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térieures, et que le nouveau mode de vérification et de jugement ne soit exécuté que pour la dernière partie de l'année où les nouvelles lois ont dirigé la fabrication. Mais ce n'est qu'une probabilité; et la commission a besoin d'une décision formelle qui règle sa conduite.

Il lui est également nécessaire d'être autorisée à publier le tarif des droits d'affinage, conformément à l'article 6 de la loi du 10 avril 1791. Il lui paraîtrait utile de fixer, aux administrateurs des départements, un délai dans lequel ils seraient tenus de déterminer le nombre et la situation des bureaux de change dans leur arrondissement, et de remplir les formes prescrites par la loi, pour proposer les sujets qui devront obtenir des bureaux de change.

On parviendrait à rendre le monnayage plus parfait, en se servant de machines à vapeur, à double effet, pour imprimer le mouvement aux balanciers; elles substitueraient une force uniforme et constante à la force incertaine et variable des bras qui les font mouvoir.

Les compagnies de monnayeurs méritent des récompenses par leurs services, leur patriotisme et leur probité héréditaire; mais leurs titres et leurs privilèges sont contraires au nouvel ordre de choses; et on ne peut s'empêcher de dire que le monnayage serait plus économique, si dans chaque hotel des monnaies, il était donné à un entrepreneur d'une solvabilité reconnue; les deniers de la nation n'en seraient pas moins assurés, et la subordination n'en serait que mieux maintenue.

La fabrication de tous les poinçons qui doivent être envoyés dans les monnaies semblerait devoir être concentrée dans un seul établissement; c'est l'unique moyen d'avoir des espèces uniformes, et par consequent très difficiles à contrefaire; d'ailleurs l'Etat économiserait les traitements des graveurs. L'entreprise générale, surveillee de près, ne pourrait s'écarter des règles qui lui seraient prescrites; et elle offrirait assez de bénéfices à ceux qui s'en chargeraient, pour les engager à faire leurs fournitures à des conditions avantageuses à l'Etat.

Il y a lieu de penser que le payement des débets résultant des comptes de fin, serait effectué assez promptement, si les fonctionnaires qui, en exécution de la loi du 27 mai 1791, exercent provisoirement leurs offices, quoique supprimés, étaient déclarés incapables d'être commis aux places de directeurs créées par la même loi, faute par eux de s'être libérés dans un délai fixé.

Ils pourraient être tenus aussi, sous la même privation, d'adresser incessamment au commis aux exercices du trésorier général tous leurs comptes, jusque et compris celui de 1790, avec les pièces justificatives.

Aux termes de l'édit de 1778, les directeurs des monnaies doivent compter entre les mains du trésorier général; c'est lui qui doit exercer des poursuites et contraintes contre ceux qui sont en retard de fournir leurs comptes; ainsi, c'est le commis aux exercices du trésorier général qui doit exécuter et faire exécuter celte loi; mais peut-être pourrait-il être astreint à remettre tous les mois à la commission un état certifié véritable des sommes qu'il aurait reçues des directeurs, et des comptes qui lui auraient été adressés.

Enfin, il serait très important que le Corps législatif voulut bien s'occuper incessamment du complément de l'organisation des monnaies. Les direceurs, les essayeurs et les graveurs n'ont 1 SERIE. T. XLVI.

qu'un état précaire; de nouveaux directeurs parmi lesquels est celui de Paris, ont entre leurs mains les deniers de la nation, et la caution qu'ils sont tenus de donner, n'est pas determinée, et rien ne garantit à l'Etat la rentrée de ses fonds, que leur fidélité; la plupart des commissaires du roi, et leurs adjoints sont dans la détresse; peu s'en faut qu'ils ne tombent dans le découragement; il en est même parmi eux qui sont obligés de s'imposer les privations les plus pénibles. Puisse leur situation toucher assez l'Assemblée nationale pour la déterminer à engager son comité des assignats et monnaies à lui présenter, dans un très court délai, le projet d'organisation qu'il a rédigé depuis longtemps! Tel est le précis des travaux et des vues de la commission générale des monnaies. Si l'utilité publique qui les a dirigés, et qui en sera toujours l'objet, porte le Corps législatif à leur donner son approbation, la commission en recevra la récompense la plus flatteuse qu'elle puisse espérer.

