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d'une coalition formée pour renverser la Constitution et la liberté; l'arrêté de notre directoire nous a frappé surtout, parce qu'il semble contenir une infraction à l'article 19 de la loi relative à la force publique, qui défend toute réquisition aux gardes nationales par un département, à l'égard d'un autre département, si ce n'est en vertu d'un décret du Corps législatif sanctionné par le roi. Vous partagerez sans doute nos sollicitudes, Messieurs, lorsqu'une lecture de l'adresse et de l'arrêté dont il s'agit vous aura instruit de la conduite de notre directoire. Nous aimons à nous persuader que nos administrateurs se sont laissé abuser et qu'ils eussent tenu une marche différente s'ils avaient pu prévoir le piège qu'on tendait à leur bonne foi, mais nous ne pouvons refuser à vous détailler quelques circonstances dont la réunion paraît emporter la preuve de l'existence d'un complot ourdi contre la patrie.

« Une faction sans cesse attérée et sans cesse renaissante travaille dans l'ombre à rétablir l'ancien despotisme; les chefs admis auprès de la personne du roi, ne cessent de l'obséder, de le tromper, et sont parvenus peut-être à égarer tout à fait sa bonne foi. L'instant même où la France semblait pouvoir espérer de voir, sous un ministère patriote, établir l'empire si désiré de la loi, était celui où les complots les plus affreux se tramaient, des individus de tous les coins de la France, des députations de tous les corps administratifs assiégeaient la capitale, et l'affluence était si nombreuse qu'elle fût le sujet d'une dénonciation qui vous fut faite par le patriote Roland. Les ministres eux-mêmes entrevoyaient dejà les dangers de la coalition dont ils avaient pénétré les secrets. M. Servan vous proposa la formation d'un camp entre Paris et la frontière, et ce camp, par sa composition même, était une sauvegarde contre les entreprises des méchants; cette mesure, le zèle des ministres, leur clairvoyance et leur franchise déplurent dans le séjour du mensonge, de l'astuce et de la flatterie, les ministres furent renvoyés. Leur disgrâce, si c'en est une, fut bientôt suivie des déclamations des vils agents de la faction; une lettre attribuée à un genéral, sur lequel tous les yeux sont fixés avec intérêt, vint au milieu des opinions chancelantes des hommes faibles, tenter d'en arracher quelques-uns à la bonne cause, et d'affaiblir l'autorité du pouvoir législatif par le ton impératif d'un dictateur; deux décrets importants furent frappés d'un veto absolu; il ne manquait plus à ces moyens préparatoires, que d'entourer le chef du pouvoir exécutif de dangers apparents, et d'exciter le zèle des citoyens de l'Empire en sa faveur, c'est à quoi l'on s'employait depuis 8 jours; enfin le dénoument arriva, et la marche etait tellement dirigée, qu'avec l'appareil le plus effrayant d'une insurrection coupable, le roi n'avait rien à redouter, et qu'il pouvait être tranquille au milieu des armes de toute espèce qui n'étaient dans la main du peuple que l'effigie de la rébellion. Le coup était si bien préparé, qu'il était annoncé d'avance aux corps administratifs, desquels on attendait quelque secours, dans cette entreprise hardie. L'on tenta, dans notre ville, de nous faire demander la cessation de la garde des portes, afin que nous ne pussions point voir les allées et venues des courriers extraordinaires, et ce lundi 18 du courant. Dans la nuit du mardi au mercredi un courrier arrive; il se rend au département, il y est reçu quoiqu'il fut heure indue, et sans doute y vient annoncer le succès de la manoeuvre préparée. Ce ne fut

que le vendredi que les gazettes purent nous apprendre les détails de la journée du 20; et c'est sur leur relation que notre directoire de département bâti l'échafaudage de l'adresse au roi, et de l'arrêté inconstitutionnel que nous vous envoyons; et qu'il met la garde nationale du département en état de réquisition permanente.

