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de l'ordinaire des finances, fait un rapport (1) et présente un projet de décret (1) sur l'indemnité accordée aux maîtres de postes, en remplacement de privilèges, et sur la suppression des postes royales; il s'exprime ainsi :

Messieurs, par l'article 4 de la loi du 27 mars 1790, relative à diverses indemnités accordées aux maîtres de postes par le décret du 25 avril 1790, l'Assemblée constituante renvoya à son comité des finances ce qui concerne l'indemnité des 9 derniers mois de l'année 1791 pour lui en être fait rapport dans le courant du mois d'avril.

Ce rapport n'a pas été fait, parce que des objets plus importants et d'une nécessité plus urgente l'ont successivement éloigné.

Mais les secours réclamés de toutes parts par les maîtres de postes, qui depuis le 1er avril 1791 n'ont rien reçu de l'indemnité qui leur est accordée, et parmi lesquels il s'en trouve beaucoup dont la fortune est si médiocre ou tellement dérangée que, sans cette ressource ils ne pourraient continuer leur service, ne permettent pas de différer plus longtemps votre décision sur cet objet.

Le payement, pour ce qui est dù depuis le 1er avril 1791 jusqu'au 1er juillet prochain, ne peut être effectué sans un nouveau décret du Corps législatif; et il est indispensable, pour le service des postes, que vous rendiez ce décret au plus tôt, soit que vous vouliez continuer à faire payer la gratification de 30 livres, soit que vous préfériez un autre mode d'indemnité.

L'Assemblée constituante, en renvoyant à son comité des finances ce qui concerne l'indemnité des 9 derniers mois 1791, a voulu que la question y soit discutée si l'on continuerait le mode d'indemnité de 30 livres par cheval, décrété par la loi du 5 mai 1791. L'expérience avait déjà fait connaître à ce mode de trop grandes inégalités pour être juste, de trop grands inconvénients pour être continué, et elle en avait déjà indiqué la nécessité de la réforme.

Plusieurs modes nouveaux d'indemnité ont été présentés, soit par le directoire des postes, soit par des particuliers, soit par le vœu et les réclamations des maîtres de postes du royaume. Votre comité les a examinés et discutés les uns et les autres avec tous les soins que peuvent exiger et l'intérêt de la chose publique et la justice que vous devez au citoyen qui se voue à l'utilité générale.

Quelques économistes avaient cru que cette indemnité ainsi que le privilège exclusif des maitres de postes pouvaient être entièrement supprimés, et ils ont cité l'Angleterre, où les maîtres de postes, loin de recevoir des gratifications du gouvernement, lui payaient tout au contraire une rétribution établie par forme de capitation sur chaque cheval de poste ou de louage.

Ce projet était fait pour rendre inutile toute recherche d'un nouveau mode d'indemnité, si d'une part elle n'était une légitime compensation des charges dont sont tenus les maîtres de postes, et si de l'autre la suppression du privilège de conduire exclusivement de relais à relais eùt pu convenir à la France. Un mûr examen nous a appris qu'une indemnité quelconque est autant de justice que de nécessité, et que l'on ne peut abolir le privilège exclusif des maîtres de postes

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Dépenses publiques, n° 20.

de conduire d'un relais à l'autre dans leur distance respective sans détruire en entier l'établissement car une fois détruit, il serait bien difficile, sinon impossible, de lui rendre son existence; la cupidité les ferait passer les uns sur les autres; tout ordre serait interverti; le service des courriers de routes éprouverait des retards incalculables, celui des malles éprouverait nécessairement les mêmes retards, et serait bientôt dans le cas de manquer entièrement, à moins qu'on n'y pourvût par un établissement particulier, dont l'expérience du passé a déjà démontré l'inadmissibilité. Dans tous les cas le bel et utile établissement des postes, formé par le temps et par le secours des privilèges que lui avait accordés un gouvernement absolu, et qu'on ne saurait lui rendre dans un Etat libre, courrait les dangers d'une entière et irréparable déstruction.