Signé D'ORIGNY, vice-président, MAGIMEL, ROCHON, SALIGNAC, BEYERLE, LAGRAGE, BERTHallet, Mongez. (L'Assemblée ordonne l'impression de ce mémoire et le renvoi au comité des assignats et monnaies.

Un membre, au nom du comité des décrets, présente un projet de décret sur différentes demandes des citoyens d'Orléans, de la municipalité de cette ville et du directoire du département du Loiret; ce projet de décret est ainsi conçu :

« L'Assemblée nationale, faisant droit sur la pétition des citoyens de la ville d'Orléans, les lettres de la municipalité dudit lieu et du directoire du département du Loiret, adressées au ministre de l'intérieur, et enfin sur la lettre de ce ministre à l'Assemblée nationale, en date du 30 juin dernier, décrète :

Que toutes ces pièces seront renvoyées à son comité de législation, chargé de présenter à l'Assemblée nationale, s'il y a lieu, un rapport sur la loi additionnelle relative aux prisons nationales; l'Assemblée nationale décrétant au surplus que sur les autres objets demandés par les pétitionnaires de la ville d'Orléans, la municipalité dudit lieu et le directoire du département du Loiret, il n'y a lieu à délibérer ».

(L'Assemblée adopte le projet de décret.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :

1° Adresse des citoyens d'Amiens qui dénoncent l'arrêté du directoire de leur département, relatif aux troubles de Paris, du 20 juin dernier. (L'Assemblée renvoie cette adresse à la commission extraordinaire des Douze).

2° Adresse de la commune de Guéret, qui offre pour la nouvelle instruction publique le collège qui lui appartient.

(L'Assemblée renvoie cette adresse aux comités des domaines et de l'instruction publique réunis.)

3o Lettre des sieurs Brylié et Louis Monneron, députés extraordinaires des Indes-Orientales, qui demandent une exception en leur faveur au décret qui supprime les députés extraordinaires.

Un membre: J'observe à l'Assemblée que le décret porte exception en faveur des députés des colonies. Dans ces conditions, je lui demande de passer à l'ordre du jour.

13

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

4° Lettre du sieur Guenyot qui offre un hymne pour la fête de la fédération.

(L'Assemblée renvoie le tout au comité de l'instruction publique.)

5° Lettre du procureur général syndic du département de l'Ardèche, qui prévient l'Assemblée que, conformément à la loi, le rassemblement de la gendarmerie nationale existe toujours au château de Bannes, pour la sûreté de la contrée.

60 Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, qui adresse à l'Assemblée la pétition des administrateurs de l'hôpital général de la charité de Lille, pour obtenir des secours, soit pour l'œuvre des enfants trouvés, soit pour la bourse des pau

vres.

(L'Assemblée renvoie la pétition et la lettre au comité des secours publics.)

M. Thévenin, au nom du comité de division, fait un rapport et présente un projet de décret portant établissement de commissaires de police dans différentes villes du royaume; il s'exprime ainsi :

Messieurs, j'ai à vous présenter le placement de plusieurs commissaires de police dans les différentes villes qui vous demandent avec instance ces nouveaux officiers, pour venir au secours des officiers municipaux et des juges de paix pour l'exercice des fonctions de la police, également pénibles et multipliées. Je n'emploierai pas les moments de l'Assemblée à l'entretenir de l'importance de ces établissements; je me bornerai à lui observer que toutes les demandes qui ont été faites sont accompagnées des avis des districts et départements, conformément à la loi du 29 septembre 1791; et d'après ça, je passe à la lecture du projet de décret que votre comité m'a chargé de vous présenter :

« L'Assemblée nationale, d'après le compte qui lui a été rendu par vos comités de division, des demandes à fin d'établissement de commissaires de police, qui lui ont été faites par les différentes villes du royaume, ainsi que des avis donnés sur ces demandes par les directoires des départements, d'après ceux des districts, en conformité de l'article premier de la loi du 29 septembre 1791, considérant que le maintien de l'ordre et de la tranquillité publique exige qu'il soit promptement pourvu à ces établissements, décrète qu'il y a urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète qu'il sera établi des commissaires de police dans les villes ci-après, et au nombre qui va être déterminé.

