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Martin, car celle-ci est peut-être la plus faible de toutes celles qu'il a représentées depuis le commencement de l'année. C'est un plaidoyer en action contre l'inquisition; plaidoyer qui n'a que deux défauts, savoir: de tendré à prouver ce dont tout le monde tombe d'accord, que l'inquisition est une chose abominable, et ensuite de le prouver d'une manière qui n'est ni adroite, ni intéressante. Dans ce drame, les hommes se conduisent et les événemens s'enchaînent, comme on ne l'a jamais vu ailleurs; c'est que tout y blesse la vérité locale et historique et la vérité générale. Quant à la fable imaginée par les auteurs, elle n'élève pas leur piece au dessus d'un mélodrame vulgaire ; aussi nous abstiendrons-nous d'en parler plus long-temps.

28. Théâtre de l'Opéra-Comique. Ire représentation de : LE FILS DU PRINCE, Opéra comique en deux actes; paroles de M. Scribe, musique de M. de Feltre. Ce fils de prince est dans un grand embarras, attendu qu'il a épousé secrètement une bergère, et que le prince son père veut Te marier à une princesse qu'il n'aime pas: il pouvait y avoir plusieurs moyens de sortir de cet embarras; celui que M. Scribe a choisi eût été excellent, présenté d'une manière bouffonne. La bergère croit qu'elle a été indignement trompée, qu'elle n'est pas mariée légitimement et elle vient en demander au prince lui-même justice contre celui qui l'a séduite le prince condamne le séducteur à lui demander pardon, et à l'épouser cette fois d'une manière bien légale. Le fils du prince s'empresse d'obéir à cet arrêt, ce qui ne laisse pas que d'étonner son royal père; mais un bon prince n'a que sa parole, et celui-ci unit légitimement son fils à la bergère. M. de Feltre, qui emploie les loisirs que lui fait une grande fortune à cultiver la musique en amateur très-distingué, a eu le tort de prendre cette pièce et ce dénouement au sérieux; c'est dans le style bouffe qu'il au

rait dû traiter tout cela. Du reste, cette partition, sans s'élever bien haut pour l'originalité et l'invention, a laissé facilement reconnaître l'élégant compositeur dont nos salons recherchent chaque hiver avec prédilection les romances et les couplets.

SEPTEMBRE.

1er. Paris. Académie des Sciences. La faculté nutritive de la gélatine a été admise par les uns, rejetée par les autres. Pour arriver à des rétude, M. Julia de Fontenelle a cru sultats qui eussent quelque certiqu'il fallait d'abord constater quelle proportion de matière nutritive sèche chaque substance alimentaire contient sous le même volume; car si ce calcul n'est pas établi d'avance, l'expérience deviendra tout-à-fait trompeuse. C'est ainsi que M. Jobert écrivit à l'Académie, qu'ayant voulu nourrir des veaux avec de la géla tine dans les mêmes proportions qu'on leur aurait données en lait,

vit les animaux maigrir et mourir lon de viande contient : presque tous, car un litre de bouil

De gélatine sèche.
Avec la géla-

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18

18 à 20

gram.

tine des os. Un litre de lait en beurre, fromage, matière sucrée. c'est-à-dire cinq fois plus de matière 94 à 95 nutritive que le bouillon. Il faut remarquer que le produit de matière sèche que l'on obtient varie, pour la viande, suivant l'âge des animaux; pour le pain, suivant le degré de leur maturité. cuisson; pour les végétaux, suivant

Tableau des proportions de matière sèche que contiennent les substances alimentaires suivantes:

Noms des sub- Poids obtenu par
100 livres.

stances.
Viande de bœufs,

suivant l'âge. de 32 à 35 liv.
de mouton..
de veau..

31 à 34

26 à 28

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volume une quantité de matière solide très-différente, et exercera sur l'estomac une action également différente.

Suivant M. Julia de Fonentelle, les substances réputées alimentaires peuvent être divisées en trois classes:

10 Celles qui ne servent qu'à calmer la faim, ou, si l'on yeut, qu'à lester l'estomac, et qui, mangées seules, ne sont que très-peu nutritives. On sait, en effet, que les matières alimentaires doivent avoir un certain volume pour entretenir la santé, et qu'une quantité de prin cipes alibiles réduite à un très-petit volume ne satisferait pas l'estomac aussi bien que la même quantité formant une masse plus considérable.

2o Celles qui ne sont pas azotées et qui peuvent contribuer surtout à la formation de la graisse, substance non azotée.

3 Celles qui sont azotées et qui agissent plus particulièrement sur le développement des fibres muscu

laires et sur l'entretien des fonctions.

