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une loi en matière criminelle aussi contraire à tous les principes. Je demande le rapport du décret, ou que vous disiez que, s'il résulte par l'examen du juré que cette cocarde a été mise, que cette cocarde a été portée dans l'intention de se révolter, alors celui qui en sera revêtu soit puni de la peine de mort. (Applaudissements.)

Plusieurs membres : La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion et adopte cette dernière proposition.)

M. Jean Debry, rapporteur, donne lecture des articles 18 et 19.

Suit le texte definitif du décret rendu :

«L'Assemblée nationale, considérant que les efforts multipliés des ennemis de l'ordre, et la propagation de tous les genres de troubles dans les diverses parties de l'Empire, au moment où la nation, pour le maintien de sa liberté, est engagée dans une guerre étrangère, peuvent mettre en péril la chose publique, et faire penser que le succès de notre régénération politique est incertain;

« Considérant qu'il est de son devoir d'aller au devant de cet événement possible, et de prévenir, par des dispositions fermes, sages et régulières, une confusion aussi nuisible à la liberté et aux citoyens, que le serait alors le danger lui-même;

« Voulant qu'à cette époque la surveillance soit générale, l'exécution plus active, et surtout que le glaive de la loi soit sans cesse présent à ceux qui, par une coupable inertie, par des projets perfides, ou par l'audace d'une conduite criminelle, tenteraient de déranger l'harmonie de l'Etat;

Convaincue qu'en se réservant le droit de déclarer le danger, elle en éloigne l'instant, et rappelle la tranquillité dans l'âme des bons citoyens;

"Pénétrée de son serment de vivre libre ou mourir, et de maintenir la Constitution; forte du sentiment de ses devoirs et des vœux du peuple, pour lequel elle existe, décrète qu'il y a urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de sa commission des Douze, et décrété l'urgence, décrète ce qui suit:

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Art. 4.

Tous les citoyens seront tenus de déclarer, devant leurs municipalités respectives, le nombre et la nature des armes et munitions dont ils seront pourvus: le refus de déclaration, ou la fausse déclaration dénoncée et prouvée, seront punis par la voie de la police correctionnelle; savoir dans le premier cas, d'un emprisonnement, dont le terme ne pourra être moindre de 2 mois, ni excéder une année: et dans le second cas, d'un emprisonnement dont le terme ne pourra être moindre d'une année, ni excéder 2 ans.

Art. 5.

« Le Corps législatif fixera le nombre des gardes nationales que chaque département devra fournir.

Art. 6.

« Les directoires de département en feront la répartition par districts, et les districts entre les cantons, à proportion du nombre des gardes nationales de chaque canton.

Art. 7.

» Trois jours après la publication de l'arrêté du directoire, les gardes nationales se rasseinbleront par canton; et, sous la surveillance de la municipalité du chef-lieu, ils choisiront entre eux le nombre d'hommes que le canton devra fournir.

Art. 8.

"Les citoyens qui auront obtenu l'honneur de marcher les premiers au secours de la patrie en danger, se rendront 3 jours après au cheflieu de leur district; ils s'y formeront en compagnie, en présence d'un commissaire de l'administration du district, conformément à la loi du 4 août 1791. Ils y recevront le logement sur le pied militaire, et se tiendront prêts à marcher à la première réquisition.

Art. 9.

« Les capitaines commanderont alternativement, et par semaine, les gardes nationales choisies et réunies au chef-lieu de district.

Art. 10.

Lorsque les nouvelles compagnies des gardes nationales de chaque département seront en nombre suffisant pour former un bataillon, elles se réuniront dans les lieux qui leur seront désignés par le pouvoir exécutif, et les volontaires y nommeront leur état-major.

Art. 11.

Leur solde sera fixée sur le même pied que celle des autres volontaires nationaux; elle aura lien du jour de la réunion au chef-lieu de

canton.

Art. 12.

