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champart en une rente ou redevance annuelle d'une quotité fixe de grains, payable aux termes ordinaires jusqu'au rachat.

Il soumet, d'ailleurs, l'exercice de cette faculté à des formalités qui conservent à la fois, les intérêts et du propriétaire et du redevable.

Les débiteurs qui prévoient ne pouvoir s'affranchir qu'à une époque reculée, s'empresseront sûrement de profiter d'une faculté dont l'exercice leur rendra tous les moyens d'améliorer la culture de leurs terres, et préservera leurs moissons des suites souvent désastreuses du mode de réception des champarts.

Secondement, l'Assemblée constituante, en statuant, par l'article 8 du décret du 15 mars 1790, que tous les droits fixes et casuels rachetables seraient formés, pour le principal, à la présomption que les différentes lois et coutumes du royaume ont établi relativement aux immeubles réels, déclara ne rien innover, quant à présent, à la prescription des arrérages.

Votre comité a cru qu'il était de l'intérêt des redevables, comme de celui des propriétaires de redevances, de borner à un court espace de temps la prescription des arrérages; la plupart des coutumes permettent d'exiger vingt-neuf années et la courante des redevances annuelles. La négligence et quelquefois la mauvaise volonté des uns et des autres, expose les propriétaires à des pertes, et les redevables surtout à des poursuites ruineuses votre comité a pensé qu'il convenait de borner la répétition des arrérages des droits fixes à cinq années : par là l'incurie des riches propriétaires sera moins à charge aux redevables, qui seront ainsi dispensés de conserver une foule de quittances qu'il est si facile de perdre.

Troisièmement, l'article 42 du décret du 3 mai 1790 porte que le droit de mutation sera dûù nonobstant le rachat, si le propriétaire qui a racheté les droits casuels vend son fonds ou l'aliène dans les deux années postérieures au rachat.

Votre comité a pensé que cette disposition était injuste et contradictoire avec les décrets qui déclarent les droits casuels rachetables. Il est en effet injuste de priver pendant deux ans un propriétaire d'un droit qu'il a racheté et payé. La loi a fixé le mode et le taux du rachat. Šon effet doit être sans doute d'anéantir le droit qui en est l'objet; il ne saurait même en avoir d'autre. Ainsi, du moment ou ce rachat est effectué, les droits casuels doivent être irrévocablement éteints. Vouloir qu'ils existent encore, un jour seulement, postérieurement même au rachat, c'est rendre, en quelque sorte, illusoire l'effet du rachat même; c'est détruire la loi qui le permet, c'est en un mot, vouloir que l'effet subsiste lors même que la cause est détruite.

Cette disposition met encore les plus grandes entraves au commerce des propriétés; les mutations sont nécessairement gênées et moins fréquentes; ce qui doit nuire sensiblement au produit des droits d'enregistrement. Enfin, cet article blesse ouvertement le droit, qui appartient à tout homme, de pouvoir disposer librement de son fonds; droit sacré que l'Assemblée constituante a voulu restituer à tous les citoyens en déclarant rachetables tous les droits casuels qui grévaient particulièrement le commerce et la disposition des propriétés.

Votre comité vous propose, en conséquence, d'abroger cette disposition.

Quatrièmement, enfin, il a cru devoir appeler toute votre sollicitude sur la situation actuelle des redevables; il s'en trouve un grand nombre

dans l'Empire qui n'ont rien payé depuis le moment de la Révolution; les uns ont été égarés par des malveillants qui leur ont persuadé que, le régime féodal étant aboli, toutes les redevances qui en formaient les droits utiles étaient également supprimées; les autres intimidés par leurs codébiteurs ou les habitants de leurs cantons, n'ont point osé acquitter ce qu'ils croient devoir légitimement, la plupart se trouvent ainsi accablés sous le poids de trois années de rente, dont une seule leur pesait déjà trop, et sont exposés à des contraintes ruineuses qu'ils doivent d'autant plus appréhender, qu'elles seront presque toutes dirigées par des hommes qui ne les voient échapper qu'à regret aux fers qui les tenaient sous leur domination.

