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cours qui vous environnent, est allé au comité, lui a communiqué les dépêches, et le comité est tombé d'accord qu'il ne fallait pas en donner communication à l'Assemblée nationale. Qu'arrive-t-il, Messieurs, de cette communication? Il arrive que le ministre est entièrement déchargé de toute responsabilité.

Je suppose, Messieurs, que cette communication nuise à la chose publique. Que direz-vous au ministre, lorsqu'il répondra que l'Assemblée nationale, sur l'avis et le rapport de son comité, a déclaré, en passant à l'ordre du jour, qu'elle ne voulait pas connaître ce qu'il lui proposait de connaître. Je crois donc, Messieurs, que la mesure du comité et celle de M. Delacroix ne peuvent être adoptées.

Adopterons-nous la mesure du comité général? Messieurs, je crois que le comité général aurait de grands inconvénients : il aurait celui de jeter ou une grande défaveur sur les opérations de l'Assemblee nationale, ou une grande alarme dans le royaume; car la Constitution vous permet cette mesure dans les moments de danger. Je demande que le ministre communique ce qu'il peut, et qu'il garde le reste par devèrs lui.

(L'Assemblée adopte la proposition de M. Lagrévol.)

M. Ducos. Je demande que le comité diplomatique qui a pris sur une communication une délibération qu'il n'avait pas le droit de prendre, et qui a ainsi atténué la responsabilité, soit improuvé.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du juge de paix de la section des Lombards, qui demande à l'Assemblée comment il se conduira. M. Grangeneuve lui a porté sa plainte en assassinat contre M. Jouneau, membre du Corps législatif. Douze déclarations sont venues à l'appui de la plainte; l'instruction est faite jusqu'au mandat d'amener contre l'accusé.

Plusieurs membres : Nous demandons le renvoi au comité de législation.

M. Charlier. Je ne crois pas qu'il y ait de difficulté pour le mandat d'amener.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de législation.)

Une députation de 8 citoyens de Paris, parmi lesquels, MM. Guillaume et Dupont (de Nemours), anciens députés à l'Assemblée constituante, et Jaugé, est admise à la barre.

M. GUILLAUME, orateur de la députation, s'exprime ainsi (1):

« Messieurs, les citoyens soussignés viennent partager votre douleur sur les événements qui se sont passés mercredi 20 juin, dans la demeure du représentant héréditaire de la nation, et qu'ils auraient voulu prévenir au prix de leur sang. «Il est manifeste que ces événements n'auraient pas eu lieu 1° Si le chef et les instigateurs du rassemblement n'avaient pas persisté dans la violation de la loi, qui ne pouvait leur être inconnue, puisqu'elle avait été rappelée dans les délibérations du conseil général de la commune, et par l'arrêté du département; 2° si la municipalité eùt rempli le devoir que la loi lui

:

(1) Voy. Archives parlementaires, 1r série, t. XLV, séance du 26 juin 1792, au matin, page 583, la dénoneiation de cette pétition par M. Priez.

imposait... (Murmures prolongés à gauche et dans les tribunes.)

Plusieurs membres à droite, montrant lestri bunes. Monsieur le Président, imposez silencei ces factieux.

M. Daverhoult. Je demande si 50,000 citoyens doivent être le jouet de quelques personnes qui sont dans les tribunes.

M. le Président. Je rappelle aux tribunes qu'elles doivent garder le silence.

M. GUILLAUME... et que l'arrêté du corps administratif supérieur lui prescrivait; 3 si le commandant général eût obéi à la loi qui lui ordonnait de repousser la force sans réquisition, lorsqu'on attaquait le poste où il commandait. (Murmures à gauche.)

Plusieurs membres à droite : C'est la loi.

M. GUILLAUME. La garde nationale, tant celle qui était au château que celle qui formait la réserve de chaque quartier a eu la douleur qui approche du désespoir... (Exclamations et rires ironiques dans les tribunes.)

M. le Président. Je rappelle une seconde fois les tribunes à l'ordre et à la loi.

M. Guadet. Monsieur le Président, rappelez les membres de l'Assemblée au respect qu'ils doivent aux pétitionnaires.

M, le Président. Je rappelle les membres de l'Assemblée à leur règlement.

