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ne doit pas faire attention et qui ne méritent pas d'être relevées. Je prie M. Lafon-Ladebat de nous donner lecture de la lettre.

M. Lafon-Ladebat en fait la lecture:

« Frères et amis,

« Les amis de la Constitution de la Réole veulent la Constitution. Cette volonté ferme est le sentiment qui réunit les vrais patriotes, et si les mesures pour conserver la Constitution intacte sont déterminées diversement par eux, leur but est toujours le même et leurs efforts doivent avoir les mêmes résultats.

«La lettre que nous avons reçue de vous, nous demande de nommer des députés chargés de nos pouvoirs pour, réunis avec ceux des sociétes patriotiques du département, former à Bordeaux un comité central pareil à celui que vous nous annoncez se former dans le chef-lieu de chacun de quatre-vingt-trois départements et, avec les députés de ces quatre-vingt-trois comités. centraux, composer à Paris s'il y a lieu un comité général. Alors, dites-vous, nous frapperons ensemble et c'est ainsi qu'on frappe à mort.

"

Nous trouvons dans l'objet même de votre lettre une cause d'hésitation. Elle naît, nous aimons à le croire, du peu de développement dont vous la faites suivre; nous vous la communiquons avec cette intimité confiante qui nous unira dans tous les temps aux vrais amis de la patrie, et nous attendons de vous la réciprocité des mêmes sentiments.

« Nous avons pensé que des députés nommés par des clubs patriotiques formeraient, par leur réunion, une puissance dans l'Etat. Or, une puissance dans l'Etat est une puissance contre l'Etat quand elle n'est pas ordonnée par les lois constitutionnelles. Les membres de la législature sont les organes de la volonté nationale, leur majorité la prononce. Le comité général, dont vous nous parlez, composé des élus des Sociétés patriotiques, soutiendra cette majorité ou la combattra. Est-ce pour la soutenir? Cet appui est superflu; la nation française est armée, elle veut ensemble l'exécution des décrets. S'éleverat-il contre la majorité? Alors il aura une force d'action, ou il n'en aura pas; s'il n'en a pas il est inutile; s'il en a, la manifestation de son dissentiment est le signal des dissensions, des déchirements et de la désorganisation de l'Empire.

"

« Nous avons considéré, sous ces différents rapports, la proposition que vous nous faites, et c'est après l'avoir discutée pendant trois séances que nous avons été unanimement d'avis de vous demander des explications.

«La Constitution est menacée, c'est une vérité constante, et elle l'est par des ennemis actifs qui se déguisent sous mille formes. Nous avons juré de la maintenir, mais avec les armes qu'elle nous fournit. Elle est pure, elle est vierge, il ne faut pas la violer pour la défendre; il ne faut pas, pour empêcher qu'on la blesse, lui porter une blessure mortelle. Elle est forte par ellemême, elle est toute puissante par son ensemble, voici le moment de le prouver à ses ennemis. Souvenons-nous que les lois constitutionnelles sont le choix des moindres inconvénients; elles sont le fruit des méditations de la sagesse et du savoir, ne la sacrifions pas à des aperçus.

« Telle est, frères et amis, notre manière de voir dans les circonstances où nous nous trouvons. Surveillance! surveillance! voilà le mot d'ordre. Le dévouement entier à la Constitution

est notre profession de foi, et notre détermination irrévocable est de vaincre ou mourir libres en embrassant l'autel de la Constitution. (Vifs applaudissements.)

Signé CÉSAR FAUCHET, président; ANTOINE
COIFFARD, JEAN MALSON, secrétaire. »

Je demande le renvoi de cette lettre à la commission extraordinaire des Douze.

Plusieurs membres Nous demandons l'insertion au procès-verbal, l'impression et l'envoi aux quatre-vingt-trois départements.

D'autres membres La question préalable! (L'Assemblée renvoie la lettre à la commission extraordinaire des Douze.)

M. Lafon-Ladebat, au nom du comité de l'ordinaire des finances, fait un rapport (1) et présente un projet de décret sur les dépenses du bureau de police militaire de Paris; il s'exprime ainsi :

Messieurs, parmi les nombreux objets des dépenses publiques, qu'il est urgent de décréter, et pour lesquels, depuis quatre mois passés inutilement à l'ordre du jour, il en est plusieurs qui arrêtent des parties essentielles du service public, ou qui jettent, dans la comptabilité, le plus grand désordre.