Savoir :

"10 à Lyon, département de Rhône-et-Loire; 5 à Orléans, département du Loiret ; 4 à Rennes, département de l'Ille-et-Vilaine; 4 à Toulon, et 1 à Hyères, département du Var; 4 à Strasbourg, département du Bas-Rhin; 2 à Chartres, département d'Eure-et-Loir; 2 à Saumur, département de Mayenne-et-Loire; 1 à Alby!, département du Tarn; 1 à Châtelleraut, département de la Vienne; 1 à Meaux, département de Seine-etMarne; 2 à Béziers, département de l'Hérault; 1 à Cusset, département de l'Allier; et dans le département de la Seine-luferieure, savoir à Rouen, 8; à Elbeuf, 1; à Caudebec, 1; dans la ville du Havre, 2; à Fécamp, 1; à Saint-Valéry, 1; à Neufchâtel, 1; et à Gournay, 1. »

:

(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)

M. le Président cède le fauteuil à M. Tardiveau, ex-président.

PRÉSIDENCE DE M. TARDIVEAU, ex-président.

M. Gossuin, au nom du comité ordinaire des Douze, fait un rapport et présente un projet de décret pour déterminer par quels tribunaux doivent être poursuivis et jugés les prévenus des delits commis dans la ville d'Yssingeaux, les 9, 10 et 11 avril 1792; il s'exprime ainsi :

Messieurs, la commission des Douze vous a fait, par mon organe, un rapport détaillé, le 8 juin dernier (1), sur les malheureux événements survenus à Yssingeaux, département de la HauteLoire. Vous avez décrété, alors, que la procédure vous serait envoyée avant le jugement: elle est volumineuse, 149 témoins ont été entendus avec activité, et les dépositions y sont consignées avec une précision qui fait l'éloge du directeur du juré près le tribunal du district d'Yssingeaux. Il a paru à votre commission, après un mur examen de toutes les pièces, que les excès et violences auxquels se sont portés les habitants de cette ville et de ses environs, avaient principalement pour cause un fanatisme sans bornes. Environ vingt prêtres non assermentés, réunis dans cet endroit, étaient parvenus à y troubler entièrement le repos des citoyens, à les armer les uns contre les autres, à y faire méconnaître les lois, à influer sur les élections municipales, enfin, à provoquer les attroupements et le meurtre. Ces criniinelles entreprises leur réussirent parfaitement : c'est le mardi de Paques qu'Yssingeaux vit dans ses murs l'odieux spectable de la guerre civile. Plusieurs personnes furent tuées où blessées, et c'est à la vigilance des gardes nationales du département, particulièrement de celle de la ville du Puy, qui en est le chef-lieu, cette cité est redevable du calme qui y règne dans ce moment. 27 personnes sont détenues, depuis cette époque, dans les prisons: on remarque parmi elles des fonctionnaires publics fanatisés, et qui paraissent coupables d'un grand abus de pouvoir. Ce pays a besoin d'un exemple prompt, il le réclamé pour sa sùreté. Votre commission a pensé que tous les prévenus devaient être jugés sur les lieux par les autorités compétentes elle se fonde, pour vous proposer cette voie ordinaire, sur le texte même de la procédure, et de l'article 37 de la loi du 3 août dernier, où il est dit, qu'en cas de négligence très grave ou d'abus de pouvoir touchant la réquisition ou l'action de la force publique, les procureurs de commune, les commissaires de police, les juges de paix, etc., etc., seront jugés par les tribunaux criminels, destitues de leurs emplois, et privés, pendant 2 ans, du droit de citoyen actif, sans préjudice des peines plus fortes portées par le Code pénal contre les crimes attentatoires à la tranquillité publique. »

