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emploie ici pour animer le peuple, et pour influencer vos suffrages? Messieurs, c'est pour la liberté surtout qu'il faut se tenir en garde contre ces agitations populaires, qu'on n'excite que pour tromper le peuple, et l'enchaîner plus sûrement.

Sans doute, le première loi est d'être juste; mais il faut aussi donner le temps à la justice, et certes ce n'est que lorsqu'on la craint qu'on cherche à la précipiter.

J'examinerai froidement, et sans aucun autre sentiment que celui de cette inflexible justice, les questions soumises à votre examen.

Un attentat a été commis le 20 juin. La demeure d'un citoyen a été forcée, ce citoyen a été insulté, sa vie même a été menacée; il y a donc des coupables et ils doivent être punis. Les magistrats du peuple, instruits qu'on se portait chez ce citoyen, n'ont pas empêché cet attentat. Ils ont donc négligé leur devoir, ou la force dont ils disposent a été impuissante dans leurs mains. Ils doivent prouver qu'ils n'ont pas négligé leurs devoirs, et que la force publique a été impuissante; mais jusqu'à ce qu'ils en aient fourni la preuve, l'Administration supérieure a le droit de les suspendre; car le sort d'une cité entière ne doit pas reposer sur des magistrats prévenus d'une coupable négligence.

Mais si cet attentat avait été prévu par l'Administration supérieure; si, malgré ses arrêtés, les magistrats d'une cité avaient donné des ordres contraires, ils seraient encore prévenus d'insubordination et de désobéissance à la loi; et certes alors leur suspension serait un devoir pour l'Administration supérieure.

Mais lorsque ce citoyen est le représentant héréditaire de la nation, lorsque la Constitution a prononcé que sa personne serait inviolable et sacrée, lorsque les insultes faites à ce citoyen réfléchissent sur la nation entière, lorsque dans le désordre qu'on a souffert, la représentation élective et la représentation héréditaire, out été outragées par le langage le plus séditieux; lorsqu'au milieu de ce tumulte effroyable, des hommes inconnus, des scélérats stipendies pouvaient porter leurs mains sacrilèges, et sur le roi, et sur vous-mêmes, pensez-vous, et quel de nous peut dire que les magistrats du peuple ont rempli leurs devoirs?

Messieurs, vous devez à la France, vous devez au monde entier un grand exemple de justice. Pouvez-vous, sans avoir examiné les informations nombreuses qui peuvent conduire à découvrir les ressorts cachés des événements du 20 juin, prononcer que les magistrats de cette cité ne sont pas coupables? Pourquoi tant de précipitation dans un jugement qui demande un examen si sévère? La Constitution est-elle anéantie? La liberté est-elle perdue, par ce qu'un maire et un procureur de la commune sont suspendus?

Certes, Messieurs, j'ai en horreur de soupçonner le crime; mais lorsque des magistrats vertueux sont accusés, c'est leur faire injure que de vouloir précipiter le jugement que vous devez porter, que de l'enlever ici par l'influence et les cris de quelques citoyens que leur patriotisme égare.

C'est au nom même de ces magistrats, si je les connaissais davantage, si j'avais la conviction intime de la pureté de leur conduite que je vous demanderais une information sévère, parce qu'il importe au salut de l'Etat que les causes de cet événement soient enfin dévoilées.

Messieurs, pesez dans votre balance équitable le cri d'indignation qu'ont poussé tous les vrais amis de la patrie et de la liberté, en apprenant les attentats commis dans la journée du 20 juin.

Rapprochez de ces attentats tout ce qui a été fait pour renverser le pouvoir exécutif. Ces adresses séditieuses et parjures; ces placards qui provoquent l'assassinat et la révolte; ces calomnies répandues avec une perfidie atroce contre les autorités constituées, et surtout contre les autorités supérieures, contre les départements, contre les généraux, contre les ministres (1), contre le représentant héréditaire, et peut-être vous trouverez les fils du complot qui menace la patrie et la liberté.