« Le samedi ces deux pièces sont imprimées; le dimanche matin nos bataillons sont assemblés, et le chef des légions distribue ces feuilles inconsidérées et irréfléchies; enfin le même jour ordre est donné à tous les commandants de bataillons de fournir, sous 24 heures, l'état des grenadiers en état de faire l'exercice à feu. La guerre civile va-t-elle donc éclater?

« Législateurs, daignez peser toutes ces circonstances; daignez asseoir votre jugement sur tous ces faits; nous jurons d'obéir à vos décrets; nous jurons de maintenir la Constitution, de respecter les propriétés; nous ne déchirerons point le sein de notre patrie; s'il est des coupables, qu'ils soient punis avec rigueur; conjurez l'orage qui semble gronder sur nos têtes; votre force est dans l'union des bons Français; la souveraineté du peuple est près de recevoir des atteintes dangereuses, mais le peuple qui vous a revêtus de ses pouvoirs, saura vous défendre et contenir dans les bornes de leur impuissance les traitres qui voudraient vous asservir (1).

« Des citoyens actifs de la ville d'Amiens, département de la Somme; suivent les signatures au nombre de plus de 700. »

M. Saladin. L'arrêté du département envoie, auprès du roi, deux députés du directoire; il les charge de veiller à la sûreté de la personne du roi, de surveiller les factieux, et d'en instruire les directoires. Ces députés font ici de grandes dépenses, et ne sont point à leur poste. Cependant, les administrés ont besoin des administrateurs au chef-lieu. Je demande que, dès aujourd'hui, on ordonne au pouvoir exécutif de renvoyer ces administrateurs à leur poste. M. Roland vous a dit qu'il y avait encore à Paris, plus de 300 députés des corps administratifs, et c'est là un des crimes qui lui a valu sa disgrâce (2). Je demande que le comité de législation vous présente des moyens de faire exécuter le décret du 24 décembre 1790, qui défend aux administrations d'entretenir des agents, soit auprès du roi, soit auprès du Corps législatif, et que dès aujourd'hui ceux du département de la Somme soient renvoyés à leur poste.

(1) A la suite de cette adresse et avant les signatures est la petition suivante :

Après la lecture de la présente adresse, qui a été applaudie par tous les citoyens, un vœu général s'est fait entendre, c'est qu'il était urgent de porter remède aux vices des administrations; on a observé que si leurs seances étaient publiques, jamais les administrateurs n'auraient l'audace de faire parler le peuple sans l'avoir interrogé, jamais ils n'auraient trahi les intérêts en sa présence. C'est pourquoi tous les citoyens demandent que dorénavant toutes les séances des administrations soient publiques; la publicité n'est pas moins la sauvegarde du peuple, que des administrateurs, qui ne doivent pas craindre d'avoir ce même peuple pour spectateur et pour juge. Dans Rome et dans Athènes le peuple n'assistait pas seulement aux délibérations, il donnait encore sa voix. Réclamer ce droit d'assistance, c'est demander un droit qui appartient à un peuple libre, et sans lequel la liberté est une chimère.

(2) Voy. Archives pariementaires, 1 serie, t. XLIV, seance du 2 juin 1792, page 480, le discours de M. Roland.

M. Masuyer. Il me semble bien étonnant que le pouvoir exécutif, qui exige tant que tout le monde se conforme à la loi, ne s'y conforme pas lui-même. Je demande que le ministre de l'intérieur rende compte, séance tenante, des mesures qu'il a prises pour empêcher que les administrations entretiennent des agents, soit auprès du Corps législatif, soit auprès du roi, ou qu'il soit déclaré avoir perdu la confiance de la nation. (Applaudissements des tribunes.)

M. Louis Hébert. Je demande aussi qu'il rende compte de l'exécution de la loi sur les clubs.

M. Daverhoult. J'appuie cette motion. Il y aurait une grande contradiction dans le Corps legislatif de demander l'exécution d'une loi, et d'en laisser violer une autre.