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L'exemple de l'Angleterre n'est pas applicable à la France la différence qui se trouve entre la position géographique de ces deux royaumes et entre le gouvernement, entre la nature et les productions de leur sol, entre le caractère et les usages des peuples qui les habitent, portent une différence absolue dans le service de ces deux royaumes.

L'Angleterre est une île où toutes les parties sont dans des relations plus étroites et plus actives qu'en France: l'Anglais voyage bien plus souvent que le Français, son caractère lui fait un besoin de voyager. Londres est le point central de grands ports de mer qui sont placés dans sa circonférence; tous les rapports commerciaux de ce peuple industrieux et actif aboutissent à ce seul point central, et vivifient, d'une manière incomparable à aucun pays de la terre, les routes qui en sont les rayons. Ce point central ne se trouve nulle part en France: Paris est bien le centre du gouvernement et des relations politiques du royaume; mais ces relations se font par la poste aux lettres et par des correspondances établies distinctement des relais : le commerce se trouvant partagé dans plusieurs grandes villes, son activité ne se fait point sentir sur les routes comme s'il était réuni dans un seul point.

En Angleterre, par un usage très avantageux pour les relais, les maîtres de postes louent avec un grand bénéfice des voitures aux voyageurs; la ferme des messageries, qui en France est en possession de fournir les voitures, n'y est point connue en Angleterre les routes sont égales et belles, en France quelquefois montueuses et difficiles, les voitures plus légères et moins chargées, l'espèce de chevaux indigène du pays plus propre à ce service et d'un remplacement plus facile, les denrées plus abondantes et d'une meilleure qualité.

Par ces différences de localité, il est devenu possible que le gouvernement anglais ne fournit, non seulement aucun secours pour soutenir les postes, mais qu'il en tire même une rétribution de 2 à 300,000 livres.

Pour prouver d'une manière bien convaincante que cet ordre de choses ne peut s'établir en France, il faut se rappeler que le bénéfice sur les courses de chaque cheval de poste en France est insuffisant pour indemniser le maitre de postes, de frais d'achats, d'entretien, de nourriture et de remplacement. Cette vérité est démontrée par le produit des courses; elles ne rapportent que trois quarts de poste pour chaque cheval, l'un dans l'autre, par jour.

L'impossibilité de la suppression des privilèges sans indemnité ainsi prouvée, je reviens aux inconvénients attachés à l'indemnité de 30 livres par cheval; et après avoir examiné les raisons qui en sollicitent la réforme, je présenterai le mode le plus convenable à y substituer.

De grandes objections avaient été faites à M. de Biron, rapporteur de ce mode à l'Assemblée constituante; il les avait victorieusement réfutées. Mais ces mêmes objections, qui alors pouvaient paraitre un raisonnement spécieux, sont appuyées aujourd'hui par l'expérience, et revêtues de son sceau, ont acquis le droit d'être reproduites et discutées de nouveau.

L'exécution seule du décret pour le paiement de cette indemnité offre des difficultés que l'on n'avait point prévues d'abord. Elle ne peut être payée que sur des certificats de municipalités, visés et vérifiés par les directoires de district et de département. Cette forme, à l'apparence si juste, si facile et si simple, est sujette à des lenteurs et à un arbitraire qui doivent suffire pour la faire proscrire.

Souvent un maître de postes est lui-même maire ou officier municipal dans sa commune, et alors il est servi avec la complaisance qui peut se permettre des infidélités; plus souvent le maître de postes trouve dans sa municipalité un voisin envieux, et alors il éprouve des tracasseries qui peuvent aller jusqu'à l'injustice. L'expérience a fourni des exemples multipliés de l'un et de l'autre. Les corps administratifs, surchargés d'affaires, n'expédient pas avec beaucoup de célérité les visa; et de 1,300 certificats et plus qui auraient dû être envoyés au ministre de l'intérieur depuis le mois d'avril 1791, il n'en est parvenu, à la date actuelle, que 996; de manière que, pour compléter le paiement des 9 mois il en manque encore 304. Soit oubli, soit négligence, soit autres raisons de la part des municipalités, des districts ou des départements, un grand nombre de maîtres de postes sont privés de l'indemnité que la justice et la nécessité leur ont accordée. Ils se consument en vain en plaintes et en témoignages de découragement; il n'a pas été possible de les payer, à moins de s'écarter de la loi.