Ce peuple qu'on égare frémira d'être le jouet d'une faction criminelle, et il reconnaîtra ses vrais amis parmi ceux qui défendent la Constitution et les pouvoirs constitués.

On en impose à ce peuple lorsqu'on vient demander, en parlant de la journée du 20, s'il fallait armer les citoyens contre les citoyens, s'il fallait faire couler le sang et déployer l'étendard de la mort.

Si quelque chose pouvait me prévenir lorsque je dois juger, ce seraient de pareils moyens indignement perfides.

Ce n'est pas lorsque les portes des Tuileries ont été forcées que les magistrats du peuple devaient employer la force; c'est pour éviter le rassemblement. C'est dans la nuit même que les mesures devaient être prises pour l'empêcher, c'est au château, c'est autour de cette enceinte qu'une force imposante devait être réunie; et, sans effusion de sang, avec le langage ferme de la raison et de la loi, tout aurait eté dissipé, et cette journée ne souillerait pas nos annales.

Et lorsque les Tuileries ont été forcées, c'est autour du roi que la municipalité entière devait être. Elle devait faire ce qu'ont fait vos députés, un rempart autour du représentant héréditaire de la nation. Au lieu de ces dispositions, que traçaient aux officiers municipaux leurs devoirs et leurs serments, je vois la révolte organisée par un arrêté inconstitutionnel, je vois une partie des habitants d'une cité, et sous les yeux même de leurs magistrats, forçant, des canons à leur tête, la demeure du representant héréditaire. Est-ce avec l'appareil d'un siège? est-ce avec les violences d'une troupe effrénée qu'on doit présenter une pétition? Est-ce là un beau spectacle (2).

Le département voulait que le sang coulât. Où donc est la preuve de cette atroce imputation? Est-ce ainsi qu'on calomnie la loi! Quoi! vouloir qu'on maintienne son autorité sacrée, c'est vouloir faire couler le sang? Est-ce là le langage d'un magistrat? Est-ce ainsi qu'il est fidèle à la Constitution qu'il a jurée ?

Lorsqu'elle a été violée cette loi, sans doute il ne fallait plus que des mesures de prudence; mais alors on voit la municipalité éparse, et son autorité n'existant nulle part, la fermeté courageuse avec laquelle Louis XVI s'est avancé au devant de cette troupe animée, prouve assez

(1) On m'écrit de Bordeaux qu'on y vend publiquement une fausse le tre du roi au marechal de Luckner pour le rappeler et le forcer à abandonner les Pays-Bas. C'est ainsi qu'on trompe le peuple.

(2) Cette expression est celle que M. Pétion a employee lui-même, page 8, de sa conduite à l'occasion des événements du 20.

que ce n'était pas le sang des Français qu'il était avide de voir couler. Et pour moi, qui ai vu Je roi dans cette grande circonstance, j'ose bien attester qu'il a plus craint de voir la moindre violence exercée contre ceux qui violaient son asile, que les outrages qu'il recevait.

Je ne vous parlerai pas de la pétition que le maire de Paris est venu faire entendre à cette barre; il faut pardonner ce discours au délire de l'orgueil humilié.

C'est donc au nom de la justice, de la loi, de l'honneur du nom français, de la majesté nationale outragée, des magistrats suspendus, s'ils sont innocents, que je demande que leur suspension soit confirmée, et que l'instruction sur les attentats commis le 20 soit continuée devant les tribunaux.

