lieu du nombre, rien n'est plus tranquillisant que les détails dans lesquels le maréchal Luckner est entré avec nous à cet égard. Soldats et sous-officiers de la ligne, volontaires natio

(1) Voy. ci-dessus séance du 18 juillet 1792, page 596, l'adoption d'une motion de M. Lecointre.

naux, tous se montrent également dignes de défendre la cause de l'égalité : pas un seul d'entre eux n'a déserté ses drapeaux (Applaudissements); et si les officiers supérieurs, si ces hommes qui ne parlent que de noblesse et de loyauté, partageaient les sentiments du soldat, il n'y aurait de danger que pour nos ennemis. Mais chaque jour amène de nouvelles trahisons, et elles sont marquées à de tels caractères, que les défiances et les soupçons en sont la suite inévitable. Jugezen, Messieurs, par ce trait qui nous a été raconté par le maréchal Luckner:

Le colonel Mourat dînait avec son général : pendant le dîner, la conversation roula sur l'infamie des officiers qui passaient chez l'ennemi et volaient les caisses. Le colonel Mourat renchérit sur tout ce qui fut dit à cet égard, et une heure après, il partit, emmenant avec lui plusieurs officiers de son régiment et emportant la caisse. (Murmures.)

Les volontaires nationaux, ces citoyens-soldats, tant décriés par nos ennemis, sont surtout l'objet des éloges du maréchal Luckner : il y a, dans l'armée qu'il commande, plusieurs bataillons qui, par leur bonne discipline, leur mâle courage et leur ardeur indomptable, le disputent aux meilleurs corps de la ligne. La peine la plus forte que je puisse infliger aux volontaires nationaux, nous disait le maréchal Luckner avec attendrissement, c'est de les menacer de les renvoyer dans leurs départements. (Applaudissements.) Combien est forte une armée dont les soldats sont tous animés de tels sentiments!

Quant aux approvisionnements, ils sont complets; et rien ne manque sous ce rapport. Les hôpitaux militaires sont aussi dans le meilleur

état.

Le mouvement des deux armées du Centre et du Nord avait fait naître quelques inquiétudes; et nous avons cru devoir nous le faire expliquer. Le maréchal Luckner nous a paru n'avoir pas approuvé cette mesure; et si elle est funeste, ce n'est pas à lui qu'il faudra l'imputer. Lorsqu'on me donne, nous disait-il, des Français à commander, il m'importe fort peu de savoir quel est le numéro de leur régiment, ou le département qui les a fournis; je suis toujours sûr que j'aurai leur confiance, parce que je ne veux que ce qui est juste, et que le bonheur et la gloire de la nation française me sont chers par-dessus toute chose. (Applaudissements.)

Et, en effet, Messieurs, tels sont les sentiments, que dans son langage franc et loyal, il nous a laissé apercevoir. J'ai vu le roi, nous a-t-il ajouté, et je lui ai dit que l'armée serait fidèle à ses serments, qu'elle le serait jusqu'à l'abandonner lui-même, s'il violait ou cherchait à renverser la Constitution. (Applaudissements.)

Voilà, Messieurs, les seuls détails qu'il nous soit permis de vous donner; et vous en tirerez sans doute les mêmes conséquences que nous : c'est que si les intrigues, dont l'armée semble ètre devenu le foyer, peuvent échapper au maréchal Luckner; si, comme il nous l'a dit luimême au sujet de sa dernière lettre, il s'entend très mal à faire des phrases, et qu'il soit obligé de s'en rapporter, sur ce point, à ses aides de camp, il saura du moins battre nos ennemis et défendre la cause qu'il a si généreusement embrassée. (Applaudissements.)

Plusieurs membres : L'impression du rapport et l'envoi aux quatre-vingt-trois départements et à l'armée!

(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport de M. Guadet et son envoi aux quatre-vingt-trois départements et à l'armée.)

M. Jaucourt. Je demande l'envoi de ce rapport au maréchal Luckner.

M. Lejosne. J'en demande l'envoi à la noblesse française. (Murmures.)

Un membre: J'observe qu'il n'y en a plus. M. le Président. Monsieur Lejosne, je vous rappelle à l'ordre parce qu'il n'y a point de noblesse française. (Applaudissements.)