(L'Assemblée décrète que le ministre de l'intérieur rendra compte, par écrit, des mesures qu'il a prises pour l'exécution du décret du 24 décembre 1790.)

M. Louis Hébert. Aux voix ma motion ! (Murmures à gauche.)

M. Jaucourt. Le Corps législatif vient de montrer un grand intérêt pour l'exécution d'une loi, il me semble qu'il doit avoir autant de sollicitude pour l'exécution de toutes les autres. Il faut que nous connaissions la cause des troubles qui nous agitent, et quels sont les moyens de les faire cesser. J'appuie la motion de M. Daverholt.

M. Thuriot. Ce n'est pas dans les sociétés populaires qu'on conspire contre la patrie, c'est dans les ténèbres qu'on machine la perte de la France. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes).

L'Assemblée nationale a demandé à tous les ministres le compte général de leur administration, et des mesures de sûreté qu'ils ont prises; les ministres se sont présentés et ont déclaré qu'ils n'avaient rien à ajouter à ce qu'ils avaient dit. Dans ce moment-ci une contravention formelle à la loi a nécessité une motion pour l'application d'une disposition précise; mais d'un autre côté on vous demande sans cause...

M. Louis Hébert. Comment sans cause; et les troubles que vous avez causés!

M. Thuriot. Je dis, messieurs, que postérieu rement au rapport fait au nom de tous les ministres, on nous demande, sans prétendre une cause nouvelle une explication nouvelle de la part du ministre. On observe à l'Assemblée que toutes les fois qu'on demande un compte nouveau, il faut au moins avoir un nouveau motif; et comme ces messieurs n'ont d'autre motif, que l'opposition au bien public, je demande qu'on passe à l'ordre du jour. (Applaudissements.)

M. Juéry. Je demande à dénoncer un fait. Je dénonce un discours tenu aux Jacobins, dans lequel on a dit qu'il ne fallait pas faire d'insurrection partielle; mais une insurrection générale... (Murmures à l'extrême gauche.)

M. Goupilleau parle dans le bruit.

M. le Président. M. Goupilleau, je vous rappelle à l'ordre pour vous être servi d'une expression déplacée envers un de vos collègues.

M. Goupilleau. Comme M. Juéry a annoncé un fait calomnieux, je l'ai traité de calomniateur, parce qu'il n'a pas de preuve de ce qu'il a avancé.

M. Lasource. Nous avons à faire aux Autri

chiens et aux Prussiens, non pas aux Jacobins, ni aux tribunes.

M. Thuriot. Il faut que l'Assemblée nationale s'occupe de ce qui la regarde, et non de ce qui ne la regarde pas.

M. Ducos. Messieurs, tous les amis de l'ordre et de la paix auxquels je me plais à rendre justice, conviennent que les sociétés populaires sont un véritable fléau public, et en demandent la suppression...

Plusieurs membres (à gauche) : Non, non!

M. Ducos. Cette destruction a été demandée à la barre par un général fameux, libérateur de deux ou trois mondes. (Bruit.) L'Assemblée nationale ne peut manquer de prendre en très grande considération cette pétition; mais on ne peut pas s'en occuper à présent. Je demande l'ordre du jour.

M. Delaporte. J'observe à l'Assemblée que la motion de M. Jaucourt, qui peut avoir dans son sens un objet utile, n'a véritablement été jetée à la traverse que pour détourner l'attention de l'Assemblée d'un objet bien plus important dans les circonstances où nous nous trouvons, qui est la publicité indispensable de toutes les délibérations des corps administratifs. Je demande que l'on s'écarte pour un moment de la motion de M. Jaucourt, pour revenir au vrai point du salut public, afin que nous ne voyons pas tous les corps administratifs s'ériger en représentants du peuple, et émettre des vœux en son nom. Ce point est important à saisir afin que l'As semblée ne soit plus exposée à perdre un temps considérable à la lecture d'adresses qui n'ont pour objet que de démentir celles que des administrateurs se permettent de faire au nom de leurs départements. C'est par cette conduite que les directoires perdent la confiance. Et comment pourrait-on l'accorder à des administrateurs qui quittent leurs fonctions pour venir intriguer à Paris? Il faut leur défendre de se coaliser avec les ennemis qui fourmillent dans la capitale. Si elle est le centre du patriotisme, elle est aussi le foyer des intrigues. Je demande donc, messieurs, que l'on s'occupe uniquement de la publicité des séances.