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La suspension du maire de Paris qui nous occupe dans ce moment-ci, n'est point, à mon avis, susceptible d'une grande discussion; de longs détails seraient inutiles, puisqu'il ne s'agit que de faits, et de faits généralement connus. Je ne veux, dans cette affaire, d'autre juge que M. Pétion lui-même; et pour lui épargner à lui et à ses amis beaucoup de travail, je les prierai tout simplement de se reporter au compte qu'il nous a rendu à la barre le soir même de cette fameuse journée du 20 juin et de dire ce que le logographe a écrit sous la dictée, quoiqu'il s'y trouve des omissions importantes. Je crois que cela suffira à ceux qui veulent être promptement instruits, et qui veulent l'être de bonne foi. Cependant, s'il s'en trouvait quelques-uns qui ne se crussent pas suffisamment éclairés par cet écrit, je les prierais (ceux-là) de lire le compte qu'il a fait imprimer, distribuer avec profusion et afficher à tous les coins de rue de Paris; je les prierais encore de jeter un coup d'œil attentif sur un imprimé qu'il nous a également fait distribuer, et qui a pour titre : « Les règles générales de ma conduite », conduite dont il ne dit pasun mot; ils y verraient partout la violation de la loi de la manière la plus outrageante; ils y verraient le maire de París constamment placé entre le peuple et la loi qu'il n'ose pas plus invoquer

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dans ses écrits que dans ses fonctions, comme homme public ils y verraient M. Pétion flagornant sans cesse et alternativement le maire de Paris et le peuple; ils y verraient enfin cette insidieuse et barbare distinction du peuple avec le bourgeois, comme s'il y avait deux sortes de peuples, comme si ce magistrat au lieu de diviser le peuple et d'armer le citoyen contre le citoyen, n'aurait pas du plutôt sanctionner par ses actions comme par son langage cette unité du peuple, unité qui à pour base les lois immuables et éternelles de la

nature.

Vous avez entendu hier, Messieurs, l'arrêté du département qui prononce la suspension du maire et du procureur de la commune de Paris; vous avez entendu la proclamation du roi qui confirme cette suspension et qui sont l'un et l'autre sans réplique; aussi M. Pétion n'y a-t-il répondu que par des injures, mais des injures qui ne sont pas des raisous. Vous vous rappelez également, Messieurs, le discours emphatique qu'il vous a prononcé hier à la barre, discours qui récèle toujours les mêmes principes et les mêmes conséquences; discours qui respire, la morgue, la haine, l'ambition, et dont le style impérieux semble déceler un tribun qui vient déjà vous donner des ordres et non justifier sa conduite parce que, dit-il, elle est intacte; discours dans lequel il se prodigue à l'ordinaire, et sans pudeur, des éloges, sans y présenter une seule objection raisonnable, discours enfin qui est un appel au peuple de Paris contre le peuple du royauine, contre tous les départements qui ont été assez courageux pour dire la vérité, pour manifester la juste indignation que leur a causé l'attentat commis envers le représentant héréditaire du peuple français; et pour appeler le glaive de la justice sur la tête de tous ceux, qui, le 20 juin, se sont permis de violer la loi. M. Pétion, qui sent la faiblesse de ses moyens, a cru devoir dévertir l'attention de l'Assemblée nationale par des excursions injustes et malhonnêtes contre tous les départements, et en particulier contre le département de Paris, qu'il nous avait déjà dénoncé à la barre, parce que celui-ci veut contenir le maire dans le cercle hiérarchique circonscrit par la loi. Je répéterai donc ici ce que je viens de dire à l'instant, que je ne veux d'autre juge dans cette affaire que M. Pétion, et M. Pétion m'a confirmé jusqu'à ce jour dans mon opinion que M. le maire de Paris est coupable.

Si vous vous permettiez, Messieurs, ce que je ne présume pas, de déclarer que le maire de París s'est bien conduit dans la journée du 20juin, ce serait déclarer l'opprobre de l'Assemblée nationale et le déshonneur de l'Empire français; ce serait déclarer à l'Europe entière que vous avez consenti, que vous applaudissez même encore aujourd'hui à la violation sacrilège de l'asile du roi ce serait déclarer à l'univers entier qu'il n'y a plus de lois en France, que des législateurs y sont inutiles pour en faire de nouvelles puisqu'on se permet impunément de violer celles qui sont faites; ce serait déclarer enfin que vous avez eu le plus grand tort de solenniser l'action héroïque du maire d'Etampes, qui a préféré la mort, plutôt que de souffrir la violation de la loi. Voilà, Messieurs, le véritable magistrat du peuple; voilà le maire qui était à la hauteur de ses augustes fonctions; voilà le fonctionnaire public qui a mérité réellement, et à juste titre les épithètes glorieuses, de vertueux et d'incorruptible magistrat du peuple; l'histoire consacrera le nom de Simoneau à l'immortalité, et ce