M. GUILLAUME... d'être dénuée de tout ordre du commandant, et de ne pouvoir y suppléer d'elle-même, sans violer toutes les lois de la discipline, dont elle doit et a toujours donné l'exemple. Dans cette privation absolue d'ordres militaires, les passages ont été ouverts, et le courage de la garde nationale enchaîné au château même, sur les réquisitions multipliées de plusieurs officiers municipaux en écharpe, et, parlant, disaient-ils, au nom de la loi.

Nous vous remercions, Messieurs, du décret que vous avez rendu pour empêcher que désormais une force armée puisse marcher, malgré la loi, vers le lieu de vos séances, y pénétrer, sous prétexte de pétitions ou de fêtes, y interrompre vos délibérations, y consumer en vaines défilades le temps que vous devez à la nation entière.

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Malheureusement ce remède pour l'avenir ne répare point le passé. Lorsque l'on compare les principes de la Constitution avec les événements de la journée du 20 juin, qu'on admire la sagesse de la loi qui veut que tout citoyen trouve un asile inviolable dans sa maison, et y soit garanti de toute attaque par toute la force publique, et qu'on voit cependant que le palais donné par la nation à son représentant héréditaire a été forcé, que la majesté de la nation a été offensée dans la personne de ce représentant, qui a été insulté, dont les jours ont été en péril... (Murmures à à gauche.)

Plusieurs membres à droite : Oui! oui!

M. GUILLAUME... et que l'un des premiers pouvoirs constitués a été ainsi troublé dans sa liberté, sans laquelle il ne peut lui-même exercer la fonction qui lui est remise, de protéger la liberté de tous et de chacun, on ne peut se déterminer à rester sur un tel malheur public dans un criminel silence.

« Nous vous demandons de déployer toute l'énergie de votre zèle pour laver la nation de la honte qui lui serait imprimée par les attentats de plusieurs citoyens, dont quelques-uns sont

profondément coupables, et dont le plus grand nombre a été trompé, séduit, égaré. Nous vous demandons de porter l'œil le plus sévère sur la conduite des moteurs, instigateurs et chefs du rassemblement, sur celle du maire et des officiers municipaux...

Plusieurs membres à gauche : Ah! ah!

M. GUILLAUME... qui ont ordonné d'ouvrir les avenues du château et le château même.

« Nous vous demandons spécialement d'ordonner que le commandant général soit destitué de ses fonctions, comme ayant exposé la sûreté du roi et compromis l'honneur de la garde nationale, si l'honneur d'un soldat n'était pas avant tout dans la discipline.

«Les attentats qui ont été commis paraissent pour la plupart l'effet d'une conspiration contre les pouvoirs établis par la Constitution, ou plutôt contre la Constitution elle-même. Mettez, Messieurs, une barrière invincible à de semblables machinations. Les citoyens soussignés vous le demandent au nom de la Déclaration des droits, au nom de l'intérêt général de la nation, au nom de l'intérêt spécial des citoyens de Paris, responsables sur leur honneur, de la liberté et de la sûreté des représentants élus du représentant héréditaire de la nation.

« Songez, Messieurs, en combien de manières la loi et la Constitution ont été violées; songez au spectacle que Paris, que le lieu de votre résidence et de celle du roi a donné ce jour-là aux 83 départements et à l'Europe; voyez à quoi vous obligent la qualité de représentants de la nation, et le devoir de législateurs, à la fidélité desquels le dépôt de la Constitution a été confié. » (Les pétitionnaires déposent sur le bureau un gros volume contenant 7,420 signatures.)

M. le Président répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.

La députation entre dans la salle. (Applaudissements à droite et dans une partie des tribunes. Murmures à gauche et dans les tribunes des extrémités.)

(L'Assemblée renvoie la pétition des citoyens de Paris à la commission extraordinaire des Douze.)

Une députation des citoyens et des citoyennes de la section des Postes et du bataillon Saint-Eustache, est admise à la barre.