M. François (de Neufchâteau). Il est d'usage, dans les discussions qui se font à l'Assemblée, d'entendre alternativement des orateurs pour ou contre. Mais cette méthode suppose qu'il n'y a que deux partis. Or, dans l'affaire actuelle, je vois plus de deux partis, celui d'absoudre M. La Fayette, celui de le punir plus ou moins sévèrement par une improbation légère comme la commission vient de le proposer, ou plus sévèrement par un décret d'accusation. Mais il y aurait un autre parti, et c'est celui que je propose par un simple projet de décret, me réservant de le défendre s'il est attaqué, ou si l'Assemblée nationale le juge digne de quelque attention après avoir entendu ceux qui doivent en présenter. Le meilleur parti ne consiste point absoudre M. La Fayette, ni à l'improuver, ni à le punir, mais à lui pardonner. (Violents murmures.) Voici mon projet de décret :

« L'Assemblée charge son Président d'écrire à M. La Fayette, qu'elle a vu avec surprise et avec peine un général d'armée quitter son poste, et l'un des coopérateurs de la Constitution (Murmures.) se prêter à la violation de l'article fondamental qui déclare la force armée essentiellement obéissante, et qui défend à tout corps armé de délibérer; mais que l'Assemblée nationale opposant à cette démarche suspecte et inconsidérée le souvenir de ce que M. La Fayette a fait dans le principe de la Révolution (Murmures,) et persuadée que si ce faux zèle ou l'intrigue cessent de l'égarer, il s'empressera de mériter par de nouveaux services l'oubli dont la générosité nationale veut couvrir sa faute, décrète qu'elle passe à l'ordre du jour. » (Violents murmures.)

M. Dumolard. Ce n'est pas un pardon injurieux que vous devez décréter en faveur de M. La Fayette; je prouverai, au contraire, que vous devez par un témoignage honorable le laver de tout soupçon et confondre ses calomniateurs. (Applaudissements à droite.)

Je demande qu'on entende M. Delaunay, d'Angers.

M, Gérardin. Le madrigal de M. François n'est pas appuyé.

Plusieurs membres : Aux voix le décret de M. François! (Murmures à gauche.)

M. Dumolard. La proposition de M. François suppose une faute. M. La Fayette n'en a pas commis. Je demande la question préalable.

M. Fauchet. Il y a délit contre la Constitution; l'Assemblée n'a pas le droit de remettre les délits contre la Constitution. (Applaudissements à gauche.)

Un membre: On ne peut pas regarder ce qu'a fait M. La Fayette comme un délit. C'est tout au plus une inconséquence. Je demande que l'on mette aux voix là proposition de M. François (des Vosges.)

Plusieurs membres : La question préalable! (L'Assemblée nationale décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. François (de Neufchâteau).

Plusieurs membres : Quant à présent! (Murmures.)

M. Delaunay (d'Angers). Messieurs (1), les intrigues du général La Fayette, et les mouvements extraordinaires de nos armées occupent en ce moment tous les esprits. On attend dans le silence de l'inquiétude que les représentants du peuple prononcent sur des événements qui paraissent étroitement liés à la destinée de jugé que votre silence serait, et plus inquiétant, l'Empire et au sort de la Révolution. Vous avez et plus terrible pour vos concitoyens, que ce qu'ils apprennent tous les jours des perfidies de leurs ennemis; vous avez chargé votre commission extraordinaire de vous faire un rapport sur la pétition du général La Fayette, et de vous proposer un projet de loi contre les généraux pétitionnaires. Vous avez depuis embrassé un plan plus vaste, en ordonnant à vos comités militaire et de législation de vous présenter une loi pénale contre les officiers généraux en activité de service, qui abandonnent leur poste même temporairement.

Votre commission extraordinaire vous a développé des idées justes et saines sur le droit de pétition relativement aux généraux; elle vous a fait sentir à quels dangers la liberté publique serait exposée, si la force armée pouvait délibérer, et s'il était permis aux chefs d'être les organes de ses délibérations politiques auprès du Corps législatif. Elle vous a proposé d'interdire le droit de pétition aux officiers en activité de service, depuis le général jusqu'au lieutenant colonel. Vous avez ajourné cette discussion après le rapport sur la pétition de La Fayette; vos comités militaire et de législation ne vous ont encore présenté aucun projet de loi contre les officiers qui désertent, temporairement et sans cause, leur poste.