nom, si cher à tous les hommes de bien, sera toujours prononcé avec respect, avec admiration, avec attendrissement.

Que les partisans du maire de Paris, que M. Pétion lui-même, ne viennent plus nous répéter jusqu'à satiété, que sans lui le sang eut coulé à flots dans les rues. Cette objection meurtrière est si dénuée de fondement qu'elle ne mérite pas une réfutation sérieuse comme si 20 à 30,000 hommes au plus pouvaient se rassembler en armes et en marche réglée en un quart d'heure. Il n'en est pas un de vous, Messieurs, qui ne sente combien il était facile au maire de prévenir ces rassemblements ;'et la chose lui était d'autant plus facile, qu'il était très parfaitement instruit du nombre, du lieu, du jour et de la nature de ces rassemblements. Et comment avait-il donc fait, Messieurs, pour dissiper avec tant de facilité ces attroupements qui avaient été annoncés avec tant d'appareil, pour spolier les magasins de sucre?

Sans vouloir arrêter votre attention sur la différence des motifs, j'observerai simplement que le maire de Paris est coupable, non seulement d'avoir transgressé la loi, d'avoir refusé d'obéir à l'injonction qui lui en a été faite, d'av oir légalisé ce rassemblement, ainsi qu'il en convient luimême; mais, Messieurs, pas une seule disposition, pour s'opposer à ces rassemblements d'hommes hérissés d'armesde toute espèce, et parmi lesquels il y en avait de déguisés; de n'avoir paru que tard au château des Tuileries, pour réprimer des excès qu'il eut été en son pouvoir de prévenir le matin même; enfin de nous en avoir indignement imposé à la barre où il est venu nous dire que tout s'était passé dans l'ordre, dans la décence, dans le calme; enfin que tout y avait été respecté. Respecté! Lorsqu'une foule effrénée, brise les portes, les serrures et les croisées. Respecté! Lorsqu'on traîne des canons dans des appartements, et que l'on casse, l'on renverse tout ce qui peut s'opposer à leur passage. Respecté! Lorsque l'on a fait descendre du haut d'une pique, sur la tête du roi,lle bonnet de la licence, le signal de la révolte. Respecté! Lorsque l'on présente au roi une bouteille de vin pour boire! Respecté, enfin lorsque les voùtes du palais du représentant héréditaire du peuple français retentissent de hurlements, de cris et d'injures les plus outrageantes. Puis M. Pétion vient nous dire que tout s'est passé dans l'ordre, et il nous ajoute que tous ces honnêtes citoyens avaient obéi à sa voix, qu'ils avaient tous défilé paisiblement sitôt qu'il les a eu harangués. Et pourquoi n'avoir point, le matin, fait usage de ce moyen qui, a coup sûr, eut été suivi du même succès, et qui aurait empêché le désordre de la journée parce qu'il est beaucoup plus aisé de prévenir ces sortes d'attroupements, que de les arrêter dans leur marche tumultueuse? Comment peut-on ensuite parler de bonne foi de la loi martiale, de drapeau rouge, même de guerre civile, lorsqu'on convient soi-même que, par le seul langage de la raison, on est venu à bout de terminer cette scène scandaleuse? Et comment M. Pétion a-t-il eu assez peu de délicatesse pour interpeller le département pour lui demander ce qu'il aurait fait à sa place, forsque tous les appartements, les cours, les jardins regorgeaient d'une quantité innombrable de citoyens? Ce n'est pas lorsque le torrent se porte avec impétuosité, qu'on peut tenter de l'arrêter, le tout était de le prévenir; mais l'interpellation n'est pas même captieuse; elle a soulevé d'indignation tous les bons esprits, tous

ceux qui ne croient pas à la vertu sur de simples discours, mais qui ne la juge que par la pureté des actions, et surtout par l'obéissance à la loi.