L'orateur de la députation offre, en leur nom, n numéraire or et argent, 456 1. 14 s.; en billets patriotiques, 72 1. 17 s.; en billets de caisse, assignats et coupons d'assignats, 2,452 1. 10 s.; en petits parchemins, 23 1. 9 s.; en billets de 30 sols, 73 1. 10 s.; en billets de 20 sols, 84 livres; en billets de 10 sols, 86 livres; en billets de 40 sols, 100 livres; en billets de 30 sols, 81 livres; en billets, 9 livres; en coupons d'assignats, 12 livres; 8 billets patriotiques, 40 livres; en billets patriotiques de 10 livres, 110 livres; plus, un de 20 livres en billets assignats, 4,190 livres; en un billet de caisse, 25 livres; 2 paires de boucles d'argent du grand modèle; 2 bagues en or; une petite croix d'or donnée par la nommée Marie-Jeanne-Elisabeth Roisy, fille domestique dans une maison de la section; 16 jetons d'argent, dont une pièce de Grégoire XIII, pesant 5 onces, un demi-gros, 12 grains; une pièce d'or d'Espagne, pesant 7 gros 18 grains.

M. le Président répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.

(L Assemblée accepte cette offrande avec les

plus vifs applaudissements, et après en avoir décrété la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs, décrète en outre, que le nom de Marie-Jeanne-Elisabeth Roisy, qui a fait le sacrifice de sa croix d'or, y serait inséré.)

Une nombreuse députation des habitants de Gentilly est admise à la barre.

L'orateur de la députation proteste, en leur nom, de leur attachement à la Constitution et dépose sur le bureau de l'Assemblée un petit cachet d'argent; 30 1. 6 s., en numéraire; 62 1. 10 s., en billets patriotiques, et 615 livres en assignats.

M. le Président répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)

Le sieur Campmas, ingénieur français, est admis à la barre, et propose d'élever un monument qui aura pour titre « l'Arbre de la liberté. »

M. le Président répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie la proposition au comité de l'instruction publique.)

Une nombreuse députation des citoyens actifs de la section de la Croix-Rouge est admise à la barre.

L'orateur de la députation s'exprime ainsi :

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« L'horizon politique de la France se couvre de nuages, la foudre gronde, elle est prête à éclater; le silence du désespoir occupe les amis de la liberté le peuple entier, à demi-levé, n'attend plus que le signal de ses représentants; la souveraineté nationale vient d'être audacieusement outragée. Un général quitte son poste, abandonne lâchement son armée, qu'il livre à la merci des ennemis. Il vient à Paris: qu'y faire? Déclarer la guerre aux factieux; mais qu'est-ce que La Fayette, sinon le chef d'une faction qui voudrait détruire la Constitution par la Constitution même? (Applaudissements à gauche.) Quelle sera la peine réservée à l'homme assez téméraire pour oser faire présager le dictateur et imposer des lois aux représentants de la nation? Comment a-t-il pu croire qu'un peuple assez fort pour résister au despotisme courbera sa tête sous le protecto rat! Législateurs, cette barre a été souillée par la présence d'un chef rebelle. (Nouveaux applaudissements à gauche.) Les citoyens de la section de la Croix-Rouge la purifient aujourd'hui,en jurant, en présence de l'Assemblée nationale, une haine éternelle à tous les factieux, quels que soient leur nombre et leur rang, à tous les protecteurs. Hommes libres, nous ne voulons que l'empire de la liberté et des lois; nous vous demandons un grand exemple de sévérité, pour effrayer les conspirateurs; frappez un grand coup; déclarez que la patrie est en danger, et aussitôt les dangers cessent, et la patrie est sauvée. » (Applaudissements à gauche et dans les tribunes, murmures à droite.)

(Suivent les signatures.)

M. le Président répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.

M. Jaucourt. Je demande que l'on vérifie si les signatures apposées sous cette pétition n'ont pas été extorquées aux citoyens de la CroixRouge. (Murmures à gauche.)

(L'Assemblée renvoie la pétition à la commismission extraordinaire des Douze.)

Une députation des citoyens de la section de la fontaine de Grenelle est admise à la barre. L'orateur de la députation s'exprime ainsi (1):

« Législateurs,

Quand une faction composée d'intrigants et d'ambitieux ose élever une voix mercenaire et corrompue, pour calomnier la vertu et célébrer le crime; quand elle a l'audace de vous dénoncer les plus zélés défenseurs de la patrie comme des conspirateurs, il est impossible à des hommes dévorés de l'amour de la liberté de garder un coupable silence.