Vous avez renvoyé hier à votre comité de l'ordinaire des finances un de ces objets, sur lequel les circonstances actuelles ne permettent aucun retard; il est compris dans les dépenses de la guerre, dont je vous ai présenté le rapport.

Il s'agit du bureau de police militaire, établi à Paris.

Ce bureau intéresse plus l'armée que la ville de Paris.

MM. Sommeiller et Carpentier, anciens officiers de grenadiers, dirigent ce bureau sous les ordres de la municipalité; ils sont tenus de vérifier les pouvoirs des recruteurs, et de leur délivrer des certificats pour recruter, qui sont ensuite visés par l'Administration de la police militaire. Ils surveillent les recruteurs et l'exécution des lois sur le recrutement, la validité des engagements. Ils tiennent registre des engagés et de leur signalement : ils tiennent registre de tous les semestriers arrivant à Paris, et ils veillent sur leur conduite; ils sont chargés du soin des patrouilles dans les lieux publics pour surveiller les militaires qui séjournent à Paris, et pour découvrir les déserteurs et les faire arrêter. Ils sont chargés d'assembler les officiers, sous-officiers et soldats, pour les revues que l'Administration de la police juge nécessaires. Ce bureau est enfin chargé, par le ministre de la guerre et par le département, de payer la subsistance à tous les soldats et volontaires nationaux des quatre-vingt-trois départements, qui passent à Paris, soit qu'ils aillent joindre leurs corps respectifs, soient qu'ils soient réformés, ainsi qu'aux recrues de tous les régiments de ligne et aux déserteurs qui rentrent en France. Ces détails sont immenses, et l'époque de la Fédération va les rendre plus multipliés encore, puisqu'il arrive des députés de toutes les parties de l'Empire pour faire le serment sacré de défendre la Constitution et la liberté.

Ce bureau coutait sous l'ancien régime 30,000 livres; il fut réduit à 24,000 livres en 1791, par la municipalité provisoire. Les fonds en ont été

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative. Depenses publiques, no 22.

faits, jusqu'au mois d'octobre dernier, par le Trésor public. Depuis cette époque, ces fonds n'ayant pas été décrétés, ce bureau n'a pas cessé d'être en activité. Le ministre de l'intérieur vous adressa, le 28 janvier, la demande du département de Paris, et une délibération de la municipalité, qui fixait à 15,000 livres les dépenses de ce bureau, et il vous demandait en outre de décréter 6,000 livres pour le payement du quartier d'octobre 1791.

La somme de 15,000 livres accordée aux sieurs Sommeiller et Carpentier, par délibération de la municipalité de Paris, du' 15 novembre 1791, délibération approuvée par le département de Paris, a pour objet tant les traitements desdits sieurs Carpentier et Sommeiller, que leurs frais de bureaux et de commis, frais de patrouilles et arrestations, ainsi que pour leur correspondance avec tous les états-majors de l'armée, et tous autres frais quelconques.

Votre comité a jugé, Messieurs, que cette dépense était générale, et devait en effet être payée par le Trésor public, sur la partie des fonds de la guerre destinés à la police militaire.

Voici le projet de décret que j'ai l'honneur de vous présenter:

«L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'ordinaire des finances, sur la demande du ministre de l'intérieur, relative à la police militaire de Paris, considérant que cette partie du service public intéresse toute la force armée de l'Empire, et que les circonstances exigent la plus grande activité dans le bureau qui en est chargé, décrète qu'il y a urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :

"

1° Que la trésorerie nationale, sur les ordonnances du ministre de la guerre, versera la somme de 1,250 livres par mois, à compter du 1er janvier dernier, dans la caisse de la municipalité de Paris, pour les frais du bureau de police militaire, établi près de cette municipalité, par délibération du corps municipal, du 4 novembre 1791, confirmée par délibération du conseil général de la commune, et par le département de Paris.

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2o Cette somme de 1,250 livres par mois, formant celle de 15,000 livres par an, sera imputée sur les fonds qui seront incessamment décrétés pour la police et les tribunaux militaires, faisant partie des fonds ordinaires de la guerre.