Messieurs, le jour est arrivé où l'Assemblée nationale va se montrer, grande, majestueuse, digne de représenter un grand peuple; oui, Messieurs, votre détermination va décider de l'honneur et du salut de l'Empire. Si vous laissez échapper un principe, si vous fléchissez devant la loi, tout est perdu; il ne nous restera plus qu'à nous ensevelir sous les ruines de la patrie, couverts de honte et d'opprobre; si, au contraire, vous vous élevez à la hauteur de vos fonctions, tout est sauvé; il faut un grand exemple de justice, et cet exemple sera respecté par ceuxmêmes qui semblent le plus s'en irriter aujourd'hui. Si vous avez le malheur, pour ne point dire la faiblesse de fléchir pour un maire de Paris; que pourra-t-on attendre ? Que pourrait-on espérer du résultat de votre serment, vivre libre ou mourir, si les phalanges autrichiennes ou prussiennes étaient à vos portes et venaient vous dicter des lois? Pour moi, nulle crainte ne m'arrêtera jamais, la mort, mille fois la mort, plutôt que de trahir ma conscience.

D'après toutes ces considérations, je demande donc que l'Assemblée nationale décrète que l'arrêté du département est fondé sur les vrais principes de l'honneur, de la justice et de la loi; principes sur lesquels la proclamation du roi est appuyée, et qu'en conséquence, elle en ordonne l'exécution.

PS. Vous n'avez point voulu, mes chers collègues, l'apport des pièces dont la connaissance seule pouvait déterminer notre jugement pour ou contre le maire de Paris; vous n'avez pas voulu entendre ceux de nos collègues qui se sont présentés pour suppléer à ce défaut de connaissance. J'étais à la tribune lorsqu'il vous a plu de fermer une discussion qui n'était pas à peine ouverte, ne voulant pas permettre la lecture de pièces péremptoires, il aurait fallu au moins entendre tous les orateurs. Mais si vous ne voulez point me lire, d'autres me liront peut-être; n'importe, quel que soit le sort de mon opinion j'aurai satisfait au plus sain de mes devoirs ; j'aurai fait l'acquit de ma conscience.

Ce n'est point par haine, comme on a eu la générosité de le supposer, que je voulais parler contre M. le maire; je ne suis ni son ennemi, ni son esclave; je ne le suis d'aucune faction; je suis l'esclave de la loi seule, loi que je ne cesserai d'invoquer pour le respect dû aux propriétés comme aux personnes, et pour la chaumière du plus indigent de nos frères, comme pour le palais du premier fonctionnaire public.

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du dimanche 15 juillet 1792, au matin.

PRÉSIDENCE DE M. AUBERT-DUBAYET.

La séance est ouverte à dix heures.

Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 12 juillet 1792, au matin.

(L'Assemblée en adopte la rédaction.)

M. Choudieu. Messieurs, il est temps d'arrêter l'audace des généraux. Je demande que la commission extraordinaire des Douze fasse au

jourd'hui son rapport relatif au général La Fayette. (Applaudissements dans les tribunes.)

Plusieurs membres : La lecture de ce rapport est décrétée pour la séance de demain !

M. Thuriot. Je demande qu'on fasse, en attendant, le rapport qui a pour objet d'empêcher les généraux de quitter leur poste pour venir faire des pétitions à la barre. (Nouveaux applaudissements dans les tribunes.)