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Voici, en conséquence, le projet de décret que vous propose votre commission:

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L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de sa commission des Douze, considérant qu'il importe à la tranquillité publique de déterminer promptement par quel tribunal doi

(1) Voy. Archives parlementaires, 1 série, t. XLIV, seance du 8 juin 1792, page 715, le rapport de M. Góssuin.

vent être poursuivis et jugés les prévenus des délits commis dans la ville d'Yssingeaux les 9, 10 et 11 avril 1792, décrète qu'il y a urgence.

L'Assemblée nationale, après avoir decrété l'urgence, décrète que les délits commis dans la ville d'Yssingeaux seront poursuivis et jugés dans les formes prescrites par les lois criminelles, par devant les tribunaux ordinaires auxquels la connaissance en est attribuée.

« Le ministre de la justice rendra compte, de quinzaine en quinzaine, de l'exécution du présent decret, qui ne sera envoyé qu'au département de la Haute-Loire. »

(L'Assemblée adopte le projet de décret).

M. Lecointre, au nom du comité de surveillance, fait la seconde lecture (1) d'un projet de décret sur une récompense à accorder aux sieurs Deglane, Lieutegard et Geunot et autres agents pour avoir dénoncé une fabrication de faux louis et de faux assignats, qui se faisait chez le sieur Coligny, à Romainville; ce projet de décret est ainsi conçu: L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de surveillance, décrète :

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1° Qu'il est dú une récompense aux sieurs Deglane, Lieutegard, Geunot et autres agents employés dans cette affaire, aux termes de l'article 4 du titre Ier du décret du 22 août 1790 :

«2° Que cette récompense proportionnée à la nature des services que les dénonciateurs ont rendus, attendu que les fabricateurs et complices n'ont point été arrêtés, mais seulement que les instruments de la fabrication ont été saisis, sera, savoir pour le sieur Deglane, de la somme de 900 livres; pour le sieur Lieutegard, de 600 livres: et pour deux préposés au département de la police, employés à la suite de cette affaire, et qui le sont tout journellement par le comité de surveillance, au sujet de toutes les dénonciations importantes qui lui sont faites, à chacun une somme de 200 livres; enfin, au sieur Champion, autre préposé à la police, chargé de la saisie-exécution qui eu lieu dans la nuit du 15 au 16 janvier dernier, une somme de 100 livres à titre de gratification;

«3° Que toutes les pièces relatives au procès à instruire contre Coligny et consorts, ainsi que les effets saisis, seront renvoyés au tribunal déjà saisi de cette affaire et compétent pour prononcer sur ces sortes de délits;

« 4° Que mention honorable sera faite du zèle, de l'intelligence et de l'activité que la municipalité de Romainville, les commissaires et secrétaire greffier de police, section de la place Vendome, MM. Rameaux et Marotte et la gendarmerie nationale, ont apporté dans cette affaire.

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(L'Assemblée ajourne la troisième lecture à huitaine.)

M. Beugnot, au nom de la commission chargée d'examiner les comptes des ministres de la guerre, fait un rapport (2) et présente un projet de décret (3) sur les marchés passés aux sieurs Henrion et Masson, par M. Servan, ministre de la guerre; il s'exprime ainsi :

Messieurs, vous avez confié à votre commission

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le soin de vous rendre compte de l'approvisionnement de l'armée. Elle a dû, pour le remplir, se faire représenter les divers marchés passés par les ministres, pour cet approvisionnement, y porter un œil attentif et vérifier si rien n'en arrêterait l'exécution.

Au nombre de ces marchés, votre commission en a distingué deux sur lesquels le ministre provoque une décision.

Le premier, en date du 8 de ce mois, est passé à Nicolas Fleurion, demeurant à Paris, pour fourniture de 2,000 chevaux destinés à la cavalerie, aux dragons ou aux chasseurs.

Le second est passé à Nicolas-François Masson, négociant, demeurant aussi à Paris, pour la fourniture de 40,000 fusils.