<< Les armes nationales seront remises, dans les chefs-lieux de canton, aux gardes nationales choisies pour la composition des nouveaux ba

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où nous puissions, sans lâcheté ou sans perfidie, taire dans cette tribune quelque grande vérité, sous prétexte qu'elle pourrait être désagréable au roi, de nature à devoir être cachée au peuple, ou révoltante pour une partie de l'Assemblée. Le moment est venu où le roi doit tout excuser, le peuple tout savoir et le Corps législatif tout entendre. (Applaudissements dans les tribunes.) De nos périls, le plus grand serait celui de dissimuler la crise où la nation est graduellement parvenue et ses remèdes les plus prompts. En ordonnant à votre commission de vous faire un rapport sur cet objet, vous auriez décrété spécialement la liberté de tout dire, si cette liberté ou plutôt ce devoir n'était pas de l'essence de nos fonctions. Une timide politique peut bien, dans les temps ordinaires, tempérer la franchise des discours et la hardiesse des motions par la crainte de quelques inconvénients; mais cette petite prudence n'en est plus une quand l'Etat est placé entre la nécessité de tout dévoiler et le danger de périr, entre l'urgence des grandes mesures et les succès imminents de la tyrannie. (Applaudissements dans les tribunes). La vraie politique alors est de sonder la profondeur de l'abime, où l'on nous pouse d'une part avec perfidie, d'autre part avec la force des armes, et d'y précipiter par un grand effort national les chefs des factions qui l'ont creusé. Plus la crise est menaçante, plus il nous faut nous en tenir à la fière devise, la liberté, l'égalité ou la mort. Plus les tyrans se conjurent contre la nation française, plus elle doit donner aux nations asservies le grand exemple du courage qui doit les affranchir un jour.

Une poignée de méchants a subjugué, avili le genre humain pour recouvrer sa dignité, il n'a besoin que de jeter sur ses fers un regard de confusion, de jeter ensuite un regard d'indignation sur les traîtres couronnés qui, chargés de veiller à son repos, l'ont enchaîné pendant son sommeil, et ils seront anéantis. Les téméraires! au lieu de suivre l'exemple du philosophe qui règne en Pologne, et de provoquer comme lui des révolutions qui puissent raffermir leurs trônes, en les fondant sur de meilleures bases, ils osent commencer la lutte de la royauté contre les nations; certes ce ne sera que la lutte du pygmée contre un colosse. Qu'ils se gardent bien de le rappeler ce colosse au souvenir de sa souveraineté et aux sentiments de ses forces. En moins d'un siècle la royauté pourrait disparaître à jamais de la surface de la terre; il est possible, sans doute, que la liberté du monde commence par des revers qui pourraient bien couvrir la France de ruines, de cendres et de cadavres; mais il serait possible aussi que cette catastrophe accélérât le réveil des nations, et le progrès d'une insurrection générale contre les tyrans du genre humain.

C'est donc ici, Messieurs, une crise qui n'intéresse pas seulement ce royaume; elle est encore de la plus grande importance pour l'espèce humaine et n'est en cela que plus digne du courage de la nation française. Qu'elle sache donc s'élever progressivement à la hauteur du danger, et nous, Messieurs, n'attendons plus quelques succès que de l'énergie qui nous fera tout dire, et tout braver, pour l'affermissement de la Constitution et le salut de l'Etat.

Peut-être, Messieurs, me reprocherez-vous de l'ardeur, ce ne sera que celle du civisme ennemi juré des factions et de l'intrigue; parvenu à ce grand âge, où les horreurs d'une révolution ne

sont pas tempérées par l'espérance d'en recueillir les fruits avant de mourrir, je ne puis avoir ici d'autre intérêt que celui de la postérité. Si donc je vais dans ce discours vous paraître ardent, croyez, Messieurs, que ce ne peut être qu'en amour de la patrie et en zèle pour le bonheur des nations. (Applaudissements.)

Je ne sais, Messieurs, si je m'exagère la crise où nous sommes, mais elle me paraît bien critique et digne d'une attention bien sérieuse. Qui pourrait se dissimuler que la Constitution est menacée d'une manière effrayante, et que, soit au dedans, soit au dehors de l'Empire, elle a des ennemis formidables.

