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de jeter du louche sur cette scène attendrissante, soit poursuivi comme perturbateur du repos public. (Applaudissements.)

M. Emmery. Je demande qu'on passe à l'ordre du jour motivé. C'est à l'opinion publique à juger, nous en avons fait la conquête aujourd'hui.

M. Carnot-Feuleins, le jeune, présente la rédaction de la proposition qu'il vient de faire.

M. Louis Genty. Je prie Monsieur Carnot de vouloir bien exprimer, dans sa rédaction, à toutes les autorités constituées qui se présenteront à la barre, quelque chose qui exprime l'heureuse réunion qui vient de s'opérer dans le Corps législatif. (Applaudissements.)

M. Carnot-Feuleins, le jeune. J'adopte.

M. Delmas (d'Aubenas), secrétaire, lit l'extrait du procès-verbal de la séance, qui doit être envoyé au roi, et qui est ainsi conçu :

« Un autre membre a proposé que ce mouvement d'union et d'accord fût signalé par une démarche qui annonçât à tout l'Empire le vœu du Corps législatif pour l'harmonie des deux pouvoirs, et il a demandé que, séance tenante, extrait du procès-verbal fût porté au roi par une députation de 24 membres ayant à sa tête l'orateur qui a prononcé l'opinion dont le résultat a été si heureux. »

M. Hérault de Séchelles. Le règlement défend que le nom d'un membre soit inséré dans le procès-verbal; mais je demande que, pour aujourd'hui, le nom de M. Lamourette y soit consigné.

(L'Assemblée décrète cette proposition.)

M. Muraire. La patrie étant rassurée sur les plus grands dangers qui semblaient la menacer, par la cessation de toutes les méfiances entre les membres du Corps législatif, par l'abjuration de toute passion, autre que celle de l'amour du bien public, par la réunion franche et cordiale dont vous venez de donner à l'Europe le touchant spectacle, il serait beau de vous voir, tranquilles au sein de l'orage et dans le calme de la sagesse, vous livrer à une discussion d'une loi intéressante, que la nation attend. (Vifs applaudissements.) C'est, en conséquence, pour vous ramener au point de cette discussion, auquel vous en étiez demeuré, et dont des circonstances affligeantes vous avaient malheureusement éloignés, que je remets sous les yeux de l'Assemblée nationale l'article 4 du titre IV de la section re des mariages, ainsi conçu, et sur lequel la discussion va s'engager (1). (Applau dissements universels.)

M. Gossuin. Avant de suivre la discussion, je demande que l'Assemblée entende la rédaction définitive du procès-verbal et de la motion de M. Carnot-Feuleins, le jeune.

M. Delmas (d'Aubenas), secrétaire, lit le procès-verbal, ainsi conçu :

« Un membre a demandé la parole pour une motion d'ordre relativement aux mesures géné rales. Il a observé que la plus instante et la plus efficace était celle de l'union des membres du Corps législatif, troublée par des méfiances et des préventions réciproques sur leurs opinions politiques. Il a proposé, en conséquence,

(1) Voy, Archives parlementaires, 1 série, t. XLV, séance du 29 juin 1791, au matin, p. 668, la discussion de ce projet de décret.

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« L'Assemblée, par un mouvement subit et spontané, s'est levée tout entière et a décrété cette proposition au milieu des applaudissements. Et aussitôt les membres se sont rapprochés de toutes les parties de la salle, en se donnant des témoignages réciproques de fraternité. Ils ont, dès cet instant, confondu tous leurs sentiments dans le seul amour de la patrie. »

Un membre: Je demande l'envoi du procèsverbal aux 83 départements et à l'armée! (L'Assemblée décrète cette motion.)

Un autre membre: Par un courrier extraordinaire !

M. Rouyer. J'appuie la proposition; vous ne pouvez pas vous dispenser de faire connaître la situation actuelle de l'Assemblée à toute la France.

M. Emmery. Donnons au pouvoir exécutif une preuve de confiance, ne doutons pas de son empressement à faire passer cette heureuse nouvelle dans les départements. Je demande que l'Assemblée passe à l'ordre du jour sur ce motif.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour ainsi mo

tivé.)

