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bestiaux appartenant à autrui, dans les cas prévus par le n° 3 de l'art. 479. »

2860. Nous devons placer ici la loi du 2 juillet 1850 sur les mauvais traitements envers les animaux domestiques. Cette loi est ainsi conçue: «Seront punis d'une amende de 5 à 15 fr., et pourront l'être de 1 à 5 jours de prison, ceux qui auront exercé publiquement et abusivement de mauvais traitements envers les animaux domestiques. La peine de la prison sera toujours appliquée en cas de récidive. L'art. 483 du Code pénal sera toujours applicable. >>

Cette loi, éminemment civilisatrice, puisqu'elle tend, en supprimant des traitements barbares, à adoucir les mœurs, a pour objet de protéger tous les animaux utiles ou agréables à l'homme contre l'abus qu'il en fait, contre les souffrances inutiles qu'il leur impose, contre les innombrables cruautés dont ils sont l'objet. Le mot abusivement indique l'excès qu'il commet dans l'exercice de son pouvoir. S'il a le droit de corriger le chien ou le cheval vicieux ou indompté, il ne lui est pas permis de lui faire endurer des souffrances atroces et qui ne sont pas nécessaires. La loi ne punit cependant que les mauvais traitements exercés publiquement la morale publique est blessée par le spectacle révoltant d'actes de brutalité pratiqués sur un pauvre animal; c'est ce spectacle, qui indigne les témoins ou les corrompt, que la loi n'a pas voulu laisser impuni. Nous avons défini ce qu'on doit entendre par animaux domestiques (voy. n° 2389): la loi comprend tous les animaux privés qui vivent sous le toit de l'homme et sous sa protection, les oiseaux aussi bien que les quadrupèdes. Les animaux sauvages, s'ils sont réduits à la condition d'animaux domestiques, jouissent du même privilége.

2861. Que faut-il entendre par mauvais traitements? La Cour de cassation a appliqué cette qualification : au fait de blesser un chien par le jet d'un râteau '; - au fait de transporter des animaux entassés dans une voiture et ayant les pieds liés ensemble'; -au fait de les avoir placés dans cette

1 Cass., 9 juill. 1853, Bull. n. 353; Devill. et Car., 54.1.67; J.P.54.1302. 2 Cass., 22 août 1837, Bull. n. 320; Devill. et Car., 58.1.89; J.P.58.652; D.P.57.1.415; 15 janv. 1857; Bull. n. 29.

TOME VI.

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434 THÉORIE DU CODE PÉNAL, ART. 479, n° 2, 3 ET 4.

voiture de manière à leur occasionner des souffrances pendant le temps du parcours; au fait de les soumettre à un travail qui a amené la réouverture d'anciennes blessures'; - au fait de leur occasionner une souffrance par une charge excessive'.

-

On peut ajouter à ces actes: les coups violents et toutes autres voies de fait qui, sans nécessité, font souffrir l'animal ; - l'exigence abusive soit d'une marche ou exercice quelconque en dehors des aptitudes naturelles de chaque animal ou excédant évidemment ses forces; la privation abusive de soins de toute nature, de liberté, d'air, de lumière, même de secours en cas de maladie ou d'accident; -toute souffrance cruelle inutilement imposée pour donner la mort à l'animal dont on peut librement disposer; - les jeux ou tirs à l'oie, au canard, etc.; les combats de chiens; l'usage barbare d'aveugler certains oiseaux, etc.

2862. L'abus, dont la loi a fait un des caractères de la contravention, peut résulter d'un seul acte: il n'est nullement nécessaire qu'il y ait eu habitude des mauvais traitements, mais ces mauvais traitements ne sont punissables par l'application des peines de cette loi que lorsqu'ils ont été commis par les propriétaires des animaux et par les personnes auxquelles ils en ont confié le soin et la conduite: lorsqu'ils s'exercent sur les animaux d'autrui, ils sont passibles de l'application des n° 2, 3 et 4 de l'art. 479 et, s'ils sont volontaires, des art. 452 et suiv. Dans tous les cas, la loi du 2 juillet 1850 n'a entendu punir que les mauvais traitements commis publiquement : « attendu, porte un arrêt, que, dans l'esprit de cette loi, l'abus n'existe qu'autant que les mauvais traitements constituent des actes graves de brutalité, de nature à révolter le sentiment public et à causer une sorte de scandale ». Ainsi, le

Mêmes arrêts, et Cass., 13 août 1858, Bull. n. 231; Devill. et Car., 58.1. 844; J.P.59.691; D.P.58.5.17.18.

2 Cass., 17 nov. 1859, Bull. n. 250; Devill. et Car., 60.4.393; J.P.60.928. 3 Cass., 10 nov. 1860, Bull. n. 232; D.P.62.5.18.

4 Cass., 5 mai 1865, Bull. n. 104; D.P.65.5.19.

Cass., 4 avril 1863, Bull. n. 107; Devill. et Car., 63.1.510; J.P.64.204. 6 Cass., 14 mai 1868, Bull. n. 130; D.P.72.5.23.

fait d'avoir mené un cheval ventre à-terre et de l'avoir fouetté à tour de bras peut n'être pas considéré comme un acte abusif de nature à révolter le public. C'est, au reste, une appréciation qu'il appartient au juge de police de faire d'après les circonstances du fait.

§§ V et VI. Détention et emploi de poids et mesures

inexacts.

2863. «5° Ceux qui auront de faux poids ou de fausses mesures dans leurs magasins, boutiques, ateliers et maisons de commerce, ou dans les halles, foires ou marchés; sans préjudice des peines qui seront prononcées par les tribunaux de police correctionnelle contre ceux qui auraient fait usage de ces faux poids ou fausses mesures.