Des inconvénients bien plus graves résultent de la grande inégalité de la répartition de ce mode d'indemnité entre les maîtres de postes montés d'un grand nombre de chevaux et ceux montés d'un petit nombre l'effet en a été préjudiciable au service.

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Le mode de 30 livres par cheval réunit à une inégalité aussi injuste que celle dont on se récriait si fort dans les anciens privilèges les inconvénients d'une variation continuelle: ceux de porter pour l'avenir sur des bases peu stables, peu certaines, peu exactes, sujettes à l'erreur et, comme on a déjà dit, à des infidélités. Le tableau comparatif de fixation du nombre des chevaux établis sur les procès-verbaux des visiteurs, dressé dans chaque poste, en présence du titulaire, et signé par lui, et des mêmes fixations relevées sur les certificats de munipalités, a démontré combien peu l'on doit compter sur l'exactitude et la véracité de ces certificats. Le tableau fort incomplet des certificats, parvenu au mois de février 1791, présente, sur 700 postes environ, une différence en plus, à la charge de la nation, d'une somme de 34,620 livres pour 1,154 chevaux.

menter, sans aucune proportion, le sort des maîtres de postes des grandes routes, qui n'ont un grand nombre de chevaux que parce que leur service habituel leur fournit l'occasion de les occuper avec avantage au contraire, dans les postes montées d'un petit nombre de chevaux, ceux qui les entretiennent ont perdu, par cette disposition, les ressources nécessaires pour soutenir le service. Le maître de postes, sur une grande route, comme celle d'Orléans, par exemple, perdait, à la suppression de son privilège d'exemption de taille, une somme de 6 à 700 livres, et il gagne aujourd'hui, d'après le nombre de chevaux entretenus dans chaque relais sur cette route, environ le double de cette somme. Dans les petites postes ils jouissaient de 5 à 600 livres de traitement annuel, les uns par privilège d'exemption de taille, les autres par la gratification par lieue qui en était la représentation. Un grand nombre est réduit au-dessous de cette somme par la fixation de 30 livres par cheval, plusieurs mêmes à moins de 200 li

vres.

Qui ne voit clairement le bizarre résultat de cet arrangement? Celui qui a grand nombre de chevaux, parce que, dans une heureuse position, plus il est dans le cas d'en employer, plus ils lui rapportent, retire encore à lui tout le bénéfice de l'indemnité; celui qui a peu de chevaux, parce que sa position ne lui permet pas d'en avoir davantage, et qu'il ne les a que pour entretenir le service, n'a ni gain ni gratification: assurément on ne saurait trouver un mode d'indemnité plus contraire à son objet; et n'est-ce pas au dernier auquel il faudrait porter du secours, puisque le premier pourrait s'en passer sans que le service en souffrit ?

Ces petits établissements, qui sont plus à l'avantage du public qu'à celui des particuliers qui les entretiennent, ne peuvent se soutenir sans secours, et on ne peut les abandonner sans le plus grand préjudice ils favorisent la circulation intérieure; ils alimentent et vivifient les postes des grandes routes, et leur service interrompu ferait disparaître naturellement ces précieux avantages, et détruirait la chaîne de communication qui fait l'essence du service des postes; ils ont en outre plus particulièrement besoin d'être soutenus, parce que, pour faire leur service, il est plus difficile de trouver des sujets.

Le mode d'indemnité de 30 livres par cheval est donc absolument vicieux, parce qu'il ne remplit point son objet; que, surabondant pour les uns, il est insuffisant pour les autres, pour ceux précisément qui en auraient le plus besoin. Il reste maintenant à examiner quels sont les moyens de remplacer ce mode par une indemnite qui put subvenir à la fois au besoin des petits établissements de postes, et ne pas être injuste pour les grands.

Il s'en présente deux.