« 3° La trésorerie nationale payera, sur l'ordonnance du ministre de la guerre, la somme de 6,000 livres pour le quartier d'octobre de l'année 1791; due aux sieurs Sommeiller et Carpentier chargés de ce bureau, d'après la fixation qui avait été faite par la municipalité provisoire de Paris, d'une somme de 24,000 livres pour ladite année 1791, et dont les trois premiers quartiers seulement ont été acquittés par le Trésor public.

4° Cette somme de 6,000 livres sera imputée sur les fonds de la guerre de 1791. ›

(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion à jeudi.)

M. Rouyer, secrétaire. M. Bousquet, qui avait demandé et obtenu un congé, à la suite des observations de M. Cambon et du décret de l'Assemblée, refuse d'en jouir. (Applaudissements.)

M. Thuriot. Je demande la parole pour une motion d'ordre. J'ai vérifié la lettre que M. Lafon.

Ladebat a déposée sur le bureau. J'atteste à l'Assemblée que cette lettre n'est pas vraie. L'écriture de la lettre et les signatures sont de la même main; or, je vous demande s'il est possible qu'un membre de l'Assemblée puisse se laisser tromper d'une manière aussi grossière. Je demande que l'Assemblée demande à M. Lafon-Ladebat, qui probablement n'est pas membre d'une société populaire, comment il a eu cette lettre et par quel motif il vient lire à l'Assemblée une pièce qui est évidemment fausse.

M. Lafon-Ladebat. Je n'ai point annoncé que ce fut l'original adressé au club de Bordeaux. M. Thuriot. Ce n'est pas même une copie. M. Lafon-Ladebat. J'ai annoncé que c'était une copie de la lettre adressée par les amis de la Constitution de la Réole aux amis de la Constitution de Bordeaux. Cette lettre m'est envoyée par le président des amis de la Constitution de la Réole, elle est écrite et signée de sa main; je l'atteste à l'Assemblée.

M. Thuriot. J'ai l'honneur d'observer à l'Asemblée... (Murmures.)

Plusieurs membres : L'ordre du jour!

M. Thuriot. Je soutiens que cette lettre qu'on prétend avoir été envoyée à la société de Bordeaux...

M. Lafon-Ladebat. J'atteste qu'elle a été envoyée.

Plusieurs membres L'ordre du jour! (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

M. Delacroix. Je demande le rapport du décret qui renvoie cette lettre à la commission extraordinaire des Douze, autrement on vous apportera tous les jours des copies de lettres que Vous serez obligés de renvoyer à la commis

sion.

M. Jahan. Rappelez-vous, Messieurs, qu'une lettre de ce genre, lue par M. Gensonné, fut renvoyée à la commission extraordinaire des Douze.

M. Boullanger. Je demande la parole contre le rapport du décret. (Murmures.)

M. Léopold. Jamais les clameurs ne m'empêcheront de dire la vérité. Je demande la parole contre le rapport du décret. Lorsque M. Gensonné est venu ici dénoncer M. Charles Lameth, il n'a parlé que d'après des lettres particulières et des copies de lettres particulières. Cependant l'Assemblée nationale a renvoyé à sa commission extraordinaire des Douze les copies de ces lettres. Elle a fait de même pour M. Delmas, M. Lafon-Ladebat, qui à mes yeux vaut bien M. Gensonné, vient vous certifier que la lettre qu'il vous a lue, lui a été adressée par le président des amis de la Constitution de la Réole. L'Assemblée nationale a renvoyé cette lettre par un décrét exprès à sa commission des Douze. Sur la réclamation qui a été faite, l'Assemblée a, par un second décret, passé à l'ordre du jour. Je demande, d'après la conduite de l'Assemblée nationale et pour le respect qu'elle doit à ses décrets, qu'elle passe encore à l'ordre du jour sur la motion de M. Delacroix.

Un membre: J'observe que les lettres citées par M. Gensonné étaient des originaux et non pas des copies.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

Un de MM les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Chambonas, ministre des affaires étran

gères, pour attester à l'Assemblée que l'état général, qu'il avait eu l'honneur de lui envoyer le 5 du courant (1) lui avait été remis le 4 par un citoyen arrivé la veille, et dont le patriotisme et la véracité méritent également confiance. Cette lettre est ainsi conçue :

« Paris, le 10 juillet 1792, l'an IV de la liberté.