Pendant que des puissances ennemies de la France marchent pour l'asservir, une multitude innombrable de citoyens pervers conspire dans son sein, pour favoriser, par une guerre intestine, le succès de la guerre étrangère. Nulle nécessité pour ces conspirateurs de se choisir un chef. Tant que le monarque ne se prononce pas contre eux avec énergie, tant qu'il ne déploie pas contre eux la toute-puissance du pouvoir exécutif, avec une rigueur soutenue, de cela seul il se montre leur chef. Pour se coaliser tous en sa faveur, c'est assez qu'ils aient avec lui des intérêts ou des ressentiments communs. C'est le propre de cette Révolution, que le roi, sans se montrer ouvertement son ennemi, et de cela seul qu'il ne se passionne pas pour elle, est nécessairement le point de ralliement de ceux qui la détestent; de cela seul, qu'il n'est pas le fléau des factions diverses contre la liberté, il paraît s'en déclarer l'appui. S'il n'en impose pas aux séditieux aristocrates, de cela seul il les encourage; s'il ne tonne pas contre la ligue des princes, faite en sa faveur, de cela seul i la fomente. La moindre lutte qu'il engage avec l'Assemblée nationale, de cela seul il déchaîne contre elle toutes les horreurs de la calomnie et la perfidie des complots.

Enfin, pour que le monarque, regardant en arrière, paraisse jeter quelque soupir vers son ancienne autorité, c'en est assez pour appeler sous sa bannière tous ceux qui, par la Révolution, ont fait des pertes sensibles.

Que sera-ce, Messieurs, si au lieu d'une froide neutralité ou d'une conduite équivoque, le pouvoir exécutif donne, par des faits innombrables, aux ennemis de la Révolution des preuves de sa connivence?

En voulez-vous une esquisse rapide; écoutez, et, si vous le pouvez, démentez-moi :

N'est-il pas vrai qu'en tous lieux du royaume le fanatisme secoue plus que jamais les torches de la discorde, et que, sous l'égide d'un veto vraiment anarchique, les prêtres séditieux bravent nos décrets? C'est ainsi que le roi s'est entouré de tous les fanatiques de son royaume; de ces hommes exaltés qui, sans autre intérêt que celui d'assurer le triomphe de leur secte, se dévouent à l'esclavage, et se feraient les martyrs du pouvoir absolu.

N'est-il pas vrai qu'un second veto, en repoussant le sage décret qui formait un camp de 20,000 volontaires nationaux, a fécondé dans la capitale les noirs complots des..... et, a comme sanctionné les poignards des factieux et des brigands qui s'y sont rassemblés de toutes parts?

Je sais que, par une proposition spécieuse, on a essayé de réparer le scandale de ce dernier abus du droit de sanction; mais, au lieu d'adopter votre décret purement et simplement, ce sont des changements insidieux, un mode illu

soire de remplir l'objet de l'Assemblée, et des mesures dilatoires pour un état d'urgence.

C'est ainsi qu'une prérogative, établie pour suspendre les écarts possibles de la passion des législateurs, n'a servi jusqu'à ce jour qu'à repousser les lois les plus nécessaires, à s'opposer aux mesures les plus urgentes et les plus sages.

L'incivisme infecte le palais du monarque, et s'y montre la tête levée. La cour n'est composée que d'ennemis déclarés de la Révolution; (Applaudissements à gauche.) il faudrait un prodige perpétuel, pour rester pur dans cette atmosphère méphytique d'aristocratie et de factions sanguinaires.

Le régime féodal, aboli dans l'Empire, conserve autour du trône ses titres fastueux, et ils paraissent flatter encore, en dépit de la loi l'oreille du prince: on vous a dénoncé depuis peu des attentats judiciaires commis, au château des Tuileries, contre la Constitution, en ce qu'ils annoncent le rétablissement d'une espèce de prévôté de l'hôtel.