L'un consiste à accorder à chaque maître de poste une indemnité de 75 livres par chaque lieue qu'il dessert, et non par le nombre de chevaux nécessaire à son service.

L'autre à fixer un traitement annuel uniforme à tous les maîtres de postes de l'Empire, sans egard au nombre de chevaux fixé pour leur service, ni à celui des lieues qu'ils ont à desservir.

Le mode de 75 livres par lieue a bien des inconvénients de moins que celui de 30 livres par cheval: il est plus facile, plus simple, repose sur une base plus certaine, moins variable, moins 30 livres par cheval a été de doubler ou d'aug-sujette à l'erreur et à l'infidélité : il était admis,

L'effet qui résultait de cette indemnité de

avant la Révolution, dans tout le midi de la France, dans la ci-devant province de Bretagne, dans les pays d'Etats et de cadastre, et même dans les ci-devant généralités où la nature du sol n'offrait pas une application utile du privilège. Il est à présumer que si l'Assemblée constituante, à laquelle il avait été présenté, l'eût adopté, il n'aurait occasionné aucun ébranlement dans le régime des postes; et s'il en fût résulté quelques plaintes de la part de ceux des maîtres de postes des grandes routes, dont le traitement se serait trouvé diminué, il est aisé de concevoir qu'ils n'eussent pas quitté pour cela leur service, et qu'à tout événement on les eût facilement remplacés.

On objecte, avec raison, à ce mode d'indemnité, que la répartition qui en résulte serait par trop inégale entre un maître de postes qui, pour desservir 4 lieues, aurait 30 chevaux à entretenir, et un autre qui pour, desservir 35 lieues, n'emploierait pas même 20 chevaux. L'exemple se trouve entre les maîtres de postes d'Etampes et de Montdidier. Cette objection est irréfutable; mais les partisans de ce mode d'indemnité observent que, dans ce cas, l'indemnité ne serait comptée que sur les lieues de la route principale et en activité réelle, et non sur les lieues des routes de communication inutile de cette manière, ils réduisent les 35 lieues de la poste de Montdidier à 8; et la poste d'Etampes, d'après eux, pour n'avoir que 4 lieues à desservir, trouve dans le nombre et le fréquent emploi de ces chevaux, une compensation plus que suffisante, de ce que sa distance lui donne de moins au partage de l'indemnité.

Quoi qu'on en puisse dire en faveur de l'indemnité de 75 livres par lieue, elle n'est point admissible; car, à l'exception d'une base plus stable, quelques lenteurs et quelques embarras de moins dans le payement, elle est sujette aux mêmes inconvénients que le mode de 30 livres par cheval.

Un traitement fixe et annuel pour tous les maîtres de postes du royaume indistinctement, est le mode d'indemnité qui paraît offrir le moins d'inconvénients, et réunir, sous tous les points, les avantages d'une exacte répartition : il est simple dans son exécution, plus proportionné au privilège qu'il remplace, et à la compensation des charges publiques.

Ce traitement est porté par les uns à une somme de 500 livres par an, par les autres à celle de 450 livres. Il s'agit à présent de déterminer laquelle de ces deux sommes mérite la préférence, pour établir avec équité une indemnité suffisante pour tous les maîtres de postes du

royaume.

Pour parvenir à cette détermination, on a cru devoir prendre pour base: 1° le traitement des relais montés d'un petit nombre de chevaux, et dont il est le plus instant d'assurer l'existence; 2o le nombre moyen des chevaux dont étaient ordinairement composés les relais; 3° la quantité de lieues dont sont composées communément les distances des relais.