"

M. Delmas (d'Aubenas), secrétaire, continue: Un autre membre a proposé que ce moment d'union et de concorde des membres de l'Assemblée nationale fût signalé par une démarche qui annonçât à tout l'Empire ce qu'avait fait l'Assemblée nationale pour l'harmonie des deux pouvoirs; il a demandé que, séance tenante, extrait du procès-verbal fût porté au roi par une députation de 24 membres présidée par M. Lamourette, qui a prononcé le discours dont le résultat a été si heureux. >>

Plusieurs membres : Aux voix la rédaction! (L'Assemblée adopte la rédaction.)

M. Carnot-Feuleins, le jeune. Voici ma rédaction!

«L'Assemblée nationale décrète que les corps administratifs et judiciaires constitués dans la ville de Paris, seront invités à se rendre à la séance de ce soir. Monsieur le Président, après leur avoir fait donner lecture de l'extrait du procèsverbal de la séance du matin, leur dira que la volonté unanime et invariable de l'Assemblée nationale ayant toujours été d'assurer, d'une manière ferme et inébranlable, la liberté et la Constitution, que tous les citoyens ont juré de maintenir, ainsi que de veiller à la pleine et entière exécution des lois; elle les invite, au nom de la patrie, à redoubler de zèle et d'activité dans l'exercice des fonctions qui leur sont confiées par la Constitution, et à donner l'exemple de l'union que l'Assemblée nationale vient elle-même de donner à tout l'Empire. » (Applaudissements.)

(L'Assemblée adopte la rédaction.)

M. le Président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (1) du projet de décret du comité de législation sur le mode par lequel les

(1) Voy. Archives parlementaires, 1 série, t. XLV, sance du 29 juin 1792, page 668, la discussion à ce sujet.

naissances, mariages et décès seront constatés.

M. Muraire, rapporteur, donne lecture de l'article 4 du titre IV, qui est ainsi conçu:

Les mineurs de 21 ans accomplis ne pourront se marier sans le consentement de leur père, mère, tuteur ou curateur.»

M. Lasource. Je combats l'article présenté par votre comité. Je ne veux point détruire l'autorité paternelle; personne ne la respecte plus que moi. C'est, dans les limites temporaires que lui prescrites la nature, une autorité sacrée, mais je crois que le comité proroge un peu trop la dépendance des enfants, et qu'il recule trop loin l'époque à laquelle on pourra se marier sans consentement. Vous avez déjà fixé l'époque du mariage avec le consentement des pères et mères, à 13 ans pour les filles, et 15 ans pour les garçons, parce que c'est à cet âge que les facultés de la nature sont développées. L'intervalle de cet âge jusqu'à celui de 21 ans me paraît trop considérable. Une jeune fille de l'âge de 13 ou 14 ans commence à soupirer pour une union qui est dans la nature. Elle lutte entre les passions et le devoir; si elle succombe, elle est perdue; si elle triomphe, elle est martyr; mais rarement on en impose à la nature.

Il peut arriver qu'une jeune personne préfère la honte paisible d'une défaite aux fatigues d'une lutte de 8 ans, qu'elle se souille en égarée pour pouvoir bientôt se satisfaire en épouse chaste. On a vu de jeunes personnes se plonger dans le crime pour aller plus vite à l'autel, et pour forcer ainsi la volonté de leurs parents. Vous devez, par une législation sage, prévenir tous ces maux qu'entraîne une trop longue minorité. Ainsi je crois que l'âge auquel il sera permis de se marier, sans le consentement des parents, doit être fixé à 18 ans pour les filles, et 20 ans pour les garçons.

M. Condorcet entre dans la salle.-M. Pastoret, placé à l'extrême droite, va au-devant de lui et l'embrasse. (Vifs applaudissements) (1).

M. Lasource. Je sais que l'on fait des objections spécieuses. On dit qu'il se fera des unions malheureuses, ainsi que des mésalliances. J'observe 1° qu'il y aurait moins de mal à ce que 2 personnes fussent malheureuses toute leur vie par l'effet de leur propre volonté, qu'il y en aurait à ce qu'elles le fussent un seul instant par

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(1) Extrait de la Chronique, article Assemblée nationale, rédigé par M. Condorcet.

M. Pastoret a parlé le premier (sur la situation générale de l'Empire); mais il a laissé cette grande tache à remplir à ceux qui voudraient parler après lui. Il a fini son discours par une invitation à l'union entre les membres du Corps legislatif; mais comme il n'a point dit sur quoi devait porter cette union, quelle conformité de principes devait la cimenter, chacun des membres est resté dans l'idée qu'il avait auparavant, tant sur l'état actuel des choses, que sur M. Pastoret lui-même.

