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vous vous soyez expliqués, si le mode légal de se constituer résistant à l'oppression eût été réglé plus tôt, il n'aurait pas à se reprocher d'avoir enfreint la loi. Hâtez-vous de prévenir de nouvelles erreurs, apprenez à la nation que le droit de résister à l'oppression n'est pas une chimère, et que ses représentants sauront l'en faire jouir. Craignez d'écouter trop les traîtres qui, en cherchant à vous apitoyer sur le sort de quelques individus, voudraient vous faire perdre de vue le peuple, le peuple qui a remis entre vos mains le soin de sa tranquillité et de son bonheur, le peuple enfin dont se fatiguent les vertus et la patience, et qui, sans la confiance qu'il a en ses représentants, aurait déjà châtié ses insolents calomniateurs.» (Applaudissements des tribunes.)

« Signé: MARQUET, citoyen actif de la section du Roi-de-Sicile, MÉHÉE fils citoyen actif de la section de Sainte-Geneviève.

(L'Assemblée renvoie la pétition à la commission extraordinaire des Douze.)

2o Pétition du sieur Hacke, chirurgien et officier de la garde nationale, ci-devant grenadier aux gardes françaises, qui expose à l'Assemblée que la circulation des grains est entravée dans le canton d'Archères, district de Neuville-aux-Bois, département de Loiret. Il demande que la garde nationale de ce canton soit organisée conformément à la loi, et qu'on fasse justice des persécutions que lui ont fait éprouver les ennemis de la liberté.

Plusieurs membres: La mention honorable! (L'Assemblée décrète la mention honorable de cette pétition et la renvoie au pouvoir exécutif.) Un député des gardes nationaux de Toulouse ést admis à la barre.

Il vient annoncer que le conseil de la commune et les citoyens de cette ville, ne prévoyant pas que le décret relatif à la formation d'un camp de 20,000 hommes serait frappé du veto, s'étaient empressés de prendre des mesures pour la prompte formation des bataillons qu'ils devaient envoyer à ce camp; que les jeunes citoyens, animés du même zèle que le conseil de la commune, pour la défense de la patrie, se sont inscrits, ont rempli toutes les formes, ont complété les bataillons et se sont mis en marche pour la capitale. (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.)

Le pétitionnaire demande, au nom des citoyens de Toulouse, protection et sûreté pour les volontaires qui sont en marche.

M. le Président lui répond et lui accorde les honneurs de la séance, au milieu des plus vifs applaudissements du côté gauche et des tribunes.

M. Kersaint. Je demande la mention honorable. (Murmures à droite.)

M. Quinette. Depuis son refus de sanction, le roi a reconnu la nécessité d'un camp entre la capitale et les frontières. Il vous en a fait la proposition; elle a été renvoyée à votre comité, et je ne sais par quelle singularité le rapport n'est pas encore fait. Cependant tous les citoyens applaudissent à la mesure que vous aviez prise et s'empressent de la seconder. De tous côtés les volontaires s'inscrivent et forment les bataillons qui devaient composer le camp que vous aviez décrété. Il est instant de régler les mouvements illégaux qui résulteraient de ce zèle si louable.

Je demande que, pour satisfaire l'impatience patriotique des citoyens, l'Assemblée nationale décrète, dès à présent, que tout citoyen qui se présentera en armes à une municipalité quelconque, sera reçu à l'inscription comme défenseur de la patrie. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)

M. Mathieu Dumas. Le rapport sur la proposition du roi est prêt, il peut vous être fait demain, et j'observe que l'inscription que propose M. Quinette ne rentre pas dans le mode proposé; elle rentre dans le mode de recrutement que vous avez décrété.

Plusieurs membres : Non, non!

M. Quinette. Toute autre proposition serait contraire à la loi et tendrait à légaliser une sorte d'infraction à la Constitution, c'est-à-dire à autoriser l'exécution péremptoire de décrets qui n'auraient pas encore le caractère de loi, puisqu'ils ne seraient point revêtus de la sanction royale. (Murmures à l'extrême gauche et dans les tribunes.) Il est impossible que l'Assemblée ne soit pas scandalisée de mouvements d'improbation dirigés contre la Constitution qui prescrit la sanction royale. (Murmures.) Il est inutile de chercher une autre cause des troubles publics, si celle-ci est tolérée au sein du Corps législatif. (Murmures prolongés.)