Votre comité a donc pensé qu'il était de votre justice et de votre humanité de venir au secours de ces malheureux redevables qui, sans l'appui de la loi, deviendraient victimes de leur simplicité ou de la malveillance qui les environne de toutes parts; il vous propose, en conséquence, de leur accorder un certain délai pour se libérer des arrérages échus depuis 1789 jusqu'à 1791 inclusivement.

Si vous devez, Messieurs, tendre une main protectrice aux redevables, la plupart trompés ou séduits, la justice ne vous permet pas de souffrir qu'on puisse invoquer, contre les réclamations légitimes des propriétaires, une prescription quelconque qu'il n'a pas dépendu d'eux d'interrompre au milieu des orages et des passions inséparables d'une grande révolution. Cette considération puissante a porté votre comité à vous proposer d'étendre à tous les propriétaires, sans exception, les dispositions du décret du 1er juillet 1791, qui suspend toute prescription à l'égard des droits corporels ou incorporels, appartenant à la nation depuis le 2 novembre 1789 jusqu'au 2 novembre 1794.

C'est ainsi, Messieurs, qu'embrassant dans votre prévoyance tous les individus, qu'étendant votre sollicitude sur tous les besoins, qu'en détruisant non seulement tous les maux qui survivent encore à l'ancien régime, mais en étouffant jusqu'à leurs germes, vous ferez enfin goûter au peuple tous les bienfaits de la liberté t de la Constitution. Non, Messieurs, aucunn loi n'influera aussi puissamment sur la prospé rité de l'Empire et le bonheur de ses principaux agents que l'affranchissement des propriétés. Il n'est point de citoyens qui souffrent autant que les respectables habitants des campagnes, de cette foule de charge, et de droits de toute espèce; on ne saurait leur procurer une liberté trop éten due dans des travaux aussi pénibles pour eux que précieux à l'Etat. Qu'lls aient enfin l'espoir de pouvoir, un jour, jouir en paix des fruits de leurs sueurs; alors, dégagés de tous les liens honteux de l'esclavage, ils s'empresseront d'offrir à la patrie leur portion du tribut honorable destiné à protéger la liberté de leurs personnes et de leurs propriétés.

Veuillez bien considérer, Messieurs, que de grandes vues politiques se réunissent aux premiers principes de la justice pour vous déterminer à faire germer avec force, dans ces cœurs trop longtemps flétris par la servitude, un amour ardent de la patrie et de la liberté; et qu'il importe essentiellement au maintien de la Constitution, que les cultivateurs inspirent à la génération qui se prépare une haine implacable pour les tyrans. Si, trompés dans nos espérances, il arrivait jamais que le luxe et la mollesse, insépa

rables de l'opulence, vinssent altérer cette vertu civique qui caractérise les habitants de nos villes, si ceux-ci pouvaient jamais s'endormir dans la jouissance des droits de l'homme, il faudrait que l'arbre de la liberté fut tellement enraciné dans les campagnes, et couvrit si bien de ses rameaux jusqu'à la moindre chaumière, qu'il suffit à un citoyen de s'en approcher pour sortir de sa léthargie et se rappeler que les tyrans veillent toujours, surtout lorsque les hommes libres s'endorment.

Il dépend de vous, Messieurs, de préparer et d'assurer cet antidote infaillible contre cette maladie politique dont il est possible que le corps social soit un jour menacé. Empressez-vous donc de consolider cette sainte liberté jusque dans le plus petit hameau vous le pouvez; votre comité pense que vous le devez.

Voici le projet de décret qu'il m'a chargé d'avoir l'honneur de vous présenter:

PROJET DE DÉCRET.