M. Hua. Je ne conçois pas comment des membres de l'Assemblée peuvent se permettre de caractériser la conduite de M. La Fayette avant que l'Assemblée l'ait jugée. (Murmures à gauche.) Je parle ici des membres qui ont qualifié d'audace la démarche de ce général et je crois devoir leur observer que des législateurs, qui doivent remplir les fonctions de juges, ne peuvent pas se permettre de manifester de semblables préventions. L'affaire dont on demande le rapport est à l'ordre du jour pour demain. Pourquoi ne pas attendre cette heure?

Quant à la proposition de M. Thuriot, j'observe que ce ne sera qu'en jugeant la conduite de M. La Fayette et en l'improuvant, si vous le trouvez juste, que vous pourrez vous occuper de faire une loi pour restreindre ou ôter aux généraux le droit de pétition.

Je demande le renvoi à demain.

M. Lautour-Duchâtel. J'appuie la motion de M. Thuriot et je demande qu'on aille aux voix sur-le-champ.

M. Mayerne. L'Assemblée n'est pas en nombre suffisant pour délibérer.

M. le Président. Je vais consulter l'Assemblée. Plusieurs membres : Nous ne sommes pas deux cents; la Constitution s'oppose à ce qu'il soit pris de délibération dans ces conditions.

M. Choudieu. Il faut, Monsieur le Président, que vous déclariez si nous sommes en Assemblée nationale ou en club. Si nous sommes en Assemblée nationale nous pouvons délibérer; si nous sommes en club, vous devez descendre du fauteuil.

M. Dorizy. Il n'y a pas de doute que nous sommes en club, puisque nous ne sommes à cette heure que 166 membres réunis. Puisqu'il faut que nous rendions des décrets, rendons-les au moins dans les formes constitutionnelles.

(Après de longs débats pour savoir si on ajournerait ou si on n'ajournerait pas la délibération à 2 heures, M. ROUYER, secrétaire, assure que l'Assemblée s'est complétée et qu'elle est en nombre suffisant pour délibérer.)

M. le Président consulte l'Assemblée. (L'Assemblée décrète que la commission extraordinaire des Douze fera son rapport, séance tenante, sur les pétitions des généraux.

M. Vincens-Planchut, secrétaire, donne lecture des procès-verbaux des séances du samedi 7 juillet, du dimanche 8 et du mercredi matin, If juillet 1792.

(L'Assemblée en adopte la rédaction.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du Directoire du district de Sarrelouis, département du Bas-Rhin, qui se plaint de l'exportation des grains, fourrages et denrées recueillis par les Trévois sur leurs propriétés situées en France et sur l'emprisonnement, au mépris du droit des gens, de quatre négociants de cette ville.

1" SEEIR. T. XLVI.

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(L'Assemblée renvoie la lettre et les pièces qui y sont jointes au comité diplomatique, avec mission d'en faire un rapport à la séance du lendemain, au matin).

Un membre: Je demande que les princes étrangers possessionnés en France, qui se déclarent contre elle, soient traités comme les émigrés, quant à leurs biens situés dans le royaume.

(L'Assemblée décrète que le comité diplomatique fera un rapport à ce sujet sous trois jours.) M. Marant. J'observe à l'Assemblée que lorsqu'elle a décrété que l'on ne ferait plus exporter aucune denrée des frontières de nos départements du Nord, on a refusé de décréter qu'on n'en exporterait point des pays qui avoisinent nos départements de la Moselle, du Haut et du Bas-Rhin, parce qu'on a dit que ces contrées n'étaient point encore menacées par les ennemis. Nous ne pouvons plus douter maintenant que les ennemis n'inondent les frontières des départements de la Moselle, du Haut et du Bas-Rhin. Il est donc absolument nécessaire d'empêcher l'exportation de nos denrées. Je demande que l'on mette aux voix cette extension du décret.

M. Brnuck. J'appuie la proposition en exceptant seulement les départements frontières de la Suisse.

(L'Assemblée renvoie les propositions de M. Marant et Brunck au comité diplomatique.)