4. Théatre Français. 1re représen tation de MADEMOISELLE DE MONTMORENCY, OU LE DERNIER AMOUR DE HENRI IV, comédie en trois actes et en prose de M. Rosier. — Empêcher le marquis de Bassompierre d'épouser mademoiselle de Montmorency,qu'il aimait passionnément, puis la donner en mariage à son neveu le prince de Condé, dans le but de la retenir auprès de lui et de lier avec elle un commerce adultère, c'est ce fit que Henri IV déjà vieux, et assurément ce trait de sa vie est un de ceux qui le déshonorent le plus; mais, quoique l'histoire puisse un jour réviser les titres de la réputation du vert galant, le préjugé populaire lui sera toujours favorable et ne permettra jamais par exemple qu'on le fasse jouer un rôle odícux et méprisable au théâtre. M. Rosier, déjà connu par une jolie, comédie le Mari de ma femme, et par un drame la mort de Figaro, dont plusieurs détails indiquent un vrai talent, n'a donc pas répondu à ce qu'on attendait de son expérience dramatique, en abordant un pareil sujet. Et, comme si ce mauvais choix lui avait porté malheur, l'auteur est resté cette fois fort au dessous de ses premiers ouvrages. L'impropriété des mots, l'inconvenance du dialogue, l'absence totale d'action, des entrées et des sorties perpétuelles que rien ne motive, ce n'est là que la moindre part des reproches qu'on peut adresser à M. Rosier; tous les caraçtères ont été si maladroitement présentés par lui que Henri IV ne parait plus qu'un vieux et ridicule jaloux de comédie; mademoiselle de Montmorency une petite niaise qui fait sourire de pitié, et le brillant, l'ingénieux Bassompierre, un timide chevalier, dont la nullité n'a d'égale que sa froideur. Toute l'intrigue est conduite par l'ambassadeur d'Espagne, diplomate de fantaisie qui n'a plus de sens, et dont à coup sûr Henri IV n'aurait jamais été ni l'instrument ni le jouet,

7. Singulier commerce. Il y a peu de jours, un marchand de vin Paris se pendit au cimetière du Père-Lachaise. Le bruit de la découverte du cadavre s'était promptement répandu à Bagnolet, Belleville, et dans tous les environs. Bienheureux celui qui aurait la corde de ce pendu! disait plus d'un ignorant villageois. Un habitant de Montmartre s'est décidé à les satisfaire. Porteur d'une corde qu'il prétend avoir trouvée dans le cimetière au moment de la levée du corps, il s'adosse contre un mur, tire de sa poche la corde du pendu, de l'autre un couteau, et, d'une voix de Stentor, se met à crier qu'il vend de la corde de l'homme trouvé pendu le matin.

Les chalands affluent ; chacun veut avoir de la bienheureuse corde, et, en moins d'une heure, elle est entièrement distribuéc. Que fait alors notre industriel? Enchanté du résultat de son idée, il s'en va acheter de la corde à peu près pareille, et revient à sa place recommençant son annonce. Tout le monde veut avoir de la corde de pendu, et, à huit heures du soir, le marchand 'avait environ 40 francs de recette.

11. Birmingham. Progrès des mécaniques. Dernièrement dans une réunion publique à Birmingham, M. V. Parc, pour prouver l'augmentation des moyens de production par le perfectionnement des machines, a établi qu'en 1792 les machines dont on se servait étaient égales au travail de 10 millions d'ouvriers, en 1827 de 200 millions et en 1833 de 400 millions. Dans le commerce des cotons, les fuseaux, qui tournaient 50 fois par minute, tournent maintenant dans certains cas 8,000 fois par minute. Dans un atelier de Manchester, 136,000 fuseaux sont en mouvement et filent un million 200,000 milles de fils de coton par semaine. A New-Lanark, M. Orven produit chaque jour, avec 2,500 ou vriers, une quantité de fils de coton qui feraient le tour de la terre deux fois et demie. On calcule que l'en semble des machines du royaume

est égal au travail de 400 millions d'hommes et l'on pourrait l'augmen cer à l'aide de mesures convenables.

14. Londres. Assassinat et suicide.

Une scène d'horreur, dont peutêtre il n'y eut jamais d'exemple, jette en ce moment le quartier de Pentonville, à Londres, dans la plus profonde consternation. Le nommé Steinburge, allemand d'origine, a égorgé dans la nuit sa femme et ses quatre enfans en bas âge; puis il a terminé par le suicide cette tragédie épouvantable. Les détails que l'inspection des lieux a fait connaître sont trop affreux pour qu'on puisse les retracer. 11 paraît qu'une des innocentes victimes ayant vu immoler à ses côtés son jeune frère, a rẻsisté long-temps à la rage furieuse de ce monstre.