<< Monsieur le Président,

Retenu depuis trois jours dans mon lit par une fièvre continue, accompagnée d un crachement de sang, quel fut mon étonnement en apprenant que M. Brissot avait demandé un décret d'accusation contre moi, donnant pour motif ma négligence à annoncer à l'Assemblée nationale la marche des troupes prussiennes vers nos frontières. Je déclare à l'Assemblée que l'état général que j'ai eu l'honneur de lui adresser le 5 courant m'a été remis le 4 par un citoyen arrivé le 3, et dont le patriotisme et la véracité méritent également confiance. J'offre de faire certifier ce que j'avance par ce citoyen généreux, qui, quoique chargé d'une mission secrète par mon prédécesseur, m'a autorisé à le citer, et est tout près à se rendre au comité que l'Assemblée nationale voudra bien charger de l'entendre, pour justifier la conduite du ministre des affaires étrangères.

« Je ne pense pas, Monsieur le Président, que le titre de ministre puisse affaiblir les droits de citoyen dans l'homme qui, depuis les premiers jours de la Révolution, s'est dévoué et a fait plus d'une fois triompher la cause de la liberté et de la Constitution dans plusieurs places importantes au choix du peuple, je n'ai rien à ajouter à l'état de situation que l'Assemblée nationale a renvoyé à son comité diplomatique. »

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Signé Scipion CHAMBONAS. » (L'Assemblée renvoie cette lettre au comité diplomatique.)

M. Lacuée. Les administratenrs du directoire procureur et secrétaire général du département de Lot-et-Garonne m'ont chargé de déposer sur le bureau de l'Assemblée la quittance du sieur Rivière, receveur du district d'Agen, qui constate qu'ils ont versé dans la caisse du district une somme de 1,000 livres en assignats, pour subvenir aux frais de la guerre.

(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)

M. Lafon-Ladebat, au nom du comité de l'ordinaire des finances, présente un projet de décret tendant à déclarer qu'il n'y a lieu à délibérer sur une pétition du sieur Pottin de Vauvineux relativement aux oppositions faites entre les mains du trésorier de la caisse de l'extraordinaire sur une somme de 175.000 livres offerte en don à l'Assemblée ledit sieur Pottin de Vauvineux (1); par ce projet de décret est ainsi conçu :

L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'ordinaire des finances, sur la pétition du sieur Vauvineux et de ses co-intéressés à la banque française, rela

(1) Voy. ci-dessus, séance du 5 juillet 1792, au soir, page 148, la lettre de M. Chambonas.

(2) Voy. Archives parlementaires, 1 série, t. XLI. séance du 3 avril 1792, page 112, le décret relatif à la banque de M. Pottin de Vauvineux.

tivement aux oppositions faites entre les mains du trésorier de la caisse de l'extraordinaire, sur une somme de 175,000 livres offerte en don à l'Assemblée nationale par ledit sieur Vauvineux, et dont la remise a été ordonnée depuis par dé cret du 3 avril, déclare qu'il n'y a pas lieu à délibérer ».

(L'Assemblée adopte le projet de décret.)

M. Lafon-Ladebat, au nom du comité de l'ordinaire des finances, fait un rapport et présente un projet de décret sur le payement des gratifications des sous-officiers et soldats de la garde soldée parisienne; le projet de décret est ainsi

congu:

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'ordinaire des finances, sur la demande du ministre de la guerre, du 3 de ce mois, (1) considérant qu'à l'époque à laquelle les trois quarts des gratifications qui restent à payer aux sous-officiers et soldats de la garde parisienne soldée, en exécution de l'article VII de la loi du 9 octobre 1791, et de l'article II de la loi du 19 février 1792, devraient être acquittées, est déjà passée, décrète qu'il y a

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«Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »

(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)

M. Dieudonné, au nom du comité de l'ordinaire des finances, fait un rapport et présente un projet de décret tendant à ordonner le versement d'une somme de 48,796,867 livres à la trésorerie nationale par la caisse de l'extraordinaire. Il expose que le déficit est de 15 millions environ et présente quelques observations sur les causes de ce retard. Je m'étonne surtout, dit-il, que la ville de Paris, qui montre en déclarations tant de patriotisme, en montre si peu pour payer l'impôt. Quoique M. Clavière fut assuré que le recouvrement s'en faisait avec la plus grande activité, il n'avait pas été recouvré, dans le mois dernier, la centième partie de la somme annuelle.