L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité féodal, considérant que l'affranchissement des propriétés, en assurant l'indépendance absolue des citoyens, peut seul leur procurer la jouissance pleine et entière de la liberté que la Constitution de l'Empire leur a rendue; que cet affranchissement n'est pas moins impérieusement commandé par l'intérêt précieux de l'agriculture, dont une multitude de droits onéreux arrête depuis trop longtemps les progrès, et fait naître une foule de contestations et de procès ruineux pour les habitants des campagnes.

Considérant qu'il est de son devoir de hâter le temps de cet affranchissement général en facilitant le rachat des droits ci-devant féodaux et autres prestations foncières, décrète ce qui suit :

TITRE PREMIER.

Du rachat successif séparé des droits fixes ou casuels et du mode de conversion du champart en une rente annuelle.

Art. 1er. Tout propriétaire de fief ou de fonds ci-devant mouvants d'un fief en censive ou roturièrement, sera admis à racheter séparément soit les droits casuels conservés, soit les cens ou autres redevances annuelles et fixes, de quelque nature qu'ils soient, et sous quelque dénomination qu'ils existent, sans être obligé de faire en même temps le rachat des uns et des autres.

Il pourra aussi racheter séparement et successivement les différents droits casuels, détaillés dans la seconde et troisième disposition de l'article 11 du titre III du décret du 15 mars 1790.

Art. 2. Les propriétaires de ci-devant fiefs, qui auront reçu le rachat en tout ou en partie des droits seigneuriaux fixes ou casuels, dépen. dant de leurs fiefs, et qui seront soumis euxmêmes à des droits casuels envers un autre fief, seront tenus de se conformer exactement à l'égard du fief dont ils relèvent, à tout ce qui leur est prescrit par les articles 44, 45 et 46 du décret du 3 mai 1790.

Art. 3. Tout propriétaire de ci-devant fief ou de fonds solidaire ou non solidaire qui voudra s'affranchir des droits casuels, aura la faculté de payer partiellement le capital du rachat desdits droits, ainsi qu'il suit :

Deux dixièmes dans le mois, à compter du

jour de la liquidation définitive, dans le cas où elle doit avoir lieu, ou du jour de l'offre qu'il en fera dans les cas prévus, par les art. 37, 38, 39, du décret du 3 mai 1790.

Un dixième dans le second mois, un dixième dans chacun des deux suivants, et les cinq autres dixièmes, de six mois en six mois, de manière que la partie totalité du paiement soit effectuée dans le cours de deux ans et dix mois, conformément à ce qui a été précédemment décrété à l'égard des droits fixes et casuels provenant des biens nationaux, par le décret du 14 novembre 1790.

Il acquittera en même temps l'intérêt au taux de quatre pour cent sans retenue, cet intérêt diminuant au prorata du capital.

Art. 4. Le redevable remettra au propriétaire des droits casuels, lors du premier paiement, une reconnaissance devant notaire, portant l'obligation de payer aux termes fixés par le pré cédent article, avec l'intérêt à quatre pour cent.

Le propriétaire desdits droits pourra, en vertu de cette reconnaissance, huitaine après une sommation de payer, faite au redevable aux frais de ce dernier, user envers lui, ses héritiers acquéreurs) ou ayant-causes, de toutes voies de contrainte et exécution autorisées par les lois, sans qu'il ait besoin d'obtenir de jugement préalable, à moins qu'il ne veuille saisir les immeubles du redevable.

Cette reconnaissance ne sera soumise qu'à un droit d'enregistrement de quinze sols.

Art. 5. Pourront néanmoins les redevables accélérer leur libération, par des paiements plus considérables et plus rapprochés, ou même se libérer entièrement à quelque échéance que ce soit, auquel cas les intérêts diminueront également à proportion des paiements, ou s'éteindront avec l'entier remboursement du capital.

Art. 6. Les champarts, tasques, terrages, arage, agrier, complant, foëte, dimes féodales, dans les lieux où elles existent et autres redevances de même nature, pourront être rachetés par les redevables, et leurs capitaux remboursés, de même que les droits casuels, ainsi et de la manière établie par les articles 3, 4 et 5 ci-dessus.