M. Vivier. Cette lettre nous prouve que nous avons besoin de renforcer nos armées des frontières. Je demande que le maire de Paris soit tenu de nous rendre compte, demain, du nombre des fédérés qui sont à Paris, et du nombre de ceux qui ont déclaré vouloir servir sur les frontières. (Murmures.)

M. Rouyer. J'appuie la motion de M. Vivier; je demande que le maire de Paris nous rende compte, tous les jours, des fédérés qui arriveront. Je demande, en outre, que le ministre de la guerre soit tenu de rendre compte, tous les jours, des troupes qui sont en marche pour renforcer les frontières, et des mesures qu'il prend journellement afin que les différentes municipalités, districts et départements, fournissent leur contingent de gardes nationaux : il ne faut pas, Messieurs, perdre une journée sans que vous parliez de ces mesures urgentes et nécessaires,

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parce qu'autrement, vous seriez dans le cas d'être trompés; et au moment où vous croiriez Vos frontières le plus en sûreté, elles n'y seraient pas. (Applaudissements.)

Un membre: Je demande que l'Assemblée décrète que le pouvoir exécutif rendra compte le 18, et ensuite de jour en jour, du nombre des fédérés qui devront aller aux frontières.

M. Tenon. Je demande que le compte soit rendu département par département afin de savoir ce que chacun d'eux a envoyé.

(L'Assemblée adopte ces différentes propositions.)

Suit le texte définitif du décret rendu :

L'Assemblée nationale décrète qu'à dater du 18 de ce mois, le pouvoir exécutif lui rendra compte, tous les jours, du nombre des volontaires nationaux déjà rendus à Paris et de ceux qui s'y rendront successivement pour aller à l'armée de Soissons. »

M. Fauchet. Il y a longtemps que l'Assemblée a décrété que le pouvoir exécutif pourrait disposer des troupes de ligne qui sont à Paris; il est très important qu'il le fasse. Je demande que l'Assemblee décrète que les troupes s'éloigneront de Paris, demain ou après-demain.

M. Rouyer. Je demande aussi que le ministre rende compte pourquoi les troupes de ligne qui sont à Paris, ne sont pas encore sur les frontières, et pourquoi les Suisses gardent le roi, tandis qu'il ne peut avoir de Suisses pour sa garde.

M. Choudieu. Nous désirons que la force entière soit portée aux frontières; inais par des moyens adroits, par des moyens perfides, on a fait décréter à l'Assemblée que le pouvoir exécutif serait libre de faire partir les troupes qui sont à Paris. Ce n'est pas assez qu'il soit libre, il faut qu'il y soit force. Aux termes de la Constitution, il ne doit pas rester dans Paris d'autres troupes que celles qu'il vous plaît d'y laisser. Ainsi, Messieurs, en appuyant la proposition de M. Fauchet, je demande que l'Assemblée nationale décrète, à l'instant, que le pouvoir exécutif sera tenu de faire partir, dans 24 heures, les troupes de ligne qui sont à Paris.

M. Rouyer. Je combats la motion de M. Fauchet. Le ministre de la guerre vous a dit qu'il allait faire passer aux frontières les troupes de ligne de Paris, je ne sais s'il a dit le 16 ou le 18, mais c'est un de ces deux jours qu'elles doivent partir. Il vous a dit qu'il enverrait tant d'hommes par régiment, en choisissant tout ce qu'il y avait d'anciens soldats et de gens en état d'aller sous la tente. On en a usé de même pour tous les régiments il fut même observé à l'Assemblée que si on envoyait tous les régiments, on pourrait y joindre de 6 à 8,000 hommes de plus, en y mettant les recrues, et que les recrues ne seraient que des sujets d'hôpital, parce que n'étant pas encore assez formés... (Murmures). Oui, des sujets d hopital... Tout le monde qui a fait la guerre sait que lorsqu'un soldat n'est pas formé, il ne reste pas quinze jours sous la tente.