M. Jaucourt. Comme M. Thuriot croit que la publicité serait un grand avantage, si elle pouvait s'étendre sur toutes les opérations mystérieuses qui se font dans les sociétés populaires, et sur ces directoires, dans lesquelles on trouve une analogie continuelle, avec quelques démagogues concertés avec Coblentz... (Vifs murmures à l'extrême gauche.) Sans doute le peuple, dont on peut bien égarer quelquefois la volonté, mais dont on égarerait jamais ni la justice, ni les intentions, s'il était appelé à ces comités particuliers, refuserait de correspondre pour ainsi dire aux intentions perfides dont il est le jouet et la victime. Je demande donc que le ministre de l'intérieur rende compte des infractions faites au décret du 29 septembre 1791. Il importe que le ministre nous dise les causes des troubles qui nous agitent. (Murmures à gauche.)

Si cette discussion est faite avec le calme et la bonne foi qui devraient toujours présider à nos délibérations, on verra que tous les amis du peuple désirent qu'il se réunisse, qu'il s'occupe de la Constitution; et qu'ils désirent surtout de découvrir les perturbateurs caches, les perturbateurs perfides, qui sans doute n'oseraient jouer un rôle anssi dangereux et aussi honteux

pour eux, s'ils n'étaient sûrs qu'au moment d'un dénouement terrible pour eux, ils trouveront quelques refuges où ils pourront cacher leur fortune honteuse.

Plusieurs membres: Fermez la discussion! (L'Assemblée ferme la discussion.)

M. Thuriot. On a proposé la question préalable sur la motion de demander au ministre de la justice si la loi du 9 octobre 1791 est exécutée.

(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer.) M. Carnot ainé. Je demande à proposer un amendement. Je d emande que les corps administratifs, qui ne sont autre chose que les sociétés populaires, (Murmures) toutes les fois qu'ils délibèrent sur des objets autres que ceux qui leurs sont confiés, soient condamnés suivant la loi du 9 octobre, de même que toute autre société populaire. En conséquence, les corps administratifs, qui ont fait des pétitions collectives à l'Assemblée nationale sur des objets qui ne les regardaient pas, doivent être condamnés comme des sociétés populaires. Je demande qu'il soit défendu à tout corps administratif de prendre des délibérations sur d'autres objets que ceux qui sont de leur compétence.

M. Lecointe-Puyraveau. Je demande la question préalable sur cet amendement, qui ne me paraît pas fondé en principe.

(L'Assemblée décrète que le ministre de l'intérieur rendra compte de l'exécution de la loi du 9 octobre 1791 sur les sociétés populaires.)

M. Lejosne. Je demande que le ministre de l'intérieur rende compte aussi des mesures qu'il | a prises pour empêcher les conciliabules nocturnes. (Bruit.)

Un membre: Je demande qu'on décrète le principe sur la publicité des séances des corps administratifs.

M. Rouyer. Je m'oppose à ce qu'on décrète le principe. L'Assemblée n'a qu'à ordonner que son comité extraordinaire des Douze lui fera son rapport demain ou après. Mais je soutiens que les exceptions sont si considérables, que le principe que l'on veut faire décréter est contraire même à la raison. Je suppose qu'un directoire de departement (ce qui est le plus souvent arrivé) ait à prononcer sur la libre circulation des grains, à donner des ordres là-dessus; je vous demande dans quel danger ne sera pas le directoire, et même les citoyens, si on délibère en public sur cet objet; il en est infiniment d'autres de cette nature. Je conviens d'ailleurs qu'il est plusieurs objets où la publicité est nécessaire; mais je demande que vous ne décrétiez pas le principe dans ce moment, et que Vous renvoyiez le tout à votre commission extraordinaire des Douze, pour vous en faire un rapport demain ou après-demain.

