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tien de la tranquillité intérieure. Je sais que la Constitution donne et délègue au pouvoir exécutif le droit de veiller à la sûreté intérieure et extérieure. Je sais aussi que si, par hasard, il se formait dans le sein de la capitale une vaste conspiration, vous en prendriez sur vous toute la responsabilité, si vous prescriviez des mesures que vous n'avez pas le droit de prescrire. Ainsi, Messieurs, malgré l'observation très peu militaire de M. Choudieu, qui vous dit qu'il faut éloigner toutes les troupes de ligne de Paris, lorsque čes mêmes troupes ne doivent inspirer aucune inquiétude aux amis de la Constitution... (Murmures.)

MM. Duhem et Charlier parlent dans le tumulte.

M. Gérardin. Je ne sais pas jusqu'à quel point on a le droit de troubler un opinant. (Murmures à gauche et dans les tribunes.) Je répondrai à ceux qui m'injurient, que les injures ne parviennent pas jusqu'à moi, et que je les méprise comme eux. (Murmures.) J'use d'un droit dont beaucoup de membres usent comme moi, de dire des absurdités librement. (Applaudissements.) Or, personne ne peut m'en empêcher, et je suis en cela l'exemple que l'on donne: car j'en entends souvent, elje n'interromps personne. Je leur demande donc la même condescendance pour moi.

Messieurs, je disais donc qu'il me paraissait que c'est une mesure militaire absurde, que celle de vouloir déplacer toutes les troupes de ligne; car tout le monde sait qu'il est extrêmement avantageux de laisser des dépôts de troupes, ou des personnes qui ne peuvent pas faire la campague, ou des recrues, dans l'endroit où sont les équipages de ces mêmes régiments. Je disais, Messieurs, que ces depôts ne peuvent inspirer aucune inquiétude, car les régiments de ligne sont composés de tous les braves gardes françaises, et de personnes qui ont servi dans la garde nationale depuis le commencement de la Révolution. Or, les amis de la liberté de 1789, valent bien ceux qui, se traînant sur les pas de la Révolution, étaient à peine patriotes en 1790, et n'étaient nullement connus.

Je vous disais donc que lorsque ces braves soldats de ligne ne pouvaient inspirer aucune espèce d'inquiétude, il était absurde de vouloir éloigner de la capitale jusqu'au dépôt de ces mêmes troupes. Je dis douc qu'il faut certainement rendre toute la force disponible sur les frontières, mais qu'il faut laisser au gouvernement les moyens d'assurer la tranquillité exté rieure et intérieure; et que le Corps législatif ne doit pas se charger des événements, ni prendre sur lui une telle responsabilité. Il me semble qu'auparavant il faut consulter la municipalité, si une certaine quantité de force auxiliaire ne lui est pas nécessaire pour la garde des différents postes. Il me semble que M. Servan vous l'avait dit dans sa lettre, car il disait que malgré tout son courage et son zèle, la garde nationale ne pouvait pas faire tout le service dont elle était chargée. Or, vous allez l'augmen ter encore en renvoyant toutes les troupes de ligne de Paris. Je demande que l'A-semblée nationale prenne ces reflexjons en considération, et se borne à décréter purement et simplement que l'on fera partir toute la force disponible, c'est-à-dire tous les soldats qui peuvent, dans će moment, rendre des services à l'Etat sans préjudicier à la sûreté d'une portion du royaume.

M. Calvet. La ville de Paris renferme dans son

sein cinq établissements principaux qui appartiennent au royaume entier, tels que le Corps législatif, le pouvoir exécutif, le tribunal de cassation, la caisse de l'extraordinaire et la trésorerie nationale. La garde nationale n'est appelée que pour faire le service subsidiaire. Il faut donc nécessairement une garde salariée dans Paris. Tout le monde sait que nous avons reçu une quantité de lettres du ministre de l'intérieur, du département, de la municipalité, qui annonçaient que la force publique était insuffisante dans Paris. Si vous voulez en éloigner aujourd'hui les troupes de ligne, il faut que vous augmentiez la gendarmerie.

Plusieurs membres: Cela est fait par l'incorporation des ci-devant gardes françaises.