«Les magistrats du peuple, qui par leur prudence et leur sagesse ont su prévenir l'effusion du sang, les meilleurs citoyens sont injuries, outrages, maltraités, diffamés; et la même fac tion qui se rend coupable de tant d'attentats, ose accorder les honneurs du triomphe à l'homme audacieux qui prétend dicter des lois aux représentants du peuple, et tourner contre la patrie l'armée dont le commandement ne lui a été confié que pour la défense de la liberté.

་་

Législateurs, ce nouveau Cromwel, qui s'érige en ce moment en modérateur suprême des deux pouvoirs, pour les asservir et élever sur leur ruine le triomphe de son ambition, cet homme est citoyen de notre section. S'il eût été le vengeur de son pays, nous eussions été les premiers à célébrer sa gloire, il veut en être le tyran, nous sommes dénonciateurs, et dût cet acte de courage attirer sur nos têtes la vengeance de cette horde séduite ou corrompue, que l'intrigue, l'égoïsme et l'ambition rallient autour de son idole, nous braverons tout pour sauver la patrie. L'ennemi le plus dangereux est au milieu de nous!... Périr en le combattant par les armes que la Constitution nous donne, c'est mourir sur la brèche; c'est être à la fois citoyens fidèles et soldats courageux.

«Mais non, aucun péril personnel ne nous menace; la patrie seule est en danger. Oui, la liberté est attaquée; mais elle ne succombera pas, vous en êtes les fidèles dépositaires.

Un dictateur ne peut exister là où le peuple a des représentants.

Qu'ils parlent! qu'ils frappent de la foudre. qu'il a remise en leurs mains un ambitieux qui ose quitter son poste, pour venir déployer au milieu du Sénat français, une audace qu'il n'a pas encore montrée aux Autrichiens, qu'il est chargé de combattre (Applaudissements à gauche.); qui ne veut détruire le régime de l'égalité, que pour y substituer le despotisme militaire?

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Législateurs, nos frères de l'armée sont en présence de l'ennemi, les représentants de notre courage, et non pas de notre volonté. A nous seuls appartient le droit de l'exprimer; et quand vous aurez parlé, vos intrépides défenseurs, indignés que leur général leur ait prêté des sentiments criminels qu'ils ne peuvent pas avoir, se laveront de cet outrage en combattant sous d'autres chefs les ennemis de leur pays.

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Législateurs, si à côté des autorités créées par la Constitution il s'élève un pouvoir qui siège au milieu des camps, il n'est plus de Constitution, il n'est plus de liberté. Prévenez tous les malheurs que peut enfanter une si audacieuse usurpation, dont l'idée seule épouvante des âmes avides de liberté. Arrêtez dans la marche un si funeste exemple, et réprimez avec toute la sévérité des lois un aussi grand attentat.

« Pour nous, qui avons juré de combattre tous les factieux, quelque puissants qu'ils soient, nous voulons la liberté ou la mort. La liberté vient d'être outragée!..... Nous demandons ven geance. (Applaudissements à gauche.)

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« Suivent 110 signatures de citoyens actifs de la section de la Fontaine-de-Grenelle; lesdites signatures certifiées par le comité de ladite section. »

M. le Président répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie la pétition à la commission extraordinaire des Douzes.)

Une nombreuse députation des habitants de Creil et d'autres paroisses environnantes est admise à la barre.

L'orateur de la députation jure, en leur nom, de mourir pour la défense de la liberté et le maintien des lois et dépose sur le bureau de l'Assemblée, pour subvenir aux frais de la guerre, 44 livres 15 sols en argent; un anneau d'or, une alliance, moitié or, moitié argent; une bague à cœur en argent; un bouton de manche; une grande paire de boucles d'argent; deux paires moyennes, dont une de jarretières; 33 livres 14 sols en billets patriotiques de secours; 20 livres en billets Vitallis; 62 billets Corsets, 310 livres.

M. le Président répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)

Une députation des citoyens de la section de Bonne-Nouvelle est admise à la barre.