A compter du jour de l'offre, comme du premier paiement fait en conséquence de la liquidation définitive, le propriétaire desdites redevances ne pourra les exiger, ni les lever en nature; l'année lors courante sera payée au prorata du temps écoulé depuis la récolte précédente, sur le pied de l'intérêt à quatre pour cent sans retenue.

Art. 7. Néanmoins, le décret du 14 novembre 1790 continuera d'avoir la pleine et entière exécution à l'égard du rachat, soit des droits casuels, soit des cens et redevances annuelles, et fixes cidevant seigneuriales, de quelque nature et espèce qu'ils soient, dus au ci-devant fiefs appartenant à la nation.

Art. 8. Tout propriétaire de fonds grevé de rente foncière perpétuelle, créée irrachetable ou devenu telle par convention ou prescription, et déclarée rachetable par le décret du 18 décembre 1790, qui remboursera la rente avant que le rachat des droits casuels en ait été fait, sera tenu de remplir ce qui est prescrit par l'article 10 du titre IV du même décret.

Art. 9. Chaque quittance de rachat, soit de droits fixes soft de droits casuels, sera sujette au droit d'enregistrement de 15 sous, établi par l'article unique du titre VII du décret du 18 décembre 1790.

Les frais en seront à la charge de celui qui fera le rachat.

Art. 10. Tout redevable de champart, tasque, terrage, agrier, complant, foëte, dime féodale, dans les lieux où elles existent, et autres redevances de même nature, pourra exiger, quand bon lui semblera, la quotité fixe de grains, payables aux termes ordinaires jusqu'au rachat.

Årt. 11. A cet effet le redevable fera notifier au propriétaire de la redevance, ou à son dernier domicile, sa demande de conversion.

Elle contiendra la quotité de la redevance, la nature et l'étendue de chaque pièce de terre qui y est sujette, par arpens, journaux ou autres mesures locales et connues, ainsi que les confins tenants et aboutissants de chacune desdites pièces de terre.

Art. 12. Il sera procédé par des experts que les parties nommeront, ou qui seront nommés d'office par le juge, à une évaluation de ce que le fonds produit habituellement en chaque espèce de grains, dans une année commune.

Ils inséreront à la suite leur avis motivé, sur la quotité fixe et l'espèce de la rente en grains qui doit remplacer annuellement la redevance jusqu'au rachat; cette quotité devra être déterminée dans la proportion du produit de l'année commune du fonds en grains (1).

Art. 13. En cas de diversité d'avis de la part des experts, le juge nommera un tiers d'office, si les parties n'en choisissent pas un de concert. Les frais de l'expertise seront à la charge du redevable.

Art. 14. L'Assemblée nationale déroge à l'article 62 du décret du 3 mai 1790; en conséquence, tout propriétaire qui a racheté les droits seigneuriaux, casuels et autres, dont son fonds était grevé, même postérieurement au délai de deux ans, fixé par ledit article 62, ou qui les rachètera par la suite, pourra aliener le mème fonds, sans être soumis à aucun droit de mutation, qui demeurera irrévocablement éteint par le rachat antérieur, à quelque époque que l'aliénation se fasse postérieurement.

TITRE II.

Mode du rachat des cens, rentes et autres redevances solidaires.

Art. 1er. Les codébiteurs solidaires de cens ou redevances annuelles fixes, ou de droits casuels conservés, même de rente foncière perpétuelle irrachetable, ou devenue telle par convention ou prescription, pourront racheter à l'avenir divisément, suivant ce qui est décrété par les articles premier et suivants du titre précédent, leur portion contributive desdites redevances, rentes, droits fixes et casuels, en se conformant à ce qui sera prescrit par les articles suivants, sans que, sous prétexte de la solidarité, ils puissent être contraints à rembourser au delà de leur quote-part.

