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PARLEMENTAIRES

DE 1787 A 1860

RECUEIL COMPLET

DES

DÉBATS LÉGISLATIFS & POLITIQUES DES CHAMBRES FRANÇAISES

IMPRIMÉ PAR ORDRE DU SÉNAT ET DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS

CHEF

BOUS LA DIRECTION DE

M. J. MAVIDAL

HONORAIRE DU BUREAU DES PROCÈS-VERBAUX, DE L'EXPÉDITION DES LOIS, DES PÉTITIONS,
DES IMPRESSIONS ET DISTRIBUTIONS DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS

ET DE

M. E. LAURENT

BIBLIOTHÉCAIRE DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS

AVEC LA COLLABORATION DE MM. LOUIS CLAVEAU ET CONSTANT PIONNIER.

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ARCHIVES PARLEMENTAIRES

REGNE DE LOUIS XVI

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du samedi 30 juin 1792, au soir.

PRÉSIDENCE DE M. AUBERT-DUBAYET.

La séance est ouverte à 6 heures.

Une députation du 6o bataillon du Jura est admise à la barre.

L'orateur de la députation annonce à l'Assemblée que tous les torts dont ce bataillon s'est rendu coupable au camp de Neuf-Brisach, n'ont été que l'effet d'une erreur et d'insinuations perfides. Il assure qu'un repentir sincère a bientôt suivi et expié ce premier mouvement d'insubordination. Il proteste au nom de ses camarades de leur patriotisme, et demande que le 6o bataillon du Jura ne soit pas compris dans le décret que l'Assemblée doit rendre sur les événements du camp de Neuf-Brisach.

M. le Président répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.

M. Lameth. Je demande que la discussion du rapport du comité militaire sur cette affaire soit ajournée à lundi soir.

(L'Assemblée décrète cette proposition.)

M. le curé de Raucourt est admis à la barre. Il offre en assignats une somme de 100 livres pour subvenir aux frais de la guerre.

(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis au donateur.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture des 2 pétitions suivantes :

1° Pétition du sieur Marquet, citoyen actif de la section du Roi-de-Sicile et du sieur Méhé fils, citoyen actif de la section de Sainte-Geneviève, rue du Fouarre, pour demander à l'Assemblée qu'elle 1re SÉRIE. T. XLVI.

donne au peuple un moyen légal de résistance à l'oppression. Cette pétition est ainsi conçue : (1)

Législateurs,

« L'Assemblée constituante a laissé à votre sagesse le soin d'organiser une branche essentielle de notre législation. En décrétant comme un des droits imprescriptibles de l'homme la résistance à l'oppression, elle a voulu qu'il pût légalement et la Constitution à la main, résister à ses oppresseurs. Les rassemblements du peuple, le seul moyen qu'il connaisse de résister à l'oppression, sont contraires à la loi. Nous venons, au nom de la patrie en danger, vous demander de nous indiquer une manière légale d'exercer ce droit sacré, dont sans doute on ne prétend pas nous priver. Les mouvements du peuple ne sont pas, comme on vous l'a dit, conseillés par des factieux; ils tiennent aux inquiétudes continuelles auxquelles les condamnent les conspirateurs nombreux qui l'entourent. Qu'il soit sur de pouvoir leur résister et vous verrez le calme renaître. En vain prétend-on, pour apaiser le peuple, recourir aux moyens homicides que des scélérats invoquent. Les déclarations, les proclamations, les bataillons, les canons ne calment rien; une bonne loi peut tout calmer. Et que l'on ne vienne pas nous dire que cette loi est impossible, car ce serait dire que la Constitution est inexécutable; ce serait détruire l'un des principaux sacrements de notre catéchisme.

Législateurs, la patrie est en danger, les moments pressent, n'attendez pas que Cromwell ait exécuté ses menaces; n'attendez pas qu'il ait écrit place à louer » sur les lieux de vos séances. Armez-nous de la loi sainte que nous demandons, et paraissent après les Cromwell et leurs lâches stipendiés.

« Législateurs, vous avez dit au peuple qu'il avait le droit de résister à l'oppression, vous lui avez dit que ses rassemblements étaient contraires à la loi, le peuple attend en silence que

(1) Archives nationales, Carton Dxi, dossier n° 14.

1

vous vous soyez expliqués, si le mode légal de se constituer résistant à l'oppression eût été réglé plus tôt, il n'aurait pas à se reprocher d'avoir enfreint la loi. Hâtez-vous de prévenir de nouvelles erreurs, apprenez à la nation que le droit de résister à l'oppression n'est pas une chimère, et que ses représentants sauront l'en faire jouir. Craignez d'écouter trop les traîtres qui, en cherchant à vous apitoyer sur le sort de quelques individus, voudraient vous faire perdre de vue le peuple, le peuple qui a remis entre vos mains le soin de sa tranquillité et de son bonheur, le peuple enfin dont se fatiguent les vertus et la patience, et qui, sans la confiance qu'il a en ses représentants, aurait déjà châtié ses insolents calomniateurs.» (Applaudissements des tribunes.)

«

Signé: MARQUET, citoyen actif de la section du Roi-de-Sicile, MÉHÉE fils citoyen actif de la section de Sainte-Geneviève.