M. Thuriot. On a demandé la publicité pour les actes de délibération; on n'a pas demandé la publicité pour des objets administratifs.

M. Mailhe. Sans doute, la publicité des séances des corps administratifs pourrait avoir quelques inconvénients; mais en règle générale, cette mesure est nécessaire. Le peuple doit savoir ce que font les administrateurs qu'il a investis de sa confiance. Je demande que vous décrétiez le principe à l'instant, et que vous renvoyiez à votre comité pour vous présenter les exceptions.

M. Jollivet. Je demande si ce n'est pas donner aux citoyens des chefs-lieux de départements une trop grande influence sur l'administration.

M. Bouestard. Décréter la publicité des corps administratifs, c'est donner aux citoyens les moyens de s'instruire de leurs propres affaires; examiner cette question, c'est examiner la question de savoir si vous devez priver d'assister aux délibérations des gens qui doivent remplacer ceux qui sont chargés de leurs affaires. Je crois que l'Assemblée doit se borner à décréter le principe, en renvoyant à sa commission à déterminer les exceptions.

(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur le renvoi.) (Murmures à gauche.)

M. le Président. Je mets aux voix le renvoi. (L'Assemblée rejette le renvoi.)

Plusieurs membres Aux voix le principe!

M. Quatremère-Quincy. Je demande la question préalable sur l'habitude de décréter un principe sans discuter.

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M. Delacroix. Je demande qu'il soit dit : Les séances des corps administratifs seront publiques, excepté dans les cas ci-après déterminés. »

Plusieurs membres : Aux voix! aux voix !

M. Quatremère-Quincy. Vous êtes bien pressés de désorganiser l'Empire.

M. Louis Genty. Mirabeau, le premier, a pensé que cette publicité serait la dissolution du corps Social. Une telle question exige au moins une mùre délibération; j'en demande l'ajournement. (Bruit.)

M. Lecointe-Puyraveau. La question préalable a été rejetée; par conséquent, il a été décidé qu'aujourd'hui on décrèterait le principe. Maintenant Vous avez accordé la parole à M. Genty, non pas sur l'urgence, car elle était décidée par le fait... (Rires et murmures.)

M. Louis Genty. Mirabeau lui-même a dit que la publicité des corps administratifs serait une absurdité (Murmures à gauche); de bons esprits craignent que cette publicité n'entraîne, en peu de temps, la désorganisation entière du corps social. Je ne prétends pas entrer dans les motifs qui pourraient appuyer cette opinion, que je défendrais, s'il en était temps; mais je crois que cette opinion d'un grand nombre de bons esprits, suffit au moins pour vous faire suspendre votre jugement et pour mûrir la délibération. En conséquence, je demande que le principe que vous voulez décréter aujourd'hui, ne le soit que dans trois jours, et que la question soit renvoyée au comité de législation, pour vous présenter ses vues auparavant.

J'entends dire que le décret d'urgence n'est point nécessaire pour que l'on décrète le principe. Il serait bien étonnant qu'une loi aussi essentielle fût portée avant que toutes les formalités prescrites par la Constitution fussent observées. Or, il n'y a que deux manières pour porter un décret quelconque ou les trois lectures, avec les intervalles prescrits par la Constitution, ou l'urgence. Mais ce serait une mesure certainement prématurée, que de décréter l'urgence aujourd'hui; et je demande l'ajournement trois jours.

M. Vergniaud. M. Genty a avoué que Mirabeau avait dit que la publicité des séances

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des corps administratifs entraînerait la dissolution du corps social. J'observerai sur ce fait, que si ce fut un Mirabeau qui avança ce paradoxe, ce n'est pas le Mirabeau qui a rendu des services à la patrie, mais bien le Mirabeau qui est à Coblentz. (Applaudissements des tribunes.)