Lettre insérée dans le Journal de Paris, du mercredi 4 juillet

A. M. Condorcet.

On vient de me montrer, Monsieur, les injures dont vous m'honorez dans le plat libelle où, pour 15 livres par jour, vous outragez tous les matins la raison, la justice et la vérité. Je m'empresse de vous en témoigner ma reconnaissance.

Signé: Emmanuel PASTORET.

le caprice des pères et la défectuosité de la loi. J'observe ensuite qu'il ne faut plus parler de convenances, de fortune; que plus les fortunes sont divisées, plus l'agriculture et l'industrie fleurissent, et plus l'impôt est productif. Examinons la question sous le rapport des hommes. Un jeune homme, qui n'a point obtenu le consentement de ses parents pour une union désirée, se souille souvent dans des maisons de débauche. Il y va matérialiser son âme, ou il abandonne l'objet de son premier choix, ou s'il y revient, il ne lui rapporte que du manège au lieu de sentiment, des sens glacés, et il ne résulte de ces unions tardives que des enfants rachitiques qui dégradent la génération.

M. Ducastel. Dans l'état de nature, le mariage est l'union corporelle de l'homme et de la femme. Il ne peut offrir que le mécanisme de la jouissance ou la seule question de la pluralité des maris.

Dans l'état de société, le mariage a pour base cette union; mais il est d'ailleurs un contrat civil, dissoluble ou indissoluble suivant la loi.

L'union des corps, des sentiments, des plaisirs, peut légalement exister sans l'union des fortunes.

Aussi le mariage présente deux portions: l'une par laquelle on unit les personnes; l'autre par laquelle on règle leurs droits.

La première est celle qui vous occupe maintenant. La seconde sera l'objet d'une loi nouvelle.

Bientôt vous direz si la puissance maritale est ou n'est pas le droit commun, et si les contractants peuvent ou ne peuvent point déroger au droit.

En attendant on suivra les coutumes qui régissent à cet égard divers lieux.

Mais à présent il ne s'agit que de savoir à quelles personnes le mariage sera permis ou défendu, et de quelle manière il sera constaté.

Vous avez interdit le mariage à l'homme qui n'a pas 15 ans révolus, et à la femme qui n'en a pas 13.

Il ne suit point de là que le mariage doit être arbitrairement permis à tous ceux qui ont cet âge.

La nature ne demande que la faculté de produire. Les institutions sociales exigent un consentement réfléchi; on peut, à 15 ou à 13 ans révolus, avoir cette faculté, sans être capable de donner ce consentement à la fixation des droits respectifs.

Voilà pourquoi votre comité dit que : « Les mineurs de 21 ans accomplis ne pourront se marier sans le consentement de leur père, mère,

tuteur ou curateur. »

Ces mots : les mineurs de 21 ans, indiquent les personnes qui n'auront point cet âge. Dans le sens de votre comité, cela ne signifie pas qu'à 21 ans, toute personne sera majeure. Votre comité suppose même le contraire.

Ainsi, d'après votre comité, le mineur, pourvu qu'il ait 21 ans accomplis, pourra se marier sans avoir besoin du consentement ou de son père, ou de sa mère, ou de son tuteur, ou de son cura

teur.

Cette marche répugne à tous les principes. Le mineur est incapable de contracter à son préjudice. Comment donc pourrait-il seul régler ses droits matrimoniaux, et s'obliger irrévocablement?

Une autorisation lui est nécessaire. Qui donc la lui donnera? Seront-ce ceux sous la puissance

desquels il se trouve? En ce cas, leur consentement est indispensable. On ne doit donc pas dire que le mineur peut s'en passer. S'ils refusent l'autorisation, il faut y suppléer par une voie quelconque. Le mineur se pourvoira-t-il ou devant sa famille, ou devant un tribunal? Il aura donc besoin du consentement de l'un ou de l'autre. Sous tous les rapports il sera donc exposé à un refus. Il n'est donc pas libre de contracter lui-même.

Dira-t-on que pour le mariage le mineur sera réputé majeur? Quoi, le même individu qui ne pourrait s'obliger pour la plus faible somme, pourra se ruiner en réglant ses pactions matrimoniales! Cette idée révolte.