Par la première base, le traitement le plus faible dont jouissaient les maîtres de postes avant la suppression de leurs privilèges, était de 500 et de 600 livres de gratifications annuelles : ainsi, en prenant la fixation la plus faible, ce serait 500 livres pour chaque relais. Par la seconde base, il est connu, par le relevé général qui fut fait en 1789, qu'il s'est trouvé 760 relais montés depuis 5 jusqu'à 14 chevaux; 41 relais

à 15 chevaux, et 538 relais montés d'un plus grand nombre. D'après cette base, le plus grand nombre des relais serait donc monté au nombre de 15 chevaux et au-dessous; et en fixant, supposé, 30 livres par cheval, le produit serait de 450 livres. Par la troisième base, il est connu que, pour que les postes aux chevaux puissent faire un bon et utile service, il faudrait que chacune d'elles n'eût pas plus d'une poste et demie à desservir de chaque côté de la route principale; en prenant là proportion d'une poste et demie de chaque côté de la route, ou 3 postes à desservir, le résultat est encore de 450 livres.

Tout se réduit donc, pour le traitement annuel et fixe, à savoir à laquelle des 2 sommes de 500 ou de 450 livres il faut donner la préférence.

L'intérêt du Trésor public, l'exacte justice dans la compensation des charges, et les secours indispensables à accorder à l'entretien du service peuvent seuls nous déterminer.

On compte dans l'état actuel des choses 1315 établissements de postes dans le royaume. Le mode de l'indemnité de 30 livres par cheval a fait quitter beaucoup de maîtres de postes, et beaucoup d'autres demandent leur démission. Lorsque les postes abandonnées seront remontées, on croit devoir les porter à 1,400. La quotité de 1,400 établissements de relais à 500 livres offre une dépense de 700,000 livres par an. La gratification de 30 livres par tête de cheval, n'a coûté au Trésor public, pour l'année 1790, que 664,100 livres; ce serait donc sur cet objet une augmentation de 59,900 livres, augmentation à la vérité très considérable, lorsque la dépense publique s'augmente sous tant de formes différentes et que toutes celles qui ne sont point commandées, ou par la justice due aux particuliers, ou par les besoins indispensables de l'Etat, doivent être soigneusement évitées.

La somme totale pour tous les relais, à raison de 450 livres pour tout le royaume, par traitement fixe, monterait à 630,000 livres; et par suite, loin d'exiger une augmentation, elle offre sur les 664,100 livres payées en 1790, une diminution de dépenses de 34,100 livres, en supposant que les établissements fussent remontés au nombre de 1,400.

Le traitement, à raison de 450 livres, est donc celui qui paraît réunir tous les avantages qui doivent lui mériter la préférence; il offre une juste indemnité à chacun des maîtres de postes du royaume; il est moins onéreux qu'aucun autre au Trésor public.

Il est suffisant pour les petits établissements, équitable pour les grands; il n'est ni de trop pour les uns, ni de trop peu pour les autres. Les petits établissements, qui même dans l'ancien régime ne jouissaient que d'une gratification de 500 à 600 livres en remplacement du privilège, n'éprouveront qu'une légère diminution de 50 ou 150 livres au plus par an. Il est impossible qu'une déduction aussi faible puisse faire souffrir le service; et ces établissements auront reçu tous les secours qui leur étaient dus dans la plus exacte justice.

Les grands établissements, trop favorisés par l'indemnité de 30 livres par cheval, s'attendent depuis longtemps à une grande réduction, surtout depuis le décret qui accorde les 25 francs pour le service des malles. Les avantages d'ailleurs qu'ils tirent de leur position ne leur laissent aucun sujet de regret sur une diminution à la fois si juste et si nécessaire d'une indemnité

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qui doit être à l'avantage de tous et au détriment d'aucun. Enfin, lorsque les petits établissements auront reçu les secours nécessaires à l'entretien et au rétablissement de leur service, la patrie doit s'attendre du dévouement des maîtres de postes de grandes routes, de leur amour pour la chose publique et de leur désintéressement, que l'on verra cesser toutes réclamations sur le partage des indemnités.