M. Léopold. Monsieur le président, je m'engage à démontrer que M. Vergniaud avance un fait faux. Il ment, en bon français.

M. Vergniaud. Je rétablis la question:

On avait demandé le renvoi de l'examen du principe au comité, le renvoi a été rejeté; de sorte que l'Assemblée est bien décidée à statuer maintenant ou affirmativement, ou négativement, sur le principe. Quelle est la forme qu'on doit suivre? Il est très certain qu'on ne peut pas se dispenser de décréter l'urgence; c'est là-dessus qu'il s'est élevé une discussion. Or, c'est en combattant les motifs de l'urgence, que M. Genty a rouvert la discussion sur le fond. Je demande donc, en rétablissant la question, qu'on mette simplement aux voix les motifs d'urgence proposés par M. Lejosne, et qu'après avoir décrété l'urgence, on mette aux voix le principe.

M. Lejosne. Voici ma rédaction. « L'Assemblée nationale, considérant que la publicité est la sauvegarde des intérêts du peuple, décrète qu'il y a urgence.

L'Assemblée nationale décrète que les séances des corps administratifs seront publiques, et charge son comité de législation de lui présenter incessamment un projet de loi qui détermine les exceptions qui pourront être faites à ce principe. »

(L'Assemblée décrète l'urgence puis adopte le projet.)

Un de MM. les secrétaires continue la lecture des lettres, adresses et pétitions envoyées à l'Assemblée :

9° Lettre d'un juge de paix du troisième arrondissement qui adresse à l'Assemblée la procédure instruite contre un homme prévenu du crime d'embauchage.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de législation.)

10° Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, qui adresse à l'Assemblée la majeure partie du travail sur les pensions de retraites des troupes provinciales supprimées par la loi du 28 août 1791.

(L'Assemblée renvoie les pièces au comité de législation.)

11° Lettre du sieur Champion, orfèvre, soldat volontaire du bataillon de la Samaritaine, qui rétracte sa signature apposée à la pétition des 8,000.

(L'Assemblée renvoie la lettre à la commission des Douze.)

12° Adresse des administrateurs du district d'Aix, qui demandent l'interprétation de la loi du 14 octobre 1791, relative au serment fédératif.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire.)

13° Adresse et arrêté du département de la SeineInférieure, relatif aux événements du 20 juin. (L'Assemblée renvoie les pièces à la commission extraordinaire des Douze.)

14° Adresse des administrateurs du district de Château-Renault, qui annonçent que, sans le secours d'aucun employé, tous les rôles relatifs à la contribution foncière et mobilière sont faits

et mis en recouvrement. (Applaudissements.)

(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse.)

15° Adresse d'un grand nombre de citoyens de la commune de Lassay, district de Vilaine, département de la Mayenne, sur les circonstances actuelles.

(L'Assemblée renvoie l'adresse à la commission extraordinaire des Douze.)

16° Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, qui demande une interprétation de la loi du 29 avril 1792, concernant l'organisation de la gendarmerie nationale.

M. Carnot-Feuleins le jeune. Je demande que l'Assemblée nationale décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer, quant à présent, sur les réclamations relatives aux changements des brigades de gendarmes.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire, pour l'interprétation demandée, et décrète au surplus qu'il n'y a pas lieu à délibérer, quant à présent, sur aucun changement définitif à faire tant pour le placement des brigades de la gendarmerie nationale que pour la résidence des officiers.)

Un membre: Je demande, au nom du comité des assignats et monnaies, que l'Assemblée nationale décrète que les commissaires du roi, directeurs généraux de la fabrication des assignats, soient autorisés à retirer des archives les formes des assignats de 5 livres, pour servir à la fabrication du papier destiné à 100 millions de 5 livres, décrétés le 27 juin dernier, à la charge, par lesdits commissaires, de rétablir les formes dans le dépôt des Archives nationales, aussitôt après les fabrications du papier.

(L'Assemblée adopte cette proposition.)