M. Calvet. Vous avez décrété le principe il y a huit ou dix jours; mais vous ne l'avez point encore augmenté. Je demande que M. Delmas, chargé du rapport, le fasse sur-le-champ.

M. Delacroix. Je réponds à M. Calvet que de tous les établissements dont il vient de parler, si l'on en excepte le château des Tuileries, il n'y en a pas un seul qui soit confié aux troupes de ligne à Paris. (Applaudissements.)

Plusieurs membres Ce n'est pas vrai!

M. Delacroix. Je soutiens qu'elles ne font pas la garde ailleurs.

Plusieurs membres Et les ports, qui est-ce qui les garde?

M. Delacroix. M. Calvet n'en a pas parlé. J'insiste donc sur mon assertion. Je dis à M. Gérardin que ce n'est point par l'inquiétude causée par la présence de ces braves troupes de ligne, que l'Assemblée se propose de leur donner l'occasion de servir plus utilement leur patrie. (APplaudissements.) C'est parce que ces troupes ellesmêmes, dans une pétition qu'elles ont faite au Corps législatif, en présence de leur général, ont demandé à voler sur nos frontières menacées ou prêtes à être attaquées, que l'Assemblée s'est décidée à mettre à la disposition du pouvoir exécutif ces troupes qui ne pouvaient être tirées de Paris qu'en vertu d'un decret. Aucun de mes collègues n'a partagé la défiance que M. Gérardin a voulu jeter sur ces régiments. Tous leur rendent la justice qui leur est due: ils savent qu'ils sont composés de l'élite des patriotes. (Applaudissements. Mes collègues ne peuvent oublier que ceux qui ont terrassé la Bastille et le despotisme, ne peuvent pas cesser d'aimer la liberté. (Applau dissements.) Si le Corps législatif avait de la défiance ou des soupçons sur le civisme de ces régiments, il ne les aurait pas gardés si longtemps à Paris, ou pour mieux dire, il le y retiendrait pour les surveiller; car, s'ils etaient inciviques, ces soldats qu'on calomnie, ils seraient moins dangereux ici qu'aux frontières.

M. Gérardin. Je n'ai pas dit un mot de ce qu'avance M. Delacroix.

M. Delacroix. J'observe à M. Gérardin qu'il a dit ce que je répète.

Plusieurs membres : C'est faux!

M. Delacroix. Ce sont sans doute ces assertions qu'il a rangées dans la classe des absurdités, qu'il dit avoir le droit de dire ici. (Applaudissements des tribunes.)

Un membre: Ce sont les vôtres!

M. Delacroix. Je ne vois donc aucun inconvénient à envoyer ces troupes pou renforcer

nos armées. Il faut, au contraire, se hâter de rendre le décret qui les autorise à marcher à la défense de la patrie.

Je réponds maintenant à ce qui a été dit à l'occasion des dépôts. Ce n'est pas une raison de laisser ces dépôts à Paris, parce que leurs bagages y resteraient, comme l'a dit M. Gérardin; car les régiments partant en totalité d'ici pour se rendre dans une garnison quelconque, aux environs des frontières ou de l'armée dont ils devraient faire partie, alors les bagages resteraient dans cette garnison, et là se formerait le dépôt. D'un autre côté, ces dépôts des régiments qu'on laisse dans les garnisons, aux environs de l'armée, font un service très actif. Pour augmenter la force disponible, on laisse à ceux qui sont convalescents le soin de la garde des équipages. Mais aux recrues, on leur fait apprendre l'exercice; et lorsqu'ils le savent un peu, on leur fait monter la garde sur les remparts de la ville. Alors les soldats, qui gardaient ces remparts, sont tirés de la ville pour augmenter les régiments. Il est donc inutile de conserver ici ces cinq régiments. Je demande que la discussion soit fermée, et que l'on mette aux voix la proposition de M. Choudieu.

(L'Assemblée ferme la discussion.)

M. Le Tourneur. Si la mesure proposée est urgente, il n'est pas moins utile de savoir s'il restera à Paris une force publique suffisante. Je demanderais donc qu'on entendit sur cela la municipalité et les corps administratifs, dans la séance de demain.

Plusieurs membres La question préalable sur la motion de M. Le Tourneur !