Ces derniers sont en grande partie de la classe de citoyens en faveur desquels tournent les principaux avantages de la Révolution : ils sont plus ou moins grands propriétaires, et la suppression de la dime leur fournit de grands dédommagements; ils étaient le sujet humble et opprimě du seigneur de leur paroisse; ils étaient le serviteur gratuit de la cour et des intendants; leur service était grevé de corvées sans fin; ils sont affranchis de toutes ces servitudes onéreuses à la fois et humiliantes; la liberté, l'égalité, ces fruits précieux de notre Constitution, leur ont rendu, ainsi qu'à tous les citoyens français, le droit le plus cher à l'homme, celui de jouir de sa dignité sans avilissement. Quel dédommagement pour eux des légers sacrifices qu'ils pourront faire, lorsqu'en tournant leurs regards sur le passé, ils le comparent avec les avantages de leur existence actuelle s'ils ont éprouvé quelque diminution dans le produit de leur état, ils jouissent sans mélange de tous les avantages d'une vie aisée, que n'empoisonne plus ni le regard insultant de leurs nombreux maîtres, ni le fardeau des abus criants dont ils avaient à gémir. Ils ne connaîtront plus d'autres distinctions que celles que donnent l'amour de la patrie et les vertus dont il se compose être patriote et vertueux, c'est être égal à tous les hommes vertueux, et supérieur à ceux qui ne le sont pas. Les maîtres de postes n'auront plus de charges à supporter, que celles qu'ils se seront volontairement imposées; plus d'ordres à recevoir, que ceux qu'ils se sont donnés euxmêmes par les conditions de leur service.

La plupart des maîtres des postes du royaume se sont signalés par le patriotisme le plus pur et le plus dévoué, et il en est peu qui, à l'exemple de leur confrère de Varennes, n'eussent voulu, au prix de leur fortune et de leur sang, sauver leur patrie et leur roi des attentats de leurs communs ennemis. Ils ont fait les plus grands sacrifices, ils n'ont pas regretté les pertes qu'ils ont faites pour la chose publique; mais beaucoup parmi eux se trouvent dans l'affligeante position de voir leur fortune obérée, de ne pouvoir faire honneur à leurs affaires, et d'être forcés de se retirer du service pour lequel ils se sont longtemps sacrifiés. S'il était besoin de rappeler les bienfaits de la Constitution à quelques maîtres de postes, qui, malgré une heureuse situation et des propriétés considérables, osaient se permettre des plaintes, et nourrir dans leur cœur de honteux chagrins sur des pertes légères, qu'il me soit permis, Messieurs, d'invoquer la justice de l'Assemblée nationale pour accorder à ceux dont la fortune périclite, les secours que ne pourraient refuser les représentants de la nation aux citoyens qui se sont si généreusement dévoués pour elle."

La gratification annuelle de 450 livres, que Votre comité a jugée suffisante pour tout autre temps que celui où nous nous trouvons, a besoin d'être suppléée par quelques secours extraordinaires accordés momentanément, si nous voulons que les postes subsistent, et que les

établissements obérés ou abandonnés puissent se remonter.

Les maîtres de postes ont éprouvé des pertes considérables, et ils en éprouvent journellement sur les assignats, dans les achats de denrées nécessaires à la consommation de leurs chevaux. Ceux parmi les maîtres de postes qui n'ont point assez de fortune pour faire des avances, ou pour réparer de leurs propres moyens les pertes du moment, doivent nécessairement succomber; être payés pour leurs courses tout en assignats, et cependant n'avoir leurs denrées qu'à prix d'argent, ne peut être que ruineux pour eux. Il serait donc impossible qu'ils subsistassent sans secours extraordinaires; ils demandent de toutes les parties du royaume, pour un temps limité, et tant que les circonstances l'exigeront, une augmentation de 5 sols par cheval pour leurs courses.

Mais plus particulièrement ceux des routes de Lyon, Aix, Marseille, Toulon, et autres dans la partie méridionale de la France, se plaignent des pertes considérables qu'ils font sur les assignats, et réclament un dédommagement.

Dans les départements où les fourrages ne se payent que partie en assignats, partie en numéraire métallique, il ne leur reste que les 3/5 sur le prix de 25 sols qui leur est alloué pour la course d'un cheval par poste. Il est impossible aux maîtres de postes de se soutenir avec une perte semblable, sans augmentation, et bien moins encore, pourront se soutenir, ceux qui n'ont leurs denrées que pour du numéraire,

Il est des départements, et principalement sur la frontière, où les fourrages sont hors de prix, et les assignats presque sans valeur. Les corps considérables de cavalerie qui s'y trouvent campés, haussent excessivement les prix des denrées; et les maîtres de postes qui les achètent le plus souvent chez l'étranger limitrophe, ne peuvent souvent en avoir qu'à prix d'argent.