« 6o Ceux qui emploieront des poids ou des mesures différents de ceux qui sont établis par les lois en vigueur; les boulangers et bouchers qui vendront le pain et la viande au delà du prix fixé par la taxe légalement faite et publiée. »>

Nous avons présenté précédemment, en examinant les articles 423 et 424, un commentaire complet des n° 5 et 6 de l'art. 479, ainsi que du no 2 de l'art. 480 et no 1 de l'art. 481; nous ne pouvons que renvoyer à nos observations, qu'il est inutile de reproduire ici (no 2447).

Le n° 5 de l'art. 479 a été formellement abrogé par l'art. 9 de la loi du 27 mars 1851, et remplacé par l'art. 3 de cette loi, dont nous avons examiné les dispositions suprà, no 447 et suiv. Une seule disposition a été exceptée de cet examen : c'est celle qui termine le n° 6 de l'art. 479, et qui est relative aux boulangers et aux bouchers. Cette disposition a été ajoutée par la loi du 28 avril 1832; elle a eu pour but de réprimer d'une manière plus efficace les infractions aux règlements commises par les boulangers et les bouchers. Ce n'est pas la vente à faux poids que la loi punit ici, c'est la vente à un prix supérieur à la taxe fixée par l'autorité municipale. Cette contravention suppose donc un règlement qui fixe cette taxe, et la violation de ce règlement par une vente au delà du prix fixé. L'art. 480 autorise l'application de la peine d'emprisonnement.

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2864. «7° Les gens qui font métier de deviner et pronostiquer, ou d'expliquer les songes. >>

Une peine de police a remplacé les peines atroces autrefois et pendant tant de siècles prononcées contre les devins et les sorciers. La loi ne punit même que les personnes qui font métier de deviner ou de pronostiquer, c'est-à-dire celles qui exercent habituellement la profession de prédire l'avenir, et qui retirent un lucre de cette profession. Il faut donc, pour établir la contravention, non-seulement prouver que l'agent a expliqué des songes et fait des prédictions, mais qu'il se livrait par métier à ces explications. La magie et la sorcellerie, quoique profondément immorales, ne sont plus justiciables de la loi pénale, quand l'agent n'a pas intérêt à faire des dupes pour multiplier ses profits.

Tant que les gens qui font métier de deviner se bornent à révéler leurs prédictions aux personnes qui le désirent, sans autre but que de satisfaire une vaine et puérile curiosité, l'article 479 est seul applicable, quel que soit le prix qu'ils mettent à ces prétendues révélations; mais s'ils se servent de ce moyen pour se faire remettre, sous différents prétextes, des sommes ou des valeurs appartenant à autrui, l'acte change de nature: ce n'est point d'une vaine prédiction qu'il s'agit, c'est d'un moyen d'escroquerie, et l'art. 405 doit être appliqué.

L'art. 480 autorise l'emprisonnement, outre l'amende, contre les interprètes des songes, et l'art. 481 ordonne la saisie et la confiscation des instruments, ustensiles et costumes servant ou destinés à l'exercice du métier de devin, pronostiqueur ou interprète de songes.

§ VIII.

Bruits et tapages injurieux et nocturnes.

2865. « 8° Les auteurs ou complices de bruits ou tapages injurieux ou nocturnes, troublant la tranquillité des habi

tants. »

Le n° 8 de l'art. 605 punissait également de peines de police

les auteurs d'attroupements injurieux ou nocturnes. Le Code pénal n'exige plus que les bruits soient commis par des attroupements; il suit de là que la contravention existerait lors même que les bruits ou tapages n'auraient été le fait que d'une seule personne.

On doit entendre par bruits ou tapages, en général, tous les bruits ou tapages, de quelque nature qu'ils soient, et de quelque manière qu'ils soient produits; car la loi est absolue et sans restriction. Ainsi ceux qui sont causés par des instruments sonores et discordants, par des coups frappés sur des portes, des croisées, des meubles, par des huées, des cris, des sifflements, des chants injurieux, des hurlements sortant de voix humaines, rentrent également dans ses termes.

2866. Les bruits ou tapages sont punissables, soit qu'ils soient injurieux, soit qu'ils soient nocturnes.

Les bruits ou tapages ne sont pas nécessairement injurieux. Mais il y a cette différence entre ceux qui sont commis pendant le jour et ceux qui éclatent pendant la nuit, que les premiers ne sont punissables qu'autant qu'ils sont injurieux, tandis que les autres rentrent dans les termes de la loi par cela seul qu'ils ont eu lieu la nuit, et lors même qu'ils n'auraient pas été injuricux 1.

2867. Un caractère commun aux uns et aux autres, c'est qu'ils ne constitueront la contravention prévue par la loi qu'autant qu'ils ont troublé la tranquillité des habitants. Le texte de l'article établit formellement cette condition; mais estil nécessaire que ce trouble soit constaté? La Cour de cassation avait résolu par un premier arrêt cette question affirmativement, en déclarant : « que, pour qu'il y ait lieu à l'application de la peine prononcée par la loi, il ne suffit pas qu'il y ait un bruit ou tapage nocturne, qu'il faut encore que ce bruit ou tapage ait troublé la tranquillité des habitants; que si en fait un procès-verbal régulier constatait que le prévenu était l'auteur d'un tapage nocturne, cet acte n'établissait pas que la tranquillité des habitants eût été troubléc, ni même qu'il y eût eu aucune plainte de leur part; d'où il suit que le tribunal de po

Cass., 2 déc. 1843, Bull. n. 297; 26 août 1848, Bull. n. 228.

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