L'un et l'autre de ces marchés sont cautionnés par Marc-René-Marie Sahuguet d'Espagnac, qui a produit lui-même pour certificateur de caution, Charles-Antoine-Léonard Sahuguet d'Amarzis d'Espagnac, par acte notarié du 12 du mois dernier.

L'intérêt attaché à ces deux marchés paraît se confondre dans la personne des mêmes cautions, c'est pour cette raison que votre commission les a confondus dans le compte qui va vous en être rendu.

Votre commission s'est également préservée, dans ce compte de la prévention que l'opinion attache à certains noms, et de l'esprit de parti qui poursuit encore un ministre dans sa retraite, car vous ne voulez ni servir des haines, ni rẻnouveler contre personne des souvenirs affligeants, mais connaître la destinée.

Les marchés passés aux sieurs Masson et Fleurion donnent lieu à des remarques importantes, soit par la forme dans laquelle ils sont passés, soit par les conditions qu'ils renferment au fond.

En la forme, on a lieu de s'étonner que des marchés aussi graves soient rédigés avec autant de négligence, qu'ils ne consistent que dans une soumission imparfaite, où le fournisseur intervient seul, et au bas de laquelle la caution souscrit en deux lignes un engagement équivoque que le ministre accepte à son tour, par une simple mention, qui n'est ni moins insignifiante, ni moins laconique. S'il était possible que chacun de vous prit connaissance des originaux de ces marchés, il serait forcé de convenir qu'il encourrait de justes reproches si, pour le plus mince intérêt personnel, il traitait avec autant de légèreté que les ministres le font pour les intérêts de l'Etat.

Je dis que les ministres, car M. Servan n'a fait que suivre les formes admises par ses prédécesseurs, et on ne doit point les lui imputer en particulier. Ici donc, on peut le dire, votre législation est encore en défaut, et il est indispensable que votre comité militaire vous présente une loi sur les formes des marchés passés par les minis tres, sur les moyens d'en assurer les dates, d'en prévenir les altérations ultérieures, de donner surtout aux ministres des coopérateurs qui soient leurs contrôleurs nécessaires alors qu'ils disposent aussi éminemment de la fortune publique. L'urgence de cette loi se fait d'autant mieux sentir, que, si la plupart des marchés passés par les ministres étaient portés devant les tribunaux, les juges se trouveraient pressés entre l'empire de l'usage et la sévérité des règles; mais que ces actes résisteraient difficilement à cette dernière autorité.

Votre commission pénétrée du principe que vous ne pouvez vous occuper dé la matière que

sous des points de vue généraux, n'a pas cru devoir s'arrêter davantage aux défauts de forme que l'on remarque dans les marchés passés aux sieurs Henrion et Masson, et je passe aux conditions en el es-mêmes.

L'un et l'autre marché présentent deux articles qui appellent un examen sérieux. Celui passé au sieur Henrion en présente un troisième qui donnera lieu à des observations particulières.

Aux termes de l'article 1er du marché passé au sieur Henrion, et de l'article 7 de celui passé au sieur Masson, il doit être fait à ces fournisseurs, dès à présent, et avant toute espèce de livraison, une avance de 1,420,000 livres, et, à en juger par une lettre écrite le 27 du mois dernier au ministre de la guerre, le sieur Henrion insiste pour que l'ordonnance du comptant de cette somme lui soit incessamment délivrée.

Il annonce que, déjà, il a fait prendre par un huissier acte de sa réclamation et du tort que lui occasionnait ce délai.

Le ministre, de son côté, craint d'engager sa responsabilité en délivrant des ordonnances de simple acompte pour des sommes aussi fortes et vous presse de lui prescrire la conduite qu'il doit tenir.