(L'Assemblée renvoie la pétition à la commission extraordinaire des Douze.)

2o Pétition du sieur Hacke, chirurgien et officier de la garde nationale, ci-devant grenadier aux gardes françaises, qui expose à l'Assemblée que la circulation des grains est entravée dans le canton d'Archères, district de Neuville-aux-Bois, département de Loiret. Il demande que la garde nationale de ce canton soit organisée conformément à la loi, et qu'on fasse justice des persécutions que lui ont fait éprouver les ennemis de la liberté.

Plusieurs membres : La mention honorable! E(L'Assemblée décrète la mention honorable de cette pétition et la renvoie au pouvoir exécutif.) Un député des gardes nationaux de Toulouse est admis à la barre.

Il vient annoncer que le conseil de la commune et les citoyens de cette ville, ne prévoyant pas que le décret relatif à la formation d'un camp de 20,000 hommes serait frappé du veto, s'étaient empressés de prendre des mesures pour la prompte formation des bataillons qu'ils devaient envoyer à ce camp; que les jeunes citoyens, animés du même zèle que le conseil de la commune, pour la défense de la patrie, se sont inscrits, ont rempli toutes les formes, ont complété les bataillons et se sont mis en marche pour la capitale. (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.)

Le pétitionnaire demande, au nom des citoyens de Toulouse, protection et sûreté pour les volontaires qui sont en marche.

M. le Président lui répond et lui accorde les honneurs de la séance, au milieu des plus vifs applaudissements du côté gauche et des tribunes.

M. Kersaint. Je demande la mention honorable. (Murmures à droite.)

M. Quinette. Depuis son refus de sanction, le roi a reconnu la nécessité d'un camp entre la capitale et les frontières. Il vous en a fait la proposition; elle a été renvoyée à votre comité, et je ne sais par quelle singularité le rapport n'est pas encore fait. Cependant tous les citoyens applaudissent à la mesure que vous aviez prise et s'empressent de la seconder. De tous côtés les volontaires s'inscrivent et forment les bataillons qui devaient composer le camp que vous aviez décrété. Il est instant de régler les mouvements illégaux qui résulteraient de ce zèle si louable.

Je demande que, pour satisfaire l'impatience patriotique des citoyens, l'Assemblée nationale décrète, dès à présent, que tout citoyen qui se présentera en armes à une municipalité quelconque, sera reçu à l'inscription comme défenseur de la patrie. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)

M. Mathieu Damas. Le rapport sur la proposition du roi est prêt, il peut vous être fait demain, et j'observe que l'inscription que propose M. Quinette ne rentre pas dans le mode proposé; elle rentre dans le mode de recrutement que vous avez décrété.

Plusieurs membres : Non, non!

M. Quinette. Toute autre proposition serait contraire à la loi et tendrait à légaliser une sorte d'infraction à la Constitution, c'est-à-dire à autoriser l'exécution péremptoire de décrets qui n'auraient pas encore le caractère de loi, puisqu'ils ne seraient point revêtus de la sanction royale. (Murmures à l'extrême gauche et dans les tribunes.) Il est impossible que l'Assemblée ne soit pas scandalisée de mouvements d'improbation dirigés contre la Constitution qui prescrit la sanction royale. (Murmures.) Il est inutile de chercher une autre cause des troubles publics, si celle-ci est tolérée au sein du Corps législatif. (Murmures prolongés.)

Plusieurs membres parlent dans le bruit.

(On entend le nom de M. Mathieu Dumas plusieurs fois répété.)

M. Mathieu Dumas. Monsieur le Président, faut-il que je réponde à des interpellations particulières, je le désire, j'en suis pressé, j'ai beaucoup à dire sur ce sujet, et l'Assemblée me fera une faveur si elle me permet.....

M. le Président. Parlez à l'Assemblée.

M. Rühl. Je déclare que les colonnes autrichiennes et d'artillerie arrivent sur le Rhin.

M. Mathieu Dumas. Avant de conclure, je voudrais qu'il me fût permis de prendre pour texte et pour motifs de mon opinion, les faits et les malheurs annoncés par M. Rühl, et que j'affirme n'être que trop vrais..... (Murmures.)

M. Mathieu Dumas. Je demande que sur la pétition des volontaires de Toulouse, et sur la motion de M. Quinette, l'Assemblée passe à l'ordre du jour. (Murmures à gauche.)

Un membre: Je rappelle à l'Assemblée qu'elle est passée à l'ordre du jour sur l'arrêt du département de l'Hérault, en tout semblable à celui de la commune de Toulouse. (Murmures à gauche.)

M. Delacroix. Les patriotes volontaires qui viennent à Paris, doivent être spécialement protégés. Il ne faut pas que vous les exposiez à être fusillés, en vertu de la loi martiale, comme des factieux. (Vifs applaudissements à l'extrême gauche et dans les tribunes.) Il est donc impossible de passer à l'ordre du jour. Je demande que la pétition des volontaires de Toulouse soit renvoyée à la commission des Douze et au comité militaire réunis, pour présenter demain un projet de décret.

(L'Assemblée renvoie la pétition des gardes nationaux volontaires de Toulouse à la commission extraordinaire des Douze et au comité militaire réunis.)

M. Lambert (de Lauterbourg), au nom du comité

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