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Mais il ne serait point possible d'accorder une augmentation de 5 sols par cheval, pour l'un ou l'autre département du royaume; la loi qui doit intervenir à cet égard, ne saurait être que générale et si quelques maîtres de postes de l'intérieur du royaume éprouvent moins de pertes sur les assignats, que celles que font les maîtres de postes des départements frontières, elles ne laissent pas d'être assez considérables pour que les avantages ne soient pas déclarés communs.

Cette augmentation de 5 sols par cheval, ne peut être considérée que comme un dédommagement de la circonstance, et par conséquent elle ne doit être accordée que pour un temps très court, et limitée à 1 an au plus. Vouloir lui donner une durée plus longue, ou l'établir pour toujours, ne serait plus un bienfait pour les maitres de postes, mais un don fatal qui préparerait leur perte car, comme elle pèserait uniquement sur le public, les voyageurs abandonneraient successivement les postes, le service en serait nécessairement désorganisé, la régularité des communications détruite; et, en dernier résultat, le voyageur livré à l'arbitraire, qui dans quelques pays de l'Europe rend les voyages si pénibles et si coûteux.

Cependant, en accordant au véritable besoin du service l'augmentation de taxe réclamée par les maîtres de postes, votre justice doit aux réclamations du public la suppression des postes royales ou postes doubles, des villes de Paris, Lyon, Brest et Versailles. Ce privilège paraît avoir été accordé originairement dans les grandes

villes, et dans les endroits où le roi faisait son séjour, en indemnité de la perte de temps que faisaient les maîtres de postes, à attendre les personnes attachées au service de la cour, et de la longueur de la traversée des villes de Paris et Lyon.

Ce privilège existait pour la ville de Rouen, pour la sortie seulement. Il fut supprimé en 1775; et le maître de postes de cette ville reçut, en remplacement de ce privilège, une augmentation de distance, suivant les toisés qu'il avait à parcourir.

En 1782, la poste de Brest étant abandonnée, personne ne voulut entreprendre de la remonter. Un particulier fit la soumission de la desservir aux conditions d'être payé sur le pied de poste royale; le service de poste de Brest, est trop utile pour être abandonné, trop ingrat pour subsister par lui-même, et avec la seule indemnité de 450 livres.

Mais la position de la ville de Troyes, et quelques autres, sont également ingrates, et ne peuvent subsister sans secours particuliers, dont elles avaient joui jusqu'à présent sous différentes formes.

Votre comité a donc pensé qu'on pourrait supprimer la poste royale de Brest, de même que celles de Paris et Versailles, et qu'il serait fait à la poste de Brest, de Troyes, et quelques autres qui seraient dans le même cas, une gratification plus forte que 450 livres, d'après un état de secours extraordinaires, qui sera fait et présenté à cet effet par le directoire des postes.

La traversée de Lyon est longue et fatigante; mais son privilège ne peut être supprimé sans remplacement. Cette poste et celles qui y communiquent trouveront dans l'augmentation des courriers, que le privilège avait fait prendre des chevaux de louage, l'indemnité qui pourrait leur être accordée.

La poste royale de Versailles peut également être supprimée sans dédommagement, d'autant plus qu'elle est payée par poste et demie sur Sèvres, dont la distance n'est pas très forte.

Le privilège de double poste dont jouit Paris, doit être supprimé; mais il ne pourrait l'être sans dédommagement.