Art. 2. Ceux qui possèdent divisément partie d'un fonds grevé solidairement d'un ou plusieurs des droits mentionnés en l'article précédent, seront obligés de vérifier, par reconnaissance ou autres actes faits avec les possesseurs desdits droits, ou leurs receveurs et agents, la quotité dont ils sont tenus dans la totalité des droits.

Les quittances données par les possesseurs des droits, leurs receveurs ou agents et les col

(1) Voyez l'article 17 du décret du_3_mai 1790.

lecteurs des rôles et rentiers, serviront également à constater la quotité des droits solidaires qu'on voudra racheter, lorsque cette quotité y sera déterminée.

Art. 3. Les codébiteurs qui possèdent indivisément un fonds grevé d'un ou plusieurs des susdits droits, seront tenus de faire préalablement constater et vérifier, à frais communs et proportionnellement à la portion qui appartient à chacun dans le fonds grevé, la quotité desdits droits solidaires à laquelle ils sont individuellement soumis, contradictoirement avec le proprietaire desdits droits, ou lui dùment appelé.

I en sera de même des codebiteurs qui, quoique possédant divisément, ne pourront point vérifier de la manière présente par l'article précédent, la quotité dont ils sont tenus dans la totalité des mèmes droits.

Art. 4. Un seul pourra contraindre les autres codebiteurs à concourir à la vérification exigée par l'article précédent dans les cas qui y sont prévus.

Cette vérification préalable, faite contradictoirement ou sur défaut, cu arrêtée de gré à gré, servira à chacun des autres codébiteurs lorsqu'ils voudront, par la suite, affranchir leurs propriétés, sans qu'il soit tenus d'en faire une nouvelle.

Art. 5. A l'égard des mêmes droits solidaires dus à la nation, la vérification de la quotité dont le possesseur du fonds grevé pourra se libérer, sera faite et constatée suivant les règles prescrites par les articles 2, 3 et 4 ci-dessus contradictoirement avec le prépose de la régie, sous l'inspection du directoire du district.

Art. 6. Les autres codebiteurs des droits, redevances et rentes dont une ou plusieurs portions seulement auront été rachetées, continueront d'être tenus solidairement du surplus jusqu'au rachat qu ils pourront en faire partiellement suivant les règles ci-dessus prescrites.

TITRE III.

De la prescription des redevances fixes à l'avenir et du payement de celles arriérées depuis et y compris 1789 jusqu'en 1791 inclusivement.

Art. 1er.

Les arrérages à échoir de cens, redevances, même de rentes foncières, ci-devant perpétuelles, se prescriront à l'avenir par cinq ans, à compter du jour de la publication du présent décret, s'ils n'ont été conservés par la reconnaissance du redevable, ou par des poursuites judiciaires.

Art. 2. Néanmoins la prescription pour les droits corporels et incorporels, appartenant à des particuliers, est et demeurera suspendue, depuis le 2 novembre 1789, jusqu'au 2 novembre 1794, sans qu'elle puisse être alléguée pour aucune partie du temps qui sera écoulé pendant le cours desdites cinq années, soit pour le fonds desdits droits, soit pour les arrérages, conformément à ce qui a été décrété à l'égard des mêmes droits appartenant à la nation par le decret du 1er juillet 1791.

Art. 3. Les redevables d'arrérages de cens, rentes, champarts et autres redevances annuelles, de quelque nature que ce soit, échus en 1789, 1790 et 1791, auront la faculté de se libérer en trois payements égaux, de la manière sui

vante :

Ils seront tenus de payer, dès cette année, un tiers du montant des susdits arrérages à l'échéance du terme ordinaire, un tiers au même terme de 1793 et le dernier tiers à pareil terme de 1794, sans préjudice de l'année courante et de celles à échoir, qui se payeront aux termes fixés.

Toutes les dispositions du présent décret seront également communes à tous les droits fixes ou casuels, de quelque nature que ce soit, appartenant ou qui appartiendront à la nation, ou qui dépendaient des domaines ci-devant dits de la Couronne.