M. Tarbé. Je demande la parole pour un fait.
Plusieurs membres: Non! non!

(L'Assemblée décrète que M. Tarbé ne sera pas entendu.)

M. Gérardin. Le règlement donne la parole à M. Tarbé pour un fait. Il faut l'entendre ou casser le règlement.

M. Tarbé. Monsieur le Président, mettez aux voix si je serai entendu.

M. Calvet. C'est un hommage qu'on rend aux spectateurs. On se défie de la justesse de leur tact. On sait que l'on défend ici la Constitution, on ne veut pas nous entendre.

Plusieurs membres : A l'ordre! à l'ordre! (Murmures.)

M. le Président. Monsieur Calvet, je vous rappelle à l'ordre.

M. Tarbé. Ai-je la parole, Monsieur le Président?

(L'Assemblée, consultée, décrète que M. Tarbé sera entendu.)

M. Tarbé. Messieurs, voici le fait. La troupe de ligne qui est dans Paris sert journellement à la réquisition de la municipalité et des corps administratifs, à assurer la tranquillité des marchés voisins, qui servent à assurer à la ville de Paris les objets nécessaires à la consommation journalière; je demande si l'Assemblée nationale, sans commettre une sorte d'indiscrétion, peut s'exposer à priver la ville de Paris du seul moyen qui puisse lui assurer des comestibles. Je demande que la proposition de M. Le Tourneur soit mise aux voix.

(L'Assemblée rejette la proposition de M. Le Tourneur.)

M. Choudieu. Voici ma rédaction :

«L'Assemblée nationale, considérant la nécessité de renforcer les armées et le désir qu'ont manifesté les troupes de ligne, actuellement en garnison à Paris, d'être employées à la défense de nos frontières, décrète qu'il y a urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que le pouvoir exécutif sera tenu de faire sortir, sous trois jours, les troupes de ligne qui sont en garnison à Paris ou dans les environs, et de les envoyer au delà de 30,000 toises de la résidence du Corps législatif, aux termes de la Constitution; décrète, en outre, que le pouvoir exécutif sera tenu pareillement, sous trois jours, de rendre compte à l'Assemblée nationale des autres mesures qu'il aura prises pour renforcer les armées qui sont aux frontières. »

M. Delacroix. Je demande la parole contre l'urgence; c'est un acte du Corps législatif non sujet à la sanction.

M. Brunck. Il faut excepter le régiment des gardes suisses, parce qu'aux termes de la capitulation avec les Suisses, ils ne peuvent point porter les armes contre la maison d'Autriche.

M. Beugnot. Je demande qu'à la place du considérant on mette que les événements qui se passe depuis quinze jours dans la capitale justifient qu'il est inutile d'y avoir une force publique. (Murmures.)

M. Reboul. On serait parfaitement d'accord sur le considérant sans les moyens odieux que quelques membres de l'Assemblée semblent prendre pour faire réussir un système qu'ils ont arrêté d'empêcher que nos armées ne soient renforcées. (Bruit.)

(L'Assemblée adopte la rédaction proposée par M. Choudieu.)

M. Calvet. A présent, je demande que M. Dalmas fasse son rapport sur la gendarmerie.

M. Blanchard. J'observe que le terme de trois jours, donné à ces troupes pour préparer les étapes et les subsistances, est trop court. Je demande qu'il soit porté à huit.

Plusieurs membres : L'ordre du jour !

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. Blanchard.)

M. Gaudin. J'observe que les gardes suisses ont trois drapeaux, dont l'un est blanc. Je demande que ces drapeaux soient tricolores afin qu'on ne voie nulle part des drapeaux blancs dans l'armée.

M. Brunck. J'observe à l'Assemblée qu'elle ne peut rien statuer. Les régiments suisses peuvent mettre à leurs drapeaux les cravates tricolores; mais les drapeaux sont une affaire de capitulation. Il faut que l'Assemblée ait connaissance de la capitulation des Suisses avec nous.

M. Chéron-La-Bruyère. Je demande qu'on renvoie au comité diplomatique pour examiner la capitulation entre eux et nous. (Murmures.)