Dira-t-on enfin que la loi fixera tous les droits matrimoniaux, et que les quotités seront les mêmes pour chaque mariage?

Ainsi, le plus libre des contrats cessera de l'être; les plus douces affections seront gênées; dans des positions très diverses on sera tenu de suivre une marche uniforme; cette cruelle dépendance s'écarte de notre Constitution.

Au reste, le comité ne s'explique pas sur tous ces points; d'après son système il aurait donc dû poser ou le mode d'une autorisation, ou indiquer les dispositions légales qui la rendront inutile.

Mais un meilleur plan s'offre à tout esprit juste; vous devez fixer l'âge où l'on sera majeur dans tout l'Empire.

Quand l'époque de la majorité sera générale, les difficultés disparaîtront.

Vous pourrez alors dire, le mineur et l'interdit auront besoin d'autorisation, le majeur en sera dispensé.

L'unique question est de savoir à quel âge on sera majeur.

Lorsque vous aurez déterminé cet âge, le majeur non interdit sera libre.

Vous ne le soumettrez plus aux sommations respectueuses que votre comité renouvelle sous le titre de simple réquisition du consentement du père ou de la mère.

Dès qu'on peut se marier sans ce consentement, pourquoi serait-on contraint à le requérir? N'estce pas employer une forme inutile? Et quel effet doit-on en attendre?

Le majeur sera ou ne sera pas d'accord avec son père et sa mère. S'il est d'accord avec eux, toute réquisition est superflue. S'il n'est pas d'accord avec eux, il saura que leur autorisation ou leur refus ne signifie rien. Il requerra l'un, en dédaignant l'autre. Il paraîtra prier les auteurs de ses jours, et il les bravera. Il annoncera que leur pouvoir expire avec cette forme, et ils le sentiront peut-être douloureusement. J'ai toujours vu les sommations respectueuses produire ou l'audace des enfants ou l'irritation des pères et mères. Ecartez pour jamais ce vain cérémonial qui retarde les mariages, et qui, loin de calmer les esprits divisés, les enflamme. Laissez à la piété filiale et à la tendresse paternelle le soin de s'entendre. Quand le fils ne sera plus tenu de requérir le consentement, le père n'exigera plus la réquisition. Il verra marier son fils comme il le verrait faire tout autre contrat. Il dira, je suis libre, parce que je suis majeur. Mon fils est majeur, il doit donc être libre. Comment pourrais-je invoquer mes droits en attaquant les siens? Je demande que l'Assemblée fixé la majorité à 20 ans.

M. Voysin de Gartempe. J'appuie, en partie,

la proposition de M. Ducastel; en effet, n'est-il pas juste de mettre un intervalle entre la majorité civile et la majorité politique? Ne faut-il pas que la société trouve en celui qu'elle appelle à exercer ses droits, une garantie dans la manière dont il a géré ses propres affaires, dans la conduite qu'il a tenue comme citoyen? Il faut accoutumer le citoyen à l'exercice de ses droits particuliers, avant de lui confier ceux de la nation. Je propose donc que la majorité civile soit fixée à 21 ans, c'est-à-dire au même âge que l'inscription sur le registre de citoyen. Voici le texte de ma rédaction: « L'Assemblée nationale décrète que la majorité civile demeure fixée à 21 ans accomplis, de manière que ceux qui auront atteint cet âge, même dans les pays de droit écrit, auront la disposition de toutes leurs actions et pourront contracter toutes sortes d'engagements.

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M. le Président interrompt la délibération, pour faire la nomination des 24 commissaires chargés de porter le procès-verbal de réunion chez le roi. Aussitôt nommée, cette députation sort de la salle.

M. Lemontey. La question que vous traitez est une grande question de morale et d'utilité générale. La puissance paternelle fut toujours regardée comme le meilleur moyen de maintenir la pureté des mœurs, et par les mœurs la liberté des Empires. Il est vrai que quand les mœurs commencent à se corrompre, elle devient ellemême, comme elle l'était autrefois à l'aide des préjugés féodaux, une source de désordres. La vanité sépare les cœurs, et corrompt l'amour filial. Mais lorsque la puissance des pères est limitée par une sage législation, elle peut justement préserver les enfants de l'erreur et de l'emportement des passions. Je demande donc que la majorité civile ne soit fixée qu'à 25 ans pour les garçons et 21 ans pour les filles.