Un esprit de contre-révolution violente s'était répandu dans la nouvelle garde du roi comme dans l'ancienne, et n'annonçait que trop, par la rapidité de son cours, la hauteur de sa source. Après un décret éclatant qui l'a licenciée, et qui n'était guère qu'une faible expression de l'indignation publique, elle reçoit des témoignages authentiques des regrets et de la satisfaction du monarque. Il justifie ainsi l'opinion très accréditée qu'il conserve toujours la même affection à ses anciens gardes de Versailles, et qu'il continue de solder ces rebelles armés contre l'Etat conduite qui serait vraiment coupable, et qui prouverait qu'à Coblentz est son armée favorite.

Qu'on parcoure ses diverses lettres et ses proclamations, tout porte une empreinte inconstitutionnelle, et contraste indignement avec ses

serments.

Sa prédilection pour les prêtres qui n'ont pas prêté le serment, annonce-t-elle une fidélité bien austère au serment qui lui a conservé sa couronne?

Qu'on remarque les hommes poursuivis par la haine du gouvernement, ces hommes incorruptibles, les plus fermes appuis de la Constitution, ceux dont la vigilance municipale éclaire la malveillance, déjoue les noirs complots, étouffe les troubles dont on veut abuser, et qu'on les compare à ces hommes pervers dont il fait ses agents, ses protégés ou ses conseils; qu'on remarque dans les chocs des autorités constituées, celles que le gouvernement soutient, et celles qu'il sacrifie qu'on compare les écrits commandés ou protégés par le gouvernement, gratuitement répandus dans tout le royaume avec une profusion factieuse, aux écrits qu'il abhorre avec leurs auteurs, et dont il s'efforce d'arrêter le cours; qu'on compare les sociétés populaires qu'il couvre de ses ailes avec celles qu'il brûle de dissoudre; partout on remarquera un gouvernement persécuteur de la vertu, protecteur de l'incivisme, et contre-révolutionnaire avec impudeur.

Après la fuite scandaleuse d'un monarque qui avait gagné dans cette révolution une couronne qu'avec tout autre peuple il aurait perdue, après un serment solennel, fait à la face de l'Europe, de maintenir la nouvelle Constitution de l'Empire, des bruits d'évasion recommencent encore. Chaque jour on frémit, dans l'idée que la nuit du 21 juin va se renouveler. Dans une monar

chie fondée à perpétuité, avec un enthousiasme universel, la nation se voit sans cesse au moment de n'avoir plus de gouvernement; et cette nation, de tous les temps idolâtre de ses rois, cette nation qui avait conservé cette idolâtrie toute entière dans l'ivresse de la liberté, que de rebelles armés contre elle, ou des ingrats toujours occupés du projet de la fuir.

Jugeons des sentiments patriotiques du prince, par la conduite des agents de son choix. La pierre de touche ne saurait être meilleure. Tous les ministres choisis depuis la Révolution, à l'exception du pénultième choix, qu'ont-ils été, sinon autant de fléaux de la liberté, autant de perfides ennemis de la Révolution, qui portaient le masque du civisme avec l'impatience du cheval indompté, qui ronge son frein; autant de parjures qui, pronant tout haut la Constitution, la blasphémaient tout bas.

Enfin, un jour plus pur va luire sur la France, L'opinion publique, lasse de perfidies, cette opinion, la souveraine des rois, commande impé rieusement à Louis de prendre ses ministres dans les sociétés patriotiques; mais son empressement à les congédier ne prouve-t-il pas qu'il ne les avait choisis dans cette classe, que pour les rendre victimes des troubles et des revers préparés d'une manière infaillible par les ministres précédents; mais que, trompé dans cette attente par les succès rapides de ce ministère, s'est hâté de le dissoudre, en s'armant contre les meilleurs d'entre eux, de la perfide ambition d'un faux frère? Ainsi se sont évanouies tout à coup les plus chères espérances de la nation, et sa douleur n'est tempérée que par la chute de l'intrigant dans son propre piège.