L'orateur de la députation s'exprime ainsi :

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« Nous vous avons demandé le licenciement de l'état-major de la garde nationale parisienne; c'est cette corporation aristocratique qui est l'une des sources de nos troubles et de nos divisions. Abusant de la supériorité et de la centralité de leurs forces, ces traîtres semblent avoir formé le projet de diriger à leur gré l'opinion publique. Tous les citoyens étant gardes nationaux, ils exercent leur influence et leur pouvoir sur tous les citoyens. Cette institution est une féodalité moderne qui ferait inévitablement échouer la Révolution. Si vous ne vous opposez aux progrès de cette puissance, bientôt la magistrature civile perdra toute sa force; et le peuple, éclairé par une triste expérience, sera forcé de se ressaisir de sa liberté, pour l'asseoir sur des bases mieux calculées.

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« Cet état-major est une espèce de corps de réserve aristocratique qui, faisant de la hiérarchie un moyen d'intrigue, fait circuler à l'ordre le poison de ses opinions, pour provoquer contre les plus sages de vos décrets des veto soi

disant suspensifs. Où en est donc la France, si le résultat de vos délibérations, de vos pensées, si le vœu national doit échouer contre les coupables efforts de l'intrigue. Nous vous demandons la suppression de cette espèce de directoire militaire. >>

Suivent les signatures de 150 citoyens actifs de cette section.» (Vifs applaudissements à l'extrême gauche et dans les tribunes.)

M. le Président répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie la pétition aux comités de surveillance et de législation réunis.)

Une citoyenne de Paris, nommée madame Boulland, est admise à la barre.

Elle se plaint de l'emprisonnement de son mari, arrêté en vertu d'une ordonnance de l'association centrale des juges de paix, pour les discours tenus dans une assemblée de section. M. le Président répond à cette citoyenne et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie la pétition au pouvoir exécutif, avec injonction au ministre de la justice d'en rendre compte, par écrit, à la séance du lendemain.)

M. Palloy est admis à la barre; il s'exprime ainsi :

Messieurs (1),

Le roi a sanctionné, le 27 du mois dernier, le décret que vous avez rendu le 16 précédent, sur le rapport du comité d'instruction publique, pour l'érection d'un monument consacré à la liberté.

« Cette loi contient, Messieurs, en ma faveur une déposition d'autant plus chère à mon cœur, que vous avez voulu m'accorder un témoignage de la reconnaissance publique dans le lieu même où, dès l'instant de la Révolution, à l'époque du 14 juillet 1789, je me suis livré tout entier aux mouvements de mon patriotisme, qui a été et sera sans bornes.

« Ce sentiment, Messieurs, je le conserverai intact jusqu'au dernier souffle de ma vie, et toujours je saurai ne rendre digne de la bienfaisance nationale envers moi.

«Le jour approche, Messieurs, où vous avez décrété que sera posée la première pierre des fondements de la colonne surmontée d'une statue de la liberté; c'est à l'Assemblée nationale qu'il appartient de déterminer le cérémonial qui sera observé dans cette circonstance.

« Je me suis empressé, pour faciliter le passage à l'Assemblée nationale, de faire les premiers préparatifs, tels que le déblaiement des terres, les fouilles et l'aplanissement du local, ainsi que la construction des gradins, pour mettre mes concitoyens à portée de participer à cette auguste cérémonie; les fondations seront élevées à la superficie seulement, et sur la tour appelée de la Liberté, au niveau du sol de la place.

« Un artiste célèbre, le sieur Dumont, travaille en ce moment à graver la table d'airain où sera inscrite la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

«Le code de la Constitution, avec l'acceptation du roi, sera pareillement gravé sur des lames

(2) Bibliothèque nationale: Assemblée législative. Pétitions, tome I, no 57.

de cuivre en forme de livre relié en plomb.