Plusieurs membres parlent dans le bruit.

(On entend le nom de M. Mathieu Dumas plusieurs fois répété.)

M. Mathieu Dumas. Monsieur le Président, faut-il que je réponde à des interpellations particulières, je le désire, j'en suis pressé, j'ai beaucoup à dire sur ce sujet, et l'Assemblée me fera une faveur si elle me permet.....

M. le Président. Parlez à l'Assemblée.

M. Rühl. Je déclare que les colonnes autrichiennes et d'artillerie arrivent sur le Rhin.

M. Mathieu Dumas. Avant de conclure, je voudrais qu'il me fût permis de prendre pour texte et pour motifs de mon opinion, les faits et les malheurs annoncés par M. Rühl, et que j'affirme n'être que trop vrais..... (Murmures.)

M. Mathieu Dumas. Je demande que sur la pétition des volontaires de Toulouse, et sur la motion de M. Quinette, l'Assemblée passe à l'ordre du jour. (Murmures à gauche.)

Un membre: Je rappelle à l'Assemblée qu'elle est passée à l'ordre du jour sur l'arrêt du département de l'Hérault, en tout semblable à celui de la commune de Toulouse. (Murmures à gauche.)

M. Delacroix. Les patriotes volontaires qui viennent à Paris, doivent être spécialement protégés. Il ne faut pas que vous les exposiez à être fusillés, en vertu de la loi martiale, comme des factieux. (Vifs applaudissements à l'extrême gauche et dans les tribunes.) Il est donc impossible de passer à l'ordre du jour. Je demande que la pétition des volontaires de Toulouse soit renvoyée à la commission des Douze et au comité militaire réunis, pour présenter demain un projet de décret.

(L'Assemblée renvoie la pétition des gardes nationaux volontaires de Toulouse à la commission extraordinaire des Douze et au comité militaire réunis.)

M. Lambert (de Lauterbourg), au nom du comité

de l'ordinaire des finances, fait un rapport (1) et présente un projet de décret (1) sur l'indemnité accordée aux maîtres de postes, en remplacement de privilèges, et sur la suppression des postes royales; il s'exprime ainsi :

Messieurs, par l'article 4 de la loi du 27 mars 1790, relative à diverses indemnités accordées aux maîtres de postes par le décret du 25 avril 1790, l'Assemblée constituante renvoya à son comité des finances ce qui concerne l'indemnité des 9 derniers mois de l'année 1791 pour lui en être fait rapport dans le courant du mois d'avril.

Ce rapport n'a pas été fait, parce que des objets plus importants et d'une nécessité plus urgente l'ont successivement éloigné.

Mais les secours réclamés de toutes parts par les maîtres de postes, qui depuis le 1er avril 1791 n'ont rien reçu de l'indemnité qui leur est accordée, et parmi lesquels il s'en trouve beaucoup dont la fortune est si médiocre ou tellement dérangée que, sans cette ressource ils ne pourraient continuer leur service, ne permettent pas de différer plus longtemps votre décision sur cet objet.

Le payement, pour ce qui est dû depuis le 1er avril 1791 jusqu'au 1er juillet prochain, ne peut être effectué sans un nouveau décret du Corps législatif; et il est indispensable, pour le service des postes, que vous rendiez ce décret au plus tôt, soit que vous vouliez continuer à faire payer la gratification de 30 livres, soit que vous préfériez un autre mode d'indemnité.

L'Assemblée constituante, en renvoyant à son comité des finances ce qui concerne l'indemnité des 9 derniers mois 1791, a voulu que la question y soit discutée si l'on continuerait le mode d'indemnité de 30 livres par cheval, décrété par la loi du 5 mai 1791. L'expérience avait déjà fait connaître à ce mode de trop grandes inégalités pour être juste, de trop grands inconvénients pour être continué, et elle en avait déjà indiqué la nécessité de la réforme.

Plusieurs modes nouveaux d'indemnité ont été présentés, soit par le directoire des postes, soit par des particuliers, soit par le vœu et les réclamations des maîtres de postes du royaume. Votre comité les a examinés et discutés les uns et les autres avec tous les soins que peuvent exiger et l'intérêt de la chose publique et la justice que vous devez au citoyen qui se voue à l'utilité générale.