Bientôt un ministre nouveau est choisi dans un accès d'horreur contre des ministres patriotes. et devient pour l'Empire d'un augure effrayant, Déjà les premiers pas du gouvernement actuel annoncent le retour des lenteurs ou de la marche rétrograde de l'ancien; et la machine politique, aujourd'hui comme ci-devant, après un moment d'activité salutaire, ou s'arrête ou recule.

Le voilà, depuis la Révolution, ce pouvoir exécutif, qui, par un heureux concert avec les représentants du peuple, devait assurer la marche de la Constitution et le règne de la loi. N'est-il pas évident que le moindre vice de ce pouvoir a été une inaction perfide? Certes, Messieurs, si on considère ce qu'il a fait, sa dénomination semble n'être qu'une ironie; et si l'on considère ce qu'il aurait dû faire, sa propre dénomination le condamine.

Comment le vaisseau de l'Etat pourrait-il naviguer avec quelque succès, quand le vent destiné à le faire voguer, ici retire son souffle et le laisse dépérir dans un calme ruineux, là ne se déchaîne que pour lui susciter des tempêtes? Parlerai-je des maux incalculables que l'opinion publique attribue hautement aux abus de la liste civile ?

S'il faut en croire cette opinion que mille apparences ne cessent d'accréditer, c'est cet or même, le plus pur sang d'une nation aimante et généreuse, cet or prodigué au pouvoir exécutif, pour prix de la paix et de la liberté qu'il était chargé de maintenir, qui n'a cessé au contraire de fomenter parmi nous toutes les horreurs de l'anarchie, pour nous faire préfèrer enfin à cet état violent, des sacrifices partiels de la Constitution, des restrictions de la liberté, et par degrés la verge du despotisme. Nation malheureuse, c'est doublement que tu

gémis, et parce que tu t'épuises, et par ce qu'un gouvernement ingrat tourne contre toi tes propres bienfaits!

Mais heureusement cette plaie de l'Etat n'est pas incurable; nous pouvons, sans blesser la Constitution, guérir celte plaie profonde avant la revision de l'Acte constitutionnel; et parce qu'elle n'a pu être que provisoirement déterminée avant l'acceptation du roi, seule époque où a commencé son règne légal et constitutionnel; et parce que l'immutabilité du montant de la liste civile pendant toute la durée d'un règne n'étant réellement relative à l'organisation ni à la démarcation des pouvoirs, n'est nullement de nature à être l'objet de l'Acte constitutionnel, encore qu'elle y paraisse insérée; et parce qu'il serait absurde de prétendre que dans le cas même, où par l'abus de la liste civile l'Etat serait en danger, il vaudrait mieux se résoudre à le voir périr par cette arme perfide, que de l'arracher des mains du corrupteur.

Ce n'est pas seulement à l'or funeste de la liste civile qu'il faut attribuer ce torrent d'ennemis de la Constitution; cette Constitution s'est suscitée à elle-même des ennemis innombrables, en déférant imprudemment à son ennemi natu rel la nomination à une foule de places qui lui attachent servilement, par l'avarice ou par l'espérance, des milliers d'ambitieux toujours prêts à sacrifier à leur intérêt personnel les intérêts de la patrie.

Examinez bien quels sont les ennemis les plus acharnés de l'Assemblée nationale ne sont-ce pas ceux qui se disent les amis du roi, ou qui sont ses créatures? En conséquence, ne s'est-il pas formé un grand complot autour du trône, et par suite dans tous les points de l'Empire, pour avilir la législature actuelle, et pour en faciliter, par cet avilissement, la dissolution violente?

Ne s'est-on pas efforcé sans cesse d'enlever à l'Assemblée, par un torrent de censures sur sa marche et sur ses décrets, la confiance de tout Français susceptible d'être égaré ? N'a-t-on pas calomnié sans pudeur comme sans vraisemblance, ceux de ses membres qui se montraient les patriotes les plus intrépides?