« Ces deux mémorables ouvrages, ensemble les différentes médailles (purifiés au feu par le sieur Ferrandine), que j'ai eu l'honneur de présenter aux députés de l'Assemblée nationale constituante, de l'Assemblée nationale législative, au roi, à ses ministres, aux braves électeurs de 1789; comme aussi les portraits du premier des présidents de chaque Assemblée et celui du premier roi des Français; le tout sera renfermé dans une boîte de bois de cèdre incorruptible par sa nature, revêtue d'une enveloppe en plomb; sous cette boite seront placées les cendres recueillies dans l'endroit où ont été brûlés les derniers vestiges de la féodalité et de l'aristocratie.

"

Au surplus, Messieurs, ce dépôt contiendra tels autres monuments historiques que l'Assemblée nationale voudra décrétér.

La pierre qui recevra ce dépôt sacré, ainsi que celle qui le recouvre, pèsera douze mille.

Tous les instruments et outils nécessaires à cette cérémonie sont prêts, et proviennent des ruines de la Bastille, lesquels outils, après la cérémonie faite, seront déposés aux archives de la nation, ou à tel autre endroit que l'Assemblée nationale jugera convenable.

Les marchands carriers et chaufourniers des environs de Paris se sont empressés d'amener chacun un échantillon nécessaire à l'établissement de la dernière assise des fondations de la colonne, sur laquelle sera posée la première pierre qui formera le point central de la place de la liberté dont vous avez décrété la formation.

«Je prie M. le Président de vouloir bien consulter l'Assemblée à l'effet d'approuver l'envoi sous son cachet, de l'offrande que je fais aux artistes de l'Empire des 83 départements; savoir, le modèle de la colonne de la liberté que je lui ai présenté, un projet général avec le prospectus, les plans, coupes profils et élévations, ensemble le plan de l'ancien sol de la Bastille, le plan des situations actuelles de l'Arsenal, du couvent de Sainte-Marie, des Célestins, de l'île Louviers et les dépendances, terrains nationaux sur lequel mon projet général est établi.

L'Assemblée nationale s'est réservé de statuer, par son décret du 16 juin 1792, sur la vente et l'emploi desdits terrains.

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L'objet de cet envoi, Messieurs, est d'exciter l'émulation des artistes des 83 départements, et de leur faciliter sans déplacement, par l'examen des plans, des localités et du modèle, le moyen de donner à leur génie tout l'essor dont il est susceptible. »

M. le Président répond à M. Palloy et lui accorde les honneurs de la séance.

Plusieurs membres: Nous demandons l'impression de l'adresse!

(L'Assemblée décrète l'impression de l'adresse et la renvoie au comité d'instruction publique. Une députation des gardes des ports de Paris est admise à la barre.

L'orateur de la députation réclame, en leur nom, contre leur suppression, et donne lecture d'une pétition, dans laquelle ils demandent à jouir des mêmes gratifications que l'Assemblée constituante accorda aux gardes françaises.

M. le Président répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie leur pétition au comité militaire, pour en faire son rapport à la séance du lendemain.)

Un de MM. les secrétaires continue la lecture des lettres, adresses et pétitions envoyées à l'Assemblée :

17° Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, qui adresse à l'Assemblée la note des décrets sanctionnés par le roi ou dont Sa Majesté a ordonné l'exécution.

(L'Assemblée renvoie la note au comité des décrets.)

18° Lettre d'un citoyen qui réclame contre les abus des testaments.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de législation.)

Un citoyen, envoyé par le bataillon de la Corrèze, est admis à la barre.

Il demande, au nom des officiers sous-officiers et soldats de ce bataillon, que M. de Custine, dénoncé pour avoir refusé d'obéir aux ordres du maréchal Luckner, soit enfin jugé par une cour martiale, et qu'il recouvre ou perde pour jamais la confiance de ses soldats. Il supplie l'Assemblée de presser avec vigueur les opérations de la campagne et la formation d'un corps d'attaque, et témoigne le désir d'avoir, à la tête de ce corps, des généraux dignes de les commander. M. le Président répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.

Un membre: J'observe que le moyen d'avoir de bons généraux et de maintenir la discipline dans l'armée, est de poursuivre les fautes sans distinction de grade. Je demande que le ministre rende compte de l'activité de la cour martiale qui a dû être formée pour juger M. de Custine.

(L'Assemblée adopte cette proposition et renvoie l'adresse au comité militaire.)

Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :

1o Les commis de l'administration des domaines nationaux de la ville de Paris envoient 200 livres en assignats.