Les journaux de Londres annoncent que des milliers de spectateurs se succèdent ou stationnent sur le lieu de l'événement. Il a fallu pour le maintien de l'ordre requérir la force militaire et mettre en mouvement de nombreuses patrouilles de constables.

Un jury, présidé par M. Stirling, a été tenu pour prendre connaissance des faits et rendre une décision sur leur nature. Après avoir entendu plusieurs témoins, le jury a déclaré que Nicolas Steinburge avait sciemment et méchamment donné la mort à sa femme et à ses quatre enfans, puis avait commis le crime de 'suicide. En conséquence, la sépulture chrétienne sera refusée à Nicolas Steinburge; les cadavres de ses victimes seront enterrés dans le cimetière de la paroisse, suivant les cérémonies de l'église.

Les débats n'ont guère éclairci les motifs qui ont pu pousser ce malheureux à cette série d'actes exécrables. On a parlé d'embarras pécuniaires qu'il éprouvait au retour d'un voyage récent en Allemagne. Du papier des plumes et de l'encre ont été trouvés placés sur une table dans la chambre. Sans doute il avait eu d'abord l'intention d'écrire quelques dernières paroles; mais on n'a

trouvé nulle part un indice qui annoncât que ce dessein eût été exécuté.

Le 13 au matin les autorités de la paroisse de Pentonville ont fait mettre dans des cercueils les corps des victimes du meurtrier Steinburge. Au moment de cette opération on s'aperçut que les blessures des victimes étaient horribles, et que les têtes étaient presque séparées des corps. Il régnait une telle fermentation que l'on fut obligé de placer des constables autour de la maison. On disait que dans la journée les victimes seraient enterrées dans le cimetière de Pentonville. Dans la soirée Steinburge a été enterré dans le cimetière de la paroisse de Clerkenwel; une foule immense était rassemblée sur le lieu. On avait placé Steinburge à côté d'une femme âgée qui était morte subitement. On craignait que dans son indignation la populace ne s'emparât du corps du défunt. Pour éviter cela on porta le cercueil contenant la vieille femme à l'extrémité orientale du cimetière dans une direction opposée à celle que l'on devait suivre pour Steinburge. La foule se porta de ce côté, et pendant ce temps on enleva Steinburge. Mais la ruse fut bientôt découverte, et la populace revint sur ses pas et se précipita dans le cimetière. Là on montra le corps de Steinburge au public et on le précipita dans une fosse de vingt pieds de profondeur. Les fenêtres donnant sur le cimetière étaient garnies de monde. On criait : « Pourquoi ne le pendez-vous pas? brûlez-le, le misérable, le meurtrier! »

15. Paris. Académie royale de musique. re représentation de LA TEMPÊTE, ballet féerie en deux actes de M. Coraly, musique de M. Schneitzhoeffer. Début de mesdemoiselles Fanny et Thérèse Esler. -On sait d'avance tout ce qu'un ballet pouvait prendre au drame de Shakespeare: l'ile enchantée, Miranda, Fernando, la tempête, et tous ces génies si gracieux, si séduisans, que l'imagination du vieux tragique an

glais a peints du pinceau le plus délicat, le plus léger et en même temps le plus riche, mais dont il faut s'attendre à ne retrouver ici que les noms. Avec Miranda et Fernando, le ballet avait les scènes amoureuses dont il ne peut se passer; avec les esprits aériens, le merveilleux qui lui convient le mieux; avec la tempête, le sujet d'un beau spectacle; avec l'ile enchantée, l'occasion d'étaler toutes les magnificences de l'Opéra. Rien de plus éblouissant que le dernier décor du second acte qui représente la demeure des esprits de l'eau; il défie toutes les descriptions des pompes de l'orient: la tempête qui abime le vaisseau de Fernando est aussi belle et terrible. Mais toutes ces merveilles, les danses sans fin, les frais bocages, les admirables palais, une magie étincelante de luxe et d'éclat, tout cela ne faisait pas le plus puissant élément de succès pour le ballet de M. Coraly: c'était surtout par mademoiselle Fanny Esler qu'il devait réussir. Charmante, gra cieuse, hardie, pleine de finesse dans sa coquetterie, d'originalité dans ses séductions, ce ne sont pas des applaudissemens ordinaires, ce sont des cris d'admiration qu'elle a excités.