Quelques économistes avaient cru que cette in demnité ainsi que le privilège exclusif des maitres de postes pouvaient être entièrement supprimés, et ils ont cité l'Angleterre, où les maîtres de postes, loin de recevoir des gratifications du gouvernement, lui payaient tout au contraire une rétribution établie par forme de capitation sur chaque cheval de poste ou de louage.

Ce projet était fait pour rendre inutile toute recherche d'un nouveau mode d'indemnité, si d'une part elle n'était une légitime compensation des charges dont sont tenus les maîtres de postes, et si de l'autre la suppression du privilège de conduire exclusivement de relais à relais eût pu convenir à la France. Un mûr examen nous a appris qu'une indemnité quelconque est autant de justice que de nécessité, et que l'on ne peut abolir le privilège exclusif des maîtres de postes

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Dépenses publiques, no 20.

de conduire d'un relais à l'autre dans leur distance respective sans détruire en entier l'établissement car une fois détruit, il serait bien difficile, sinon impossible, de lui rendre son existence; la cupidité les ferait passer les uns sur les autres; tout ordre serait interverti; le service des courriers de routes éprouverait des retards incalculables, celui des malles éprouverait nécessairement les mêmes retards, et serait bientôt dans le cas de manquer entièrement, à moins qu'on n'y pourvût par un établissement particulier, dont l'expérience du passé a déjà inadmissibilité. Dans tous les cas

bel et utile établissement des postes, formé par le temps et par le secours des privilèges que lui avait accordés un gouvernement absolu, et qu'on ne saurait lui rendre dans un Etat libre, courrait les dangers d'une entière et irréparable destruction.

L'exemple de l'Angleterre n'est pas applicable à la France la différence qui se trouve entre la position géographique de ces deux royaumes et entre le gouvernement, entre la nature et les productions de leur sol, entre le caractère et les usages des peuples qui les habitent, portent une différence absolue dans le service de ces deux royaumes.

L'Angleterre est une île où toutes les parties sont dans des relations plus étroites et plus actives qu'en France: l'Anglais voyage bien plus souvent que le Français, son caractère lui fait un besoin de voyager. Londres est le point central de grands ports de mer qui sont placés dans sa circonférence; tous les rapports commerciaux de ce peuple industrieux et actif aboutissent à ce seul point central, et vivifient, d'une manière incomparable à aucun pays de la terre, les routes qui en sont les rayons. Ce point central ne se trouve nulle part en France: Paris est bien le centre du gouvernement et des relations politiques du royaume; mais ces relations se font par la poste aux lettres et par des correspondances établies distinctement des relais : le commerce se trouvant partagé dans plusieurs grandes villes, son activité ne se fait point sentir sur les routes comme s'il était réuni dans un seul point.

En Angleterre, par un usage très avantageux pour les relais, les maîtres de postes louent avec un grand bénéfice des voitures aux voyageurs; la ferme des messageries, qui en France est en possession de fournir les voitures, n'y est point connue en Angleterre les routes sont égales et belles, en France quelquefois montueuses et difficiles, les voitures plus légères et moins chargées, l'espèce de chevaux indigène du pays plus propre à ce service et d'un remplacement plus facile, les denrées plus abondantes et d'une meilleure qualité.

Par ces différences de localité, il est devenu possible que le gouvernement anglais ne fournit, non seulement aucun secours pour soutenir les postes, mais qu'il en tire même une rétribution de 2 à 300,000 livres.

Pour prouver d'une manière bien convaincante que cet ordre de choses ne peut s'établir en France, il faut se rappeler que le bénéfice sur les courses de chaque cheval de poste en France est insuffisant pour indemniser le maitre de postes, de frais d'achats, d'entretien, de nourriture et de remplacement. Cette vérité est démontrée par le produit des courses; elles ne rapportent que trois quarts de poste pour chaque cheval, l'un dans l'autre, par jour.

L'impossibilité de la suppression des privilèges sans indemnité ainsi prouvée, je reviens aux inconvénients attachés à l'indemnité de 30 livres par cheval; et après avoir examiné les raisons qui en sollicitent la réforme, je présenterai le mode le plus convenable à y substituer.