Votre commission vous a fait hier un rapport insignifiant sur la pétition du général La Fayette. Elle pense qu'il n'y a pas lieu à délibérer, parce qu'il n'existe pas de loi qui interdise formellement aux généraux le droit de pétition. Elle vous propose de décréter le projet de loi qu'elle vous a déjà présenté; ainsi vous avez trois questions à discuter: 1° Décréterez-vous une loi sur les généraux pétitionnaires? 2° Porterez-vous une loi pénale contre les officiers généraux qui abandonnent leur poste temporairement et sans cause? 3° Mettrez-vous le général La Fayette en état d'accusation?

D'abord, je demande la question préalable sur le projet de la commission. Je la fonde sur l'inutilité de faire une loi, dès qu'il y en a de préexistantes sur le même objet.

La Constitution, art. XII, titre IV, de la force publique, s'exprime ainsi : La force publique est essentiellement obéissante; nul corps armé ne peut délibérer.

D'où il résulte qu'un officier qui émet son vœu et celui de l'armée sur des opinions politiques, commet un attentat à la Constitution. Or, lé Code pénal, au titre des crimes contre la Constitution, prononce une peine contre celui qui la viole.

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L'article 1er de la section V porte, « que tout « agent du pouvoir exécutif qui aura employé «ou requis l'action de la force publique, dont « la disposition lui est confiée, pour empêcher « l'exécution d'une loi, sera puni de la peine « de la gêne pendant dix années ». Or le général, agent du pouvoir exécutif, qui souffre que la force publique, dont il dispose, viole la Constitution en délibérant, le général qui recueille le vœu de cette force armée délibérante, provoque évidemment la désobéissance à la loi dont il empêche l'exécution.

Donc il est inutile de faire une nouvelle loi puisque la Constitution en a posé le principe, et qu'une loi déjà faite a prononcé la peine de l'infraction: donc la commission extraordinaire ne peut pas argumenter en faveur de La Fayette, du défaut, ou du silence de la loi, puisqu'il en existe une, et qu'elle a parlé. Donc une loi générale à faire contre les officiers déserteurs temporairement de leurs postes, n'a rien de commun avec la loi déjà faite contre l'officier pétitionnaire, violateur de la Constitutton; donc vous pouvez, sans qu'on vous inculpe d'inconséquence, porter le décret d'accusation contre La Fayette, si vous voyez que les faits y donnent lieu.'

2° Je pense que telle est la gravité des circonstances, que nous devons une loi très sévère contre les officiers généraux qui abandonnent leur poste, en présence de l'ennemi, pour se rendre dans la capitale soit pour y intriguer, soit pour y entretenir des intelligences coupables avec les ennemis de l'intérieur.

Messieurs, de toutes les manœuvres que nous avons vu jusqu'ici se combiner pour le renversement de la liberté française, il n'en est pas une qui présente un caractère plus dangereux et plus criminel que le système d'intrigues que l'on emploie pour égarer l'armée, pour dérouter ses mouvements, pour neutraliser son courage, et pour lui faire exécuter la volonté des tyrans, sans qu'elle se doute que ce n'est plus pour la causé de la liberté qu'on la tient en état de guerre. Des faits nombreux attestent l'existence de ce plan de contre-révolution : nos revers à Mons et à Courtrai; la lâche désertion des officiers; la démarche audacieuse d'un général pétitionnaire; la rétrogradation qui flétrirait à jamais l'histoire de notre Révolution, si la posterité pouvait se tromper sur la vraie cause de cet événement, et prendre les perfidies d'une cour corrompue pour les erreurs ou les faiblesses de notre véritable esprit national; tous ces mouvements inattendus, toutes ces vicissitudes militaires sont les résultats malheureusement trop funestes d'un système qui réagit sans cesse contre l'action du gouvernement.