La traversée de Paris, les embarras qui s'y rencontrent, la nécessité d'attendre fort longtemps le moment du départ des courriers, occasionnent des pertes considérables au maître de postes de Paris. Les maîtres de postes des environs éprouvent les mêmes difficultés en y venant, et ont de plus la charge de conduire les voitures des courriers à des remises fort éloignées de l'endroit où ils sont descendus. Pour dédommager le maître de postes de Paris, et ceux qui y communiquent, de tous ces inconvénients, on leur payera une demi-poste de plus que le toisé ne l'exige; et les distances de poste qui y communiquent, telles que Saint-Denis, Bondy, Nanterre, et autres qui sont trop fortes pour leur fixation, seront réglées d'après les toisés.

Un autre objet de réforme vous est proposé dans le service des postes aux chevaux. Votre comité est convaincu que le service n'en souffrirait aucun préjudice, et il a cru qu'elle pouvait être adoptée. C'est la suppression de deux emplois de contrôleurs généraux des postes, conservés par la loi du 29 août 1790. Ces places deviennent sans fonctions et inutiles depuis la création de 43 contrôleurs-provinciaux, elles sont payées chacune 6,000 livres, ensemble 12,000 livres; cette somme n'est pas suffisante

pour défrayer des fonctions qui devraient être attachées à l'emploi de contrôleur général des postes; elle est trop pour un emploi sans fonctions. Et quel service peut-on attendre de deux personnes, qui seules devraient sans cesse parcourir le vaste royaume de la France!

Quelle que soit la détermination que vous prendrez, Messieurs, sur les différentes réformes que j'ai l'honneur de vous proposer dans le service des postes, et sur les secours réclamés par les maîtres de postes de tous les départements, et sur les indemnités qui leur sont dues depuis 15 mois, il est instant pour le bien de ce service que vous vous occupiez sans retard de ces différents objets.

Les maîtres de postes ne pourraient subsister plus longtemps sans secours, et le service public en souffrirait de toutes parts. Je crois inutile de vous rappeler, Messieurs, que la facilité de communication fait la force et la prospérité d'un grand Etat, mais qu'elle ne peut être entretenue que par un service obligatoire et constant dans toutes ses parties, assuré de manière que l'intempérie des saisons, la révolution dans les prix des chevaux et des denrées nécessaires à leur subsistance, et aucun événement ne puisse l'interrompre pour que le service des maîtres de postes puisse être obligatoire, pour que la ruine de beaucoup d'entre eux n'entraîne de grands inconvénients pour les communications de toutes espèces, il est juste, il est nécessaire, il est urgent de venir promptement à leur secours.

Le ministre de l'intérieur, par différentes lettres à l'Assemblée nationale, sollicite avec les plus vives instances le décret sur le dédommagement à accorder aux maîtres de postes. Il expose que, dans beaucoup d'endroits, les maîtres de postes ne peuvent soutenir leur service, si on ne vient promptement à leur secours; que plusieurs ont été forcés d'abandonner, et que c'est avec les plus grandes peines qu'on vient à les remplacer; que non seulement les communications du royaume finiront par en éprouver des obstacles dans plusieurs parties, mais que même le service si important des malles pourrait en souffrir essentiellement.

Par ces différentes considérations, le comité a pensé que le mode d'indemnité par traitement fixe d'une somme de 450 livres par an par chaque relais, à l'exception de quelques cas particuliers, serait celui qui concilierait le mieux les intérêts publics et privés, qui serait le plus conforme à la justice, et le plus avantageux au service des postes ; il a pensé encore que, vu les circonstances fâcheuses dans lesquelles se trouvent les maîtres de postes par rapport à la grande perte sur les assignats, une augmentation par cheval de courrier de route pourrait être accordée pour un temps limité, concurremment avec la gratification de 450 livres, et pour suppléer à ce qu'elle aurait d'insuffisant. En conséquence, il m'a chargé de vous proposer le projet de décret suivant.

Projet de décret.

L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l'ordinaire des finances, concernant le mode d'indemnité accordée aux maîtres de postes en remplacement de privilège, par les décrets des 25 avril, 29 août 1790, et 16 mars 1791; considérant que, par l'inégalé répartition qui résulte de ce mode d'indemnité, les secours accordés aux maîtres de postes sont insuffisants pour les uns, surabondants pour les

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