M. Brunck. Ces messieurs veulent faire rompre l'alliance des Suisses avec nous, et nous attirer un ennemi de plus.

M. Delacroix. Je demande l'ordre du jour. Il y a une loi qui porte que toutes les troupes au service de France auront des drapeaux aux trois couleurs, comme toutes les autres troupes. Il ne peut y avoir d'exception à cet égard. Je de

mande que le ministre de la guerre nous rende compte de l'exécution de cette loi.

(L'Assemblée décrète le proposition de M. Delacroix.)

M. Gensonné. Puisqu'on a parlé des capitulations de la France avec les Suisses, je dirai qu'il y a plus d'un mois et demi que j'ai pressé, au comité diplomatique, M. Ramond chargé de faire ce rapport, de le présenter à l'Assemblée, et je crois qu'il est très intéressant de finir cette affaire. Je me proposais aussi de demander à l'Assemblée, lorsqu'il en serait question, d'examiner la suppression de la place de colonel général des Suisses et Grisons.

Messieurs, il est très intéressant de s'occuper de cet objet. Les Suisses sont encore sous la direction de M. d'Artois, quoique M. d'Artois soit à Coblentz, et soit poursuivi comme criminel de lèse-nation. Il est encore de fait que M. Degosse, aide de camp de M. d'Artois, capitaine commandant la compagnie, colonel, est encore paye de ses appointements. Je demande que l'Assemblée nationale veuille bien enjoindre au comité diplomatique de faire sous trois jours son rapport, soit sur les capitulations, soit sur la suppression de colonel général.

(L'Assemblée décrète la proposition de M. Gensonné.)

Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :

1° Mme Reveillère-Rousseau, de Cholet, département de Mayenne-et-Loire, offre deux assignats de 100 sous chacun ;

2o M. Reveillère-Rousseau, un assignat de 50 livres;

3° MM. les maire, officiers municipaux, notables adjoints, le procureur de la commune et le secrétaire greffier de la ville de Roanne, donnent 319 1. 15 s.;

4° MM. Pichon, Mure, Valandre et Gardet, 10 livres;

5° MM. de la ci-devant congrégation de SaintJoseph, tenant le collège en la même ville, 100 livres ;

6° MM. les écoliers pensionnaires dudit collège, 60 livres ;

7° MM. les écoliers externes, 20 1. 5 s.;

8° M. Vignon, curé de Roanne, offre 100 livres à prendre sur son traitement échu ou à échoir; 9° M. Dusauzay, ci-devant maire de Cluny, aveugle et plus que septuagénaire, offre 100 livres sur l'arriéré de son traitement;

10° M. Jean-Eustache Delaville, curé de Courmenil, canton de Gacé, district de Laigle, département de l'Orne, a fait déposer, en assignats, une une première fois 150 livres, et plus tard 365 livres;

Cette somme est destinée à l'équipement et entretien, pendant un an, du nommé Gilles Brun, citoyen actif de Courmenil, qui s'est engagé à voler aux frontières, pour remplacer le sieur Delaville, que les fonctions de son ministère retiennent à Courmenil;

11° Les citoyens de Jancy, district de Charolles, département de Saône-et-Loire, déposent un assignat de 200 livres;

12° Charles-Claude Thouvenel, ancien procureur des Bernardins, ajoute à un premier don patriotique, qu'il a fait, un assignat de 300 livres;

13° M. François Thouvenel, ci-devant chanoine de la cathédrale de Nancy, ajoute aussi à un premier don un assignat de 50 livres ;

14° M. Grolhieu, greffier au tribunal de Nontron, donne un assignat de 50 livres;

15° M. François Leblanc, bon patriote à Brainville, par Ponthierry, rue de Fontainebleau, donne un assignat de 5 livres;

16o Des mercenaires, carriers à plâtres offrent en assignats une somme de 439 livres;

17° M. Counes, ci-devant cordelier à Carcassonne, fait remise à la nation de la somme de 54 livres qui lui sont allouées, pour moitié de celle de 108 livres qui lui sont dues conformément à l'arrêté du directoire du district de Carcassonne, en date du 16 septembre 1791;

18° Les officiers municipaux de Limoux envoient le bordereau d'une somme de 265 livres en assignats et de 2 1. 17 s. en argent, qu'ils ont versés dans la caisse du sieur Guiraud, receveur du district, et plusieurs bijoux d'or et d'argent, estimés 76 1. 16 s.