De grandes objections avaient été faites à M. de Biron, rapporteur de ce mode à l'Assemblée constituante; il les avait victorieusement réfutées. Mais ces mêmes objections, qui alors pouvaient paraitre un raisonnement spécieux, sont appuyées aujourd'hui par l'expérience, et revêtues de son sceau, ont acquis le droit d'être reproduites et discutées de nouveau.

L'exécution seule du décret pour le paiement de cette indemnité offre des difficultés que l'on n'avait point prévues d'abord. Elle ne peut être payée que sur des certificats de municipalités, visés et vérifiés par les directoires de district et de département. Cette forme, à l'apparence si juste, si facile et si simple, est sujette à des lenteurs et à un arbitraire qui doivent suffire pour la faire proscrire.

Souvent un maître de postes est lui-même maire ou officier municipal dans sa commune, et alors il est servi avec la complaisance qui peut se permettre des infidélités; plus souvent le maître de postes trouve dans sa municipalité un voisin envieux, et alors il éprouve des tracasseries qui peuvent aller jusqu'à l'injustice. L'expérience a fourni des exemples multipliés de l'un et de l'autre. Les corps administratifs, surchargés d'affaires, n'expédient pas avec beaucoup de célérité les visa; et de 1,300 certificats et plus qui auraient dû être envoyés au ministre de l'intérieur depuis le mois d'avril 1791, il n'en est parvenu, à la date actuelle, que 996; de manière que, pour compléter le paiement des 9 mois il en manque encore 304. Soit oubli, soit négligence, soit autres raisons de la part des municipalités, des districts ou des départements, un grand nombre de maîtres de postes sont privés de l'indemnité que la justice et la nécessité leur ont accordée. Ils se consument en vain en plaintes et en témoignages de découragement; il n'a pas été possible de les payer, à moins de s'écarter de la loi.

Des inconvénients bien plus graves résultent de la grande inégalité de la répartition de ce mode d'indemnité entre les maîtres de postes montés d'un grand nombre de chevaux et ceux montés d'un petit nombre l'effet en a été préjudiciable au service.

Le mode de 30 livres par cheval réunit à une inégalité aussi injuste que celle dont on se récriait si fort dans les anciens privilèges les inconvénients d'une variation continuelle: ceux de porter pour l'avenir sur des bases peu stables, peu certaines, peu exactes, sujettes à l'erreur et, comme on a déjà dit, à des infidélités. Le tableau comparatif de fixation du nombre des chevaux établis sur les procès-verbaux des visiteurs, dressé dans chaque poste, en présence du titulaire, et signé par lui, et des mêmes fixations relevées sur les certificats de munipalités, a démontré combien peu l'on doit compter sur l'exactitude et la véracité de ces certificats. Le tableau fort incomplet des certificats, parvenu au mois de février 1791, présente, sur 700 postes environ, une différence en plus, à la charge de la nation, d'une somme de 34,620 livres pour 1,154 chevaux.

L'effet qui résultait de cette indemnité de 30 livres par cheval a été de doubler ou d'aug

menter, sans aucune proportion, le sort des maîtres de postes des grandes routes, qui n'ont un grand nombre de chevaux que parce que leur service habituel leur fournit l'occasion de les occuper avec avantage au contraire, dans les postes montées d'un petit nombre de chevaux, ceux qui les entretiennent ont perdu, par cette disposition, les ressources nécessaires pour soutenir le service. Le maitre de postes, sur une grande route, comme celle d'Orléans, par exemple, perdait, à la suppression de son privilège d'exemption de taille, une somme de 6 à 700 livres, et il gagne aujourd'hui, d'après le nombre de chevaux entretenus dans chaque relais sur cette route, environ le double de cette somme. Dans les petites postes ils jouissaient de 5 à 600 livres de traitement annuel, les uns par privilège d'exemption de taille, les autres par la gratification par lieue qui en était la représentation. Un grand nombre est réduit au-dessous de cette somme par la fixation de 30 livres par cheval, plusieurs mêmes à moins de 200 li

vres.