M. Bigot de Préameneu. Votre commission extraordinaire s'est assemblée ce matin pour savoir s'il entrait dans la mission que vous lui avez confiée, qu'elle vous fit le rapport des pièces qui lui ont été communiquées par le ministre de la guerre. Elle a considéré que ces pièces étant relatives à des opérations militaires et à des relations politiques qui peuvent changer à tout moment, c'est à l'agent responsable du pouvoir exécutif à vous communiquer ce qui doit l'être; et, en conséquence, elle m'a chargé de vous faire part du résultat de sa délibération.

M. Guyton-Morveau. La commission a pris cette décision, afin que le ministre ne se reposât pas sur la communication qui pourrait être donnée à l'Assemblée par sa commission. Je demande, en conséquence, que le ministre soit tenu de rendre compte à l'Assemblée des faits dont il doit rendre compte sous sa responsabilité.

M. Lecointe-Puyraveau. C'est au ministre à juger des choses qu'il doit communiquer à l'Assemblée. S'il dit les choses qu'il doit taire, ou qu'il taise les choses qu'il doit dire, il encourt également la reponsabilité. Je demande donc que l'Assemblée maintienne le décret qu'elle a rendu et passe à l'ordre du jour.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour motivé sur les observations de MM. Bigot de Préameneu et Guyton-Morveau.)

M. Koch. Le ministre des affaires étrangères s'était engagé à vous tracer le tableau de notre

situation politique actuelle au dehors, et de le présenter à l'Assemblée nationale. Il a jugé nécessaire de le mettre sous les yeux de votre comité diplomatique. Le comité s'en est occupé dans une séance extraordinaire, où le ministre s'est rendu hier au soir. Dans ce tableau, qui est en partie le résultat des dépêches les plus récentes des différentes cours, le ministre est entré dans un assez grand développement sur notre position actuelle avec les puissances de l'Europe, et sur ce que nous avons à craindre des unes, et ce que nous avons à espérer des autres.

Je suis chargé de vous dire que le comité a pensé qu'il ne serait pas prudent de donner à ce tableau une publicité qu'il ne manquerait pas d'acquérir s'il était lu dans cette Assemblée, parce que nos négociations pourraient être traversées, parce que nos amis ou ceux qui se disent nos amis et nos ennemis ne manqueraient pas d'en tirer parti pour nous nuire. (Murmures à gauche.) Ces réflexions, que vous trouverez sans doute assez importantes, ont engagé le ministre des affaires étrangères à déposer le tableau dont je vous ai parlé dans le comité diplomatique, où il sera libre à tous les membres de l'Assemblée de le consulter et de se mettre au fait de nos relations politiques au dehors.

M. Jaucourt. Je vais réduire, autant qu'il m'est possible, ma proposition, de manière à satisfaire ces messieurs.

Le ministre de la guerre, Messieurs, a annoncé à l'Assemblée nationale qu'il avait des choses importantes à lui communiquer, et qu'elles étaient tellement importantes, que la publicité en pouvait être dangereuse. Le ministre des affaires étrangères a fait un rapport au comité diplomatique, qui a paru à ce comité tellement important aussi, qu'il a cru devoir vous proposer que ce rapport ne fût pas connu. C'est certainement dans ce moment-ci où il est nécessaire que tous les représentants du peuple soient instruits, et puissent délibérer en connaissance de cause; il importe donc de se former en comité général, et j'en fais la proposition.

Plusieurs membres : Appuyé!

M. Chabot. Je demande que l'Assemblée nationale passe à l'ordre du jour, sur le rapport du comité diplomatique, avec le même motif qu'elle a donné à l'égard du ministre.

M. Thuriot. Je demande que l'Assemblée nationale, au lieu de se former en comité général, décrète l'impression; car s'assembler en comité général ou particulier pour lire des dépêches, c'est perdre son temps!

Un membre: Il n'y a qu'à le faire afficher, et publier à son de trompe.