M. Saladin. Plusieurs citoyens de la garde nationale d'Amiens m'ont chargé de déposer sur le bureau de l'Assemblée les offres suivantes, savoir: la 4o compagnie du 1er bataillon, 125 livres; la 3o compagnie du 1er bataillon, 60 livres; la 2 compagnie du 1er bataillon, 63 1. 14 s.; la 5o compagnie 181 1. 11 s.; en tout 430 1.5 s.

(L'Assemblée (accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis à ceux des donateurs qui se sont fait connaître.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :

1° Lettre de M. Amelot, commissaire du roi à la caisse de l'extraordinaire, pour annoncer à l'Assemblée qu'il a été brûlé, le 13 juillet, 6 millions d'assignats provenant de la recette des domaines nationaux, ce qui élève à 575 millions la totalité des assignats brûlés jusqu'à ce jour. Il fait savoir, en outre, que la somme des assignats actuellement en círculation est de 1,737,198,045 1. 15 s. 1 d.

2° Lettre de M. Dejoly, ministre de la justice, qui envoie les pièces relatives à l'instruction commencée contre le sieur Saint-Huruge, détenu à Péronne (1).

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de législation).

3° Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, qui demande l'autorisation du Corps législatif pour le passage des troupes dont il envoie l'état et qui, en se rendant aux frontières, ont leur route en deçà des 30,000 toises du lieu des séances de l'Assemblée.

(L'Assemblée donne cette autorisation.)

4° Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, qui transmet une lettre du directoire du département de la Seine-Inférieure, qui demande des secours provisoires pour les hôpitaux.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité des secours publics.)

5° Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, qui fait part à l'Assemblée des dispositions qu'il

(1) Voy. ci-dessus, séance du 11 juillet 1792 au matin, page 341, la lettre du ministre de la justice.

a prises pour réprimer les révoltés du département de l'Ardèche.

(L'Assemblée renvoie la lettre à la commission extraordinaire des Douze.)

6° Lettre du procureur général syndic de la Lozère, pour consulter l'Assemblée sur plusieurs difficultés d'exécution de la loi relative au séquestre des biens des émigrés.

(L'Assemblée charge son comité de législation de leur examen et du soin de présenter le lendemain un projet de décret à ce sujet.)

7° Lettre du commissaire de la commune de Paris, pour les gardes-françaises, qui demande en leur nom que l'inscription pour la formation de nouvelles divisions de gendarmerie nationale soit bientôt ouverte.

(L'Assemblée renvoie la demande au comité militaire).

M. Delaporte donne lecture d'une lettre d'un juge de paix du district de Belfort, qui annonce que dans son district, il a été distribué des lettres venant de Paris, sous le contreseing et le cachet de l'Assemble nationale, lesquelles contenaient des libelles infâmes contre la constitution civile du clergé, et un bref du pape en date du 19 mars, Il annonce qu'il n'a pu découvrir la source de ces écrits, mais il envoie une de ces enveloppes sur laquelle est le cachet du comité de commerce.

(L'Assemblée renvoie la lettre et le cachet au comité de surveillance.)

M. Lejosne. On envoie continuellement des libelles contre la Constitution, principalement dans les départements frontières, sous le contreseing de l'Assemblée nationale. Je demande que les députés soient obligés de contresigner leur lettres individuellement.

M. Broussonnet. Je demande aussi que tous les membres soient tenus d'écrire les inscriptions de leurs mains.

M. Mayerne. Je demande l'abolition du contreseing pour toutes les lettres de dépôt.

(L'Assemblée renvoie toutes ces propositions au comité de l'extraordinaire des finances, avec mission d'en faire son rapport le lendemain à la séance du soir.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, qui communique à l'Assemblée les observations de M. Lamorlière, relatives à la sûreté des frontières du Rhin; cette lettre est ainsi conçue :

« Monsieur le Président,

« Je viens de prendre les ordres du roi au sujet des propositions que m'adresse M. Lamorlière, commandant l'armée du Rhin. Sa majesté désiré que les généraux d'armée soicnt promptement autorisés par la loi à effectuer toutes les mesures indiquées par M. Lamorlière. Je supplie l'Assemblée nationale de s'occuper de cet objet avec toute la célérité qu'exigent les circonstances actuelles. Je crois ne pouvoir mieux satisfaire aux intentions du roi, qu'en vous adressant une copie de la lettre de M. Lamortière: elle contient les détails et les motifs des dispositions néces-saires à la défense de nos frontières.