N'a-t-on pas essayé de rendre purement déri soire l'inviolabilité des législateurs et la liberté de leurs opinions, en soumettant leurs personnes aux tribunaux criminels ordinaires, pour des faits dépendants de leurs augustes fonctions? N'a-t-on pas constamment voulu entraver sa marche par des troubles méchamment suscités, consumer le temps de ses séances par une multitude de discussions frivoles, ou par la tactique des incidents dans les débats majeurs? N'a-t-on pas réussi à diviser l'Assemblée pour l'affaiblir, et à diminuer sans cesse sa redoutable majorité par toutes sortes de manoeuvres? N'a-t-on pas voulu lui ravir ses plus forts appuis par la dissolution des sociétés patriotiques, multipliées si heureusement dans l'Empire? et pour cela n'at-on pas mis en jeu tous les ressorts diplomatiques, toute l'activité des factions intérieures, tous les moyens de corrompre ou d'égarer l'armée? N'a-t-on pas conçu le noir projet d'armer contre l'Assemblée nationale la fureur des malveillants, de l'entourer d'assassins, appelés de toutes les partis de l'Empire, de tramer contre elle sans relâche des complots exterminateurs; et en attendant qu'on pùt l'anéantir ou la dis soudre, n'était-ce pas le plan machiavélique de suspendre l'exécution de tous ceux de ses décrets qui, par de grandes mesures, pouvaient étouffer

les troubles et comprimer soit au dedans soit au dehors les ennemis de la Révolution?

La voilà, cette lutte liberticide du pouvoir exécutif contre le Corps législatif, qui alarme, qui indigne la France entière; la voilà cette lutte désastreuse dont les commencements font frémir les vrais politiques, en leur présageant pour réIsultat un combat à mort.

Voulez-vous d'autres preuves, et de la crise où nous sommes, et de la grande part qu'a la cour à cette crise par sa perfide influence; écoutez encore, et, si vous le pouvez, démentez-moi.

Qui pourrait ignorer la marche lente ou rétrograde en tant d'endroits des différents pouvoirs, la perception arriérée de l'impôt, la pénurie dans laquelle on avait laissé nos armées, la négligence dans les remplacements des officiers sur terre et sur mer, les lenteurs qu'ont éprouvées l'organisation de la gendarmerie et l'armement des gardes nationales?

Qui pourrait ignorer cette suite concertée d'insurrections populaires provoquées dans la vue de ramener l'anarchie et à sa suite le pouvoir arbitraire? Qui pourrait ignorer la faveur accordée par des commissaires civils à la faction aristocratique dans les villes contre- révolutionnaires, et la protection constamment accordée dans le choc des pouvoirs à celui des deux qui était infecté d'incivisme?

Qui pourrait ignorer l'immense exportation du numéraire réel, et certaine contrefaçon d'un numéraire fictif avec des frais qui supposent une fortune immense, et les épargnes sordides d'une cour jadis prodigue à l'excès, qui font soupçonner à tant d'observateurs, qu'une grande partie de la liste civile a pris la route de Coblentz?

Qui pourrait douter que les désastres sanglants de la colonie de Saint-Domingue, n'aient été provoqués par une rage infernale, en haine des insurrections de la métropole, pour lui faire maudire une révolution aussi désastreuse, et pour punir par la ruine du commerce les villes maritimes, de leur passion pour la liberté?

Qui n'a point remarqué l'acharnement des factieux de la capitale à calomnier le peuple, à peindre des plus noires couleurs, de simples indiscrétions de zèle pour la chose publique, sans dessein prémédité d'abuser de la force, sans malveillance et sans attentats effectifs?

Ecoutez enfin, et, si vous pouvez, révoquez en doute la perfidie des manoeuvres diplomatiques et militaires qui rendent notre crise effroyable.

Quelle est la puissance étrangère que les noires machinations de notre diplomatie n'aient pas soulevées contre la Constitution française? Eh! pouvait-il en être autrement? C'est de la caste humiliée et dégradée par cette Constitution, qu'étaient tirés les hommes qui devaient l'affermir par des alliances, ou lui ménager d'importantes neutralités.