On ne peut se dissimuler que de pareilles avances excèdent les proportions ordinaires, et que, par leur élévation jusqu'à la sonime de 1,420,000 livres, le marché semble perdre son véritable caractère pour prendre celui d'une véritable commission. Il n'est en effet personne à qui il n'eut été aussi facile qu'aux sieurs Henrion et Masson, de procurer des chevaux et des fusils au gouvernement, en lui délivrant celle d'un million et demi à imputer sur le prix des dernières livraisons. L'homme le moins accrédité pouvait faire un traité pour lequel il ne fallait réellement ni crédit, ni fonds en dehors, et cette condition exorbitante ne serait devenue supportable qu'autant qu'elle aurait procuré un rabaissement considérable dans les prix et c'est ce qui ne se rencontre pas ici.

L'excès de ces avances a produit un effet digne de remarque; c'est que l'entrepreneur trouverait un profit assuré de plus de 30,000 livres, en n'executant point le marché des fusils, par exemple, et en restituant avec fidélité les fonds qui lui auraient été avancés, parce que les intérêts de ces fonds, depuis l'époque où ils lui sont remis, jusqu'à celle où l'inexecution des conditions serait constatée par le fait, excède du double le dédit de 20,000 livres, stipulé par ce marché. On se demande ensuite quel doit être le motif d'une avance si ce n'est de donner aux fournisseurs les moyens de parer aux travaux journaliers de la fabrication, sans être obligés de recourir à des emprunts ruineux, dont l'Etat finirait en dernière analyse par payer les intérêts, soit sur le prix de l'arme, soit en diminution de la qualité. Partant de ce point, il est sensible que l'avance doit être proportionnée à la mise dehors que le fournisseur eut dù faire.

Or, dans un marché dont le cours est de 8 mois, et dont la première livraison, sur le pied du quart de la fourniture totale n'a lieu que dans le cours de 6 mois, n'eùt-il pas été plus que suffisant de faire l'avance de cette première livraison, c'està-dire de 240.000 livres? Le fournisseur eut alors été dans le cas de l'employer en achat de matières, en supposant qu'il eût été lui-même le manufacturier. Mais, dans cette occasion, le fournisseur ni ses cautions ne sont point eux-mêmes manufacturiers, et vous traiteront de manière à

ne payer qu'à mesure de la fabrication. Que feront-ils donc d'une avance aussi forte, je vous laisse, Messieurs, à l'expliquer.

Mais, puisque des fonds aussi considérables ont été mis en dehors, le ministre a dù prendre des précautions sévères pour assurer, dans le cas d'inexécution du marché, la rentrée prompte et sans embarras de cette somme de 1,420,000`livres. Voyons quelles sont celles qui ont été employées.

Aucune pièce ne dépose pour ni contre la solvabilité des sieurs Henrion et Masson. Il faut donc passer à la caution du sieur Marc-Marie-RenéSahuguet d'Espagnac.

Par le marche passé avec le sieur Henrion, M. d'Espagnac offre pour caution de l'avance: 1o Des créances sur l'Etat, qui ne sont pas encore liquidées;

2o En attendant la liquidation, une maison à Paris, rue de Louvois;

3o Un terrain de 135 toises situé dans la même rue;

4o Des effets publics jusqu'à concurrence de 300,000 livres. Mais il est expressément stipulé et répété qu'aussitôt que les créances de M. d'Espagnac sur l'Etat seront liquidées, les autres effets lui seront remis, ces créances devant seules former sa caution.

Ce cautionnement est-il suffisant? je discute rapidement chaque article:

1 L'origine et les progrès des créances du sieur d'Espagnac sur l'Etat, sont connues litigieuses, depuis 1787; elles forment aujourd'hui encore le sujet d'une instance indécise au tribunal du 6° arrondissement; et sans préjuger le résultat de cette instance, il est à craindre que la liquidation n'en soit très éloignée;

2o La maison de la rue de Louvois n'appartient pas au sieur d'Espagnac;

3o Le terrain de 135 toises ne lui appartient pas davantage;

4° Les 300.000 livres d'effets publics n'ont point été réalisés; seulement le sieur d'Espagnac paraît avoir déposé chez M. Chandot, notaire, pour 129,505 livres de bons au porteur de lá Compagnie d'assurances sur la vie. En supposant que ces effets variables, au cours de la place, se soutiennent à la valeur qu'ils ont aujourd'hui; le cautionnement fourni par le sieur Marc-RenéMarie Sahuguet d'Espagnac, se réduirait, en dernière analyse, à un nautissement momentané de 129,505 livres.