Quel est donc, Messieurs, le génie malfaisant qui entrave tontes nos operations, qui influence nos guerriers, ou enchaîne leur valeur? Ce génie, Messieurs, respire parmi quelques intrigants de l'état-major; c'est là qu'existe le foyer des intrigues et des machinations, par lesquelles on travaille l'armée en sens contraire de la Révolution; c'est là que se sont allumées les torches qui ont incendié les faubourgs de Courtrai; c'est là qu'aboutissent les fils de cette trame dont quelques factieux sont les misérables artisans. On s'étonne et on demande pourquoi des troupes impatientes de combattre et de vaincre pour la liberté n'ont pu encore signaler leur ardeur et leur courage?

C'est, Messieurs, qu'ici la guerre est moins une lutte de puissance à puissance, que la fermen

tation de la tyrannie aux prises avec le réveil de la justice, qui veut l'abattre; c'est qu'ici la guerre a pour ordonnateurs quelques hommes unis d'intérêt et d'opinions avec ceux à qui elle est déclarée, et que pour ces homme nos succès et l'affaiblissement de nos ennemis sont un sujet de deuil et une véritable défaite ; c'est qu'ici nous avons contre nous plusieurs de ceux à qui notre force obéit, et que les mouvements extraordinaires de nos armées et le pas rétrograde et honteux de Courtrai, qui suspendent le dénouement de nos destinées, ne sont autre chose que la manifestation des vues toujours subsistantes d'un pouvoir exécutif qui ne peut plus se cacher, et qui cède enfin à la répugnance de déployer la force nationale contre des étrangers qui ont le même dessein que lui, et qui veulent avec lui que les peuples soient esclaves et que les rois soient les maîtres. (Applaudissements dans les tribunes.)

Eh quoi! Messieurs, serions-nous donc conduits jusqu'à ce point de trahison où l'on voudrait ménager la coalition des armées ennemies et de notre propre armée, pour ne composer qu'une grande et unique force destinée à raffermir partout les trônes des tyrans, et à exterminer sous le nom de factieux, tout ce qui s'était levé pour briser les fers des nations? Serait-ce donc là tout le secret de ce brusque et scandaleux abandon du système offensif? A-t-on voulu que cet abandon fût pour l'ennemi un grand signal d'intelligence et de concert, et comme un avertissement donné à tous les cabinets des despotes que l'on ne veut pas de cette liberté qui dépouille les sceptres de tous les attributs de la puissance absolue, et qui réduit les rois à être moins que la loi? (Applaudissements à gauche.)

Ah! sans doute, ce ne seront pas nos soldats qui prêteront sciemment leur valeur à la conduite de cette trame ténébreuse. Ce ne sera pas vous non plus, loyal Luckner, du moins j'aime à le croire, si vos entours ne vous trompent pas, et si vous les réduisez toujours à n'être que d'obscurs faiseurs de lettres, que vous connaissez à peine; ce ne sera pas vous, dis-je, car vous êtes aussi un soldat, c'est votre titre le plus cher, et vous mettez votre gloire à ne savoir que combattre. Vous continuerez d'apprendre à tous ceux qui partagent avec vous le commandement que rien ne se ressemble et ne se concilie moins sur la terre qu'un grand guerrier et un général intrigant. (Applaudissements dans les tribunes.)

Cependant, Messieurs, toutes ces intrigues fatiguent le peuple; il s'inquiète, il s'indigne de voir des officiers généraux quitter leur poste pour se rendre à la capitale et y fomenter des troubles intérieurs; il vous demande une mesure répressive de ce délit, et vous la devez à la tranquillité publique.

Quand la patrie est en danger, et que des flots d'ennemis menacent d'inonder nos frontières, tout officier qui abandonne son poste, même temporairement, sans congé et sans causes légitimes, est un lâche et un traitre. (Applaudissements dans les tribunes.)

M. Viénot-Vaublanc. Je demande à faire une motion d'ordre. L'Assemblée va juger M. La Fayette. Il est contre toute morale, contre toute décence, que l'on préjuge le jugement de l'Assemblée nationale, en couvrant d'applaudissements des injures.....

M. le Président. Monsieur le commandant, je vous ordonne, au nom de l'Assemblée, de mettre

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