M. le Président annonce qu'une députation de la municipalité de Paris demande à se présenter à la barre.

(L'assemblée décide qu'elle sera introduite à l'instant.)

On introduit la députation.

M. BORIE, maire par intérim et chef de la députation, s'exprime ainsi : Messieurs, le conseil de la commune de Paris nous députe vers vous pour vous donner connaissance d'un arrêté qu'il vient de prendre.

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« Paris, le 7 juillet 1792.

Le conseil général de la commune, après avoir entendu le premier substitut du procureur de la commune, a arrêté qu'une députation de 24 de ses membres se rendrait sur-le-champ à l'Assemblée nationale pour l'instruire de la suspension prononcée par le directoire du département contre M. le maire et le procureur de la commune; de la prier de prononcer promptement sur cette suspension, et de lui faire part de l'élection qu'il a faite de M. Borie, officier municipal, pour remplir par intérim les fonctions

de maire. »

Messieurs, les circonstances sont grandes et périlleuses, le conseil ose vous demander une décision prompte, et il est sûr de l'obtenir.

M. le Président. L'Assemblée nationale prendra en considération la demande que vous lui faites, elle vous accorde les honneurs de la séance.

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M. OSSELIN, officier municipal. Les officiers municipaux de la ville de Paris m'ont autorisé à lire, en leur nom, une adresse à l'Assemblée nationale législative :

« Législateurs (1),

"Le conseil général du département de Paris vient de suspendre provisoirement le maire et le procureur de la commune de cette ville.

« Les motifs de cette mesure violente sont consignés dans l'arrêté (2) qui la prononce; ils sont tous puisés dans la conduite que la municipalité a tenue à l'occasion de l'événement du 20 juin : cette conduite a sauvé l'Empire. C'est au moment où la patrie est en danger, c'est au moment où menacée par l'invasion visiblement concertée des ennemis du dehors, la nation est prête à se lever tout entière, pour apprendre à l'univers que si les tyrans se sont déchaînés contre les peuples, la liberté sainte unit les peuples contre les tyrans; c'est au moment où la division intérieure pourrait être le seul espoir du despotisme, la seule ressource des méchants, que le département s'est rendu sourd aux acclamations de reconnaissance et de bénédictions qui retentissent dans la capitale et dans toute la France, sur la prudente fermeté de la municipalité. Dans cet instant de crise, le département n'a pas craint de frapper de paralysie morale des magistrats qui ont épargné le sang du peuple; disons mieux, le sang des pervers, dont le peuple se serait fait peut-être une justice terrible, si la municipalité eût écouté la voix des scélérats qui, de loin par prudence, agitaient les brandons de la guerre civile.

«Si le maire et le procureur de la commune sont coupables de n'avoir pas déployé le signe de mort sur la capitale, nous sommes tous leurs complices; nous avons commis le même crime; et nous venons solliciter l'honneur de partager leur punition.

« Jugez-les, jugez-nous, Messieurs! les pièces de ce procès sont sous vos yeux. La capitale, tranquille et délivrée des craintes de la mort; la France entière qui va s'unir à vous par les saints nœuds de la Fédération ne doit pas nous trouver dans un état de deuil et d'incertitude, mais dans une attitude digne des fédérés français et de nous, qui sommes chargés de les recevoir.

Signé OSSELIN, MOUCHET, PATRIS, THERRIN,
LEFEBVRE, GROUVELLE, CHAMBON,
GUIARD, MOLLARD, HU, THOMAS,
BIDERMANN, BOUCHER, RAFRON.

M. le Président. L'Assemblée nationale examinera, dans sa sagesse, la pétition que vous lui présentez, et vous accorde les honneurs de la séance. (Applaudissements.)

Plusieurs membres : Le renvoi au pouvoir exécutif!

M. Delacroix. Aux termes des lois, les directoires de département ont droit de suspendre provisoirement les officiers municipaux, à la charge d'en rendre compte au pouvoir exécutif, qui doit confirmer ou infirmer la suspension. Le département de Paris se sera, sans doute, conformé à cette loi; mais, Messieurs, la loi ne fixe

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative. Administration, tome II, no 48.