Tous les décrets antérieurs, relatifs au rachat des cens, redevances et autres droits fixes ou casuels, ainsi que des rentes foncières ci-devant perpétuelles, auxquels il n'est point dérogé par le présent décret, continueront d'être exécutés.

(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret, et ajourne la seconde lecture à huitaine.)

M. Blanchard, au nom du comité militaire, fait un rapport (1) et présente un projet de décret sur l'augmentation de traitement des chirurgiensmajors et des aumôniers des régiments, il s'exprime ainsi :

Messieurs, vous avez chargé votre comité militaire de vous rendre compte des réclamations qui ont été adressées à l'Assemblée nationale, par les chirurgiens-majors et les aumôniers des régiments, relativement à la modicité de leurs appointements. Les généraux d'armée ont appuyé leur demande, et le ministre de la guerre vous a priés de statuer sur cet objet, en vous exposant les motifs de justice qui militent en faveur de ces divers employés

D'abord, Messieurs, les nouvelles lois concernant l'organisation des troupes, qui ont augmenté la solde et les appointements de tous les individus de l'armée, ont laissé le traitement des aumôniers des régiments à 600 livres, comme il était auparavant. Mais cette somme, suffisante il y a quelques années, paraît bien modique aujourd'hui, surtout si l'on considère que les mouvements fréquents des troupes exposent les aumôniers à beaucoup de frais d'ailleurs, ils sont chargés, dans les petites garnisons, de remplir les fonctions de leur ministère auprès des malades dans les hôpitaux régimentaires. En conséquence, Messieurs, votre comité a trouvé qu'il était juste de faire participer les amôniers des régiments aux bienfaits de l'augmentation qui a été décrétée pour le reste de l'armée; et de porter leurs appointements, en temps de paix, à la somme de 900 livres par an.

Votre comité doit aussi vous observer, Messieurs, que par les nouvelles lois, le traitement des aumôniers a été rejeté sur les fonds destinés aux frais du culte; cependant, depuis le 1er janvier 1791, que la nouvelle organisation des troupes a eu lieu, il n'a encore été pris, jusqu'à présent, aucune mesure pour l'exécution de cette foi ce sont les caisses des régiments qui en ont toujours fait l'avance, mais ces caisses peuvent à peine suffire aux dépenses qui leur sont propres. D'un autre côté, les aumôniers faisant partie de la composition des régiments, il serait assez naturel qu'ils fussent payés des mêmes fonds que le reste du corps, et compris dans les revues.

:

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative. Militaire, tome Il, no 76.

En conséquence, le ministre vous propose, pour simplifier le travail de comptabilité, de faire au département de la guerre le fonds des appointements des aumôniers des régiments, et votre comité a cru pouvoir vous proposer d'adopter cette mesure comme plus simple et ne présentant aucun inconvénient.

La réclamation des chirurgiens-majors est ainsi fondée; mais ce que la comité doit vous proposer à ce sujet exige quelques développements.

Avant 1788, les chirurgiens-majors avaient 1,200 livres de traitement. L'ordonnance des hôpitaux militaires, qui fut faite à cette époque, ajouta un supplément à ces appointements, à raison du service des infirmeries et des hôpitaux régimentaires, service confié au chirurgiensmajors, d'après ce règlement les chirurgiens, qui étaient chargés d'un hôpital régimentaire, obtinrent 1,800 livres d'appointements, et ceux qui n'avaient qu'une infirmerie eurent 1,400 livres seulement. Aujourd'hui les régiments, qui composent vos quatre armées, ne peuvent pas avoir à leur suite des hôpitaux ni des infirmeries régimentaires; les chirurgiens-majors se trouvent privés, aux termes de l'ordonnance, du supplément qui leur avait été accordé pour l'augmentation de service dont on les avait chargés et le ministre, en règlant leur traitement de guerre, a été obligé de prendre pour base leur traitement de 1200 livres. Il résulte de cette décision que beaucoup de chirurgiens-majors composant l'armée, ont moins d'appointements en temps de guerre, qu'ils n'en avaient en temps de paix, lorsqu'ils étaient chargés du service d'un hôpital régimentaire.