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Extrait de la lettre de M. Lamorlière.

« Je vous a imandé, dans ma dernière dépêche, que je voulais déclarer les bords du Rhin en état de guerre à deux lieues de distance; mais des réflexions ultérieures m'ont fait craindre d'outrepasser mes pouvoirs, et de donner lieu aux cris de la malveillance qui s'exerce, soit contre les généraux, soit contre les administrateurs. Il faut qu'un général puisse ordonner aux habitants de rentrer leurs denrées, il faut qu'il puisse leur faire prendre les armes, leur prescrire un service habituel, commander des services de voitures, ordonner aux habitants d'approvisionner ses armées de munitions de guerre et de bouche. Il est une multitude d'autres mesures nécessaires à la sûreté des places, et qu'il faut autoriser les généraux de prendre. Déjà j'ai été dans le cas de faire faire de ces services extraordinaires; déjà l'on a vu des rassemblements de 6,000 hommes, se plaçant dans des postes, dans des camps retranchés que j'avais fait tracer, recevant des officiers que je leur avais envoyes pour leur instruction; mais ce zèle, digne de toutes sortes d'eloges, est bien loin d'être partagé par tous les habitants de ces contrées, et il est des mesures que nous n'oserions tenter qu'avec l'appui de la foi. Ces mesures cependant sont indispensables, soit pour la défense du fleuve, soit pour garder le passage des montagnes, et même les camps retranchés, que la faiblesse de nos armées nous forcerait d'abandonner. »

M. Delaporte. Je demande le renvoi de cette pièce au comité militaire, pour en faire son rapport demain, et j'ajoute que 75 communes riveraines du Rhin, dans le Haut-Rhin, se sont réunies. Il en est résulté une armée de 7 000 hommes, qui n'ont en tout que 1,000 fusils. Je demande qu'en faisant mention honorable du zèle des habitants du Haut-Rhin, à se montrer dans cette occasion civique, on vienne à leur secours, et que l'Assemblée ordonne au pouvoir exécutif de donner à ces braves gens, les armes qui leur sont nécessaires. (Vifs applaudissements.)

Plusieurs membres: Appuyé! appuyé!

(L'Assemblée renvoie les deux lettres et la proposition de M. Delaporte au comité militaire, avec mission d'en faire son rapport à la séance du lendemain.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture de la lettre suivante du commandant général de la garde nationale parisienne, qui écrit à l'Assemblée que le sermeni du 14 Juillet a été prêté sur l'autel de la patrie avant que la sixième légion ait pu arriver au champ de la fédération; il exprime les regrets des citoyens composant cette légion. Cette lettre est ainsi conçue:

« Monsieur le Président,

«Le concours immense des citoyens pour la cérémonie d'hier, ayant interrompu fréquemment la marche du cortège, et l'Assemblée fatiguée d'attendre, ayant pris place dans la quatrième légion, tandis qu'elle devait être dans la sixième, il en est résulté que le serment a été prêté avant que la sixième légion fût entrée dans le champ de la federation, ce qui cause des regrets aux citoyens et aux fédérés de cette légion qui n'ont point participé à la prestation du serment. Je prie instamment M. le Président,

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« L'Assemblée nationale, convaincue que la distance du lieu qui la sépara hier de la sixième légion des gardes nationaux de Paris, qui étaient en route pour parvenir au Champ de Mars, n'a pas empêché les généreux citoyens, composant cette légion, de participer au serment qui y fut prêté par l'Assemblée nationale, le roi, les autres pouvoirs constitués et la garde nationale, puisque ce serment était dans leur cœur; déclare qu'elle applaudit à leurs sentiments, et qu'extrait dụ procès-verbal sera envoyé à cette légion par M. le Président de l'Assemblée nationale. »

(L'Assemblée adopte cette rédaction.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture de la lettre suivante de M. Lajard, ministre de la guerre.