(2) Voyez ci-après, aux annexes de la séance, page 226, le texte de cet arrêté.

pas dans quel délai le pouvoir exécutif doit pro noncer cette confirmation ou cette infirmation; et il lui serait libre de continuer la suspension du maire et du procureur de la commune arbitrairement. Je demande que l'Asssemblée décrète qu'à la séance de demain matin le pouvoir exécutif rendra compte de sa délibération portant confirmation ou infirmation.

Plusieurs membres : Ce soir!

M. Delacroix. Je ne crois pas que l'intention de l'Assemblée soit de réduire à l'impossible le pouvoir exécutif; il faut qu'il délibère, et s'il a fallu tant de temps aux ennemis du maire, et du procureur de la commune, pour solliciter du département cette suspension qui était promise depuis si longtemps, comment se ferait-il que vous refusassiez un jour au pouvoir exécutif pour nous présenter le résultat d'une délibération motivée?

Je demande donc que demain matin, il vous rende compte de cet objet.

(L'Assemblée adopte cette proposition.) Un membre: Je demande l'impression du discours de la municipalité.

D'autres membres : L'ajournement à demain ! M. Chabot. Ceux qui demandent l'ajournement ne peuvent avoir pour motif de leur motion, que d'attendre le jugement du pouvoir exécutif; mais ceux qui demandent l'impression ont sans doute le motif d'approuver la conduite généreuse des collègues du maire et du procureur de la commune. Or, il est dans le cœur de tous les membres de l'Assemblée d'applaudir à des sentiments aussi généreux. Je demande qu'on décrète l'impression.

(L'Assemblée décrète l'impression du discours de la municipalité de Paris.)

Suit le texte du décret rendu sur la proposition de M. Delacroix :

« L'Assemblée nationale décrète que le pouvoir exécutif rendra compte, à la séance de demain, des mesures qu'il aura prises relativement à l'arrété du département de Paris, portant suspension provisoire du maire et du procureur de la commune de Paris. >>

L'Asssemblée reprend la discussion du projet de décret sur le mode par lequel les naissances, mariages et décès seront constatés.

M. Lasource. Je reviens à la discussion qui vous occupait. M. Lemontey est tombé dans une grande erreur, lorsqu'il vous a dit que la puissance paternelle, prolongée aussi loin qu'il vous le propose, fût un frein suffisant pour maintenir la pureté des mœurs. Les passions humaines, loin de s'amollir par les obstacles, ne font que s'en irriter. Plus on comprime la nature, moins on peut en diriger les mouvements. Si à 25 ans un homme ne peut pas encore disposer de luimême, vous le rendez nécessairement un séducteur, d'après ce proverbe usité Plus un bien est défendu, plus il est désiré.

Si les Français ont été jusqu'ici inconstants, légers, volages, c'est à votre législation ancienne que vous devez ce défaut de caractère dans la nation. Lorsqu'un homme ne pouvait disposer de lui-même, avoir de propriété, ni être citoyen, il se livrait à toute l'effervescence de ses passions. Il était léger, parce qu'il était dispensé de réfléchir et de penser sérieusement à ses affaires pendant le tiers de sa vie.

M. Muraire, rapporteur. Permettez-mol d

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rétablir les motifs de l'article que vous propose votre comité...

(La discussion est interrompue.)

La députation envoyée chez le roi rentre dans l'Assemblée.

M. Lamourette. Nous nous sommes rendus, conformément l'ordre que nous en avons reçu de l'Assemblée nationale, dans l'appartement du roi. Sa Majesté, après avoir entendu la lecture de l'extrait du procès-verbal, nous a répondu qu'il ne pouvait point lui parvenir de nouvelle plus chère à son cœur, plus conforme à ses sentiments; et qu'il cédait au désir qui le pressait, de venir témoigner à l'Assemblée toute la joie que cette réunion lui faisait éprouver. (Applaudissements universels.)

(Le roi entre dans l'Assemblée au milieu de ses ministres. La salle retentit d'applaudissements et d'acclamations. On crie de toutes parts: Vive le roi! vive la liberté!)

LE ROI. Messieurs, l'acte le plus attendrissant pour moi est celui de la réunion de toutes les volontés, pour le salut de la patrie. J'ai désiré depuis longtemps ce moment fortuné; mon vœu est accompli. Je viens vous exprimer moi-même que la nation et le roi ne font qu'un. S'ils marchent vers le même but, leurs efforts réunis sauveront la France. L'attachement à la Constitution réunira tous les Français; le roi leur en donnera toujours l'exemple. (Applaudissements Vive le roi! Vive le roi!)

universels.