Ces officiers de santé réclament contre la modicité de ce traitement et beaucoup d'entre eux ne pourraient plus continuer de servir, si lon augmentait leurs appointements. Votre comité, Messieurs, rendant justice au zèle des chirurgiens-majors des régiments et reconnaissant combien cette classe de citoyens est précieuse, surtout en temps de guerre, s'était proposé, depuis longtemps, de vous engager à porter à 1,800 livres, les appointements des chirurgiensmajors des régiments. Cette disposition était un article essentiel du projet de décret qu'il devait vous soumettre sur l'organisation générale du service de santé de l'armée; il eut préféré, sans doute, vous présenter l'ensemble de ce travail : mais comme vous avez renvoyé l'organisation des hôpitaux à trois comités réunis, et que la position dans laquelle se trouvent les chirurgiens-majors ne leur permet pas d'attendre le résultat du travail général, le comité vous propose de les faire jouir sur-le-champ de l'amélioration qu'il leur destinait, et de porter leurs appointements en temps de paix à 1,800 livres, ce qui, joint à l'augmentation du pied de guerre; leur donnera les moyens de faire campagne et de répondre à la confiance qu'on a mise dans leur zèle.

D'après ces considérations, le comité a l'honneur de vous proposer le projet de décret suivant.

PROJET DE DÉCRET.

L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, considérant la nécessité de prononcer promptement sur l'état des chirurgiens-majors et des aumôniers des régiments, décrète qu'il y a urgence.

Décret définitif.

L'Assemblée nationale, après avoir déclaré l'urgence, décrète ce qui suit:

Art. 1. A compter du premier du mois de juin dernier les appointements des chirurgiens-majors des régiments de ligne seront portés à 1,800 livres, et ceux des chirurgiens-majors des bataillons d'infanterie légère à 1,500 livres. Soit qu'ils aient des hôpitaux régimentaires à diriger, soit qu'ils n'en aient point. Le payement de ces appointements sera imputé sur la masse des hôpitaux et aura lieu d'après les revues des commissaires des guerres.

Art. 2. Le traitement appliqué aux aumôniers des troupes de ligne cessera d'être imputé sur les frais du culte et sera payé des fonds du département de la guerre ;

Savoir :

Pour l'année entière 1791, à raison de six cents livres par an, à compter du premier janvier 1792, sur le pied de neuf cents livres.

Le paiement des sommes ci-dessus sera fait aux conseils d'administration des corps, en vertu des revues, qui constateront l'existence desdits aumôniers.

(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion.)

M. Lemontey, au nom de la commission extraordinaire des Douze, fait un rapport et présente un projet de décret relatif aux dénonciations écrites de quelques actes de juridiction faits par des juges de paix de Paris dans le château des Tuileries (1); il s'exprime ainsi :

On a dénoncé à la suite des événements qui ont eu lieu le 20 juin au château des Tuileries, que les juges de paix y avaient établi un comité central, y entendaient des témoins sur ces mêmes événements, et y étaient nourris et payés comme des personnes qui composent la maison du roi. Le comité de surveillance a remis à votre commission extraordinaire des Douze une déclaration faite à la municipalité de Paris par deux citoyens, d'où il résulte que le 24 de ce mois un particulier arrêté aux Champs-Elysées, a été conduit au château des Tuileries, dans l'antichambre des ambassadeurs, où siégaient cinq juges de paix; a été interrogé pendant trois quarts d'heure, et n'a été renvoyé qu'à charge de donner caution. Votre commission extraordinaire, que vous aviez chargée de rendre compte de ces faits, a demandé au ministre de la justice les renseignements qu'on devait attendre de sa surveillance. M. Duranthon a transmis à votre commission une lettre du sieur Menjaud, juge de paix de la section des Tuileries. La voici :

« Monsieur,

Paris, le 26 juin 1792.