(1) Voy. ci-dessus, séance du mercredi 4 juillet 1792 au matin, page 102, la lettre du ministre de la guerre.

Sur 20 millions qui sont dus pour l'impôt direct pour l'année 1791, il n'a été payé environ que millions, et rien pour l'année 1792.

Le projet de décret est ainsi conçu :

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'ordinaire des finances, qui lui a présenté le tableau des recettes et dépenses, tant ordinaires qu'extraordinaires, faites par la trésorerie nationale dans le courant du mois de juin dernier, duquel il résulte que les dépenses ordinaires ont excédé les recettes aussi ordinaires d'une somme de 13,391,424 livres, et que les dépenses extraordinaires, réunies aux avances faites aux départements, se sont portées à une somme de 35,405,443 livres; considérant que le service du Trésor public exige le plus prompt remplacement de ces sommes, décrète qu'il y a urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit:

Art. 1er.

« Il sera versé à la trésorerie nationale, par la caisse de l'extraordinaire, une somme de 13,391,424 livres pour remplir le déficit qui s'est trouvé entre les recettes et les dépenses ordinaires du mois de juin dernier.

Art. 2.

« La caisse de l'extraordinaire versera pareillement à la trésorerie nationale: 1° la somme de 1,583,414 livres pour les dépenses particulières et extraordinaires de 1791, acquittées par la trésorerie nationale, dans le courant du mois dernier; 2° 32,790,362 livres pour les dépenses extraordinaires de 1792, aussi acquittées durant le mème mois; 3° et enfin la somme de 851,667 livres pour avances faites aux départements également pendant le même mois.

M. Jacob Dupont. Le comité des finances vous propose de décréter le remplacement de 50,101,861 livres dans la caisse de la trésorerie nationale, de laquelle somme, 13,391,424 livres sont destinées à combler le déficit des rentes du mois, et c'est ainsi que le déficit de chaque mois a été comblé jusqu'à présent. Arrives dans six jours à la moitié de notre carrière, ne seraitil pas temps de jeter enfin un coup d'oeil attentif sur notre situation en finances, et de pourvoir à faire rapprocher les recettes ordinaires des dépenses ordinaires, en un mot, de mettre de l'ordre dans les affaires de la nation? Personne n'ignore que l'épuisement des finances a été une des causes de la Révolution; ne craiguez-vous donc pas que la même cause ne produise, je ne dirai pas la contre-révolution, elle est impossible, mais bien une seconde révolution? Depuis quelques jours, différents orateurs se succédent á la tribune, et nous donnent le tableau de notre situation politique, d'où il faut conclure que la patrie est en danger; mais j'oserai leur dire qu'ils ne l'ont pas envisagée sous tous ses rapports. Aucun n'a parlé de la situation de nos finances, comme si on pouvait faire la guerre sans fonds. Je sais que si l'on considère le revenu annuel du roi de Hongrie, montant à peine à 220 millions; celui du roi de Prusse, montant au plus à 80 millions, lesquelles deux sommes forment à peine la moitié du revenu de la nation française, je sais que si l'on considère la dette de l'Autriche, qui, malgré tout le soin qu'on prend à la cacher, est proportionnellement plus consi

dérable que la nôtre; je sais que si on considère qu'elle n'a pas les mêmes moyens que nous pour les solder, moyens dont elle ne pourrait user sans provoquer chez elle une révolution, et qu'elle n'a pas non plus les mêmes ressources que nous pour ses dépenses extraordinaires; je sais, dis-je, qu'en prenant ces objets en considération, nous pourrions avoir sur ce point quelque raison de nous tranquilliser; car, en supposant que l'Autriche et la Prusse eussent à nous opposer des forces égales aux nôtres, ce qui n'est pas, ces puissances seraient forcées de consommer deux années de leur revenu, lorsque nous ne serions qu'au courant du nôtre, ou bien le trésor de la Prusse serait bientôt épuisé, et la dette de l'Autriche considérablement accrue.