Qui ne voit clairement le bizarre résultat de cet arrangement? Celui qui a grand nombre de chevaux, parce que, dans une heureuse position, plus il est dans le cas d'en employer, plus ils lui rapportent, retire encore à lui tout le bénéfice de l'indemnité; celui qui a peu de chevaux, parce que sa position ne lui permet pas d'en avoir davantage, et qu'il ne les a que pour entretenir le service, n'a ni gain ni gratification: assurément on ne saurait trouver un mode d'indemnité plus contraire à son objet; et n'est-ce pas au dernier auquel il faudrait porter du secours, puisque le premier pourrait s'en passer sans que le service en souffrit?

Ces petits établissements, qui sont plus à l'avantage du public qu'à celui des particuliers qui les entretiennent, ne peuvent se soutenir sans secours, et on ne peut les abandonner sans le plus grand préjudice : ils favorisent la circulation intérieure; ils alimentent et vivifient les postes des grandes routes, et leur service interrompu ferait disparaître naturellement ces précieux avantages, et détruirait la chaîne de communication qui fait l'essence du service des postes; ils ont en outre plus particulièrement besoin d'être soutenus, parce que, pour faire leur service, il est plus difficile de trouver des sujets.

Le mode d'indemnité de 30 livres par cheval est donc absolument vicieux, parce qu'il ne remplit point son objet; que, surabondant pour les uns, il est insuffisant pour les autres, pour ceux précisément qui en auraient le plus besoin. Il reste maintenant à examiner quels sont les moyens de remplacer ce mode par une indemnite qui put subvenir à la fois au besoin des petits établissements de postes, et ne pas être injuste pour les grands.

Il s'en présente deux.

L'un consiste à accorder à chaque maître de poste une indemnité de 75 livres par chaque lieue qu'il dessert, et non par le nombre de chevaux nécessaire à son service.

L'autre à fixer un traitement annuel uniforme à tous les maîtres de postes de l'Empire, sans égard au nombre de chevaux fixé pour leur service, ni à celui des lieues qu'ils ont à desservir.

Le mode de 75 livres par lieue a bien des inconvénients de moins que celui de 30 livres par cheval: il est plus facile, plus simple, repose sur une base plus certaine, moins variable, moins sujette à l'erreur et à l'infidélité : il était admis,

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avant la Révolution, dans tout le midi de la France, dans la ci-devant province de Bretagne, dans les pays d'Etats et de cadastre, et même dans les ci-devant généralités où la nature du sol n'offrait pas une application utile du privilège. Il est à présumer que si l'Assemblée constituante, à laquelle il avait été présenté, l'eût adopté, il n'aurait occasionné aucun ébranlement dans le régime des postes; et s'il en fût résulté quelques plaintes de la part de ceux des maîtres de postes des grandes routes, dont le traitement se serait trouvé diminué, il est aisé de concevoir qu'ils n'eussent pas quitté pour cela leur service, et qu'à tout événement on les eût facilement remplacés.

On objecte, avec raison, à ce mode d'indemnité, que la répartition qui en résulte serait par trop inégale entre un maître de postes qui, pour desservir 4 lieues, aurait 30 chevaux à entretenir, et un autre qui pour, desservir 35 lieues, n'emploierait pas même 20 chevaux. L'exemple se trouve entre les maîtres de postes d'Etampes et de Montdidier. Cette objection est irréfutable; mais les partisans de ce mode d'indemnité observent que, dans ce cas, l'indemnité ne serait comptée que sur les lieues de la route principale et en activité réelle, et non sur les lieues des routes de communication inutile de cette manière, ils réduisent les 35 lieues de la poste de Montdidier à 8; et la poste d'Etampes, d'après eux, pour n'avoir que 4 lieues à desservir, trouve dans le nombre et le fréquent emploi de ces chevaux, une compensation plus que suffisante, de ce que sa distance lui donne de moins au partage de l'indemnité.

Quoi qu'on en puisse dire en faveur de l'indemnité de 75 livres par lieue, elle n'est point admissible; car, à l'exception d'une base plus stable, quelques lenteurs et quelques embarras de moins dans le payement, elle est sujette aux mêmes inconvénients que le mode de 30 livres par cheval.

Un traitement fixe et annuel pour tous les maîtres de postes du royaume indistinctement, est le mode d'indemnité qui paraît offrir le moins d'inconvénients, et réunir, sous tous les points, les avantages d'une exacte répartition : il est simple dans son exécution, plus proportionné au privilège qu'il remplace, et à la compensation des charges publiques.