On dit, à un nantissement momentané, car il faut remarquer en passant, ce qu'il sera nécessaire d'établir plus bas que les biens-fonds offerts par le sieur d'Espagnac, que les effets publics qu'il a déposés, ne servent que de nantissement jusqu'à l'époque de la liquidation de sa créance sur l'Etat, qui, aux termes du marché, doit seule former sa caution.

Mais le sieur Marc-René-Marie Sahuguet d'Espagnac a fourni pour certificateur de caution le sieur Charles-Autoine-Léonard Sahuguet d'Espagnac, son frère; et ce dernier, par acte passé devant notaire, le 11 juin dernier, offre pour garantie des certificats de sa caution:

La terre de Rus qu'il dit être de la valeur de 150,000 livres ;

Des biens nationaux sur lesquels il a payé 35,470 livres;

La maison de la rue de Louvois et le terrain déjà offert par son frère;

La promesse de déposer ses actions viagères sur les têtes genevoises, pour la valeur de

20,000 livres de revenus nets, et jusqu'à ce que le dépôt puisse en être effectué une créance au principal de 171,666 1. 13 s. 4 d. due par privilège sur le terrain de spectacle de la rue de Louvois.

1° Est-il certain que la terre de Rus vaille réellement 150,000 livres?

En le supposant, est-il prouvé quelle est franche de toute hypothèque, soit du chef du sieur Charles-Antoine-Léonard Sahuguet d'Espagnac, soit du chef de ses auteurs. Cependant, en supposant l'une et l'autre justification et pour ôter jusqu'au soupçon de la malveillance, adoptons, dès à présent, cet objet pour son estimation, c'est-à-dire 150,000 livres, joignons-y encore le premier paiement de 35,470 livres fait sur une acquisition des domaines nationaux et encore le nantissement des 171,666 1. 13 s. 4 d. de créance sur le terrain du spectacle de la rue de Louvois, le certificateur de caution aura fourni un nantissement de 357,136 1. 13 s. 4 d.

A l'égard de la maison et du terrain de la rue de Louvois, il est superflu d'entrer dans la discussion des titres de la propriété de cette maison, et d'en détailler la filiation, il suffit de dire que cette propriété est grevée d'hypothèques justifiées par des oppositions subsistantes; à la vérité, M. d'Espagnac a promis d'en rapporter la mainlevée, mais tant qu'elle ne sera pas représentée, l'incertitude du gage sera telle, qu'on ne pourra pas la tirer en ligne de compte.

Ainsi rien ne garantit, de la part des sieurs Henrion et Masson, la rentrée de l'avance de 1,420,000 livres.

Elle est garantie, de la part de la caution, par Mecklembourg, mais il fallait passer sur le territoire prussien, et dès lors il existait des ordres, rendus plus sévères depuis, de ne laisser pénétrer aucune munition de guerre jusqu'à nos frontières. En vain répondrait-on qu'on pouvait à la rigueur faire passer ces chevaux par la Hollande, et en les embarquant. Certainement un entrepreneur est fondé à invoquer l'impossibilité du passage prévu par son marché, lorsque les barrières ordinaires sont fermées et lorsqu'il ne peut les éviter que par un circuit long, coùteux et dangereux pour la marchandise qu'il doit fournir.

Ainsi donc, le sieur Henrion est mieux que jamais autorisé par les circonstances à faire ses achats dans l'intérieur du royaume, et, dans cette position, le gouvernement paiera en florins de Hollande, c'est-à-dire avec la perte des assignats sur les écus, plus des écus sur les florins des chevaux achetés avec les assignats, il paiera à un prix exorbitant ses propres denrées, et il n'aura pas malgré tant de si douloureux sacrifices évité le double inconvénient politique de laisser un plus grand nombre de chevaux à nos ennemis et d'épuiser nos propres ressources.