A quelques jours de lă, mademoiselle Thérèse Esler débutait aussi à l'Opéra et partageait le triomphe de Fanny, les deux sœurs seprêtant un mutuel appui et se faisant remarquer, celle-ci par son élégance et sa vivacité, celle-là par sa danse et encore par les pas d'un effet trèsnouveau et très-piquant qu'elle compose, et dont elles font ressortir ensemble toute l'originalité. Triompher ainsi sur une scène déjà occupée d'une manière si brillante par mademoiselle Taglioni, c'était sans doute le comble du talent; mais aussi pour mademoiselle Taglioni, ne pas descendre de sa réputation, en présence de Fanny et de Thérèse Esler, c'était le comble de la gloire. Au reste, chacune imprime à sa danse un caractère particulier, et toutes trois elles peuvent figurer à côté l'une de l'autre, sans rivalité: à mademoi

Ann. hist. pour 1834. Appendice.

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selle Taglioni la naïveté et l'heureuse mollesse de ses mouvemens; à Fanny Esler la coquetterie gracieuse et piquante, la précision et la légèreté de ses pas; à Thérèse la vigueur et surtout le mérite de faire valoir, d'embellir, de protéger le talent de sa sœur, en l'ornant de sa danse et -de ses attitudes avec une habileté que peuvent seules donner les études chorégraphiques les plus parfaites.

15. Courses de chevaux. — Voici quelles ont été les vitesses progressives obtenues depuis dix années aux courses du Champs-de-Mars. La distance franchie étant constamment de 4,000 mètres :

En 1824, la Sansonnette, appartenant à M...., a mis 5 minutes 16 secondes pour franchir cette dis

tance.

En 1825, la Distribution, à M. Drake, a mis 5 minutes 6 se condes.

En 1826, Odysseus, au duc de Guiche, a mis 5 minutes 13 secondes 2/5.

En 1827, Médéa, au même duc, a mis 5 minutes 5 secondes 4/5.

Et Boneyterus, à lord Seymour, 4 minutes 55 secondes.

En 1828, Zéphir, à M. Crémieux, 5 minutes 3 secondes 2/5.

En 1829, Vesta, à M. Labastide, 5 minutes une seconde 4/5.

En 1830, Malvina, au comte d'Orsay, 5 minutes 4 secondes 1/5. En 1831, Silvio, à M. Goezmann, 15 minutes 6 secondes 2/5

En 1832, Eglé, à lord Seymour, et Félix, à M. Rieussec, 5 minutes 7 secondes 4/5.

En 1833, Paradox, au comte Démidoff, 4 minutes 50 secondes. En 1834, hier, Félix, à M. Rieussec, 4 minutes 50 secondes.

16. Cour d'assises de la Seine. Affaire du National de 1834. M. Alphonse Rouen, assisté de Me Marie, son avocat, est présent; il déclare être âgé de trente-six ans, 'homme de lettres, et l'un des gérans du National.

M. POULTIER, président: Acceptez

vous, comme gérant, la responsabilité de l'article incriminé?

M. ROUEN: Je l'accepte tout entière.

Le greffier donne lecture du réquisitoire de M. le procureur-général pour la poursuite du numéro du 1er septembre, à raison d'un article intitulé: Guerre des partisans de la monarchie sur le terrain de notre acquillement. Le paragraphe particulièrement attaqué est ainsi conçu :

« Nous acceptons donc tout ce que les journaux ministériels nous attribuent d'intentions contre la monarchie qu'ils appellent représentative. Nous ne nous sommes pas déclarés rẻpublicains pour traiter avec le principe monarchique, espérer en son amélioration et compter sur sa durée. Nous ne jouons pas une misérable comédie dont les tréteaux et l'intrigue sont usés, et les acteurs sifflés depuis long-temps. Nous ne voulons de la monarchie, ni dans l'application, ni dans le principe. Quant aux moyens de la renverser, nous plaçons en première ligne celui de la discussion, parce qu'il est de tous les jours, de tous les instans, et que c'est un droit acquis après longues contestations. S'il en est d'autres plus prompts et plus expéditifs, ils ne sont pas dans nos mains; il ne nous appartient ni de les provoquer, ni de les diriger. 'La presse n'a jamais fait seule les insurrections et les révolutions; la presse a rainé le pouvoir, elle l'a poussé à l'accomplissement de ses tristes destinées, elle l'a livré, désarmé, au châtiment public. Ce role, nous l'acceptons sans hésiter, nous l'avons joué avec assez de succès pour n'être pas embarrassés de le soutenir. Ainsi donc, pour nous, que la monarchie soit despotique, semiconstitutionnelle ou tout à fait constitutionnelle, elle n'en est pas moins un principe ennemi, que nous attaquons sous toutes ses formes, que nous poursuivons dans toutes ses modifications. Nous l'avons dit assez souvent, pour qu'il fût peut-être inutile de le répéter; mais il nous importe d'expliquer notre situation dans toute cette affaire, et de ré

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