Que pouvait attendre la nation de ces choix insidieux, sinon de secrètes perfidies couvertes d'une double correspondance, l'une ostensible, et l'autre clandestine? et l'accusation d'un ministre a-t-elle fait autre chose que provoquer la peine des dernières infidélités diplomatiques, pendant que la nation reste immolée par les précédentes?

Ainsi, cette nation aussi malheureuse au dehors, qu'elle l'est au dedans, pendant qu'elle portait dans son sein tous les germes possibles d'une guerre intestine, était indignement trompée par ses propres agents dans les cours étrangères.

Encore, si la force publique ne donnait aux Français aucune inquiétude, si le civisme y était sans tache d'une part, et d'autre part sans défiance; forts de nos légions citoyennes et de nos citoyens formés en légions, nous pourrions braver la ligue des tyrans et dédaigner le choc de leurs serviles armées; mais nous le voyons avec une amère douleur, notre force armée, avec l'apparence d'un grand colosse, capable par sa masse de résister à toutes les puissances, a manifesté, dans la classe des officiers, un incivisme qui a jeté dans celle des soldats des germes de défiance vraiment déplorables. Des dissentiments politiques, en divisant les chefs et les membres de la force armée, ont altéré les liens de la subordination, seuls garants des succès militaires : peu contente de cette désorganisation, la malveillance a travaillé le soldat en tous sens pour diviser l'armée en deux factions ennemies, et l'égarer par de funestes défiances, ou par de fausses impressions sur les affaires publiques; mais heureusement ce commencement de désorganisation'a bientôt cessé. Le brave soldat a bientôt connu le piége; c'est moins pour sauver sa vie, que pour ne pas compromettre le salut de la patrie, qu'il s'est de lui-même parfaitement replacé sous le joug de la discipline militaire. Déjà des succès rapides étaient le fruit de cette valeur subordonnée aux lois de la guerre.

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Heureusement encore les approches de la guerre et le voisinage de Coblentz ont purgé nos armées d'un essaim de traîtres auxquels une nation trop confiante avait remis ses destinées; c'est avec des nobles que ce peuple débonnaire allait faire la guerre à la noblesse; mais la Providence qui veille au salut de l'Empire, n'a pas permis que cette imprudence nous fit périr: ils ont fui, ces infâmes, les drapeaux de la patrie, et la patrie espérait enfin de grands succès militaires en revanche des premiers revers. Mais, ô douleur! ô désespoir des bons Français! citoyens, pleurez sur cette perfidie que dis-je, indignez-vous, frémissez de colère; le brave Luckner, le général qui n'aurait su reculer devant l'ennemi que pour le vaincre plus sûrement, est forcé de reculer en abandonnant des villes conquises, non point par des ordres exprès du chef suprême de l'armée, mais par le perfide refus qui lui a été fait des secours nécessaires, je ne dis pas pour achever en faveur du Brabant la conquête de la liberté, mais même pour se maintenir dans sa position. Ainsi ont été trabies et sacrifiées deux nations, les Français et les Belges, leurs amis leur alliance n'en sera, j'espère, que plus étroite, et le jour viendra où les douceurs de la liberté nous seront communes comme aujourd'hui les dangers Sera-ce la fin de nos malheurs? Voyons ce qui se passe à l'armée du centre.

O ma nation! il t'était réservé encore le malheureux sort d'éprouver des attentats majeurs et des périls de la part de tes propres défenseurs! Un de tes généraux, oubliant qu'il a l'ennemi en tête, moins occupé de la nécessité de vaincre que de la passion de jouer un grand rôle dans les troubles intérieurs, quitte son poste sans congé, donne ainsi aux troupes qu'il commande l'exemple dangereux de l'insubordination, et compromet par son absence, avec la sûreté de son armée, celle de l'Etat. Quel peut donc être le motif de cet étrange conduite? il vient vous l'apprendre lui-même, se montre à votre barre avant d'être admis, vous parle fièrement, au nom de son armée, et encore au nom d'un parti

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