Il faut encore ajouter que, postérieurement à tous les marchés, ce ministre a, par une lettre particulière, accordé à l'entrepreneur que le gouvernement se chargeait des droits d'entrée sur les chevaux, qui montent à plus de 5,000 li

vres.

Les époques sont maintenant nécessaires à marquer:

Le 8 juin, le ministre traite avec les sieurs Henrion et d'Espagnac pour la fourniture de 2,000 chevaux;

Le 10 juin, le premier marché est corrigé et augmenté en faveur des entrepreneurs;

Le 11 juin, le ministre traite avec les sieurs

Masson et d'Espagnac, pour la fourniture de 40,000 fusils;

Le 22 juin, le même marché est corrigé et augmente en faveur des entrepreneurs.

Les actes de cautionnement nécessaires pour consommer les marchés sont passes par-devant notaires, le même jour 12 juin, mais à l'egard du ministre seulement, à l'égard de MM. d'espagnac le même acte est passé le 23 juin.

Cependant MM. d'Espagnac étaient partie intégrante et indispensable dans cet acte, puisqu'ils offraient les objets du cautionnement, les affectaient et les hypothéquaient envers le gouvernement, en sorte que le ministre a reçu le 12 juin un cautionnement qui n'a été offert que le 23, et il a reconnu le 12 la suffisance des objets hypothéqués et présentés 10 jours après.

La lettre par laquelle le ministre dispense les entrepreneurs des droits d'entrée sur les chevaux est nécessairement du 13, puisqu'elle ne peut être colorée que par les besoins de réparer une omission aux marchés du 12.

Le 13, M. Servan n'était plus ministre.

Si vous comparez ces observations entre elles si vous les rapprochez des réflexions que j'ai présentées sur l'avance à faire, dès à présent aux fournisseurs, sur l'espèce des valeurs dans lesquelles cette avance doit être faite, sur les conditions du cautionnement, peut-être votre jugement ne restera-t-il pas longtemps indécis sur les marchés.

Mais quel que soit le jugement que vous en portiez, il faut examiner maintenant jusqu'où s'étend votre compétence sur ce point.

Le ministre a provoqué l'intervention de l'Assemblée nationale, lorsqu'il a demandé une autorisation pour payer l'avance sollicitée par la caution des sieurs Henrion et Masson, et assurée à ces deux particuliers par les marchés passés

avec eux.

Mais cette provocation ne peut pas autoriser l'Assemblée nationale à sortir de la ligne que la Constitution a tracée devant elle. Les marchés passés entre le gouvernement et les sieurs Henrion et Masson sont des conventions particulières. C'est donc au pouvoir judiciaire seul qu'il appartient s'y prononcer, de les confirmer ou de les résoudre.

En vain objecterait-on qu'il s'agit de l'intérêt général, et que l'Assemblée constituante ne faisait plus difficulté de casser les conventions qu'elle jugeait opposées à cet intérêt. L'Assemblée constituante reunissait tous les pouvoirs; et nous n'en exerçons qu'un seul : vous ne voulez pas d'ailleurs rappeler ces temps où les principes fléchissaient devant le grand mot d'intérêt général, où le gouvernement se jouait de ses engagements par le moyen si commode des arrêts du conseil. Il faut aujourd'hui que le gouvernement, qui dans ses conventions, ne peut pas introduire des éléments privilégiés et étrangers au reste des citoyens, se présente, comme eux et avec eux, devant l'ordre judiciaire pour y solliciter l'exécution ou la résiliation des marchés qu'il a passés c'est là, c'est dans certe égalité sévère des droits devant la loi, dans cet assujettissement commun aux formes des actions et des jugements, que réside essentiellement la liberté.

Votre commission ne vous proposera donc jamais de résoudre ou de modifier les marchés passés avec le gouvernement, quelque défavorables qu'ils paraissent, parce qu'elle croit qu'il vaut mieux sacrifier un million qu'un principe,

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