2° Les six chefs du bureau des procès-verbaux envoient 30 livres en assignats.

3° La société des Amis de la Constitution de Trévoux, donne en un récépissé pour numéraire, qu'elle a déposé à la poste de Trévoux, 240 livres.

4° M. Besné, ancien officier municipal de SaintBrieuc et accusateur public au tribunal du département des Cotes-du-Nord, renonce au remboursement de la contribution patriotique dont il a acquitté les termes; son abandon est du 24 juin 1792.

(L'Assemblée accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)

(La séance est levée à trois heures et demie.)

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du lundi 2 juillet 1792, au matin.

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARDIN.

La séance est ouverte à dix heures.

Un de MM. les secrétaires donne lecture du

procès-verbal de la séance du jeudi 28 juin 1792 au matin.

(L'Assemblée en adopte la rédaction.)

M. Thuriot. Je viens me plaindre de ce que MM. les secrétaires laissent les procès-verbaux en retard, de telle sorte qu'ils ne sont livrés à l'impression qu'un mois après. En conséquence je demande que l'Assemblée charge expressément les commissaires inspecteurs de veiller à ce que les procès-verbaux soient imprimés au plus tard dans le délai de 8 jours.

M. Vivier. Je demande qu'on renouvelle la moitié des commissaires de la salle; ils ne doivent exercer ces fonctions que pendant 3 mois, au terme du décret, et cependant ils y sont depuis 8 mois. D'ailleurs ils exercent un despotisme intolérable; il en est qui ont menacé les journalistes qui n'écriraient pas en faveur de certaine société, de les chasser de leur loge.

M. Thuriot. Et moi je demande au contraire que l'Assemblée prenne des mesures contre les journalistes qui sans cesse insultent, calomnient les membres de l'Assemblée, et l'Assemblée ellemême. (Applaudissements des tribunes.) Je dénonce en particulier le Logographe (1) qui continuellement altère la vérité, et qui nécessairement est payé pour l'altérer. (Applaudissements des tribunes.) On connaît M. Louis Hébert; on sait qu'il est incapable de calomnier ses coilègues, et qu'il ne s'est jamais permis d'injures contre aucun d'eux; eh! bien, Messieurs, le Logographe, dans sa feuille d'aujourd'hui, s'est permis de faire dire à M. Louis Hébert que j'étais l'auteur des troubles du 20 juin. Je suis allé dès ce matin demander à M. Louis Hébert s'il était vrai qu'il se fût permis ce propos insultant et caloninieux contre moi. M. Louis Hébert m'a répondu, m'a assuré qu'il n'avait jamais prononcé une pareille calomnie. C'est donc le rédacteur du Logographe, Messieurs, qui s'est permis cette atroce inculpation contre un de vos membres, et ce n'est point la première fois, ce n'est point contre moi seul que ce journal, qui passe pour répéter exactement tout ce qu'on dit ici, s'est permis de telles injures. Il l'a fait contre les meilleurs patriotes, contre les citoyens dévoués à la cause de la liberté. On sait que depuis le commencement de la Révolution je me suis dévoué à la cause du peuple, que j'ai cent fois exposé ma vie, ma fortune pour sa défense; on connait ma conduite. Je viens le matin à l'Assemblée, je retourne chez moi; je reviens le soir ici, et après chaque séance je retourne chez moi et je me couche; et je ne vais dans aucun autre endroit public. Messieurs, c'est moi que l'on accuse indécemment d'être l'auteur des troubles actuels. Il est temps qu'on cesse de permettre que des gens soudoyés trompent ainsi toute la France. Je demande que les commissaires de la salle soient spécialement chargés de vérifier le fait que je dénonce et qu'on en fasse justice car on ne doit pas permettre que l'on cherche tous les moyens possibles pour discréditer l'Assemblée nationale. (Vifs applaudissements des tribunes.)

Une des grandes mesures qu'emploie depuis longtemps une faction puissante, c'est de corrompre de vils écrivains afin de faire dire dans le sein de l'Asssemblee ce qui n'y a jamais été

(1) Voy. ci-dessous aux annexes de la séance, page 48, la réponse du Lolographe.

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