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M. le Président. Plusieurs pétitionnaires sollicitent leur admission à la barre. Plusieurs membres: A demain! D'autres membres : A ce soir!

(L'Assemblée décrète que la suite des discussions ne permettant pas d'admettre à la barre le grand nombre de pétitionnaires qui s'y présentent, elle indique pour le soir une séance extraordinaire, uniquement destinée à entendre les pétitions.)

M. le Président. La parole est à M. le rapporteur de la commission extraordinaire des Douze pour le rapport relatif à l'exercice du droit de pétition par les généraux d'armée.

M. Lemontey, au nom de la commission ertraordinaire des Douze, fait un rapport (1) et présente un projet de décret (1) concernant les pétitions des militaires (2), il s'exprime ainsi :

(1) Bibliothèque nationale Assemblée législative. Pétitions, tome 1, no 58.

(2) Voy. Archives parlementaires, 1a série, t. XLV, séance du 28 juin 1792, page 653, la pétition du maréchal La Fayette.

Messieurs, le titre Ior de l'Acte constitutionne met au nombre des droits naturels et civils garantis par la Constitution, la liberté d'adresser aux autorités constituées des pétitions signées individuellement, cette manifestation de ses vœux ou de ses craintes, cette faculté de demander ou de se plaindre, tient aux premiers éléments d'un gouvernement libre, au perfectionnement de la raison, au sentiment que l'homme ne doit jamais perdre de sa dignité, s'il veut conserver quelque vertu: enfin, aux rapports nécessaires qui doivent unir la partie du peuple qui est administrée à celle qui administre. En ce sens, il est vrai de dire que la liberté des pétitions n'est autre chose, et ne connaît d'autres bornes que la liberté de la presse.

Cependant, une grande question s'est élevée. Il s'agit de savoir si les généraux, si les chefs de la force armée peuvent adresser aux autorités constituées, des pétitions sur des objets étrangers à leurs intérêts privés ou aux fonctions de leur commandement. Votre commission extraordinaire a examiné attentivement si une telle exception pouvait se concilier avec les dispositions de l'Acte constitutionnel, avec la nature du droit de pétition, avec l'intérêt de la liberté et de la sûreté générale.

Elle a d'abord considéré que toute espèce de gouvernement étant une composition plus ou moins favorable avec la liberté, les bornes mises à l'exercice de celle-ci étaient de l'essence de toute société. Aussi le titre 1er de l'Acte constitutionnel que j'ai cité, après avoir garanti les droits naturels et civils, ajoute: «Mais comme la liberté ne consiste qu'à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas ni aux droits d'autrui, ni à la sûreté publique, la loi peut établir des peines contre les actes qui, attaquant ou la sûreté publique, ou les droits d'autrui, seraient nuisibles à la société. »

D'un autre côté, l'existence d'un corps armé étant plutôt un accident de la société qu'une de ses institutions primitives; et ceux qui le composent ayant dans leurs mains la puissance physique de certains actes, qui ne réside pas dans celles des autres citoyens, c'eût été tout à la fois blesser l'égalité, et compromettre sans fruit la liberté, que de les confondre tous dans le même régime des lois, dans le même exercice de facultés c'est pourquoi l'Acte constitutionnel déclare que l'armée est soumise à des lois particulières, tant pour le maintien de la discipline que pour les jugements des delits militaires; et je crois que dans l'idiome des peuples libres, la discipline ne doit pas seulement comprendre la régularité des mouvements et la subordination intérieure, mais tous les rapports qui se trouvent entre la force armée et le corps social qui la solde pour en être protégé, et non pas opprimé.

Enfin, la prohibition du droit de pétition aux généraux d'armée, ne porte aucune atteinte à l'intégrité de leurs droits civiques: c'est une condition mise à la faculté extraordinaire qui leur est conférée, de commander la force armée; condition qu'ils acceptent volontairement, et dont, au reste, ils sont maîtres de s'affranchir à leur gré, en renonçant à des fonctions qu'ils ne tiennent pas de leur qualité de citoyen, mais d'un choix particulier, mais d'une préférence qui pouvait se reposer sur tout autre. Il est donc evident que, sous tous les points de vue, l'interdiction des pétitions aux chefs de l'armée n'éprouve la résistance d'aucun principe constitutionnel.

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