L'Assemblée confirma les dispositions prises à cet égard; je ne vois pas pour quelle raison on les changerait aujourd'hui.

Un membre: Non! non!

M. Rouyer. Si je ne me trompe, c'est d'après les observations qui ont été faites à l'Assemblée. M. Choudieu. J'observe à l'Assemblée que si on laisse des dépôts, ce n'est pas dans Paris qu'ils

seront utiles, c'est dans nos places frontières. Ainsi je persiste dans ma proposition de porter aux frontières la totalité des troupes de ligne qui sont à Paris; et s'il est nécessaire d'en faire des dépôts, qu'ils soient faits dans les places fortes.

M. Delmas (de Toulouse). Il y a environ quinze jours que vous avez mis à la disposition du pouvoir exécutif toutes les troupes de ligne résidentes à Paris. Quelle est la partie de ces troupes de ligne que le ministre de la guerre a envoyée sur la frontière? Rien encore, et cependant, Messieurs, vous savez que les ennemis se portent à grands pas sur nos frontières. Vous devez savoir aussi qu'ils se porteut vers Montmédy, et que c'est peut-être le premier point de vos frontières qui sera incessamment attaqué. Or, comment se peut-il que le pouvoir exécutif, ayant à sa disposition, d'aprés un décret du Corps législatif, d'excellentes troupes, n'en ait pas encore disposé? Le ministre de la guerre, connaissant l'art militaire, a eu raison de vous dire que tous les hommes composant un régiment n'étaient pas en état, dans ce moment-ci, de faire la guerre, et qu'on avait complété les premiers bataillons aux dépens des seconds, et que les seconds formeraient un dépôt pour faire passer les hommes à mesure qu'ils seraient instruits, au premier bataillon. Mais, Messieurs, qui est-ce qui ne voit pas que cette proposition faite par le ministre de la guerre, n'a été absolument combinee que pour éluder votre décret? Tout le monde sera d'accord avec moi, que, dans tel moment que les premiers bataillons seront aux frontières, il n'est pas possible que ce qui restera d'un bataillon puisse être ici en dépôt; car comment pourra-t-on me persuader qu'il est nécessaire, qu'il est utile d'établir des dépôts à 80 lieues des endroits où seront les bataillons? Messieurs, cela n'est pas possible, les dépôts doivent être à la proximité de leur bataillon.

Je pourrais rappeler ici les delices de Capoue. Est-ce dans une ville d'une population aussi considérable, que l'on me persuadera qu'il faut laisser ces dépôts? Non, Messieurs, ici on ne peut pas donner au soldat le degré d'instruction qui lui est nécessaire. A tout instant le soldat est distrait ou par ses plaisirs ou par ses habitudes. Vous n'aurez de bons soldats que quand vous les aurez mis dans les camps, et qu'ils auront fait taire toutes leurs affections.

Je demande donc que le roi soit invité à disposer de ces troupes pour la sûreté de l'Empire.

M. Brunek. Aux termes de la Constitution, le Corps législatif a fait tout ce qu'il a pu faire en mettant les forces à la disposition du roi, et en levant le décret qu'il avait rendu, que les régiments de ligne quí étaient à Paris n'en pourraient être tirés que par un autre décret.

M. Gérardin. Je ne monte pas à la tribune pour m'opposer à la motion, mais pour me réjouir de ce qu'il n'existe plus d'inquiétudes à Paris, de ce qu'il n'existe plus cette multitude de conspirateurs qu'on nous présentait sans cesse, de ce qu'il n'est plus nécessaire d'une force répressive dans une aussi grande cité. Je dirai cependant avec quelques préopinants, que ce sont toujours les mêmes personnes qui nous ont répété sans cesse qu'il fallait amener 20,000 hommes à Paris, qui aujourd'hui veulent que la capitale éloigne de son sein les mêmes troupes qui peuvent assurer la liberté... (Murmures.)

Mais aussi, il faut veiller à la sûreté, au main

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