M. Delacroix. On demande que l'Assemblée nationale se forme en comité général pour entendre la lecture de quelques depêches qui, diton, exigent du secret. Le ministre des affaires étrangères devait faire un rapport; le comité diplomatique n'a pas cru que ce rapport dùt être fait publiquement. Il vient de s'expliquer à cet égard. Cependant il faut que les ministres sachent ce qu'ils doivent faire. Il faut qu'ils sachent si ce rapport qu'ils ont dù faire à l'Assemblée, et qu'ils ont été empêchés de lui faire par un comité qui a cru qu'il était prudent de le suspendre, ou de ne le pas rendre public; il faut, dis-je, qu'ils sachent s'il doit se faire ou

non. Car il n'est pas possible, messieurs, qu'en passant purement et simplement à l'ordre du jour sur le rapport de votre comité diplomatique, vous laissiez le ministre dans l'incertitude de faire beaucoup de mal en venant vous le . lire, ou d'encourir toute la responsabilité en ne le lisant pas. Il faut que nous prononcions; mais il faut que nous prononcions de bonne foi! (Murmures à droite, applaudissements à gauche.) Je demande que l'Assemblée ne passe pas à l'ordre du jour; mais qu'elle décrète que le ministre fera le rapport ou ne le fera pas.

Le ministre des affaires étrangères s'est présenté devant vous. Il vous a dit qu'il avait à vous faire lecture de différentes pièces importantes. Le comité diplomatique pris connaissance de son rapport. Il faut que l'Assemblée décide qu'il lui sera ou non communiqué. Peutêtre cela serait-il dangereux dans une séance publique; et pour le savoir, je demande que l'Assemblée nomme une commission ad hoc, composée d'un membre de chaque comité, qui liront toutes les pièces.

M. Daverhoult. Messieurs, en adoptant la première partie de ce qu'a dit M. Delacroix, sur la manière dont les ministres doivent se conduire, et en vous observant que les ministres ne peuvent jamais vous donner connaissance que de ce qu'ils ont fait, et qu'en conséquence la connaissance qu'ils donnent ne les met jamais à l'abri de la responsabilité; puisque ce sont des actions qu'ils vous communiquent, et non pas des conseils qu'ils vous demandent; eh! bien, Messieurs, je crois d'après cela qu'il est essentiel que dans un moment comme celui-ci, l'Assemblée nationale, que chacun de ses membres, connaisse notre véritable situation; la connaisse si bien, qu'il sache qu'il faut donner publicité à telle partie, qu'il sache à qui des rapports de la marine ou de la guerre on doit donner la priorité. Je crois, comme M. Delacroix, que cette communication pourrait être dangereuse si elle était publique mais je ne crois pas, Messieurs, que vous deviez vous en rapporter à un comité sur la question de savoir s'il y a ou s'il n'y a pas de danger à communiquer ces pièces.

On semble ne vouloir pas admettre un comité général. Souvent, Messieurs, il vous a été proposé dans des instants du tumulte; jamais je ne l'ai voulu signer, car dans un moment où l'Assemblée est agitée et orageuse, je le crois un moyen très dangereux. Je crois qu'alors au lieu de calmer il doit aigrir les esprits; mais quand tous les députés se réunissent pour le salut de la chose publique et se mettent en comité général, il est impossible qu'un citoyen puisse douter des sentiments de l'Assemblée nationa e. (Murmures à gauche.) Je demande que l'Assemblée décrète que demain matin elle se formera en comité général à 11 heures, et que les ministres y seront mandés pour y donner les renseignements que l'Assemblée jugera nécessaires.

M. Lagrévol. Plus nous devons porter d'attention à surveiller le pouvoir exécutif, plus aussi nous devons lui laisser la latitude que lui a donnée la Constitution. Adopter la mesure du renvoi à un comité, adopter celle de M. Delacroix, ce serait, ce me semble, couvrir de notre manteau la responsabilité des ministres, et c'est bien facile à démontrer. Le ministre, dans le doute, s'il communiquait à l'Assemblée nationale les dépêches qu'il a reçues des différents

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