On me dira peut-être qu'il ne s'agit pas ici d'une guerre à argent, mais d'une guerre prompte et décisive, en peu de mois, par l'arrivée des ennemis à Paris, qui dicteraient la loi; mais il faut alors supposer que nos armées des frontières seraient anéanties sans qu'il en coutât un seul homme aux ennemis; il faut alors supposer qu'ils traverseraient impunément la distance de Metz, ou de Srasbourg à Paris. La nuée d'hommes armés, à travers laquelle il faudrait bien qu'ils se fissent passage, serait paralysée ou massacrée sans aucun parti pour l'ennemi; il faudrait alors supposer, dans le cas même d'un triomphe complet, que les rois de Hongrie et de Prusse, et les autres puissances de l'Europe eussent l'absurde prétention de soumettre des hommes qui veulent être libres ou mourir, de régner sur des hommes qui ne peuvent pas plus être soumis, que les Chinois peuvent l'être par les Tartares. il faudrait enfin supposer qu'à chaque individu français désarmé serait attaché un prussien ou un autrichien armé, pour le forcer à obéir aux lois qu'ils auraient dictées; et comme l'absurdité de ces suppositions est palpable, je reviens à ma première hypothèse, et je dis que, pour faire la guerre avec avantage, dans ce cas, nous ne devons pas perdre un instant pour nous occuper de nos finances, de nos ressources et des moyens d'en tirer le plus grand avantage.

Pourquoi nous endormons-nous donc sur le bord du précipice en vivant au jour le jour, sans chercher à l'éviter? Pourquoi nulle voix ne s'élève-t-elle journellement dans cette enceinte pour rappeler à l'Assemblée qu'elle doit au moins quelques instants à l'examen des questions de finances? Avec quoi, je vous le demande, avec quoi prétendez-vous donc payer vos dépenses extraordinaires, et combler le déficit du mois prochain, si, lorsqu'il expirera, les 300 millions d'assignats nouvellement créés étaient consommés? Et ils le seront probablement à cette époque. Voudriez-vous donc attendre précisément à la veille où vous n'aurez plus un seul assignat disponible, comme vous l'avez fait à la dernière création, pour en créer de nouveaux hypothéqués sur des biens dont la vente n'est pas même encore décrétée? Il faut donc vous occuper sérieusement des finances.

Vos comités de finances ont, depuis longtemps, à vous faire prononcer sur les plus grands objets, tels que le mode de remboursement et autres questions qui y sont relatives; les dépenses de 1792 qui devaient être certainement arrêtées; la fixation du maximum; les dégrèvements; la distribution d'une somme de 150,000 livres aux départements, qui faciliterait le payement des contributions; la loi sur le cadastre; la revision de la loi sur l'enregistrement; de nouvelles lois

sur les contributions foncières, mobilières et patentes; la détermination à prendre sur les payeurs généraux; la répartition des contributions pour 1793, la loi sur les hypothèques, ainst qu'un très grand nombre d'autres questions qu'il serait trop long de désigner ici, sans parler des décrets attendus avec la plus grande impatience, relatifs uniquement à des demandes particulières d'un grand nombre de corps administratifs et de communes.

Il faut donc, encore une fois, vous occuper de finances, et je pense qu'il suffit de vous en avertir pour vous y déterminer.

Cependant je suis loin de vous demander même quelques-unes de vos séances du matin, que vous devez toutes consacrer dans ce moment à l'examen des moyens propres à sauver la patrie, du projet de loi de M. Muraire, de celui de M. Condorcet sur l'instruction publique, du Code civil et des lois militaires, et certes les 246 séances du matin qui vous restent d'ici au 1er mai 1793, suffisent à peine pour tous ces objets, que vous ne pouvez, à mon avis, vous dispenser de terminer, quand bien même il faudrait y employer les jours et les nuits. Je ne vous demanderai que trois séances par semaine pour vous occuper uniquement de finances; en désirant toutefois que les membres de vos différents comités s'arrangent de manière à ne pas avoir de comités ces jours-là. Et comme l'éloquence ni la passion n'ont aucune prise sur de pareilles questions, je me persuade que ce temps employé aux finances d'ici à la fin de notre session suffirait.

En rentrant plus particulièrement dans le projet de décret qui vous est présenté, je dis que la somme à remplacer dans la caisse de la tresorerie ne serait pas aussi considérable, si les directoires de département, au lieu de s'amuser à faire des adresses, des lettres au roi, qu'ils répandent ensuite dans les municipalités de leurs ressorts respectifs, non sans inconvénients et peut-être sans en avoir le droit, si, dis-je, ces directoires s'occupaient de faire le répartement de 1792, qui, suivant la loi, aurait dù être terminé avant le 1er juillet, et qui ne l'est pas cependant encore. Les cotes de 1791 sont payées par beaucoup de contribuables, qui auraient désiré de solder celles de 1792, ou au moins d'entrer en payeinent.