" D'après les inquiétudes qui s'étaient manifestées à la fin de la semaine dernière et qui faisaient craindre un rassemblement armé pour hier, lequel devait se porter au château des Tuileries, nous avons cru de notre devoir de nous réunir un certain nombre au château, pour être à portée,

(1) Voy. Archives parlementaires, 1" série, t. XLV, séance du 27 juin 1792, au matin, page 624, la dénonciation par M. Basire d'un tribunal inconstitutionnel établi aux Tuileries.

dans le cas où le rassemblement aurait lieu, de donner les réquisitions nécessaires pour le dissiper, en observant l'ordre porté par l'article 28 de la loi du 3 août 1791, concernant les attroupements, et conformément aux autres articles de la même loi rappelée dans l'affiche du département. Il nous a été donné un local pour notre réunion dans l'appartement ci-devant occupé par M. Gouvion. Comme j'avais donné vendredi dernier cédule pour faire assigner devant moi les témoins dans l'information requise par M. De. laporte, intendant de la liste civile, au nom du roi, des violences et excès commis dans la journée du 20 juin, et que les citations avaient été données pour hier chez moi, attendu que je demeure dans la cour des Feuillants, on m'a envoyé les personnes qui avaient été citées. J'ai procédé à leur audition dans la chambre qui m'avait été donnée, pour ne pas les renvoyer; mais il n'y a pas eu de comité central d'établi. Il n'est pas vrai, non plus, que nous avons été traités par le roi. Nous n'avons rien demandé, connaissant trop nos devoirs, qui ne nous permettent pas de prendre des repas dans le lieu où nous faisons nos instructions. Je vous observe encore, Monsieur, que nous avons agi à l'instar des officiers municipaux qui sont venus constamment au château depuis jeudi dernier, où deux d'entre eux se sont tenus successivement pour être prèts au besoin, et prévenir les désordres que l'on craignait.

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Signé: MENJAUD, juge de paix de la section des Tuileries.

P.-S. J'ai l'honneur de vous observer encore, Monsieur, qu'hier au soir, quand nous avons vu les inquiétudes dissipées, nous avons arrêté de retourner chez nous, et, à compter de ce matin, j'ai reçu des témoins dans l'information dont il s'agit. »

L'opinion d votre commission s'est bientôt fixée sur le parti à prendre dans cette circonstance. En général, Messieurs, les dénonciations contre le pouvoir judiciaire ne doivent pas être accueillies légèrement, ni traitées avec indifférence. Sans contredit, l'indépendance de ce pouvoir est un dogme d'une Constitution libre; et si la moindre atteinte y était portée, les tribunaux ne seraient bientôt plus que d'odieuses commissions, des instruments de tyrannie, jouets des opinions dominantes et aussi funestes pour la liberté politique que pour la liberté individuelle. Mais autant le pouvoir judiciaire doit être respecté dans ses bornes légitimes, autant il faut veiller à ce qu'il ne les franchisse pas. Si l'on compte en effet, pour quelque chose l'expérience du passé; si l'on considère que presque tous les actes de la vie tombent dans le ressort du pouvoir judiciaire, si l'on réfléchit combien sa marche est redoutable, et laisse des traces profondes, combien et l'intérêt et la crainte peuvent propager son influence, on se convaincra sans peine que la vigilance la plus sévère est nécessaire pour empêcher ses entreprises, et refréner cette tendance à l'agrandissement que doit donner l'importance de ses fonctions.

Mais la Constitution a prescrit la manière dont ses écarts doivent être réprimés, dont ses forfaitures doivent être poursuivies. La disposition de l'article 27 du chapitre V de l'Acte constitutionnel porte le ministre de la justice dénoncera au tribunal de cassation par la voie du commissaire du roi, et sans préjudice du droit des parties intéressées, les actes par lesquels les juges auraient excédé les bornes de leurs pouvoirs. Le tri

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