Ce traitement est porté par les uns à une somme de 500 livres par an, par les autres à celle de 450 livres. Il s'agit à présent de déterminer laquelle de ces deux sommes mérite la préférence, pour établir avec équité une indemnité suffisante pour tous les maîtres de postes du royaume.

Pour parvenir à cette détermination, on a cru devoir prendre pour base: 1° le traitement des relais montés d'un petit nombre de chevaux, et dont il est le plus instant d'assurer l'existence; 2o le nombre moyen des chevaux dont étaient ordinairement composés les relais; 3° la quantité de lieues dont sont composées communément les distances des relais.

Par la première base, le traitement le plus faible dont jouissaient les maîtres de postes avant la suppression de leurs privilèges, était de 500 et de 600 livres de gratifications annuelles : ainsi, en prenant la fixation la plus faible, ce serait 500 livres pour chaque relais. Par la seconde base, il est connu, par le relevé général qui fut fait en 1789, qu'il s'est trouvé 760 relais montés depuis 5 jusqu'à 14 chevaux; 41 relais

à 15 chevaux, et 538 relais montés d'un plus grand nombre. D'après cette base, le plus grand nombre des relais serait donc monté au nombre de 15 chevaux et au-dessous; et en fixant, supposé, 30 livres par cheval, le produit serait de 450 livres. Par la troisième base, il est connu que, pour que les postes aux chevaux puissent faire un bon et utile service, il faudrait que chacune d'elles n'eût pas plus d'une poste et demie à desservir de chaque côté de la route principale: en prenant la proportion d'une poste et demie de chaque côté de la route, 3 postes à desservir, le résultat est encore de 450 livres.

ou

Tout se réduit donc, pour le traitement annuel et fixe, à savoir à laquelle des 2 sommes de 500 ou de 450 livres il faut donner la préférence.

L'intérêt du Trésor public, l'exacte justice dans la compensation des charges, et les secours indispensables à accorder à l'entretien du service peuvent seuls nous déterminer.

On compte dans l'état actuel des choses 1315 établissements de postes dans le royaume. Le mode de l'indemnité de 30 livres par cheval a fait quitter beaucoup de maitres de postes, et beaucoup d'autres demandent leur démission. Lorsque les postes abandonnées seront remontées, on croit devoir les porter à 1,400. La quotité de 1,400 établissements de relais à 500 livres offre une dépense de 700,000 livres par an. La gratification de 30 livres par tête de cheval, n'a coûté au Trésor public, pour l'année 1790, que 664,100 livres; ce serait donc sur cet objet une augmentation de 59,900 livres, augmentation à la vérité très considérable, lorsque la dépense publique s'augmente sous tant de formes différentes et que toutes celles qui ne sont point commandées, ou par la justice due aux particuliers, ou par les besoins indispensables de l'Etat, doivent être soigneusement évitées.

La somme totale pour tous les relais, à raison de 450 livres pour tout le royaume, par traitement fixe, monterait à 630,000 livres; et par suite, loin d'exiger une augmentation, elle offre sur les 664,100 livres payées en 1790, une diminution de dépenses de 34,100 livres, en supposant que les établissements fussent remontés au nombre de 1,400.

Le traitement, à raison de 450 livres, est donc celui qui paraît réunir tous les avantages qui doivent lui mériter la préférence; il offre une juste indemnité à chacun des maîtres de postes du royaume; il est moins onéreux qu'aucun autre au Trésor public.

Il est suffisant pour les petits établissements, équitable pour les grands; il n'est ni de trop pour les uns, ni de trop peu pour les autres. Les petits établissements, qui même dans l'ancien régime ne jouissaient que d'une gratification de 500 à 600 livres en remplacement du privilège, n'éprouveront qu'une légère diminution de 50 ou 150 livres au plus par an. Il est impossible qu'une déduction aussi faible puisse faire souffrir le service; et ces établissements auront reçu tous les secours qui leur étaient dus dans la plus exacte justice.

Les grands établissements, trop favorisés par l'indemnité de 30 livres par cheval, s'attendent depuis longtemps à une grande réduction, surtout depuis le décret qui accorde les 25 francs pour le service des malles. Les avantages d'ailleurs qu'ils tirent de leur position ne leur laissent aucun sujet de regret sur une diminution à la fois si juste et si nécessaire d'une indemnité

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