D'un autre côté, les départements de l'Ardèche, de la Drôme, de la Haute-Loire, de la LoireInférieure, de la Lozère et du Puy-de-Dôme, sont loin d'avoir en recouvrement tous leurs rôles de contributions, même pour 1791. Celui de l'Ardèche, que vous étiez sur le point d'autoriser bier à prendre des fonds dans les caisses du receveur qui n'en a que quinze en recouvrement, aurait été sans doute obligé de puiser dans les caisses des receveurs des départements voisins, comme dans celles de l'Hérault, qui a tous ses rôles, à peu près, en recouvrement. Il est évident que si ces départements eussent mis plus d'activité dans le recouvrement des impositions, les recettes seraient plus considérables. Enfin, si le département et la municipalité de Paris eussent ajourné leurs misérables querelles de compétence, et eussent fait faire leurs rôles de 1791 et 1792, au lieu de se disputer, il est évident, du moins j'en juge par le patriotisme des parisiens, que les 20 millions dus par la ville de Paris, pour 1791, seraient soldés, et que les 20 millions pour 1792 seraient à peu près payés.

Vous devez porter promptement votre atten

tion sur les moyens de faire mettre au courant ces départements arriérés; je vais les indiquer. Enfin, il est temps de prendre un parti sur la destination des biens des émigrés, et d'examiner s'ils ne pourront pas concourir à payer partie des dettes non liquidées qui seront exigibles à l'époque de leur liquidation individuelle. Vous devez sur ce point provoquer fortement l'examen de vos comités de législation et des finances.

1o Vous devez d'abord demander au ministre des contributions qu'il vous rende compte des départements qui n'ont pas terminé le répartement de 1792.

2° Vous devez demandez à votre comité des finances un projet de loi répressive contre les departements qui sont arriérés pour les rôles de 1791. Si l'on fait des mentions honorables pour ceux qui les ont terminés, ou qui sont sur le point de le faire, on doit au moins improuver fortement ceux qui, aujourd'hui, ont à peine quelques rôles en recouvrement.

3° Quant à ce qui est relatif à la ville de Paris, vous devez, à mon avis, mander à votre barre, tous les huit jours, et le département et la municipalité, pour qu'il vous rendent compte direcment de l'état de situation de leurs matrices de rôles et de leurs rôles, jusqu'à ce qu'ils soient en recouvrement.

M. Tarbé ne vous avait-il pas dit, en mars dernier, que les rôles définitifs de Paris, de 1791, seraient en recouvrement en mai, et ceux de 1792 en juillet. Eh bien! Sont-ils en recouvrement? Une lettre de M. Roederer, insérée dans le Moniteur ces jours derniers, ne donne pas même sur ce point l'espérance d'une mise prochaine en recouvrement.

1° que

Je propose que l'Assemblée décrète les séances des mardis, jeudis et samedis soir de chaque semaine seront uniquement et exclusivement employées à la discussion des questions des finances; 2° que le ministre des contributions publiques lui rendra compte de l'état des répartements des contributiens foncière et mobilière de 1792, qui, suivant la loi, ont dù être terminés par les directoires des départements avant le 1er juillet, ainsi que de l'état de la confection des rôles desdites contributions de la municipalité de Paris pour 1791; 3° que le comité des finances lui présentera le projet de décret contre les départements dont les municipalités sont en retard pour la confection des matrices de leurs rôles.

M. Tarbé. Tous les départements ne sont pas arriéres dans leur travail. J'ai sous les yeux une lettre du procureur général syndic du département de la Seine-Inferieure qui m'annonce pour ce département que tous les rôles de la contribution foncière sont en plein recouvrement, que sur 1,000 municipalités qui composent le département 85 seulement sont en retard pour la confection des rôles de la contribution mobilière. Je demande, en conséquence, qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal de la conduite du département et des districts de la Seine-Inférieure.

M. Cambon. Je m'oppose à la mention honorable. Je pense que l'opinion d'avoir bien fait est une récompense suffisante pour l'homme public.

(L'Assemblée, après avoir décrété l'urgence, adopte le projet de décret de M. Dieudonné. Elle adopte ensuite les propositions de M. Jacob Dupont.)

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