M. le Président. Sire, l'époque mémorable qui vous amène au milieu des délégués du peuple est un signal d'allégresse pour les amis de la liberté, et un signal terrible pour ses ennemis. L'harmonie des pouvoirs constitués donnera à la nation française la force dont elle a besoin pour dissiper la ligue des tyrans conjurés contre son indépendance et sa Constitution, et elle voit déjà dans la loyauté de votre démarche, le présage de ses succès. (Applaudissements universels.)

Tous les membres et tout le public des tribunes : Vive la nation! vive le roi!

LE ROI. J'étais fâché, Messieurs, d'être obligé d'attendre une députation; car il me tardait bien de venir au milieu de vous. (Applaudissements réitérés et unanimes.)

(Le roi sort. Les mêmes expressions de joie et d'enthousiasme retentissent de toutes parts.)

M. Gossuin. Je demande l'impression et l'envoi aux 83 départements du discours du roi et de la réponse du président, avec l'extrait du procès-verbal.

(La proposition est unanimement décrétée.)
(La séance est levée à trois heures et demie.)

PREMIÈRE ANNEXE (1).

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGIS-
LATIVE DU SAMEDI 7 JUILLET 1792, AU MATIN.

PIÈCES JUSTIFICATIVES du rapport de M. Lafon-Ladebat (1) sur les divers marchés passés par

(1) Voy, ci-dessus, même séance, page 205, le rapport de M, Lafon-Ladebat.

l'approvisionnement des places de Huningue, Fort-Louis et Neuf-Brisach.

Avis.

Le public est averti que lundi 21 du présent mois de mai, à neuf heures du matin, il sera procédé au directoire du département à Strasbourg, à l'adjudication au rabais, des légumes et autres effets détaillés ci-après, pour l'approvisionnement extraordinaire des places du FortLouis, Neuf-Brisach et Huningue, et aux conditions ci-après;

Savoir :

1° La livraison desdits comestibles et autres commencera à être faite huit jours au plus tard après la date de l'adjudication, et successivement de jour en jour, en sorte que dans l'espace d'un mois la livraison totale devra être faite;

2o Toutes lesdites denrées seront de bonne qualité, loyales et marchandes. Les payements seront faits en papier-assignat avec une avance d'un tiers du payement. Les autres payements se feront au fur et mesure des livraisons, d'après les procès-verbaux de réception;

3 Il sera fourni bonne et valable caution à l'instant de l'adjudication;

4° Il sera libre à tout particulier d'entreprendre plusieurs objets desdites fournitures, et de nous remettre à l'avance leurs soumissions.

APPROVISIONNEMENTS.

Lard salé et fumé,
Haricots,
Fèves,
Pois,
Lentilles,
Riz,

Pommes de terre,
Beurre salé,
Huile de navette,
Vin blanc,
Vinaigre,

Bois de chauffage,

Chandelle,
Eau-de-vie,
Fromage,
Tabac à fumer,
Pipes de terre,
Bas de laine,

Baquets de différentes
grandeurs,

Petits barils, de diffé-
rentes grandeurs,
Gamelles de bois,
Souliers.

A Strasbourg, le 14 mai 1792.

Le commissaire-ordonnateur des guerres de
la 5o division, employé à Strasbourg.
Signé MARESCHAL.

N° 2.

L'an mil sept cent quatre-vingt-douze, les vingt-un et vingt-deuxième jour du mois de mai; nous, commissaire des guerres, employé dans la 5 division, à la résidence de Strasbourg, en conformité des ordres de M. le maréchal Luckner, commandant en chef l'armée du Rhin, pour l'approvisionnement des places de Fort-Louis, Neuf-Brisach et Huningue; et de ceux de M. Mareschal, commissaire-ordonnateur, et en conséquence de la lettre du directoire du département du Bas-Rhin, par laquelle il aurait été convenu que, vu que lesdites places n'offriraient par elles-mêmes aucune ressource pour s'y procurer des adjudicataires, la diligence que demande cette opération, et que le cas qui se présente ne permettrait pas de faire des adjudications partielles dans chaque district ou dans les départements respectifs, ladite adjudication générale, par ces considérations, aurait lieu au directoire du département, à Strasbourg, en pré

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